TRAITE DE LA MEDECINE MINERALE
Joseph du Chesne (Quercenatus)
1641
(édition posthume)
Notice de L.A.T. sur le « bol armène »
On trouve, dans ce "Traité de la Médecine
minérale" de Joseph du Chesne, un terme assez peu courant dans les traités
alchimiques – mais par contre fréquent dans les traités de médecine spagyrique
-, dont il m'a paru utile de préciser le sens. Il s’agit du « bol
armène » ou « bol d’Arménie ». Une annotation succincte à son propos figure
dans le paragraphe « Précipité d’antimoine » du présent traité, qui
renvoie elle-même à l’annexe – plus détaillée – que j’ai insérée à la fin de ce traité,
consistant en un extrait, au chapitre LXXI, des « Commentaires de M.P.
André Mathiolle sur les six livres de la matière médicinale de Pedacius
Dioscoride ». L.A.T.
DE L’ANTIMOINE
CHAPITRE I.
Elixir d’Antimoine.
L’Antimoine
est hermaphrodite, mâle & femelle d’une & d’autre nature, soufre,
mercure fixe & volatil, le premier né de la nature métallique, moyenne
substance entre le mercure & le métal, le seul dissolvant & le seul feu
de nature qui se mêle à toutes choses, & auquel toutes choses peuvent être
mêlées, le dragon & le Lion dévorant, le dissolvant & le coagulant. De
cette matière se doit exprimer le jus & le sang, car c’est le Lion rouge
dont entend parler Paracelse, qui n’est autre chose que cette première matière
dont on tire une pure substance, en séparant toutes ses immondices, tant par
les opérations qui suivent les traces de nature, que par les ablutions
diverses, comme nous montrerons en la grande Triade de Paracelse.
Pour pratiquer donc cette œuvre, il vous faut
premièrement en séparer le régule, y mettre le moins que vous pourrez de
salpêtre, fondez ce régule, pulvérisez le & le lavez avec des eaux, tant de
fois qu’il n’ait aucune noirceur, si bien que quand vous le repilerez il reste
pondéreux, fort blanc & fort net comme de l’argent, car en cet état il peut
être amalgamé avec les corps parfaits.
Prenez de ce régule une partie, de l’or passé par
l’antimoine à la commune façon deux parties, du Mercure sublimé, fait comme il
est montré au Chapitre du Mercure, & qui soit si bien préparé, & si
bien purifié de ses sels & de tous ses esprits arsenicaux, que vous en
puissiez donner par la bouche sans aucune incommodité quatre parties il faut
mêler l’or avec le régule fondu, pour ce que par ce moyen il le calcinera d’une
calcination philosophique, & y mêlez aussi le Mercure sublimé, de ces trois
matières bien purifiées & nettoyées faites un même corps, une triade ou
concordance chimique, & de ces trois par la sublimation, vous ferez une
seule & même substance, car comme dit Arnauld de Villeneuve, Quidam
in fine operationis post incerationem aut dealbationem spirituum addunt corpus
perfectum. Tu autem propter causas praedictas, pone in principio corpus mundum,
quod est corpus, & fermentum : non enim Spiritus & corpora se
amplexantur adinuicem, ni fuerint ab omni sorde optime mundata, sed cum sic fuerint,
sic est his corporeum spirituale, & spirituale corporeum :
Ce qui se fait par des réitérées sublimations, où consiste tout le secret des
Anciens, mais les modernes, comme Paracelse, y ajoutent la concordance
astronomique du vin, ainsi se fait un grand Elixir & médecine universelle
pour la santé des corps humains.
Il le faut calciner tout seul dans une terrine dessus
le feu, en le mouvant toujours avec une
spatule de fer, & prenant garde qu’il ne fonde, jusqu’à ce qu’il devienne
gris blanc, que s’il se mettait en grumeaux, ce qu’il faut empêcher le plus
qu’on pourra, il le faut remettre en poudre & le calciner derechef, car par
ce moyen la partie arsenicale & vénéneuse de l’antimoine s’évanouit. Prenez
cette chaux d’antimoine, mettez la en poudre subtilement, & avec un
vinaigre très fort tirez en le sel, & quand votre menstrue sera de couleur
de hyacinthe, versez le par inclination & remettez y en d’autre, tant qu’il
ne se teigne plus. Toutes ces teintures doivent être mises dans un alambic au
feu de cendres, pour être exhalées jusqu’à siccité : & sur la matière ou le
sel qui vous restera après l’extraction du vinaigre, lavez le avec force eau
distillée pour adoucir votre matière le plus que vous pourrez, laquelle mise
entre les blancs d’œufs endurcis se résoudra à l’heure même en une huile propre
la guérison de tous les ulcères phagédéniques & chancreux.
Mais il faut passer plus outre, & prendre cette
matière adoucie par les ablutions, pour y verser par-dessus un excellent esprit
de vin, lequel dans la digestion & la circulation que vous en ferez, se
rougira comme un rubis , remettez sur la matière tant d’esprit du vin qu’il
n’en attire plus de teinture, après la parfaite circulation, faites distiller
& séparer l’esprit de vin, & il vous restera une poudre rouge &
merveilleuse en ses effets, de laquelle vous donnerez sept ou huit grains, pour
purifier la masse du sang, renouveler & restaurer la personne, guérir les
lèpres, véroles, écrouelles , & bref les maladies corporelles &
spirituelles, épilepsies, hydropisies, &c.
Pour passer encore plus avant avec le même remède, il
faut avoir quantité de cette poudre rouge, & la circuler derechef dans un
pélican avec un très bon esprit de vin, puis pousser le tout à grand feu, &
il sortira une huile très rouge, douée de plus grandes vertus que la poudre,
laquelle vous verrez séparée de ses impuretés & l’huile être rendue très
spirituelle, très formelle & très active.
Autre essence d’Antimoine.
Pulvérisez subtilement une livre d’Antimoine &
l’incorporez avec huit onces de salpêtre, après calcinez le dans un creuset sur
des cendres chaudes, sans que le feu s’y mette, puis rebroyez le avec quatre
onces de salpêtre, calcinez le de nouveau sur les cendres, procédant ainsi
jusqu’à trois fois. Puis étant subtilement pulvérisé, broyez le dans une jatte
vitrée avec de l’eau bien chaude que vous retirerez par filtre, pour continuer
ainsi jusqu’à ce qu’elle n’en sorte plus salée, & vous trouverez votre
antimoine blanc, lequel desséché au Soleil, sera mis dans un matras à long col
sur cendres lentes, avec bonne eau de vie, durant quatre heures, laquelle vous
viderez après par inclination, pour y en remettre de nouvelle, &
continuerez cette digestion & infusion d’eau de vie jusqu’à cinq fois, sur
le menstrue aura bien attiré toute l’essence de l’antimoine. Faites évaporer
toutes vos eaux de vie par distillation au B. M. & il vous restera au fond
une poudre, sel ou essence d’antimoine, duquel vous en donnerez seulement un
grain avec conserve de roses, & vous ferez merveilles. D’autres prennent
toute cette poudre, la réverbèrent & fixent durant 24 heures pour la médecine,
mais l’essence est beaucoup meilleure, pour ce qu’elle purge sans vomissement.
