Symbole de la "minière philosophique" selon le manuscrit. (Utilisé au début du XIXème siècle pour représenter l'astéroïde Pallas) |
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MONSIEUR D'ANVERS Procédé de Monsieur d'Anvers.
PROCÉDÉ DE MONSIEUR D'ANVERS
MANUSCRIT DU FONDS CHEVREUL
AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS
1722
(Suivi des Ephémérides Suisses de l’année 1641, pour l'évaluation astronomique de la Coction)
(Insertion de L.A.T.)
PRÉAMBULE
L’auteur de ce manuscrit (consultable
au Museum d’Histoire Naturelle de Paris, Fonds Chevreul) souligne, dès le
troisième paragraphe, l’orientation de son propos : il s’agit de traiter de l’alchimie, et non de
la spagyrie ou de l’archimie.
(…) « de même le Mercure vif lorsqu'il est épuré et échauffé physiquement,
reçoit l'âme du Soleil et de la Lune, en emprunte le ferment, et se joint
naturellement à eux comme l'homme à la femme » (...)
Le « cryptage symbolique »
du texte est, quant à lui, fort habituel. Le jeu des « influences célestes »
est dissimulé sous le couvert d’opérations de chimie commune. On s’y perdrait
facilement, surtout si l’on imagine que le Nitre (par exemple), nommé aussi Salpêtre,
est un vulgaire élément terrestre, plutôt qu’un élément proprement céleste, ce
que Sigismond Bacstrom, dans sa traduction vers l’anglais de la Chaîne d’Or d’Homère de Kirchweger (Chapter
2, How all things proceed therefrom),
précise ainsi :
Thus we say, not without good reason, that the Solar Rays of
Light, are nothing else but a most subtil spiritual Spiritual Mundi, which
gradually becomes more and more nitreous, as it approaches the Earth, but Sea
Salt in the Ocean; animating the atmosphere with fire or Life, and thereby
giving elasticity to the air, and Life and preservation to the water.
Extrait dont une version française
pourrait être :
Nous disons, non sans de bonnes raisons, que les rayons de lumière
du Soleil ne sont rien d'autre qu'un très subtil Nitre Spirituel qui devient de
plus en plus nitreux à son approche de la terre, pour terminer comme sel de la
mer dans l’océan ; alors il peut animer l'atmosphère avec le feu ou la Vie,
donnant ainsi l'élasticité à l'air, et la vie et préservation à l’eau.
De même pour l’Antimoine, souvent
cité par l’auteur, et dont Pernéty, dans son Dictionnaire Mytho-Hermétique, dit ceci :
Les Chymistes se trompent quand ils prennent l'antimoine vulgaire
pour la matière des Sages. La chose à laquelle les Philosophes donnent le nom
d'antimoine est leur eau permanente, leur eau céleste, en un mot, leur mercure
(…)
Et ainsi de suite.
L’intérêt particulier de ce
manuscrit tient dans sa description très précisément datée d’une opération que
l’auteur nomme « coction ». On pourra comparer ce déroulement temporel
aux indications données à ce propos par un Gobineau de Montluisant (Explication très curieuse des énigmes et figures hiéroglyphiques qui sont au grand portail de l'église cathédrale et Métropolitaine de Notre-Dame de Paris). On pourra
également se référer aux positions planétaires de l’époque de cette opération,
dont je donne les tables en fin de document, en notant que le 18 septembre 1641
– fin de la « coction » - est une journée de pleine lune.
L.A.T.
PROCÉDÉ DE MONSIEUR D’ANVERS
Le Mercure vulgaire peut devenir
par une préparation industrieuse tel Mercure qu'il vous plaira puisqu'il
devient Soleil ou Lune par la projection, il est donc capable de leur chaleur,
siccité et solidité en beaucoup plus de temps par vos préparations. Le Mercure
vif est la terre fertile des Sages après sa due préparation, dont la première
est de le bien épurer, sans laquelle préparation physique il ne peut
s’homogénéiser avec les corps parfaits étant trop froid et terrestre.
