André Savoret |
SAVORET Qu'est ce que l'Alchimie ? *
QU'EST-CE QUE L'ALCHIMIE ?
André Savoret
1947
I. - De Quelques Méprises
Pour le commun des mortels, comme sans doute pour certains
alchimistes (ou se croyant tels), l'alchimie est essentiellement « l'art de
faire de l'or ». L'unique différence entre ceux-ci et ceux-là, c'est que les
premiers tiennent un tel art pour chimérique alors que les seconds en affirment
la réalité.
Quant aux profanes «éclairés», voire aux gens de science,
leur appréciation est plus nuancée. S'ils supposent, en général, que la chimie
a fait prompte et roide justice des recettes bizarres ou fallacieuses dont
foisonnent les élucubrations des adeptes, ils concèdent, en revanche, que les
théories scientifiques les plus récentes recoupent sur bien des points les
idées des hermétistes (leurs « rêveries », disait-on encore aux jours, pas si
lointains, de la chimie lavoisienne). Les conceptions d'aujourd'hui sur l'unité
de la matière, sur l'inanité de la notion de corps « simples », sur la
possibilité d'en opérer la transmutation, sur l'analogie universelle (l'atome,
disent les savants, est un petit système solaire), etc., sont un involontaire
hommage rendu aux hermétistes qui, de tous temps, n'ont jamais dit autre chose.
Peut-être, avant de condamner en bloc des opérations et
manipulations apparemment défectueuses, les savants en place feraient-ils bien
de se demander comment ces fols d'alchimistes ont pu tirer des principes aussi
justes d'expériences aussi fallacieuses, alors que la chimie, depuis Scheele et
Lavoisier, partant d'expériences rigoureuses, a dû brûler plus d'une fois ce
qu'elle adorait la veille ?
Inutile d'entamer ici des controverses superflues.
Au surplus, l'alchimie - vraie - n'a nul besoin d'aller
quémander quelque justification que ce soit chez les tenants de la moderne
physico-chimie.
Bien au contraire ! Car c'est peut-être pour avoir succombé
à cette manie d'approbativité, pour avoir cédé au chimérique espoir de
convertir quelques profanes aux convictions des fils d'Hermès que, de
concessions en abandons, la plupart des hermétistes ont fini par se cantonner
au seul domaine de la transmutation métallique, surtout depuis deux ou trois
siècles - du moins dans leurs écrits publics.
Et l'impression que l'alchimie n'est rien de plus qu'une
sorte de mauvaise chimie, compliquée d'idées biscornues et de prétentions
extravagantes, est bien celle que doit éprouver le profane en les lisant sans
préparation.
Or, ce qui devait arriver arriva. Quelques chimistes,
séduits par la largeur des vues philosophiques des disciples d'Hermès et
impressionnés par leur unanimité doctrinale, ont cru de bonne foi qu'il
suffirait de « rajeunir » une terminologie désuète, de transposer en termes de
chimie moderne des manipulations décrites à demi-mot et de faire abstraction de
la partie « mystique » de la doctrine pour réconcilier les inconciliables. Mais
leurs efforts, en porte-à-faux, n'aboutirent qu'à créer un monstre hybride,
baptisé « hyperchimie » et dont - à juste titre - ni chimistes ni alchimistes
ne se soucièrent d'endosser la paternité, nul n'y reconnaissant plus les siens
!
Les hyperchimistes, dont François Jollivet-Castelot fut le
type le plus représentatif (1), restèrent à une ou deux exceptions près
(Delobel, par exemple) des « souffleurs » patients et tenaces autant que mal
inspirés et malchanceux.
Précédent à méditer...
II. - La vivante Alchimie
Certes, la transmutation des métaux par voie alchimique est
- toute théorie mise de côté - un fait sur lequel il est difficile d'ergoter.
Et le seul livre du très officiel Louis Figuier, L'Alchimie et les Alchimistes,
mentionne deux ou trois exemples de transmutations par projection (dont celle
du savant Van Helmont, adversaire déclaré de l'Alchimie, offre toutes les
circonstances de contrôle et d'impartialité souhaitables), dont une seule
suffirait à prouver la réalité de l'art transmutatoire et l'avance considérable
prise par les hermétistes sur MM. les physico-chimistes, nonobstant leur manque
de fours électriques et de cyclotrons.
Mais la partie n'est pas le tout et si l'Alchimie n'était
qu'une sorte de chimie transcendante ou de métallurgie secrète, nous ne
pourrions l'estimer au point de rompre une lance en sa faveur.
Si l'or et les passions qu'il suscite, l'or et les maux
qu'il provoque, l'or et les crimes qui lui font cortège avait été l'unique ou
le principal but poursuivi par les alchimistes, si son éclat fascinateur avait
été l'unique lumière de leur âme, nous ne pourrions que les plaindre et tenir à
bon droit pour folie leur prétendue sagesse.
Mais en est-il vraiment ainsi ?