Le secret est en la calcination sur des cendres, sans que le feu s’y mette.
Prenez de l’huile de sel, faite avec le bol armène (note de L.A.T. : "bol armène" est synonyme de bol d'Arménie, de
Terre rouge, de Soufre rouge des Sages, d'Arenamen, selon le Dictionnaire
mytho-hermétique de Dom Pernety ; en médecine, spécifique contre la peste ;
terre argileuse colorée qu'on employait autrefois, sous forme de boulettes,
comme tonique et astringente ; voir annexe en fin de volume), &
digérez avec cette liqueur de l’antimoine cru ou en régule durant quelques
jours, puis distillez à grand feu, & vous tirerez une huile rouge qui
sortira en assez bonne quantité, si vous mettez cette huile dans de l’eau de
fontaine, elle se précipitera en une poudre blanche comme la poudre du Mercure
de vie, de laquelle si vous en donnez six, sept ou huit grains, elle purgera
sans vomissement.
Prenez de l’antimoine une livre, du salpêtre deux
litres, mêlez très bien le tout, & le jetez peu à peu dans un creuset bien
rougi, prenez derechef la matière au fond du creuset, pesez & ajoutez
autant de salpêtre, & remettez comme auparavant dans le creuset rougi, faisant
cela par trois fois : lavez très bien votre matière avec plusieurs eaux, &
il restera une poudre blanche que vous adoucirez, & que vous mêlerez avec
autant de salpêtre, & que vous rejetterez dans le creuset rougi comme
devant, relavez enfin très bien votre matière & la dulcifiez, de laquelle
vous prendrez un scrupule, que vous ferez infuser une nuit dans l’eau de
chardon bénit, & vous aurez un excellent sudorifique, cette poudre sert à
faire plusieurs infusions, qui pourront encore émouvoir puissamment les sueurs.
Crocus ou soufre d’Antimoine.
Prenez de l’Antimoine & du
salpêtre parties égales, mêlez très bien, & puis jetez peu a peu cette
poudre dans un creuset qui soit rouge médiocrement, & en faites le foie
d’antimoine, qu’il faut pulvériser & faire bouillir dans de l’eau tant
qu’il fasse une lessive rouge, laquelle vous coulerez par le papier gris ou la
filtrerez autrement, & puis vous y jetterez un peu de vinaigre ou simple ou
distillé, & soudain la teinture ou le soufre rouge se séparera & se
précipitera au fond. Ce soufre ainsi séparé & desséché, peut servir d’un
grand remède pour purifier la masse du sang, & même d’un excellent
purgatif. Monsieur Wolfius Médecin ordinaire du Très Illustre Prince Maurice
Landgrave de Hessen en a fait une belle expérience en une jeune fille, qui
avait des galles aux jambes & ailleurs si vilaines & fâcheuses qu’il
doutait que ce fût quelque espèce de lèpre : les galles par frictions avec
le soufre & le Mercure s’en allaient, mais elles revenaient après, il lui
fit prendre de ce crocus d’Antimoine l’espace d’un mois, mêlé avec un extrait
diurétique seulement en dose de six ou sept grains pour drachme du diurétique
qu’elle prenait le matin & faisait deux ou trois selles, sans nulle
perturbation ni vomissement étant mêlé de la sorte. Et ayant usé de ce remède
un mois durant, elle fut pleinement guérie. Cette expérience lui fait louer
tous les remèdes qui procèdent de l’Antimoine, plus que ceux du Mercure.
Teinture mixte d’Antimoine.
Prenez du verre d’Antimoine, pulvérisez le, & en
mêlez deux onces avec une once de sucre candi, puis ajoutez y d’un excellent
esprit de vin, mettez y le feu, & tournez avec une cuillère jusqu’à une
entière extinction, séparez par inclination le plus clair, & y remettez du
même esprit de vin, rallumez le & le laissez éteindre, faite cela plusieurs
fois, en séparant toujours le clair : si vous donnez une cuillerée de la
liqueur qui en sort, laquelle est une huile du sucre empreinte de la teinture
d’Antimoine, vous ferez faire deux selles sans vomissement, & deux
cuillerées en feront faire quatre.
Pour le faire d’une autre façon, on tire auparavant la
teinture de l’Antimoine avec le seul esprit de vin, puis on le coule, &
l’on ajoute à cet esprit de vin, tant de sucre qu’il en faut, & l’on met le
feu pour en faire l’huile, qui sera mieux empreinte de cette façon.
Faites les fleurs d’Antimoine de même que vous faites
celles de l’étain & du plomb, de ces fleurs on fait un excellent purgatif
en la quantité de six, sept ou huit grains, infusés dans du vin ou en
substance, sans aucun vomissement. Mais sur ces fleurs, il faut faire distiller
de l’esprit de vitriol acide conjoint avec son phlegme par plusieurs fois,
& dessécher après le tout.
Hermès pour faire un régule met quatre onces de clous
de maréchal en un creuset, étant bien rouges, il y jette huit onces d’Antimoine
& un peu de salpêtre, & fait fondre le tout sans tartre, puis il laisse
refroidir, & il trouve le noyau du régule, il le fond encore, y jetant
environ une once de salpêtre pour la seconde fois, & le laisse encore
refroidir, puis il le refond seul par deux fois, & il tire quatre ou cinq
onces de régule, qui a l’impression du Mars lequel est excellent. Voyez les
propriétés de ce régule au Chapitre du Fer. Mais pour en faire un plus
excellent remède, prenez quatre onces de régule préparé comme dessus & le
fondez, à ce régule ajoutez une once de Soleil & le tout se calcinera,
pulvérisez le & le mettez dans un matras, versant dessus d’un excellent
esprit de sel, tant qu’il surnage trois ou quatre doigts, & en peu
d’heures, il se teindra en rouge, par la dissolution qu’il fera de l’or. Cette
dissolution exhalée, il vous restera une poudre qui sans vomir & donnée de
soi en substance ou en infusion, fait de merveilleux effets pour l’évacuation
& purgation des corps. On la donne avec de la conserve, mais sans être
séparée de son menstrue, & donnée en petite quantité de quatre ou cinq
gouttes, c’est un remède pour plusieurs maladies déplorées, les mêlant avec
quelque liqueur.
Prenez trois onces de régule d’Antimoine, & 4 de
bon salpêtre de trois eaux, calcinez les ensemble selon l’art, donnez grand feu
sur la fin, tant que votre matière devienne blanche, pulvérisez les après,
& les faites réverbérer huit ou dix jours dans un matras clos
hermétiquement. Pulvérisez votre matière sur le marbre, la mettez dans un
matras, versant par-dessus de l’esprit de guaiac rectifié, qui surnage la
matière de quatre doigts. Mettez en digestion sur un feu de cendres, faites que
la matière bouillonne par trois ou quatre jours, & retirez après votre
esprit de guaiac empreint d’une partie du sel d’Antimoine : évaporez au bain
les deux tiers de votre esprit, mettez le reste à l’humide, & il se
convertira en cristaux, que vous séparerez avec une cuillère de bois percée;
évaporez encore le tiers de votre esprit, mettez à l’humide, & il le
convertira en lapils, que vous recueillerez comme devant. Ayant quantité de ces
lapils, vous les dessècherez doucement sur les cendres jusqu’à la parfaire
siccité : c’est un excellent purgatif, du poids de huit ou dix grains, sans
qu’il provoque aucune nausée ni vomissement.
