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ANONYME Préceptes et instructions d'Abraham à son fils.
PRÉCEPTES ET INSTRUCTIONS DU PÈRE ABRAHAM À SON FILS CONTENANT LA VRAIE SAGESSE HERMÉTIQUE
Bibliothèque des Philosophes Chimiques
1741
Traduit de l’arabe Omnia mecum. Nosce te ipsum (1).
1. Mon cher fils, comme le dernier sort de la vie militante de tous les hommes est la mort, dans l’espérance que leurs corps, réduits en pourriture et en cendres, doivent un jour reprendre une nouvelle vie glorieuse et immortelle, je te veux renouveler cette idée et te convaincre de la vérité que notre grand Dieu nous a transmise par notre grand législateur, pour trouver sur terre l’anticipation de cette vie triomphante. Cette anticipation se trouve dans la sagesse ; qui l’aime aime la vie.
2. Il faut donc que tu te mettes dans la voie du Seigneur, si tu veux comprendre ses merveilles et attirer sur toi la rosée de ses grâces, plus précieuses que l’or et l’argent, selon notre grand roi prophète.
3. Élève donc ton cœur au créateur de toutes choses et conçois, par le discours que je te fais, sa puissance, sa bonté et sa sagesse infinie, laquelle éclate dans la moindre de ses créatures, mais surtout dans les pierres précieuses et les métaux philosophiques, qui sont au-dessus du soleil et de la lune lesquels, tout parfaits qu’ils sont, ne peuvent être sans tache, comme le sont nos admirables pierres et métaux, auxquels Dieu compare sa parole sacrée ; ce qui nous les doit faire estimer infiniment plus que tous les astres célestes.
4. T’ayant donc initié, mon cher fils, dans la plus saine philosophie, qui est de connaître Dieu, son Verbe et Saint-Esprit, qui ne sont qu’une même essence, je veux te faire adorer sa bonté d’avoir donné à l’homme les plus vives lumières de son créateur dans un art mystérieux, qu’il a révélé à ses vrais adorateurs, qu’on appelle mages, c’est-à-dire parfaits philosophes en tout genre.
5. Mais garde-toi des opinions erronées de ces faux rabbins et vains philosophes, selon la science et les éléments ou principes mondains et vulgaires ; lesquelles, d’une science divine, en ont fait une diabolique, condamnée partout dans nos livres sacrés et par le grand Dieu humanisé, mort et ressuscité, auquel tu dois être attaché jusqu’au dernier moment de ta respiration.
6. Ce que je t’enseigne te sera clairement intelligible, pour avoir foi à tous les miracles décrits par les sages. Apprends à révérer ce mystère profond, de trois, un, qui doit être pour toi plus véritable que ce que l’art et la nature te feront connaître par expérience.
7. Tu trouveras, mon cher enfant, des milliers d’écrits de philosophes de tout temps, de tout âge, de différents pays. Mais ne t’arrête qu’à ce que je te dirai. Profites-en pour la gloire du Très-Haut et l’utilité du prochain. Je serai le plus bref qu’il me sera possible, pour ne point t’embarrasser l’esprit. 8. Apprends que tous les corps sont composés de quatre éléments, feu, air, eau et terre. Ils sont toujours mêlés dans eux-mêmes et dans les corps qu’ils constituent. Selon qu’ils dominent plus ou moins dans ces corps, leur espèce est différente, ce qui va à l’infini.
9. L’eau est proprement le premier élément, qui donne la naissance à tous corps créés à produire ou à être produits. L’art avec la nature peut aider à la production ; ce qui fait que les philosophes en produisent un qui peut parfaire un métal imparfait en un parfait. Si la nature n’a pas fait or, ce qu’on appelle Saturne, l’art le peut faire. Il faut, pour cela, composer un sel qui ait cette qualité et cette vertu. Ce sel se fait de l’or ou de l’argent conjoints à l’eau argentine. Il faut tirer cette eau primitive et céleste du corps où elle est et qui s’exprime par sept lettres selon nous (2), signifiant la semence première de tous les êtres et non spécifiée ni déterminée, dans la maison d’Aries, pour engendrer son fils.
10. C’est à cette eau que les philosophes ont donné tant de noms, l’appelant premièrement essence divine, puis esprit de vie, vinaigre, huile, feu, soufre, terre, sel, mercure, argent vif ; c’est le dissolvant universel, la vie et la santé de toute chair.
11. Les philosophes disent que c’est dans cette eau que le soleil et la lune se baignent et qu’ils se résolvent eux-mêmes en eau, leur première origine. C’est par cette résolution qu’il est dit qu’ils meurent, mais leurs esprits sont portés sur les eaux de cette mer, où ils étaient ensevelis.