Si nous lisons de véritables initiés à la science d'Hermès,
tels que Khunrath, Jacob Böhme, d'Eckhartshausen, Grillot de Givry ou
l'admirable auteur de l'Hortulus Sacer, nous finissons par nous apercevoir que
tout en discourant aussi de l'OEuvre métallique, ils parlent surtout d'autre
chose.
Qu'est-ce à dire ?
Exposons-le comme nous l'avons compris, sans prétendre avoir
tout compris.
L'Alchimie vraie, l'Alchimie traditionnelle, est la
connaissance des lois de la vie dans l'homme et dans la nature et la
reconstitution du processus par lequel cette vie, adultérée ici-bas par la
chute adamique (2) a perdu et peut recouvrer sa pureté, sa splendeur, sa
plénitude et ses prérogatives primordiales : Ce qui, dans l'homme moral
s'appelle rédemption ou régénération (3) ; réincrudation dans l'homme physique
; purification et perfection dans la nature, enfin, dans le règne minéral
proprement dit : quintessenciation et transmutation.
Son domaine embrasse donc tout le créé (4) et, pour
l'humanité militante, toute la portion du créé qu'elle a entraînée avec elle
dans sa déchéance et qui doit ressusciter avec elle et par elle, telle qu'elle
fut avant la Transgression.
Quoique son domaine le plus central soit le plan spirituel,
l'Alchimie connaît cent applications plus ou moins contingentes, à tous les
degrés et sous tous les aspects de la vie.
Il existe donc une alchimie intellectuelle, une Alchimie
morale, une sociale, une physiologique, une astrale, une animale, une végétale,
une minérale, et bien d'autres encore. Mais l'Alchimie spirituelle demeure le
modèle, la clé et la raison des autres. Et, conformément à l'énoncé d’Hermès
dans la fameuse Table d'Emeraude, la connaissance d'une quelconque de ces
adaptations (5) découvre implicitement celle de toutes les autres. L'univers
est un et cette unité est le sceau de la Vérité.
Or le suprême Grand-OEuvre, le seul qui se puisse appeler sans
outrance « la Voie de l'Absolu », c'est la réintégration de l'homme dans sa
dignité primordiale (6) selon un processus rarement réalisé ici-bas (mais non
irréalisable), processus que les anciens appelaient, croyons-nous, « l'OEuvre
du Phénix » et qu'on peut lire, ici et là, entre les lignes de certains
passages de la Bible, des Evangiles, de l'Apocalypse et de quelques ouvrages,
rosicruciens ou autres, dont plus d'un ne semble pas traiter, à première vue,
de ce qu'on entend vulgairement par « alchimie ».
Et cet Oeuvre-là n'est ni du goût, ni dans les cordes des
amateurs de « petits particuliers », des collectionneurs de recettes bonnes
seulement à torturer inutilement les métaux, des fabricants d'homoncules, des
distillateurs d'herbes, de sang, de moelle ou de sperme, ni de ceux qui ne
rêvent de longévité corporelle que dans l'espoir misérable de rééditer les
folies et les désordres d'une jeunesse tumultueuse !
Il est même, assez probablement, hors de la portée de plus
d'un adepte admiré comme tel pour sa réussite, réelle ou supposée, dans le
domaine de l'Alchimie métallique.
Car cette science (à tous les degrés de sa réalisation, y
inclus la Pierre transmutatoire) est science de vie, science vive, science
vivante à jamais - et science des Vivants (7). Et seuls les « Vivants » peuvent
la pratiquer intégralement sans mensonge et sans dommage (8).
Telle est l'origine des malheurs qui ont émaillé, et parfois
clos, l'existence de pas mal de faiseurs d'or qui n'étaient, hélas, rien de
plus que des « faiseurs d’or » - sans parler de ceux qui ne furent que des «
voleurs d'or » (9).
Il n'y a que celui qui a régénéré, avec l'assistance
d'En-Haut, ses propres métaux microcosmiques et les a dépouillés de la lèpre
des sept péchés qui peut de plein droit, de droit divin, régénérer à son gré
les métaux physiques. Celui-là n'agit qu'à bon escient, dans la Lumière du
Verbe (10).
Les autres - qui n'en sont pas là - ou bien font du Grand-Oeuvre
une simple opération magique (car l'on peut réaliser des transmutations
apparentes par voie magique, mais ceci n'a rien à voir avec l'Alchimie) ou bien
ont vu leurs efforts, leurs souffrances, leurs travaux, leur persévérance et
leur charité couronnés d'or - physique - par la bonté du Ciel toujours indulgent
envers les débutants de bon vouloir ; ou bien encore ont eu pour toute sagesse
l'art d'écouter aux portes et d'espionner par le trou des serrures (11).
Ceux-là, s'il en est qui aient réussi, se sont forgé avec leur or maudit une
chaîne plus lourde que celle de bien des criminels de droit commun.