Mettez l’Antimoine en poudre la
plus déliée qu’il sera possible, faites le dissoudre dans son eau propre, qui
n’est autre que la régale. Cette dissolution soit mise dans une écuelle plombée
sur des cendres chaudes, où vous la ferez évaporer tant que votre poudre soit
bien sèche, faites la bouillir dans l’eau de pluie par deux heures, puis étant
reposée vous la viderez par inclination, en y mettant de nouvelle eau, jusqu’à
ce qu’elle en sorte douce & claire. Votre poudre étant sèche, mettez la
dans un vaisseau de verre net, pour la calciner à petit feu, jusqu’à ce qu’elle
acquière une couleur de cerise, l’entretenant un mois en un tel feu : puis la
réduisez sur le marbre en poudre impalpable, la mettant dans un matras avec du
vinaigre qui surnage deux doigts, la faisant bouillir au B. M. l’espace d’un
jour, ajoutant toujours de nouveau vinaigre à mesure qu’il diminuera. Et puis
mettez ce vinaigre dans une cornue de verre, continuant les ébullitions &
les séparations du vinaigre trois jours durant, lesquelles vous mettrez
toujours dans la cornue, & les en ferez exhaler ou distiller, jusqu’à ce qu’il
reste au fond une poudre blanche : sur laquelle vous remettrez de nouveau
vinaigre, & quand il aura bouilli l’espace de deux heures, vous le
laisserez reposer un jour, & tant que le vinaigre devienne tout clair,
lequel vous viderez dans une cornue, remettant sur les fèces de nouveau
vinaigre, y procédant commue de dessus jusqu’à tant qu’elle soit bien dissoute.
Distillez tous vos vinaigres au bain, & vous trouverez au fond votre sel
blanc, que vous ferez bouillir dans de l’eau de pluie par deux heures, puis
ayant laissé reposer l’eau tout un jour, elle s’éclaircira, videz la dans une
cornue sans troubler aucunement les fèces, & sans que rien en découle avec
l’eau, après retirez l’eau par le bain, & vous trouverez au fond votre sel
parfait, lequel est appelé sel philosophique, & peut servir d’une noble
médecine pour toutes les maladies du corps humain, tant pour celles qui sont
au-dedans, que pour celles qui sont au dehors.
Prenez le sel comme il est préparé ci-dessus, mettez le
dans un matras de verre à long col sigillé hermétiquement, & très bien luté
de peur qu’il ne se rompe, & que la vertu ne s’exhale, mettez le après pour
le calciner au feu d’Athanor, & lui donnez au commencement un feu de telle
chaleur que celle du Soleil de Mars, laissez le ainsi huit jours, puis
augmentez le feu, de sorte que votre main le puisse souffrir durant autres huit
jours, & lorsque vous verrez votre matière jaunir, augmentez le feu d’un
degré, où vous la laisserez encore huit jours, & elle deviendra tannée
comme une châtaigne, tenez la dans cette chaleur ou dans une un peu plus
grande, jusqu à ce qu’elle devienne de couleur d’écarlate, & la laissez en
cet état huit jours, & vous verrez que sa couleur sera moitié noire &
moitié rouge, alors vous lui donnerez le feu grand, & ne craignez point de
lui en donner trop, pour ce que votre sel est fixe, & que le feu ne lui
saurait nuire, laisser le après refroidir, & pour en faire une huile,
pulvérisez le subtilement & le passez par le tamis des poudres cordiales ;
cette poudre étant faite, mettez la dans un matras avec du vinaigre par-dessus,
faites la dissoudre au B. M. durant 4 jours, puis laissez reposer un jour votre
matière, & videz après le plus clair du vinaigre, remettez y en de nouveau
jusqu’à la quatrième fois, remuant quatre fois le jour votre matière, & ce
qui demeurera au fond est inutile à la médecine, mais prenez vos trois
dissolutions, passez en le vinaigre par la cornue & vous trouverez au bas
une poudre que vous mettrez dans un alambic de verre avec son récipient ; qui
soit dans l’eau froide bien luté avec sa chappe, de peur que l’esprit n’en
sorte, faites petit feu durant quatre heures, augmentez le un peu durant autres
quatre heures, & l’entretenez ainsi jusqu’à ce que vous voyez monter
l’esprit rouge comme du sang. Continuez ce même feu par 5 heures, jusqu’à ce
qu’il commence à changer de couleur. Alors faites le feu si grand que vous
pourrez, & laissez le ainsi l’espace d’une heure, & quand vous verrez
que votre alambic commencera d’être plein de neige, faites un bon feu jusqu’à
ce que l’alambic devienne clair comme il était auparavant : quand le tout sera
refroidi, l’huile d’Antimoine sera parfaite, laquelle est incomparable pour la
guérison des corps humains, & surtout pour celle de la lèpre, de la peste,
& de toutes les autres maladies déplorables.
Mettez en poudre fort subtile une livre d’Antimoine,
tel qu’il est au sortir de la mine, mettez le dans un grand creuset verni par
dedans, & l’abreuvez d’une bonne huile de tartre, jusqu’à ce qu’ils soient
bien incorporés, faites après dessécher à feu lent votre mixtion deux ou trois
heures, abreuvez la derechef & la desséchez, jusqu’à ce qu’elle en ait bu
son poids, & que vous ayez deux livres de matière, alors pulvérisez subtilement
votre Antimoine imbu de tartre, & le mettez dans un grand matras de verre
avec de la bonne eau de vie, qui surnage quatre doigts, puis fermez votre
matras avec un autre, & le lutez bien avec du lut de sapience, de sorte que
rien ne respire, mettez le au fumier quatre jours, & vous trouverez votre
eau le couleur citrine, que vous verserez par inclination, & aussitôt vous
y en remettiez d’autre, & procéderez ainsi jusqu’à ce qu’elle ne se colore
plus. Cela fait, distillez par le bain toutes vos colatures que vous aurez
gardées, remettez l’eau qui distillera sur vos fèces jusqu’à sept fois, & à
la dernière l’huile vous restera très rouge, épaisse, & fort douce, qui
guérit tous les cancers, & les noli me tangere
: & qui circulée avec un bon esprit de vin, est un remède admirable contre
toutes les maladies internes du corps humain.
