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Oratoire et Laboratoire
Heinricus Kunrath, Amphitheatrum sapientiae aeternae, 1609
Gravure de Hans Vredemann de Vries |
LA PRIÈRE DE L'ALCHIMISTE
LA PRIÈRE DE NICOLAS
FLAMEL
(Article paru dans la revue Initiation et Science n° 43 de mai-août 1957)
Louis Figuier a écrit un ouvrage d'indéniable intérêt et
fort susceptible de donner, à qui le désire, une idée assez juste de l'alchimie
traditionnelle. Il s'agit de L'Alchimie
et les Alchimistes, qui eut deux éditions et dans lequel l'auteur, sous une
apparente hostilité, voila, non sans humour, sa sympathie pour l'antique
philosophie d'Hermès. C'est ainsi que, docteur ès science en médecine et agrégé
de chimie, Figuier eut à subir, voici un siècle, les reproches de ses confrères
à l'Université. Il y répondit, toujours à double sens, dans sa seconde préface
de 1856, où nous prenons la conclusion qu'il apporta à son travail et que nous
soulignons, comme lui :
« L'état présent de la chimie empêche de considérer comme
impossible le fait de la transmutation des métaux ; il résulte des données scientifiques récemment
acquises et de l'esprit actuel de la chimie que la transformation d'un métal en
un autre pourrait s'exécuter. Mais l'histoire nous montre que jusqu'à ce jour
personne n'a réalisé le phénomène de la transmutation métallique. »
Raisonnement de toute évidence illogique puisque les
prémisses du syllogisme sont en désaccord avec sa dernière proposition. Voilà
pourquoi celle-ci se trouve à peu près démentie par le texte de Figuier qui
consacra plus de la moitié de ses pages à l'histoire des transmutations
célèbres. Cela lui fournit l'occasion de reproduire « la belle prière que l'on
prête à Nicolas Flamel, et qu'il aurait faite pour obtenir l'intelligence des
figures cabalistiques du livre d'Abraham ».
Qui attribua cette invocation au populaire alchimiste de
Paris ? Louis Figuier ne le dit pas et nous n'avons nous-même jamais découvert
la confirmation d'un tel renseignement. Par contre, l'oraison, très orthodoxe,
tout à fait dans la manière de Nicolas Flamel et en parfaite harmonie avec sa
pieuse existence auprès de dame Perennelle, figure dans un traité anonyme qui
est intitulé : Hydrolithus Sophicus seu Aquarium Sapientium ; La
Pierre Aquatique du Philosophe ou l'Aquarium des Sages (1).
(Note de L.A.T. : « La Pierre Aquatique du Philosophe ou
l'Aquarium des Sages » a, depuis, été attribuée à Johann Ambrosius
Siebmacher)
Nous donnons avec le latin à la suite, la traduction de
cette pièce remarquable et que semble illustrer, dans l'Amphithéâtre de l'Eternelle Sagesse, la première planche d'Henri
Khunrath, montrant l'oratoire vis-à-vis des fourneaux en activité.
Dieu tout-puissant, éternel, père de la céleste lumière, de
qui viennent aussi tous les biens et tous les dons parfaits : nous implorons ton
infinie miséricorde, afin que Tu nous permettes de connaître parfaitement ton
éternelle sagesse qui environne ton trône et par laquelle toutes choses ont été
créées et faites, et sont, à présent encore, conduites et conservées. Envoie-la
nous de ton ciel saint et du trône de ta gloire, afin qu'elle soit et travaille
avec nous, puisqu'elle est la maîtresse de tous les arts célestes et occultes
et qu'elle sait et comprend toutes choses. Fais lentement qu'elle nous
accompagne dans toutes nos œuvres, afin que nous obtenions la véritable
intelligence et la pratique infaillible de cet Art très noble, qui est la
pierre miraculeuse des sages, que Tu as cachée au monde et, du moins, que Tu as
coutume de révéler à tes élus. Que, certainement et sans aucune erreur, nous
apprenions l'Œuvre suprême qui, par nous, doit être ici poursuivi sans relâche.
Tout d'abord, que nous l'entreprenions convenablement et bien ; que nous
progressions constamment dans ce travail ; enfin que nous le terminions
bienheureusement et en jouissions avec joie pour toujours, par Jésus-Christ,
cette pierre céleste, angulaire, miraculeuse et fondée de toute éternité, qui,
avec toi, ô Dieu le Père, et l'Esprit-Saint, véritable Dieu, dans une
indissoluble et divine essence, commande et règne, Dieu triple en un, loué
extrêmement dans les siècles sempiternels. Ainsi soit-il.
Omnipotens, æterne Deus, pater cœlestis luminis, a quo etiam
omnia bona et perfecta dona proveniunt : rogamus infinitam tuam misericordiam,
ut nos æternam tuam sapientiam, quæ continuo circa tuum thronum est, et per
quam omnia creata factaque sunt ; atque etiamnum regentur, et conservantur,
recte agnoscere patiaris ; mitte illam nobis de sancto tuo cœlo, et ex throno
tuæ gloriæ, ut una nobiscum sit, et simul laboret, quoniam magistra est omnium
cœlestium occultarumque artium, etiam omnia scit et intelligit. Fac moderate
nos comitetur in omnibus nostris operibus, ut per illius spiritum verum
intellectum, infallibilemque processum Nobilissimæ hujus artis, hoc est,
sapientum miraculosum lapidem, quem mundo occultasti, et saltim electis tuis
revelare soles, certo, et sine ullo errore, discamus, et ita summum opus, quod
heic nobis peragendum est, primum recte, et bene inchoemus, in eo, ejusdemque
labore constanter progrediamur, et tandem etiam beate absolvamus, illoque
æternum cum gaudio fruamur, per cœlestem illum et ab æterno fundatum angularem
miraculosumque lapidem Jesum Christum, qui tecum, ô Deus pater, una cum spiritu
sancto, verus Deus, in una indissolubili divina essentia, imperat et regnat,
triunicus Deus, summe laudatus in sempiterna secula. Amen.
Eugène Canseliet - F. C. H.
(1) In Musæum
Hermeticum, Francofurti, 1677, tome III, pp. 140 et 141. Edition revue et
augmentée, contenant vingt-et-un très excellents traités de chimie ; reformatum
et amplificatum, continens tractatus chimicos XXI præstantissimos.
Voir également : Bibliotheca Chemica Curiosa,..., Jacobi
Mangeti, Coloniæ Allobrogum, 1702, tome II, p. 557. (Colonia Allobrogum est un
des noms latins de la ville de Genève. Cf. Cæsar, de Bel. Gal., I, 6. Le
deuxième volume de Jacques Manget porte d'ailleurs Genevæ).
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La Pierre Aquatique du Philosophe ou l'Aquarium des Sages, page 140 |
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La Pierre Aquatique du Philosophe ou l'Aquarium des Sages, page 141 |