Il a été fait mention, quelques lignes plus haut, d'une
catégorie de chercheurs, parfois heureux, qui représentent, pensons-nous,
l'honnête moyenne des hermétistes. Ceux-là en sont, intérieurement, aux préliminaires
de l'Oeuvre du Phénix. Le Ciel (eu égard à leur bonne volonté et aux
difficultés du début de la Voie) les inspire soit directement par une
révélation intérieure, soit indirectement en les orientant vers un véritable
Maître, leur permet d'accéder aux connaissances adéquates à telle partie de la
science et met à leur portée les moyens de réalisation. Ceux-là ont aussi
mandat d'agir, mais dans certaines limites et sous certaines conditions (dont
le désintéressement, la patience dans les épreuves, la charité et l'humilité
sont le plus universellement requises).
Mais ce droit est une grâce spéciale, par laquelle le Ciel
escompte leur bonne volonté et fait crédit à leurs mérites.
III. - De l'Oeuvre mystique et de l'Oeuvre physique
En résumé, l'homme régénéré est la pierre philosophale de la
nature déchue, de même que l'homme non régénéré est la materia bruta de ce
Grand-Oeuvre dont le Verbe divin est l'Alchimiste et l'Esprit Saint le feu
secret : il y a deux Voies dans l'Oeuvre, mais il n'y a qu'un Agent : l'Amour !
Et tous les vrais hermétistes chrétiens (12) - non les souffleurs - sont
unanimes sur ce point (13) comme sur celui de la subordination de l'Oeuvre
physique à l'Oeuvre mystique (14).
Quant à l'homme « physique », son Grand-Oeuvre est sa
transformation en « corps glorieux », en corps régénéré et incorruptible(15).
Et cette transformation (d'une absolue rareté) n'est possible que parce qu'il
n'en diffère que du fait de cet accident, de cet obscurcissement que la
tradition chrétienne nomme la Chute. Le corps glorieux, c'est le corps de
l'homme tel qu'il était avant la Chute (et ceci touche à un des aspects de la «
résurrection de la chair ») ; le corps physique, c'est le corps glorieux tel
que l'a transformé la Chute, rendu corruptible par les impuretés hétérogènes de
tous les lieux traversés par lui lors de sa descente ici-bas (impuretés dont la
racine est le « gluten » ou matière du péché dont parle à diverses reprises ce
véritable alchimiste que fut d'Eckhartshausen).
Comme dans l'interne des métaux, il y a dans l'interne de
l'homme une certaine « terre vierge », que les Aphorismes Basiliens nomment
avec Paracelse le « limbe du grand et du petit monde » et que doit dégager des
« immondices de la terre » et revivifier un « esprit tant du grand que du petit
monde », pour suivre la même terminologie. Comme le dit Jacob (Révélation
alchimique) : « La fin du grand oeuvre est (pour l'adepte) de se débarrasser
quand il voudra de la chair corruptible sans passer par la mort ».
Et saint Paul ne nous dit-il pas que ce qui est semé
corruptible est fait pour renaître incorruptible ? Non pour être « détruit »
mais pour être « transfiguré ». Et ceci vaut universellement.
Le Grand-Oeuvre physique et le Grand-Oeuvre mystique sont
analogues mais point identiques. Avoir réalisé le dernier c'est pouvoir
réaliser souverainement le premier ; avoir réalisé le premier, c'est savoir
quel chemin peut conduire à la réalisation du dernier mais ce n'est pas
forcément avoir parcouru ce chemin. La nuance est de première importance.
IV. - Méthode Alchimique et Méthodes Profanes
Puisque nous parlons du Grand-Oeuvre, profitons-en pour
revenir sur un point capital, déjà effleuré, c'est-à-dire sur l'abîme qui le
sépare des essais de transmutation par voie physico-chimique, essais auxquels
la dissociation atomique donne un regain d'actualité.
Tout d'abord, remarquons à quels frais, avec quel gaspillage
d'énergie, dans quels laboratoires titanesques (que nulle fortune privée ne
pourrait s'offrir le luxe de financer) opèrent, en rangs serrés, nos modernes
Faust. Cela pour aboutir d'ailleurs à des « transmutations » de l'ordre de un
dix-millionième de gramme.
C'est la montagne qui enfante d'une souris !...
En regard, le Grand-Oeuvre physique ne nécessite que
quelques corps assez répandus, un peu de charbon, deux ou trois vases très simples,
aucune des sources d'énergie que consomme, en véritable ogresse, la science
actuelle et peut être accompli en entier par un seul homme avec patience et
longueur de temps. Ceci pour obtenir des transmutations éventuellement
massives.
Autre chose. La science d'aujourdíhui, dans sa furie de
disséquer la matière aboutit, somme toute, à faire exploser l'atome en le
désintégrant brutalement. Cet aboutissement lui interdit évidemment tout
nouveau pas en avant dans la connaissance des choses, du moins par cette voie.
Pour faire une comparaison grossière et regrettablement irrévérencieuse, nous
ne voyons pas une bien fondamentale différence entre le geste du savant qui met
l'atome en charpie afin de le mieux connaître et le geste de l'enfant qui brise
un jouet mécanique dans le naïf espoir de « savoir ce qu'il a dans le ventre »,
comme on dit ! Seulement, le premier jeu s'avère infiniment plus dangereux que
le second...