On tire le régule d’Antimoine, puis on le converti en
Mercure, avec les sels ressuscitatifs par les digestions & sublimations
ordinaires : & pour cet effet, on réduit le régule ou le cinabre
d’antimoine en poudre bien menue, puis on le remêle avec autant de vitriol de
Hongrie, & un peu de sel pour le faire sublimer selon l’art, & vous
aurez un bel aigle volant en forme de Mercure sublimé, que vous pourrez revivifier
en Mercure coulant, comme on ressuscite le sublimé commun, d’ailleurs le
cinabre d’antimoine se peut encore aisément convertir en Mercure coulant, sans
qu’il soit besoin de le sublimer, en le mêlant avec autant de tartre à demi
calciné, ou avec de la chaux vive, ou de la croûte de pain à demi brûlée, &
un peu de sel armoniac, & quant au reste, suivez les règle de l’art,
distillant par la cornue au feu, & en la manière que vous aurez composé le
cinabre antimonial, ainsi vous tirerez un double Mercure, qui coulera vif dans
le récipient plein d’eau froide, & vous aurez un aigle très excellent,
qu’on peut vraiment appeler Mercure philosophal.
Prenez
du Vitriol, distillez en par la cornue à grand feu le phlegme, l’esprit &
l’huile, & séparez après par distillation l’huile du phlegme & de
l’esprit, ce que sous ferez selon l’art. Quand vous ajouterez sur trois ou
quatre livres de vitriol, demi livre de corail en poudre ou davantage, &
cinq au six onces de semence de perles, se sera pour le mieux. Du colcotar
réduit en poudre qui contiendra la chaux du coral & des perles vous en
tirerez tout le sel avec des eaux communes distillées selon l’art. Ce sel soit
de nouveau dissout & coagulé par diverses fois avec le phlegme de vitriol,
tant qu’il devienne blanc & transparent comme neige. Sur ce sel mettez
l’esprit & l’huile dans un matras clos hermétiquement, en digestion &
circulation du B. M. chaud par plusieurs jours, puis distillez par le même
bain, ou par les cendres, toute la liqueur qui laissera avec son propre sel
tous ses esprits, & il en sortira comme insipide, que vous garderez
pourtant pour en donner une cuillerée aux fébricitants, & pour vous en
servir contre les rougeurs du visage, & contre beaucoup d’autres maux. Du magistère
qui vous demeurera au fond sec & en forme de sel, vous le réduirez en
poudre, que vous réserverez comme un remède très précieux, pour toutes les
opilations, cachexies, hydropisies, mélancolies hypocondriaques, & infinis
autres maux, étant donné tout seul avec des liqueurs propres.
Mais pour en faire un plus grand Magistère, distillez des cristaux de tartre de notre façon, &
l’huile fétide en étant séparée, & la liqueur purifiée par redistillation
avec le colcotar & le corail, vous tirerez de ses fèces calcinées tout le
sel selon l’art, que vous joindrez à la liqueur, & cette liqueur digérée
& circulée au bain, & puis distillée, laissera un magistère en forme de
sel, qui déjà fait merveilles pour les obstructions & cachexies : mais
étant mêlé lorsqu’il est en liqueur, avec celle du vitriol imprégnée de son sel
propre & le tout ensemble digéré & circulé, il s’en fait le magistère
des magistères.
Séparation
& conjonction des éléments du vitriol, pour une médecine universelle.
Prenez du vitriol de Hongrie autant qu’il vous plaira,
faites le dissoudre dans de l’eau commune en lieu chaud, filtrez par le papier,
& coagulez ce que vous aurez filtré, réitérez cela trois fois, après
calcinez le vitriol coagulé entre la couleur jaune & la rouge, puis
dissolvez le dans du vinaigre, filtrez le & le coagulez comme vous avez
fait avec l’eau par trois fois, ou tant qu’il ne vous laisse plus de fèces.
Puis le coagulez dans le bain, & le calcinez derechef jusqu’à couleur d’or,
& dans une retorte de verre distillez l’esprit à feu de sable, pulvérisez
la tête morte, reversez dessus son propre esprit, & distillant à feu nu, il
vous viendra de l’eau & de l’huile, réitérez cela par la cohobation de son
esprit par trois fois, pulvérisez toujours la matière, &y remettez l’esprit
par dessus. Tirez après le sel des fèces avec du vinaigre, & le filtrez,
coagulez le sel filtré, & le dissolvez derechef, filtrez & coagulez par
trois fois, & les éléments étant ainsi séparés, vous les conjoindrez de
cette sorte. Prenez trois parties de l’esprit deux de l’huile & une de sel,
mettez le tout dans un mortier de verre à digérer dans l’Athanor durant 30
jours, & il se fera une pierre dont un seul grain suffira aux spasmes, aux
paralysies, aux palpitations de cœur, aux affections de matrice comme aussi à
l’épilepsie & à toutes les maladies désespérées du corps humain.
Extraction du vitriol de tous les métaux.
On peut tirer le vitriol de tous les corps métalliques
calcinés par le soufre avec de l’eau de pluie ou de neige distillée : car ces
corps par le moyen de la calcination s’imprègnent de l’esprit vitriolique du
soufre, qui est seul moyen pour l’extraction du vitriol.
D’autres font distiller d’un bon vitriol le phlegme,
l’esprit & l’huile, puis de ces trois conjoints ensemble, ils en prennent
trois onces qu’ils mettent avec trois livres d’eau distillée & là-dedans
ils mettent le métal calciné, duquel ils veulent extraire le vitriol, jusqu’à
ce que cette liqueur l’ait attiré, après qu’ils n’en peuvent plus attirer, ils
en séparent les deux tiers par distillation, & au froid le vitriol se
trouve coagulé, qu’ils séparent enfin par diverses fois, mais pour le mieux il
faudrait consumer plus d’eau jusqu’à ce qu’elle s’épaississe sur la fin, ce qui
arrive diversement selon la bonté du vitriol. D’une livre de cuivre on tire
plus d’une livre & demie de vitriol, d’autant que l’eau qu’on y met le
coagule & en augmente le poids. De ces vitriols métalliques on tire des
huiles très précieuses pour la santé.
D’autres réduisent tous les métaux en vitriol, après
les avoir calcinés chacun à leur façon, & puis les imbibent de l’esprit ou
de l’huile de vitriol, lequel a cette propriété par les seules imbibitions
& digestions, de réduire les corps calcinés en sa nature, dont on peut
faire de belles & grandes opérations pour la santé.
Extraction du soufre de vitriol.
Prenez du vitriol, du plus vert & du plus beau de
Hongrie, que vous concasserez & que vous exposerez au Soleil d’Eté dans des
jattes, le remuant deux ou trois fois le jour : puis quand il sera blanchi par
les rayons du Soleil, vous le dissoudrez dans de l’eau, & vous en séparerez
une ocre ou plutôt un soufre, qui restera au fond, & le reste vous le
coagulerez en vitriol, & le remettrez encore au Soleil pour le blanchir,
que vous laverez avec diverses eaux, & votre soufre se séparera, continuant
cette même procédure, tant que presque tout votre vitriol se convertisse en
soufre, & qu’il aille à fonds. Ce soufre peut servir à faire des anodins.
Crocus Martis du vitriol.
Il faut seulement rubéfier le vitriol en toutes les
parties, & par-dessus verser de l’eau claire de fontaine, puis remuer &
mêler avec un bâton cette matière dans une terrine, où vous la laisserez
résider trois ou quatre heures, tant que l’eau soit claire qu’il faut jeter,
réitérant jusqu’à ce que l’eau soit douce, & au fond il vous restera une
poudre pourprine, qui est le Crocus Martis,
qu’aucuns veulent appeler ocre, mais il est pourtant le vrai Crocus
Martis des Philosophes.