La deuxième est de le chauffer
physiquement pour qu'il ait affinité avec le Mercure moyen des corps parfaits
et qu'il s'y mêle parfaitement.
La troisième et de le bien animer
d'une âme et forme fixe et parfaite, n'en ayant point en soi, et recevant celle
des autres métaux comme la cire reçoit l'impression d'un cachet, et de même que
la terre reçoit en soi la pluie dont elle s'engraisse et s'empreint des vertus
de l'eau pour en faire des productions, de même le Mercure vif lorsqu'il est
épuré et échauffé physiquement, reçoit l'âme du Soleil et de la Lune, en
emprunte le ferment, et se joint naturellement à eux comme l'homme à la femme
et contient réellement par là la vertu et propriété de ces deux corps parfaits.
L'Antimoine comme il naît des
montagnes, étant mêlé de pierres et d'excréments de sa minière n'est jamais
pur. Il se purifie par digestion. La digestion par un feu sulfureux double
métallique est la meilleure et quoique les artistes le préparent par un feu
végétable, c'est-à-dire avec le Tartre, cette digestion n'est pas naturelle. Or
la raison pourquoi le Tartre sépare le régule des scories est que le Soufre
impur de l'Antimoine est plus végétable que métallique ; pourtant vous
devez le purifier avec le Soufre sorti du Soufre vif et non pas des sels car ce
Soufre métallique se réduit lui- même en Mercure lunaire dans le Mars magique
et non ailleurs et se fait ainsi :
Prenez 4 parts de Mars ou clous de
maréchal et les rougissez en creuset au four à vent puis jetez dans le creuset
9 parts d'Antimoine, faites grand feu jusqu'à ce que le Mars soit fondu comme
eau mercurielle dans l'Antimoine et pour hâter la fusion, jetez dans le creuset
avec une cuiller de fer 2 parts de Nitre et laissez travailler ensemble dans le
creuset, qui doit être grand de crainte que la matière ne se répande, jusqu'à
ce qu'il ne se fasse plus de bruit dans le creuset.
On répète l'opération trois fois
avec 1 part de Nitre.
Fondez-le pour la troisième fois
en ajoutant encore 1 part de Nitre et quand le Nitre surnagera comme une huile
à grand feu, vous séparerez le régule des scories.
La quatrième fois on ne met pas de
Nitre, mais le signe de la bonne opération c'est la couleur dorée des scories
et l'étoile. On aura 4 parts de Couronne à Trois Pointes et l'opération se
pourra faire en 4.
Remarquez que ce n'est pas le Nitre
qui sépare de la sorte l'Antimoine de ses scories mais l'Antimoine extrait
l'âme du Mars c'est-à-dire son meilleur Soufre et le réduit en Mercure et ce Mercure
n'est que feu et la vertu du Feu qui dans l'Antimoine digère le Mercure
indigeste et sépare la mine dans ce métal. Vous devez aussi savoir que le Mercure
du Mars est caché dans cet Antimoine purgé sous la blancheur du Mercure d'Antimoine
car la blancheur de Lune que vous voyez en ce régule n'est pas de son Soufre
mais de Mercure sous lequel est caché le Mercure de Mars qui n'est autre chose
que le Soleil. Le Mercure de Mars n'est aussi dans le Mercure d'Antimoine qu'un
esprit ou un air vif jusqu'à ce qu'il vienne en corps, c'est-à-dire en Soleil
séparé alors du Mercure d'Antimoine.
Si vous entendez donc ce qu'est le
Feu qui purge l'Antimoine, vous entendez aussi ce qu'est ce qui purge et digère
l'Antimoine des Sages, puisque vous avez à présent séparé l'Antimoine des
excréments et immondices ou Soufre brûlant, lequel étant séparé de l’Antimoine
retourne en son premier être ou première matière qui n'est rien que feu, être
du Feu, n'est que la Lune vive composée du plus grand arcane de la nature.