Et, en dépit d'une terminologie barbare qui s'allonge tous
les jours, où les ions, les électrons, les protons, les neutrons, les deutons
et autres ingrédients de la cuisine nucléaire jouent un rôle impressionnant, la
matière demeure « terre inconnue ».
Comme si l'on pouvait, d'ailleurs, expliquer la matière par
la matière ? ...
Aussi, le bombardement atomique n'a pas fait exploser que
l'atome. Il a mis en pièces du même coup tout l'édifice scientifique moderne.
Et c'est au seuil de nos super-laboratoires qu'on pourrait graver la phrase
fameuse : « Vous qui entrez ici, laissez toute espérance ? »
Et ceux qui y entrent - les « initiés » tout au moins - ont
en effet peu d’illusions quant à la valeur philosophique et métaphysique (16)
de leurs recherches. Et sans doute également quant à leur contribution au
bonheur de l'humanité...
Puisque nous parlons de désintégration atomique, rappelons
un petit fait qui pourrait nous rendre enclins à quelque modestie.
Lors de certaines expériences métapsychiques on a vu des
objets matériels - une bague en or, par exemple - dématérialisés sous les yeux
des spectateurs, sans bruit ni explosion gigantesque, ni cyclotron. Puis on les
a vus se rematérialiser quelques minutes plus tard, sans altération de poids,
de substance ou de forme.
C'est que, dans la désintégration de la chimie nucléaire,
les seuls éléments mis en oeuvre sont des forces physiques, matérielles, et des
agrégats de matière physique. Le résultat ne peut donc être qu'un changement
d'équilibre matériel entre les dits éléments, quel que soit le degré de
subtilité qu'on accorde à certains d'entre eux. Il ne s'agit toujours que de la
matière en action sur de la matière, sous cette même modalìté qui constitue la
forme du monde où nous passons en tant que matériellement vivants. La vie et la
matière, en tant que revêtues d'autres états - parfaitement inaccessibles aux
investigations de la physico-chimie moderne - interviennent dans la
désintégration métapsychique ci-dessus relatée, comme dans tout travail
hermétique normal.
Non, cent fois non, la voie royale de l'hermétisme ne passe
pas et ne passera jamais par les laboratoires de la science officielle,
luciférienne dans ses principes et dans son inspiration, comme aussi dans ses
résultats humains.
Et la possession de cette science extérieure, n'est pas
faite pour favoriser l'accès du sanctuaire alchimique, au contraire. Notre ami
regretté Auriger (qui joignait à ses connaissances hermétiques celles de
l'ingénieur-chimiste et était donc bien placé pour juger) nous écrivait peu
avant sa mort : « L'Alchimie est évidemment soeur de la mystique, il suffit de
lire Jacob Böhme pour s'en convaincre, et c'est dans ce sens que j'ai répondu
ces jours-ci à votre ami N.., qui m'avait écrit. Il s'excusait presque
d'ignorer la chimie ; c'est au contraire un atout dans son jeu et il ne
risquera pas d'avoir l'esprit faussé par les théories modernes sur la
constitution de la matière. La chimie, telle que nous la concevons à l'époque
actuelle, peut sans doute jouer un rôle utile en biologie et parfois en
thérapeutique, mais quant au reste je lui dénie tout intérêt. Son rôle pendant
l'accomplissement du Grand-Oeuvre ne vaut guère plus que celui de la chaisière
pendant le Saint Sacrifice de la Messe ! Je crois que sa connaissance constitue
plutôt un obstacle à la perception claire des buts et des méthodes de
l'alchimie. »
Tout commentaire affaiblirait la portée de cette opinion
particulièrement autorisée.
V. - Simples aperçus
sur le Grand-Oeuvre
En résumé, dans l'oeuvre métallique, l'artiste utilise comme
agent - et c'est par là qu'il se différencie le plus profondément du chimiste -
une énergie vivante et universelle qu'il n'est pas utile de préciser pour
l'instant. Comme substrat, il se sert d'une substance purifiée, ranimée par
cette énergie universelle et portée progressivement par lui au degré requis
pour opérer la transmutation ou réincruder le composé humain.
Dans l'Oeuvre spirituel, même processus : purification,
simplification, descente de l'Esprit (non plus universel ou cosmique mais
divin). Ce qui constitue le véritable et définitif « baptême de feu » dont
parlait saint Jean-Baptiste et que le Verbe de Dieu peut seul conférer.
Non seulement la description de l'oeuvre physique s'adapte
strictement aux phases de l'OEuvre spirituel, mais il est possible de tirer
d'une description de l'Oeuvre spirituel une adaptation parfaite à l'oeuvre
physique (pourvu qu’on ait de l'un ou de l'autre un peu plus qu'une
connaissance simplement livresque et superficielle).