Excellente huile de vitriol.
Prenez du vitriol & le distillez à la commune façon
pour en tirer le phlegme, l’esprit & l’huile, & du colcotar tirez en
par le moyen de l’eau chaude tout le sel blanc. Sur ce sel (purifié avec son
phlegme si vous voulez) remettez le phlegme, l’esprit & l’huile, puis
mettez le tout en digestion au B. M. par quelques jours, chassez le pur d’avec
l’impur, & après une assez longue digestion, distillez l’humidité, &
toutes les vertus tant de l’huile que de l’esprit, se joindront & se
mêleront avec le sel, duquel vous donnerez quelques grains dans du bouillon, ou
du vin, ou dans quelque autre liqueur, propre pour toutes obstructions &
plusieurs autres maladies.
Huile de vitriol & du sel tout ensemble.
Quand on ne trouve pas de bons vaisseaux de verre pour
endurer le feu, on peut faire mieux & plus facilement l’huile de vitriol
& du sel, en desséchant le vitriol jusqu’à la jauneur, & le sel jusqu’à
la décrépitation, & mêlant deux parties de vitriol pulvérisé subtilement
avec une de sel, & deux de bol concassé grossièrement, poussez à grand
force de feu, & le sel aidera à passer le vitriol, & vous aurez
d’avantage de liqueur propre à tirer le soufre des marcassites, plus que ne font
les eaux régales communes. Pour séparer l’un & l’autre esprit, mettez le
tout au bain bouillant, & l’huile de sel sortira la première, d’un goût
aigre, & telle que si vous l’eussiez distillée toute seule, & l’huile
de vitriol médiocrement acide, demeurera comme plus pesante en sa pleine force,
propre aux usages à quoi elle sert communément : cette huile de vitriol se peut
déphlegmer & purifier pour en dissoudre la Lune. Je me voudrais servir de
cette eau pour la précipitation du Mercure, car elle n’est pas si corrosive ni
si nuisible que les autres.
Vous tirerez l’huile douce de
vitriol, si sur douze livres de colcotar vous mettez une livre de phlegme,
& le tout dans un matras clos hermétiquement, enseveli entre deux pots
pleins de cendres, col & tout, & mis en lente digestion d’Athanor par
huit jours, au bout desquels votre matière se putréfie & se digère, de
sorte qu’elle devienne comme de la bouillie, il la faut mettre alors dans un
luth de verre pour distiller à feu de réverbère, & il distillera du
commencement pour chaque livre de colcotar, une ou deux onces d’huile douce,
laquelle est le souverain remède pour les fièvres, les hydropisies & mêmes
pour le rouge sans douleur, les polypus & les caroncules : si vous changez
de récipient & que vous poussiez davantage le feu, vous distillerez une
huile très âcre & violente, en quantité de plus de trois ou quatre onces
pour livre, qui est propre pour précipiter le Mercure, mettant sur chaque livre
d’huile demi livre de Mercure, & versez après qu’il est bien dissout en
eau, quatre onces du sel que vous tirerez du colcotar avec l’eau commune de
fontaine. Après distillez cette eau par l’alambic à gros bouillons, & par
ce moyen le soufre aigre de l’huile de vitriol montera, & si vous
renouvelez les eaux plusieurs fois, & que vous les fassiez distiller, vous
en séparerez toute l’aigreur.
Autre
huile douce de vitriol.
On rend encore l’huile de vitriol douce comme miel,
& qui peut dissoudre le Soleil parfaitement, en cette manière.
Prenez de l’huile de vitriol bien faite, tant qu’il
vous plaira, mettez y dedans la quatrième partie de son poids de limaille de
Mars, mêlez le tout selon l’art, & le mettez sur le feu de cendres par une
heure, & l’huile se changera en douceur : filtrez en après cette huile par
le drap, & ainsi vous aurez une huile excellente, pour la dissolution de
l’or.
D’autres dissolvent dans l’huile de vitriol, du sel de
tartre tant qu’il en peut dissoudre, & redistillent derechef l’huile
par-dessus, réitérant tant de fois cette solution & redistillation, qu’il
puisse dissoudre l’or en feuilles ou calciné.
Pour le calcul redistillez l’huile de vitriol sur le
cristal.
Pour arrêter le sang sur le Crocus Martis.
Pour la roboration sur le corail & sur les perles.
Il y en a qui sur deux ou trois livres de vitriol,
ajoutent une livre ou demi livre de corail, & font pousser l’huile de
vitriol tout ensemble, à quoi le coral sert merveilleusement.
Baume de soufre souverain à toutes affections de poumon.
Prenez des fleurs de soufre, ou du soufre
commun, une once, de l’huile de tartre trois onces, mettez le tout ensemble
dans un grand matras sur le feu de cendres, ou l’approchez du feu, afin de
faire bouillir l’huile jusqu’à ce que le soufre soit du tout dissout, ce qui se
fera sans addition d’eau chaude, si tant est que l’huile de tartre se consumait
par trop. Le soufre étant bien dissout dans l’huile, vous le tirerez du feu
& le laisserez refroidir, & verserez par-dessus hors du feu, du
vinaigre blanc peu à peu, à cause de l’ébullition qui s’élèvera avec une fumée
fort puante, puis laissez rassoir le tout, & il se fera au fond un caillé,
ôtez le vinaigre par inclination, & sur le caillé versez autant d’eau
chaude que tout l’esprit du vinaigre en sorte, & qu’il vous reste un caillé
doux, duquel vous en mettrez dans un œuf, avec le bout des trois doigts à
discrétion, & vous verrez merveilles pour tous asthmes, phtisies &
ulcères des poumons.
Prenez du soufre, de l’alun, du salpêtre, de chacun une
livre, mettez le tout dans un alambic de verre fort capable avec sa chape,
donnez feu par degrés au four d’Athanor, il sortira une eau avec laquelle vous
pourrez précipiter le Mercure, quand les fleurs commenceront à monter, mettez
un alambic aveugle, & augmentant le feu, vos fleurs s’élèveront, d’une
livre vous en tirerez toujours 12 onces environ, ou davantage.
Il le faut pulvériser & le mêler dans une cornue
avec une bonne eau forte graduée par six heures, tant qu’elle l’ait dissout sur
cendres chaudes : puis ayant retiré l’eau par distillation, vous y en remettrez
de nouvelle jusqu’à trois fois, que votre matière demeurera noire, laquelle
vous laverez par tant de fois avec de l’eau chaude dans une écuelle vitrée,
qu’elle en sorte douce & bien claire, puis ayant bien desséché votre
matière sur les cendres chaudes, vous la mettrez en un creuset bien luté, pour
la tenir au feu de flamme de réverbère par quatre heures, étant refroidie vous
la trouverez blanche, puis remettez la dans un grand creuset neuf pour la
réverbérer encore, & vous la trouverez jaune, & l’ayant derechef
pulvérisée & réverbérée en un creuset neuf par quatre heures, vous la
trouverez rouge comme cinabre, & fixe, laquelle est admirable pour la
santé, selon Paracelse, qui la préparait ainsi. D’autres tirent la teinture
avec l’eau de vie, comme on tire celle de l’antimoine.