12. Cet esprit, comme un phénix renaissant de ses cendres, se revêt d’un corps noir, blanc et rouge, à l’aide du feu élémentaire, qui agit continuellement, mais par degrés sur cette première matière laquelle, voulant se dégager de la corruption, se réunit au plus haut de la sphère cristalline, d’où elle est obligée de descendre par les vapeurs des corps putréfiés, qui lui ôtent peu à peu sa volatilité et la forcent de prendre corps avec eux. Les philosophes appellent cela sublimation, trituration, ascension, distillation, imbibition, incération. Cette rosée arrose la terre pour qu’elle produise un fruit précieux dans son temps.
13. Cette rosée circulante, dans le vaisseau philosophique, démontre les agréables couleurs de l’iris, par les différentes réfractions de la lumière sur les nuages vaporeux, qui s’élèvent de la terre. L’œil et les sens sont ravis d’admiration de ces phénomènes.
14. L’or et l’argent n’ont point, à proprement parler, de semences. Et lorsque ces philosophes disent qu’il faut extraire la semence de leur or et de leur argent, on ne doit entendre autre chose que de les réduire dans la même forme que se réduisent les végétaux, qui portent une semence laquelle se résout dans la terre en espèce d’eau gluante, ce qui arrive à leur soleil et lune, semés dans notre eau, qui est comme leur terre et leur matrice.
15. L’on dit alors que ces corps sont pourris et réduits dans leur première nature, tels qu’ils étaient d’abord dans le sein de la mine où, par composition homogène, imprégnée de certains sels et soufres, ils deviennent corps solides, doux et dociles sous la main de l’homme, incapables d’être détruits que par l’eau argentine, qui ne mouille point et que la nature produit dans le sein de la mère universelle des végétaux et minéraux, dont l’artiste, toutefois, la tire par l’acier magique.
16. Quoiqu’on dise, mon fils, qu’il y a d’autres manières de résoudre ces corps en leur première matière, tiens-toi à celle que je te déclare, comme je l’ai connue par expérience et selon que nos Anciens nous l’ont transmis. Car je ne suis point du tout du sentiment de ces prétendus illuminés, qui veulent que toutes les sentences des sages se rapportent à leurs matières chimériques, ne concevant point que la parabole peut s’expliquer à l’infini, quoiqu’elle n’ait qu’un sens véritable, qui renferme en secret un trésor intarissable.
17. Tu dois donc concevoir que les corps peuvent être détruits, c’est-à-dire changés de forme, sans cesser de subsister ; et que leurs parties peuvent se rejoindre à d’autres corps, pour les rendre plus parfaits. De là vient qu’un corps opaque peut devenir transparent, comme tu sais que le verre se fait de la pierre, qui est un corps au travers duquel on ne peut voir la lumière, et qu’un corps transparent et frangible peut être rendu solide, résistant au marteau sans se briser, et même devenir ductible, comme nos ancêtres nous l’ont appris dans l’exemple du verre rendu malléable.
18. Il est certain qu’on ne peut nier, selon le raisonnement de la bonne physique, que l’art ne puisse rendre un métal plus parfait qu’il ne l’a été par la nature, d’autant mieux que l’expérience le confirme depuis plusieurs siècles. Mais, laissant ces habiles raisonneurs errer dans leurs sentiments, contente-toi, mon fils, d’exercer ton admiration sur ce que la pratique te démontrera. Il faut que tu sois constant, doux et patient, en suivant la nature.
19. Lorsque tu commenceras d’opérer, souviens-toi que la chaleur du ventre du bélier échauffe doucement le roi et la reine dans leur lit nuptial, où ils dormiront paisiblement pendant quarante jours au moins et, quelquefois, cinquante. Au bout de ce temps, il sortira de leurs corps une vapeur sulfureuse, qui couvrira la surface de la terre. Ce soufre, s’épaississant de jour en jour formera un nuage qui n’est autre chose que la résolution des corps royaux dans leur premier être. L’esprit de la terre, s’en voyant offusqué et voulant triompher de la défaite de ceux qui l’avaient engendré dans le sein de Cibel, s’élèvera jusqu’aux voûtes du palais, qu’il parcourra jusqu’à ce qu’il soit forcé lui-même de descendre sur les précieuses cendres des corps détruits qui, par les vapeurs piquantes qu’ils exhalent, attirent avec eux le pur sang de leur vainqueur.
20. Il tâchera plusieurs fois de se relever, mais enfin il sera contraint d’expirer avec eux. Ils ne feront plus qu’une substance putride, noirâtre et fétide. C’est là que les Anciens ont donné sujet à exercer la subtilité des esprits curieux, qui ne peuvent comprendre le sens de leurs allusions énigmatiques. Ce qui les fait errer est le défaut d’application à la connaissance de la riche nature.