La première partie de l'Apocalypse de Jean s'adresse « aux
Sept Eglises qui sont en Asie » et promettent au « vainqueur », entre autres
récompenses, « les fruits de l'Arbre de Vie », « la Manne cachée et le caillou
blanc où est écrit un nom nouveau », « l'Etoile du Matin », etc., autant de
symboles voilant des réalités qui, pour être « spirituelles » n'en sont pas
moins précises et fort peu nuageuses.
Or, fait digne de méditation, tout ceci a ses palpables
correspondances dans l'Alchimie élémentaire, où l'oeuvrant s'adresse « aux sept
métaux qui sont en la terre » et où le « vainqueur du dragon » doit aussi
trouver successivement l'arbre de vie (qui pourrait être le Mercure des Sages),
la manne cachée, l'étoile du matin, et ainsi de suite.
Ceux qui sont familiarisés avec l'hermétisme comprendront parfaitement
ce dont il s'agit et nous sauront gré d'en remettre l'interprétation à des
temps meilleurs.
Quant aux autres, nous ne leur conseillons nullement de se
livrer aux difficiles travaux de l'Oeuvre, s'ils ne se sentent intérieurement
appelés. C'est ici le lieu de citer l'avertissement qui clôt la lettre
d'invitation aux Noces Chymiques, de Valentin Andreae :
Examine-toi toi-même.
Si tu
ne t'es pas purifié assidûment
Les
Noces te feront dommage.
Malheur á qui s'attarde là-bas.
Que
celui qui est trop léger s'abstienne.
Avertissement qui rappelle, non fortuitement, l'épisode
évangélique du convive qui n'avait pas revêtu son habit de noces et qui est
rejeté « dans les ténèbres extérieures où il y aura des pleurs et des
grincements de dents » (17) (Matthieu XXII).
Tout ce qui peut être dit sur la partie matérielle de l'Oeuvre
l'a été par les vrais adeptes, aussi complètement que possible. Ils ont
seulement réservé ou décrit par énigmes les travaux préparatoires, leur feu
vivant et le nom de la matière brute d'où proviendra la pierre des philosophes.
Ceux qui se sentent l'inspiration de travailler dans cette voie doivent
s'adresser à eux et non à nous. Il nous suffira de leur donner quelques
conseils très simples ou plutôt de les leur rappeler :
1° La vie minérale
n'est pas une figure de rhétorique ; le minéral a sa fleur, son fruit, son
temps de maturité.
2° Les opérations
alchimiques sont - matériellement - simples. Parfois d'autant plus simples que
leur description se fait plus compliquée.
3° Les conditions de
temps et de température jouent un rôle capital. Comme les « vitamines » des
aliments, les ferments métalliques se détruisent si la température dépasse le
régime de cuisson requis.
4° Que l'inquisiteur
de science se défie des petites recettes, qui traînent dans tant de bouquins :
la Voie de l'Universel est universelle.
Ce n'est pas que de telles recettes soient sans
enseignement, mais elles ne valent que rapportées à la recherche de la voie,
comme sujets de réflexions sur la marche de la nature et le sens de ses
opérations.
5° Comme le dit Jacob, l'artiste doit préparer lui-même ses
instruments de travail et purifier lui-même - précautionneusement - ses
matières.
6° Une seule matière
est la vraie matière. Une autre cependant est matière adjuvante. C'est là le
noeud d'un problème délicat à résoudre et impossible à éluder.
7° L'alchimiste n'est
pas un magiste. Et le feu qu'il emploie pour son oeuvre n'est pas, malgré
l'opinion de certains modernes, son propre « astral ». C'est cependant un feu «
astral » si on l'envisage à un certain point de vue. Rien d'alchimique ne se
fait sans lui, rien de chimique ne se fait avec lui. Connaître ce feu est aussi
nécessaire avant de rien entreprendre que connaître ou soupçonner quelle est la
matière.
8° Ne pas
s'hypnotiser sur des questions de terminologie. Sous les étiquettes des termes
de l'art se cachent des réalités fixes. Si certains ont changé les étiquettes,
les réalités qu'ils désignent sont toujours semblables à elles-mêmes et c'est
leur connaissance qui importe. Dans sa Révélation alchimique, concise mais
assez explicite, Jacob dit (§§ 15 et Ì6) : « Toutes choses ont trois principes
: le soufre, le sel, le mercure des sages. Tous trois forment l'Azoth vivant
qui est le quatrième principe. Ces trois principes sont extraits de la matière
première par l'Azoth des Sages. Cet Azoth est attiré des cieux par la glaise
rouge, appelée Adama, là où la rosée est neutralisée par les vapeurs
souterraines. » C'est un bel exemple de piège terminologique !
Eventer ce piège porte en soi sa précieuse récompense.
9° Il y a deux voies : la voie sèche ou voie abrégée, et la
voie humide. La plus longue n'est pas moins riche en enseignements que la plus
courte. La plupart des auteurs les mélangent assez inextricablement.