Teinture de soufre rouge.
Prenez du soufre , que vous dissoudrez en huile de
térébenthine, sur cette dissolution vous ajouterez du pain biscuit, remuant
toujours tant que la matière devienne sèche & comme en poudre, mettez cette
poudre dans un matras, sur laquelle vous verserez d’un bon esprit de vin, qui
attirera la teinture rouge, & laissera la partie oléagineuse au fond avec
le pain.
Huile de soufre rouge, contre la peste.
Mettez deux onces d’esprit de térébenthine dans un
vaisseau sur l’arène chaude, faites y dissoudre par diverses fois, neuf
drachmes de fleurs de soufre, & il vous demeurera une masse noire comme de
la poix. Sur cette masse versez d’un esprit de vin bien fait, que vous tiendrez
sur le feu de sable, & dans quatre heures, vous en tirerez la teinture rouge,
remettez encore par-dessus de nouvel esprit de vin, tant qu’il n’attire plus de
rougeur, distillez tous vos esprits teints sur le sable dans un alambic, &
il distillera une huile très rouge. Son usage est principalement pour la peste,
opérant par les sueurs.
Autre huile de soufre rouge.
Il faut faire un vaisseau de verre ou de terre de Beauvais
en façon d’un luth, puis donner feu très petit du commencement, pour faire
fondre le soufre que vous y aurez mis par petits morceaux, lesquels vous
mêlerez avec autant de pierre ponce, qui est un merveilleux véhicule pour
pousser toutes choses, & qui ne donne ni ne peut imprimer sa qualité à la
matière, & notez qu’après il faut donner le feu grand par-dessus (car c’est
ainsi & que le soufre, & que les résines, & toutes les gommes
huileuses & sulfureuses se distillent) & il en sortira d’une livre près
de 4 onces, & quelquefois un peu moins. Cette huile dissout la Lune aussi
bien que celui qu’on tire par la campane.
Préparation de l’Arsenic.
L’Arsenic est égal au Mercure, tant en la
propriété qu’il a de blanchir, qu’aux vertus occultes de sa nature, c’est
pourquoi Paracelse réitère en son Livre de l’Aurore
le Mercure & toutes ses préparations, & prend en son lieu l’arsenic
bien préparé & bien purgé de toutes ses impuretés. Pour le purifier donc
& le préparer à la maniéré des Philosophes, prenez de l’arsenic cristallin
& du bon Sandaracha vulgaire parties égales, mettez les en poudre dans une
cornue avec quantité d’eau commune, & lui donnez feu de distillation,
jusqu’à ce que l’eau soit passée, & qu’elle ait emporté dans le récipient
toutes les noirceurs & toutes les impuretés de l’arsenic, & que tout ce
qui ce pourra sublimer soit élevé, puis ouvrant votre cornue vous trouverez que
tout le sublimé ne sera que folle farine blanche, qui est toute l’impureté de
l’arsenic, & vous trouverez au fond toute la bonne substance en forme d’un
beau régule cristallin, lequel étant préparé de la sorte, se peut sublimer avec
l’antimoine & le vitriol, au lieu du Mercure sublimé, & faire avec cela
la Triade de Paracelse.
On prépare encore l’arsenic en plusieurs sortes, car
les uns séparent la substance farineuse en le sublimant avec le Mars ou avec du
savon, & d’autres par d’autres moyens, comme nous l’avons spécifié en notre
Livre de la préparation Spagyrique des médicaments.
Sublimation de l’arsenic.
Prenez de fort bon arsenic, & le fixez en le
calcinant avec le salpêtre selon l’art, & de cet arsenic calciné prenez en
six onces, avec autant de bon sublimé, & quatre onces de sel commun préparé
ou décrépité, mettez le dans un sublimatoire ou matras propre à feu de cendres,
& quand l’humidité sera toute sortie, bouchez le avec du coton, lui
continuant & augmentant le feu de sublimation par degrés, tant que le sublimé
soit tout à fait monté au col du vaisseau, ce qui adviendra dans douze heures
si vous conduisez bien le feu, exposez finalement la fiole ou le matras à
l’air, afin qu’il se casse de soi-même, & que vous en puissiez mieux
séparer votre matière. Prenez ce sublimé, & le resublimez encore par trois
ou quatre fois, avec de nouvelle matière, c’est pour lui donner une impression
coagulative, & une teinture blanche de l’arsenic, ce qui est un grand
secret. Ce sublimé étant ainsi préparé soit mêlé avec la moitié de tartre en
poudre y ajoutant du vinaigre, & procédant toujours comme l’on fait en la
revivification du cinabre, ainsi vous préparerez en ce sublimé un Mercure,
lequel étant bien net & purifié, sera préférable au vulgaire en toutes sortes
d’opérations Chimiques.
De tous les cinabres le minéral est toujours
le meilleur, & de celui-ci il s’en trouve un fort excellent, auprès de
Marbourg en Allemagne, ou il y a une mine de Cinabre très rouge & du plus
beau du monde, duquel on tire un Mercure coulant, qui dore la cuillère
d’argent, & ce Mercure se tire facilement, & en quantité raisonnable,
car si vous ajoutiez à une livre de ce Cinabre pulvérisé tant soit peu d’argent
vif, vous tirerez pour le moins demi livre de Mercure coulant, lequel est d’une
nature plus noble que le vulgaire, pour ce qu’il subtilise si fort les métaux,
qu’étant amalgamé avec l’or, les orfèvres ne peuvent s’en servir à dorer, à
cause qu’il en est par trop atténué.
Extraction du Mercure du Cinabre commun.
Prenez du Cinabre commun telle quantité que vous
voudrez, & l’ayant bien réduit en poudre vous le mettrez avec la moitié de
son poids de tartre pulvérisé, puis vous mettrez le tout dans une grande cornue
avec d’un très fort vinaigre, qui surnage les matières de trois ou quatre
doigts, les broyant auparavant bien fort, & puis en ayant retiré le
vinaigre par une lente distillation, vous l’ôterez du récipient pour le remplir
à demi d’eau commune, après vous l’ajusterez & l’accommoderez avec la
cornue, laquelle vous aurez auparavant posée sur le four ensevelie dans le
sable, & ferez bon feu par-dessous, & sur la fin par-dessus, & vous
verrez distiller le Mercure coulant en grande quantité dedans l’eau de votre
récipient, après vous le séparerez de l’eau, & l’ayant bien desséché de son
humidité, vous le garderez pour vous en servir à faire vos Mercures précipités
& autres choses.
Vous remarquerez que la chaux vive broyée peut servir
au lieu de tartre à revivifier en Mercure coulant le cinabre, comme aussi le
Mercure sublimé étant mêlé avec eux en même quantité que le tartre. Ces
Mercures ainsi préparés sont bien de toute autre nature que le vulgaire, qui
par sa grande froideur & crudité ne convient nullement avec les choses
chaudes & cuites, comme sont les métaux parfaits le Soleil & la Lune.