L'opération par laquelle vous
réjouirez le Soufre de l'Antimoine purgé, c'est-à-dire du régule d'Antimoine
est admirable. La Lune est morte dans l'Antimoine et il doit être revivifié par
sa propre et seule vie et non par autre chose.
Connaissez donc de tout cela que
le Mercure du régule d'Antimoine doit être revivifié, c'est-à-dire devenir Mercure
par le Mercure ce qui ne se peut pas sans mixtion et nous voyons pourtant que
le régule ne se mêle point avec le Mercure vif cause du Mercure combustible qui
est dans le régule car comme ce Soufre n'est pas métallique il n'a par
conséquent aucune affinité avec le Mercure vif et empêche la mixtion, c'est
pourquoi il faut un moyen terme entre l’Antimoine et le Mercure vif (la Lune).
Prenez donc 2 parts de Lune très pure,
faites la rougir dans un creuset et y jetez 1 part de votre régule et quand
tout sera bien fondu, jetez-le dans une lingotière et trouverez une masse
métallique de couleur de plomb des plus facile à piler. Pilez-la donc en poudre
très fine et la jetez dans un vase de verre, jetez dessus 8 ou 10 parts de Mercure
très pur, mettez le corps de XX au Bain-Marie et l'y laissez 24 heures. Dans
lequel temps la poudre noire entrera dans le Mercure agitant le vase et quand
la poudre et le Mercure seront bien mêlés ensemble, vous tirerez le tout du
vase et le broierez dans un mortier de marbre et il se fera un amalgame que vous
mettrez au Bain-Marie à digérer, et après à rebroyer dans un mortier de marbre
avec de l’Eau bien pure. L'Eau deviendra noire, versez cette eau à part et en
remettez d'autre et rebroyez tant que cette eau devienne noire, réitérez cet
ouvrage jusqu'à ce que la Lune soit à son plein, c'est-à-dire jusqu'à ce que l’amalgame
soit dépouillé de toute noirceur (mauvais Soufre de l’Antimoine) et paraisse
blanche comme fine Lune. Pour le mieux faire vous pourrez broyer avec le Sel
blanc et pur, la noirceur s'en ira plutôt. Plus l’amalgame rend de noirceur
plus il se résout de Mercure d'Antimoine et plus le Mercure vif devient
philosophal. Ainsi tout le secret est de bien digérer, laver, réitérer toutes
ces opérations pour échauffer, épurer et animer le Mercure vif, par une seule
opération qui sera après de trois sortes : Mercure vif, Mercure d'Antimoine et Mercure
de Mars en un seul Mercure qui sera capable de dissoudre Soleil et Lune vive,
car ce Mercure distillé avec la Lune pénètre les métaux et sépare naturellement
les éléments c'est-à-dire Lune, Soufre et Mercure, ce que ne font pas les
autres Mercure ni même le Mercure vif, à moins qu'il n'ait passé par nos
préparations comme vous venez d'apprendre.
Or donc vous voyez votre amalgame
blanc et sans noirceur, mettez-la dans une retorte et à grand feu activez votre
Mercure de la Lune. Si la lotion a été bien faite vous trouverez la Lune pure
et blanche sinon elle sera encore couleur de plomb, ce qui sera signe qu'il y a
encore de l'Antimoine.
Afin que le Mercure soit plus
échauffé et épuré, il faut reprendre la Lune qui reste dans la cornue, la
résoudre avec de nouveau régule et cohober de nouveau le Mercure qui est passé
et refaire de point en point jusqu'à 10 fois, pour lors la Lune aura rendu
l'âme et vous pourrez dire en vérité que vous avez le Mercure et le dissolvant
des Philosophes.