10° Dans la véritable Alchimie des Rose-Croix, un axiome
doit être médité soigneusement : « Le grand Arcane est un esprit céleste
descendant du soleil, de la lune et des étoiles, qui est rendu parfait dans
l'objet saturnin par une cuisson continuelle jusqu'à ce qu'il ait atteint le
degré de sublimation et la puissance nécessaire pour transformer les métaux
vils en or. Cette opération s'accomplit au moyen du feu hermétique. La
séparation du subtil et du grossier doit se faire avec soin, en ajoutant
continuellement de l'eau ; car plus les matériaux sont terrestres, plus ils
doivent être dilués pour être rendus mobiles. Continuez ce procédé jusqu'à ce
que l'âme séparée soit réunie de nouveau au corps. »
Tout le processus est donc de séparer et de rassembler :
corporiser l'esprit et spiritualiser le corps, ce, l'un par l'autre. Et
l'Alchimie spirituelle procède de la même méthode. C'est pourquoi Jésus nous
dit d'élever notre âme vers Dieu par la prière et de la réincorporer derechef
par l'exercice de la charité, afin que nous devenions « un », comme il est « un
» avec le Père.
11° La théorie
précède la pratique et l'accompagne. La pratique ne supplée point à la théorie
mais la démontre ou la condamne. Qui pratique sans une connaissance suffisante
des principes et des méthodes risque fort de mourir dans la peau d'un
souffleur. L'analyse spagyrique des métaux - comme par exemple la donne Roger
Bacon - les notions essentielles de soufre, de sel, de mercure, de feu, et
ainsi de suite doivent être étudiées et méditées avec assiduité, jusqu'à
compréhension suffisante, avant tout travail vraiment utile.
12° Observez la
nature !... Conseil souvent donné et rarement suivi. De même que celui-ci qui
lui est analogue : L'art doit commencer son oeuvre au point où la nature laisse
la sienne. IÌ faut donc ouvrir ses yeux et regarder autour de soi. La terre
enseigne quelque chose. La voûte étoilée aussi... Quel bon alchimiste pourrait
faire un jardinier intelligent et pieux !
13° Les herbiers
n'apprennent rien. Les métaux morts non plus. Une mine, fut-elle abandonnée,
vaut dix laboratoires ; une promenade en forêt est parfois plus profitable à
l'intellect et à l'âme que dix salles de musée. ll y a aussi une Alchimie
esthétique : comment un beau clair de lune, une aurore roséeuse profitent à
l'esprit et au cerveau sont un grave sujet de méditation !
14° L'oeuvre
métallique et les préparations spagyriques ont quelque analogie dans certaines
opérations (en particulier dans le processus de la voie humide). Il y a
toutefois des différences irréductibles entre ces deux sortes de travaux. Celui
qui s'exerce à comprendre et à manipuler spagyriquement, comme préface ou
préparation à ses travaux sur les métaux n'a pas tort, mais à la condition de
se souvenir que tirer la quintessence d'un mixte est chose différente de tirer
l'Elixir de la matière. C'est tout au plus une moitié de l'Oeuvre.
15° Evitez-vous des
complications superflues et des dangers possibles en laissant au mercure
vulgaire son emploi le plus utile, qui est, sans conteste, de remplir la boule
des thermomètres.
16° Travailler sur le
vrai sujet et de la juste façon entraîne à un certain moment des dangers signalés,
plus ou moins ouvertement, par les auteurs sérieux. Sachez que les
connaissances les plus étendues en chimie ordinaire ne vous permettent pas de
les prévoir et d'y parer. Fiez-vous plutôt à l'aide et à l'inspiration du Ciel
: Orare et Laborare !
17° Etudiez les vieux
auteurs et n'acceptez pas sans réserve les propos des spagyristes des
dix-septième et dix-huitième siécles. Lisez et relisez sans découragement et
avec simplicité. N'étudiez pas un hermétiste médiéval avec une mentalité de
scientiste du vingtième siècle. Souvenez-vous parfois qu'on peut être d'autant
plus hyperbolique qu'on serre de plus près la réalité opératoire.
18° Négligez les
fantaisies des occultistes modernes : Ni « l'électricité magnétisée» d'Eliphas
Lévi, ni la « pile électrique» de Stanislas de Guaita, ni la « Volonté du Mage
» de Jollivet-Castelot première manière, ne provoqueront jamais la moindre
transmutation alchimique.
19° Les grandes
époques de foi - et d'art - furent les époques bénies de l'Alchimie. Les
époques de scepticisme marquèrent son déclin. Etre alchimiste, c'est avoir la
foi !
20° La Voie est
étroite qui mène à la Vie ; étroite et pierreuse. Les chemins spacieux et
faciles ne manquent pas pour ceux qui craignent de se blesser les pieds ou qui
rêvent de faire fortune rapidement !... Le corps a faim de repos ; l'âme a soif
d'épreuves. Nul n'a jamais cueilli la « rose des neiges » sans se blesser
d'abord à ses épines. Comme les débuts de l'oeuvre physique, les débuts de l'Oeuvre
spirituel sont « travaux d'Hercule », mais, comme son Mercure, l'alchimiste
acquiert des forces en marchant.