Prenez de l’antimoine cru & du Mercure sublimé,
parties égales, mêlez bien ensemble, & les mettez dans une retorte adaptée
& lutée avec son récipient, & sur un feu de sable, vous en tirerez par
degrés une gomme qui sera le beurre d’antimoine, & quand la gomme aura
cessé de distiller, vous ferez feu par-dessus aussi bien que par-dessous, &
votre matière se sublimera toute tant aux côtés qu’au col de la retorte, &
par ce moyen vous ferez un fort beau cinabre d’antimoine.
Essence de coraux & de perles.
Les
coraux se peuvent calciner avec le salpêtre, & puis on en peut tirer
l’essence avec l’eau de vie, laquelle ne touche pas au salpêtre, & quand
elle y toucherait, je ne pense pas qu’elle y peut nuire, vu l’excellent remède
qu’on tire du salpêtre, réduit en verre avec le soufre. Or pour faire la
calcination du corail, il faut premièrement le pulvériser, puis le mêler avec
trois fois autant de bon salpêtre, & y mettre le feu jusqu’à la parfaite
calcination. On pourrait faire le même des perles, mais il sera meilleur de les
dissoudre par le dissolvant aigre du soufre déphlegmé, car encore qu’il demeure
mêlé parmi l’essence, il ne lui peut être que grandement utile.
Dissolution des perles par le vinaigre de Saturne.
Distillez le vinaigre empreint du sel doux de Saturne,
& y dissolvez les perles, après distillez le vinaigre par-dessus les
perles, & quand il sera passé, changez de récipient, donnez feu doux, &
d’abord vous verrez sortir un esprit blanc & fort éthéré, après poussez un
peu le feu, & vous tirerez une liqueur rougeâtre, prenez toutes ces
liqueurs & les mettez dans une petite cornue, qui soit mise sur quelque
plaque percée pour recevoir la vapeur chaude d’un bain, par laquelle les
esprits blancs & éthérés se puissent séparer des autres, en changeant de
récipient, & au fond il restera une liqueur rouge, oléagineuse &
sulfureuse. Si donc, sur ces perles ainsi dissoutes, filtrées & dépurées,
vous versez quelques gouttes de l’esprit blanc de Saturne, vous verrez le corps
de vos perles dissoutes, se coaguler avec le menstrue en une masse fort
transparente, & presque toute semblable aux perles Orientales, fort propre
à l’embellissement des femmes & à fortifier toutes les parties nobles du corps
humain.
Quand on a tiré de la litharge, ou du minium l’huile
ardente avec tout son esprit, il faut la rectifier selon l’art, &
premièrement distiller le pur & le vrai esprit mercuriel ardent, puis une
eau de vie rougeâtre & oléagineuse, & finalement un sel en forme de
vinaigre très mordant, qui est le phlegme avec lequel on dissout les perles. Et
avec l’esprit mercuriel qu’on y ajoute, elles se coagulent avec leur phlegme
acide. Ce même esprit qui a la vertu coagulative, bien qu’il soit ardant &
flagrant à tant de froideur, que si vous y trempez un doigt de la main, &
que vous l’approchiez d’une chandelle allumée, cet esprit s’allumera sans que
votre doigt le sente, car au contraire, vous sentirez votre doigt plus froid
que chaud, bien qu’il soit tout enflammé.
Magistère de perles & de coraux.
Le Magistère de perles & de coraux se fait avec le
vinaigre & l’esprit de tartre, car après que vous aurez dissout l’un &
l’autre parfaitement dans le vinaigre distillé, & que vous y aurez ajouté
quelques gouttes d’huile de tartre, c’est-à-dire du sel de tartre dissout dans
de l’eau de fontaine, mettant sur deux livres d’eau 4 onces de sel, le faisant
ainsi fort au goût pour être plus pénétrant (autrement les essences iraient au fond
& jauniraient) vous séparerez vos perles & vos coraux de leur menstrue,
puis vous les adoucirez par diverses ablutions, & vous en servirez à
plusieurs beaux usages de la médecine.
Le magistère de perles étant mêlé avec quelque eau
d’euphraise en forme de liniment, efface les taches qui couvrent la pupille des
yeux, pourvu qu’elles ne soient pas trop invétérées, & que telles taches ne
soient pas converties en membrane.
Essence des pierres médicinales.
On tire les essences des coques d’œufs, des
coquillages, des calculs, des éponges, des pierres qu’on appelle Lyncée &
Judaïque, de la même façon que nous venons d’enseigner, & telles essences
sont d’une merveilleuse force, pour dissoudre & pousser hors de la vessie
les pierres des Calculistes. Mais les essences de la pierre Judaïque & de
la Lyncée, sont incomparablement plus propres que les autres, car si vous en
donnez un grain seulement, ou deux, avec du vin blanc, ou bien avec quelque
autre eau convenable, vous donnerez un diurétique qui fera uriner presque
jusqu’au sang.
J’estime qu’au lieu de vinaigre , on pourrait se servir
de l’esprit acide du vitriol ou du soufre, & que si l’on tirait comme
dessus, la teinture du sel de la pierre Judaïque, qu’on pourrait en faire un
aussi puissant diurétique pour dissoudre la pierre, pourvu qu’on en fit des
injections avec la seringue dans la vessie avec l’eau de blanc d’œuf, ou bien
après avoir dissout dans le vinaigre ladite essence, la faire dissoudre encore
dans les blancs d’œufs endurcis.
L’essence de l’Hématite se peut facilement tirer par le
moyen de la pierre ponce, comme nous avons dit en plusieurs endroits, ou bien
par l’aide du vinaigre rosat, & de ce vinaigre empreint de cette pierre, on
peut faire avec le jus de groseille ou celui de plantin un sirop, ou bien une
forme de potion spécifique & très propre à ceux qui pissent le sang. Si
vous ne trouvez pas de l’hématite, prenez du corail ou du Crocus Martis, &
le préparez de la même façon que l’hématite.
Prenez les Hyacinthes les plus épurées & les plus
dépouillées de leur brut que vous pourrez trouver, mettez les bien subtilement
en poudre, calcinez les après avec les fleurs de soufre par trois fois, puis
tirez en l’essence ou la teinture avec l’esprit de sel, par la digestion du
bain, ou du ventre du cheval, cette teinture est admirable contre les maladies
nerveuses, si l’on en donne une dose raisonnable l’espace de quinze jours,
& de cela l’expérience en a été faite en un contract (sic-L.A.T.), qui en fut
parfaitement guéri, étant par ce remède purgé deux ou trois fois, car il a cette
propriété de purger & de corroborer tout ensemble. Vous pourrez de même
tirer l’essence des autres pierreries.
Huile de Cristal pour le calcul.
Calcinez
& rougissez par diverses fois le cristal pulvérisé dans un creuset, après
éteignez le dans du vinaigre, continuez cette calcination & cette
extinction plusieurs fois, car tant plus tant mieux, & même il serait bon
de le réverbérer un peu longtemps dans un four, & d’abreuver après la chaux
rouge de vinaigre plusieurs fois, sur ce cristal calciné de la sorte, vous
mettrez de nouveau vinaigre tant qu’il surnage 4 doigts pour en tirer un sel,
après séparez en le vinaigre, & le sel vous restera au fond de couleur de
poireaux, vous mettrez ce sel dessus le marbre pour être dissout en lieu
humide, & de cette liqueur vous en donnerez quelques gouttes avec un
véhicule convenable pour le calcul.