21. Nos mages appellent notre eau dragon, lion, crapaud, serpent, python ; et ils disent que c’est le venin qu’il porte qui tue le roi et qu’ensuite, le corps mort, semblable à Apollon, tue de ses flèches le serpent python. Ils nomment cette putréfaction des trois corps la tête du corbeau.
22. Voilà donc la couleur noire, par où doit passer la pierre, et cela arrive au commencement du quatrième signe. Laisse agir la chaleur qui, ayant réduit tout le composé en cendre, la calcinera peu à peu. Continue le feu, ajoutant un troisième fil à ta mèche, jusqu’à ce que tout devienne blanc, ce qui sera au bout de trois autres signes, et cette matière effacera la neige par son éclat. Tu peux alors t’en servir pour rendre tous les corps des métaux semblables à l’argent.
23. Alors, si tu veux parvenir au rouge, qui arrivera au bout de trois autres signes, il faut que tu augmentes un quatrième fil pour acquérir le rubis céleste. Observe que ces fils d’augmentation sont ceux de la tempérie de la cuisson continuée, qui acquiert des forces et des degrés par addition journalière et future à ceux du passé. Il en est ainsi des saisons et quatre temps de l’année. Mais, surtout, souviens-toi d’avoir la patience en partage.
24. Lorsque tu posséderas cette pierre empourprée, tu pourras par elle, si tu es prudent, prolonger et conserver tes jours en parfaite santé, même transmuer tous ces vils métaux en or très pur ; enfin, tu auras en ta main les clefs de la nature, ses plus riches et vertueux trésors. Par leur moyen, tu pourras tout délier et ouvrir, tout lier et fermer.
25. Si ton sel blanc ou rouge n’est pas fusible, ajoutes-y de ton essence et que le tout soit mol comme la première masse, la passant par tous les degrés de chaleur, comme tu as fait dans l’opération précédente ; et réitère jusqu’à ce que ton sel soit devenu comme cire. Loue Dieu dans ton cœur, le priant instamment de te donner les lumières nécessaires pour en user avec prudence.
26. Mon fils, comprenant ce petit abrégé, tu pourras aisément concilier les philosophes qui, en effet, ont possédé la même sagesse. Il n’y a qu’une vérité, mais ses vêtements sont divers. Si l’un nous la présente pompeusement parée de fines pierreries et de l’or le plus pur, l’autre, aussi véridique, la couvre de la fange et du fumier pourri ; un troisième s’écrie : Ô heureux savants ! Dont la science divine trouve dans l’invisible un point indivisible, qui peut seul composer le miracle de l’art.
27. Ces trois, bien entendus, te déchirent le voile et te découvrent à la vue l’aimable vérité. Il ne tiendra qu’à toi de suivre ses préceptes et par elle, aisément, tu développeras les hiéroglyphiques et toutes les fictions. Tu verras, non sans étonnement, cette mer rouge agitée retourner en arrière, te frayant un passage pour la terre promise. Tu contempleras ses serpents qui, s’engloutissant, se détruiront à tes regards effrayés ; et Mercure, arrosant cette arène engrossée, les fera reproduire pour en parer sa verge, de laquelle frappant la salade qui lui couvre la tête, tout se confondra dans la première terre.
28. Dans l’œuf philosophique, tu pourras découvrir ces deux dragons antiques de la race des dieux. Le feu secret sera manifesté à tes yeux et la mer glaciale, soudain, t’apparaîtra. Le rameau d’or sera en ta puissance. Les lys et les roses tu cueilleras de tes mains. Du fruit des Hespérides tranquille possesseur, tu pourras partager le bonheur des dieux et boire dans leur coupe, à longs traits, leur nectar ou leur ambroisie.
29. Vois, sans étonnement, cet horrible dragon qui n’a d’autre pâture que celle de lui-même, ce phénix renaissant de ses cendres et ce pélican charitable envers ses petits. Dans un même tableau te seront représentées les montagnes fameuses du Vulcain, ainsi que les divers ouvrages des Cyclopes. Tu y verras aussi les impuissants Titans vaincus par Apollon, fils luminifère du soleil.
30. Pénétrant le chaos ténébreux, qui forma l’univers, vois d’un déluge affreux la terre submergée renaître en peu de temps lucide et purifiée. La vérité toujours terrassa le mensonge. Souviens-toi qu’elle est nue et une et qu’elle ne peut apparaître qu’aux regards du sage, car le vulgaire y est aveugle.
31. Réfléchis sur l’histoire de Jason et celle de Cadmus. Considère Énée dans les enfers, le beau Ganymède transporté jusqu’aux cieux. Vois la mer agitée. Du père de nos dieux qui, d’une bouillante écume, enfante à tes regards la déesse Vénus, mère des Amours à sa suite.