21° Qui veut la
Lumière, doit la demander d'abord à Dieu, le Père des Lumières. Qui veut
parcourir la voie doit suivre Celui qui est La Voie. Vivre selon la vérité
qu'on connaît, c'est faire descendre en soi un peu de la vérité qu'on ignore.
22° Que l'Esprit
divin s'incarne dans les doubles eaux pour les glorifier, voilà tout le
programme de l'Oeuvre : Ignis et Azoth tibi sufficiunt, disent les Adeptes.
Trouve d'abord en toi cette eau, dégage-la des superfluités et des ténèbres
infernales, c'est là le travail préparatoire du véritable Grand-Oeuvre. Quand
cette purification qui t'incombe sera terminée, l'Esprit descendra. Mais ceci
ne t'incombe pas. C'est Dieu qui choisira son heure. Tel est le vrai Grand-Oeuvre,
par lequel ton nom sera écrit dans le Livre de Vie. L'autre, le Grand-Oeuvre
physique, te sera donné par surcroît.
Les quelques remarques qui précèdent pourront, croyons-nous,
rendre de menus services à ceux qui se croiraient « appelés ». Il ne dépend que
de Dieu et d'eux qu'ils soient un jour « élus ». Nous n'avons pas voulu faire
de ces quelques pages un « cours d'Hermétisme ».
Nous espérons avoir montré ce qu'est l'Alchimie véritable,
dégagée de ses contrefaçons.
Au lecteur de juger si nous n'avons pas été trop
présomptueux.
NOTES
1. « M. Jollivet-Castelot dont j'admire la persévérance ...,
me permettra sans doute une remarque sur le qualificatif d'alchimiques qu'il
donne à ses expériences :
... Par les matériaux mis en oeuvre et les procèdes
employés, elles ressortissent au domaine de la chimie pure et simple. Si elles
étaient alchimiques au vrai sens du mot, il n'y aurait point, au moins à ma
connaissance, de professeur en Sorbonne, quelle que soit son érudition, capable
de les contrôler. D'ailleurs M. Jollivet.Castelot réclame uniquement le
contrôle des chimistes, c'est donc que les transmutations qu'il affirme obtenir
sont effectuées par voie chimique sans plus.» Auriger, « l'Alchimie devant la
Science » (Revue Le Voile d'Isis, n° 84, 1926).
2. « La vraie science
royale et sacerdotale est la science de la régénération, ou la science de la
réunion de l'homme tombé avec Dieu. » D'Eckhartshausen (Nuée sur le
Sanctuaire).
3. « Il n'y a pas de
différence entre la naissance éternelle, la réintégration et la découverte de
la Pierre philosophale. Tout étant sorti de l'éternité, tout doit y retourner
d'une même façon. » Jacob Böhme (De Signatura Rerum).
4. « En traitant du Soufre, du Mercure et du Sel, je
n'entends parler que d'une chose unique, spirituelle ou corporelle; toutes les
créatures sont cette chose unique ; mais les propriétés la différencient. Quand
je parle d'un homme, d'un animal, d'une plante ou d'un être quelconque, tout
cela est la même chose unique. Tout ce qui est corporel est une même essence,
plantes, arbres et animaux; mais chacun diffère selon qu'au commencement le
Verbe fiat y a imprimé une qualité. » J. Böhme (De Signatura Rerum).
5. Toute la Table d'Emeraude est bien, ainsi qu'il y est
écrit, la base de la doctrine de l'unité, des analogies universelles et des
correspondances entre toutes les parties de la création, comme entre la
création et le Créateur, entre l'oeuvrant et son oeuvre. Ce qui est en haut est
comme ce qui est en bas, comme le chercheur sagace doit le constater en portant
ses regards des choses terrestres sur les célestes et vice versa. (N'est-ce pas
ainsi que le Sage Fo-Hi est dit avoir créé les caractères sacrés?) S'il sait
séparer le subtil de l'épais, contempler spirituellement les choses spirituelles
et observer physiquement les choses matérielles, « avec délicatesse et
prudence», il découvrira, en lui et hors lui, le Soleil et la Lune hermétiques,
Aourim et Thumim, et la terre vierge qui est leur matrice.
6. «Tu es la matière même du Grand-Oeuvre»... «La noblesse
de l'Oeuvre requiert la noblesse de l'oeuvrant»... Grillot de Givry (Le Grand-Oeuvre).
7. « Un mort n'en
réveille point un autre. il faut que l'Artiste vive, s'il veut dire à la
Montagne: Lève-toi et te jette dans la mer. » Böhme (De Signatura Rerum).
8. « J'avertis le
chercheur, s'il veut prendre soin de son salut temporel et éternel, de ne pas
se mettre dans le chemin du procédé terrestre avant de s'être tout d'abord
débarrassé de la malédiction de la mort par le Mercure divin... autrement ses
travaux seront vains et sa science inutile. » Böhme (I cit.).