Le verre de Venise éteint par plusieurs fois dans
l’esprit de vitriol & bien
réduit en poudre, a la même propriété que le cristal, voire même plus grande,
pour la contrition du calcul, d’autant qu’il participe du sel alcali.
Préparation du Talc avec la manière de le réduire en
huile.
Prenez
du Talc en poudre, du tartre & du salpêtre, autant des uns que des autres,
& les faites calciner dans un grand feu de fusion, jusqu’à ce que votre
matière soit blanche, puis retirez les sels, & le Talc vous restera calciné
& réduit à une parfaite blancheur. Enfin tirez en le sel avec de fort bon
vinaigre sur un feu de digestion, puis remettez ces vinaigres empreints du sel
de votre talc, dans un pot d’alambic, pour le faire distiller jusqu’au sec,
& mettez la matière restante en résolution à l’humide, & de cette sorte
vous ferez une huile de Talc, s’il est véritable ce que l’on dit, que le
vinaigre attire le sel du talc, aussi bien que des autres minéraux. Pour moi je
voudrais le distiller jusqu’à la moitié ou jusqu’aux deux tiers, & laisser
former les glaçons au froid, comme de toutes autres choses, & la résolution
s’en ferait plutôt.
Pulvérisez du Talc, ou le brisez le plus que vous
pourrez, pour le mettre dans un pot de terre, qui ne soit point cuit ni vitré,
que vous luterez exactement, pour le mettre au four de réverbère durant huit
heures, afin qu’il se calcine parfaitement, puis mettez le dans un petit sac de
toile neuve, que vous lierez très bien, pour le froisser entre les mains fort
longuement, & qu’il se rende tel, qu’il puisse passer aisément au tamis des
poudres cordiales : étant donc en poudre fort subtile comme de farine, mettez
le dans une cornue de verre, & l’ensevelissez dans la terre, en une cave,
ayant le bec tourné vers le haut, & couvert d’un parchemin, laissez ainsi
cela durant 20 jours, sans y toucher, & dans ce temps votre talc sera
réduit en pâte, cela fait mettez votre cornue sur le four en une jatte de terre
sur deux doigts de sable, qui la couvre tout à l’entour jusqu’au haut, agencez
après le récipient & lui donnez petit feu, l’augmentant peu à peu jusqu’à
ce qu’il en sorte une liqueur blanche, puis une rouge, & finalement une
tannée, ainsi vous verrez diverses couleurs & substances différentes &
fort visqueuses, sortir d’une même matière, dont la première, qui est toute
médicinale, est appelée terre par les Alchimistes, à raison de son humidité,
& la seconde feu, à cause de sa subtilité. Après pilez vos fèces restantes
pour les faire bouillir dans une chaudière, ou dans un pot avec de l’eau de
puits, que vous coulerez & que vous garderez à part en une fiole bien
fermée, aussi bien que les autres huiles. Cette dernière eau blanchit tout le
corps, guérit les enflures de jambe & les grosses galles, amollit &
blanchit les mains, & les nettoie de toutes taches, si l’on les en lave
quelques fois. Mais la liqueur n’en ôte pas seulement les taches, mais aussi
les verrues, les cicatrices & les autres marques, elle blanchit les dents et
ôte les rides du visage pour jamais, & si l’on en donne à boire deux
gouttes dans du vin ou du bouillon, l’on chassera la mauvaise haleine qui
procède de putréfaction, de plus elle fortifie la mère, réveille l’appétit
& corrige tous les vices de l’estomac.
Autre excellente huile de Talc.
Prenez quatre livres de bon sublimé fait exprès de 4
livres de vitriol Romain, de deux livres de sel commun préparé, & de deux
livres de Mercure de cinabre que vous aurez fait mortifier dans du sel & du
vinaigre cinq ou six jours, & qu’ayant passé par un linge vous exprimerez
peu à peu dans votre matière de vitriol & de sel, que vous aurez auparavant
fondus sur un feu de charbon médiocre & à demi desséchés, puis broyez le
tout jusqu’à ce qu’il soit réduit en poudre, & que le Mercure ne se
discerne plus, alors mettez votre matière sur un marbre, où vous la broierez
jusqu’à ce que le tout soit en poudré impalpable, puis mettez la entre deux jattes
de terre vernissée pour la sublimer, prenez après de ce sublimé, du colcotar,
du verre de Venise, & du sel commun préparé, remettez le tout pour être
sublimé comme devant, & ce sublimé doit être encore resublimé, avec autant
de talc qu’il pèse, & autant de sel commun préparé par six fois, remêlant
toujours les fèces avec les matières sublimées, les rebroyant ensemble chaque
fois, & y mettant dessus l’épaisseur d’un travers de doigt de nouveau sel
préparé, & de cette manière vous ferez un sublimé beau, cristallin &
bien dépouillé de toutes ses vénénosités, lequel est propre tant à la santé
qu’à l’embellissement du visage. Et pour les fèces du sel qui vous seront
restées, vous les dissoudrez dans de l’eau pour en séparer le sel, & il
vous restera un Talc parfaitement beau, & calciné philosophiquement, qui se
peut dissoudre en cet état, & se réduire en huile par l’aide de l’esprit de
vin, laquelle sera merveilleuse pour l’embellissement.
Prenez donc de ce sublimé une livre, du sel de tartre
fort beau & fort cristallin fait par diverses dissolutions, additions &
distillations d’eau de vie deux livres, broyez & mêlez bien le tout
ensemble, puis mettez à la cave sur la lame de verre à dissoudre, & le
déphlegmez ensuite par le bain, & finalement distillez le par les cendres,
& tout votre mercure de vie passera en une eau précieuse &
transparente, votre sel de tartre demeurant dans la cornue beaucoup meilleur
qu’auparavant pour les mêmes ouvrages. Cette huile toute seule donne déjà le
lustre aux perles jaunes, & est un des beaux décorements de la nature,
étant mêlée avec des eaux convenables.
Mais pour en faire la vraie souveraine huile de Talc,
prenez le talc calciné qui vous est resté, & l’abreuvez dessus le marbre ou
dans un vase de verre avec son double poids de votre huile, mettez le tout en
digestion au bain durant huit jours, puis passez par la cornue, & une
partie du talc mêlée avec huile de Mercure passera dans le récipient, & au fond
demeurera le talc en forme de Lumen perlarum,
qui se dissout de soi-même en toutes sortes de liqueur, qui est la vraie &
l’admirable huile de talc, laquelle blanchit merveilleusement, nourrit le
teint, & conserve la beauté, de plus elle efface toutes les tâches &
tous les vices de la peau, ôte les rougeurs du visage, quand mêmes elles
seraient naturelles, & blanchit tout à l’heure l’écarlate.
FIN
Annexe
Le bol armène
Fin de l'annexe