32. Ha ! Souviens-toi, cher enfant, de nos lettres sacrées. Pénètre-en le sens, tu trouveras la vie. Oui, tu pourras t’expliquer, avec un contentement indicible, les ravissants tableaux du génie des humains. Prends ton crayon en main, pour former un point ; lui seul peut t’instruire, puisqu’il renferme tout.
33. Extasié d’admiration surnaturelle, considère ce point, conçois son centre, vois sa circonférence, juge de l’étendue, qui joint l’un avec l’autre. Heureux, mon fils, si le Père des lumières, par un rayon de son esprit divin et un feu radieux d’intelligence embrasant ton cœur, te révèle en secret la multiplication de ce point par son centre.
34. Ce trine inséparable, qui a tout procréé, fondement éternel, se découvre en toi, image de ton Dieu. Médite ses ouvrages et, suivant la nature, vois son commencement, son progrès et sa fin. Là ravi d’admiration, adore le Tout-Puissant.
35. Repasse en ta mémoire cette simple opération que tu fis sous mes yeux, cueillant une plante garnie de ses racines ainsi que de sa graine, que tu putréfias pour en tirer un sel volatil. Puis, consommant le reste par l’ardeur des flammes, il te resta une cendre précieuse, qui te rendit un sel fixe cristallin. Par un moyen unissant les deux, ils ne firent plus qu’un, que tu fis jouer avec Vulcain. Et retirant ce sel embrasé, tu vis, ô prodige étonnant ! Que la pesanteur d’un grain de millet, dans la terre semé, te reproduisit un grand nombre de plantes, surpassant de beaucoup, en beauté, la première détruite. Cette palingénésie ne te prouva-t-elle point la résurrection des végétaux ?
36. Tu admiras avec moi, dans le jeu de la nature, le germe indestructible à chaque créature. En voyant le miracle de la végétation, tu compris qu’il pourrait conséquemment arriver dans les deux autres règnes et tu compris aussi le mystère de la résurrection universelle. Tu t’écrias soudain : Ha ! si la vile créature accomplit ce prodige, notre foi pourrait-elle refuser au créateur suprême la puissance et la vertu souveraine de nous régénérer en des corps plus parfaits, pour jouir à jamais d’une vie éternelle, nous, dis-je, âme de son âme, esprit de son esprit, que son amour paternel a créés ses enfants privilégiés, les plus puissants et vertueux à son image et à sa ressemblance ?
37. Sois donc persuadé que le sel de tous les individus renferme en lui ce vrai germe, propre et vivace, qui peut régénérer et multiplier à l’infini. Ce sel est la boîte qui renferme le baume du soufre et la liqueur mercurielle, que nous appelons Phison ou fleuve des eaux vives, circulant dans toute la terre de vie, où naît l’or de nature ; et de l’expression de notre savant législateur, l’or de cette terre est très bon, vrai, parfait et exquis. Le soufre est un feu plus puissant que le feu élémentaire, ce qui fait que la forme qu’il renferme ne peut être détruite par lui ; le mercure est le bon compagnon qui fournit tout ce qui est nécessaire à la multiplication.
38. Oui, cette porte ouverte te présente un heureux passage pour arriver au sanctuaire de la nature, fermé par trois clefs différentes. La première est de fer, la seconde d’argent très pur et la troisième est d’or éblouissant. Mais, surtout, souviens-toi de joindre chaque clef à sa propre serrure, pour pouvoir trouver la clef universelle des merveilles du monde.
39. Si l’esprit divin t’en procure l’entrée, fléchissant le genou, adore l’Éternel immortel et tout-puissant. Reçois, des mains de la sagesse, cette ampoule sacrée, qui rappelle les morts du fond de leurs tombeaux et dont l’huile empourprée terrasse le démon jusqu’au profond des enfers et confond, en un moment, l’ignorance aveugle qui périt les humains.
40. Cher enfant, souviens-toi des leçons de ton père. Sois sobre et tempéré au milieu des richesses, en soulageant tes frères nécessiteux de cet esprit de vie. Conçois qu’il en faut peu pour conserver les corps et qu’ils n’ont âme vivante que par lui. En te donnant la connaissance de cette vérité, j’obéis au commandement que le Seigneur Dieu nous fait par la bouche de son prophète Isaïe 38, 19 Unicuique Deus manda vit de proximo suo (3).
NOTES
1. « Tout avec moi. Connais-toi toi-même. »
2. Nota : en grec, on l’exprime par sept lettres, en latin, par cinq, qui sont propres à sa nomination et à sa qualité.
3. « A chacun, Dieu a commandé au sujet de son prochain. »
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