« L'alchimie ne peut être pratiquée sans danger que par ceux
qui sont protégés par la Puissance divine et que Dieu autorise à se servir de
la pierre philosophale. Les autres en deviennent fous ou malheureux. » Jacob
(Révélation alchimique).
9. «Vous qui aspirez
à l'accomplissement du grand oeuvre, soyez grands et simples comme Elisée. Ce
que vous voulez, c'est une royauté et non un brigandage. Vous devez quérir et
non usurper la richesse. » Asch Mezareph.
10. « Le but du sage est de faire servir les avantages qu'il
acquiert et l'influence qu'il exerce sur les autres hommes à les gagner à
Jésus-Christ leur Rédempteur, et à les rendre heureux. C'est là le vrai grand
oeuvre éternel. » Jacob (I. cit.).
11. « Il doit
toujours y avoir à la porte du laboratoire une sentinelle armée d'un glaive
flamboyant pour examiner tous les visiteurs et renvoyer ceux qui ne sont pas
dignes d'être admis. » Madathanus.
12. L'aspect spécial
du Verbe pour les traditions autres que chrétienne engendre la Voie spéciale qui
convient à chacune et non aux autres. Le plus court chemin - sauf cas
extraordinaires - est toujours celui de la tradition ancestrale. En matière
initiatique, le « déracinement », le changement de Voie est toujours périlleux
et rarement profitable. Quant au syncrétisme, s'il est un amusement de
théoricien, il est initiatiquement ou impossible ou catastrophique.
13. Voir l'admirable
petit poème de l'Hortulus Sacer, « L'Amour chasseur ».
14. L'oeuvre métallique fait partie de ce que les Rose-Croix
nomment le Parergon ou oeuvre secondaire. Quoiqu'ils n'aient pas indiqué
nommément quel était leur oeuvre principal ou Ergon, tout porte à croire qu'il
s'agit de l'Oeuvre du Phénix ou de la régénération intérieure que Fludd, un de
leurs porte-parole probables, exprime ainsi: «A celui qui possédera le Verbe
proféré de la nue, et s'unira à l'Esprit rutilant de splendeur divine
appartiendra la destinée de Moïse ou d'Elie». Ajoutons que c'est aussi celle
d'Hénoch, que c'est à Hénoch que remonterait la tradition rosicrucienne, et
que, dans ce cas, il s'identifierait spirituellement à Elias artista, génie
protecteur des Rose-Croix.
15. « Dans notre sang, il y a une matière gluante (appelée
gluten) cachée, qui est ... la matière du péché... » « La Régénération n'est
autre chose qu'une dissolution et qu'un dégagement de cette matière impure et
corruptible, qui tient lié notre être immortel et qui tient plongée en un
sommeil de mort la vie des forces actives opprimées... » « La renaissance est
triple : premièrement la renaissance de notre raison ; deuxièmement, celle de
notre coeur ou de notre volonté. Et enfin la renaissance de tout notre être. La
première et la seconde sont appelées la renaissance spirituelle ; et la
troisième la renaissance corporelle. Beaucoup d'hommes pieux et qui cherchaient
Dieu ont été régénérés dans l'esprit et la volonté ; mais peu ont connu la
renaissance corporelle. » D'Eckhartshausen (Nuée sur le sanctuaire).
16. «Quand nous parlons d'un atome, nous avons en vue, selon
le but que nous nous proposons, tantôt le système planétaire de Bohr, tantôt
l'atome matriciel de Heisenberg ; nous savons que c'est celui-ci qui répond le
mieux au comportement prévu de ce que nous avons baptisé atome, mais nous
serions vraiment d'une candeur incurable si nous nous figurions que ce dernier
n'est effectivement rien d'autre qu'un tableau de nombres. Derrière ce tableau
de nombres, il y a quelque chose, de même qu'il y a quelque chose derrière
l'onde-corpuscule de Louis de Broglie. C'est ce quelque chose que nous appelons
réalité. Que peut bien être cette réalité ? Comment pouvons-nous imaginer un
atome en tant que gondolement local de l'espace ?...
Nous savions déjà que les objets que nous manions
journellement... n'étaient que des agglomérations de particules dont les mouvements
rapides étaient décrits au mieux par le mathématicien. Nous devons maintenant
accomplir un dernier pas et nous avouer que cette peinture mathématique
elle-même n'est qu'une image plus ou moins fidèle de l'inconnaissable réalité.
« Oui, nos sept constantes, et ces groupes, et ces matrices,
et tout ce vaste arsenal dont nous avons étalé ici une à une les pièces
compliquées, ne sont que des ombres de quelque chose qui est au-delà de nous et
hors de notre compréhension, parce qu'il est hors de notre espace et de notre
temps. » Pierre Rousseau (La conquête de la Science, pp. 338-339).
17. Toute cette parabole peut s'interpréter alchimiquement,
tant au physique qu'au spirituel.