Voyez donc comme le Mercure vif
est la terre fertile des Philosophes mais incomplète, n'ayant en soi que
l'humide de la Lune et pour la rendre complète il faut l'animer du Soufre chaud
du Soleil ce que vous ferez ainsi :
Prenez autant de Soleil que vous
avez fait de Lune, mettez-y la moitié de son poids de régule dans un creuset
quand il sera bien chaud, étant fondu, jetez-les dans une lingotière, pulvérisez
cette masse frangible et noire et la jetez dans un [illisible] d’XX [illisible]
vous aurez mis tout votre Mercure Lunaire, mettez le tout à digérer 24 h au Bain-Marie
après lesquelles retirez votre vaisseau du Bain-Marie et amalgamez bien
ensemble dans un mortier de marbre votre Soleil et Mercure les broyant, et mêlez
tout avec de l’Eau jusqu'à ce qu'il ne paraisse plus aucune noirceur,
distillant après le tout comme vous avez fait auparavant, en un mot procédez de
point en point avec le Soleil comme vous avez fait avec la Lune et alors vantez-vous
d'avoir le véritable triple Mercure des Philosophes qu'ils ont tant caché.
Cela étant, il est certain que vous
avez 3 voies pour arriver à la Pierre des Philosophes.
1 - La première est de prendre votre
Mercure et, selon les règles de la prudence, le mettre dans un œuf
philosophique ou Feu secret des sages, et le cuire et digérer à feu de degré
selon l’exigence de la matière, laquelle étant duement et sagement gouvernée et
en vrai philosophe vous donnera le fils du Soufre revêtu de sa pourpre royale, que
vous imbiberez encore de son Eau remettant au même régime que ci-devant, et
réitérant cette opération 7 fois pour lors vous aurez pleinement les trésors de
la santé. Remarquez que dans votre vaisseau et dans la chose cuite passent
toutes les couleurs dont parlent les Philosophes.
2 – La deuxième voie de la vraie Pierre
philosophale est de prendre 1 part, c'est-à-dire un poids de Soufre de Lune et
l'incorporer en 3 parts de son Mercure philosophal, puis mettez le tout dans
l’œuf des philosophes au feu du 1er degré, qui est la chaleur d’une poule qui
couve, et continuez ainsi cette chaleur jusqu’à ce que la matière soit noire,
et lorsque cette couleur commencera à passer, vous augmenterez votre feu de 2
degrés qui est encore une fois autant de chaleur, la continuant tant que la
matière soit grise réduite en poudre blanche, pour lors vous aurez la minière
philosophique au blanc qui est la commencement de l’œuvre que vous devez nécessairement
multiplier 7 fois avec votre Mercure, la réduisant chaque fois en Mercure
coulant par son propre Mercure et la réduisant à chaque fois jusqu’à être
poudre, c’est alors que vous aurez réussi.
Mais ayant cette précieuse matière,
vous la réduirez derechef en Mercure coulant duquel vous prendrez 3 parties
avec 1 part du Soufre Soleil que vous lui incorporerez parfaitement, et les
mettrez dans l’œuf philosophique donnant feu du 1er degré jusqu’à ce que la
matière soit réduite en poudre rouge qui se peut multiplier à l’infini, comme
la blanche, mais que vous devez pour le moins multiplier jusqu’à 7 fois pour votre
ouvrage en réduisant chaque fois cette poudre en Mercure coulant par son propre
Mercure et le réduisant en poudre autant de fois.
Les anciens ont nommé cette poudre
Dragon dévorant, Lion ravissant, Serpent volant, mais vous, l’ayant réduite en
poudre fixe, fusible et pénétrante comme la foudre par réitérées sublimations, vous
la devez nommer le fils du Soufre.
Cette voie est plus longue que la première
et la troisième que je vais vous enseigner maintenant.
3 - Troisième voie pour faire la Pierre
philosophale, de calciner premièrement le Soleil.
Prenez 1 part de Soleil très fin
purifié par l’Antimoine comme j'ai déjà dit dans mes épitres parlant du Loup
affamé, et 10 parts de votre Mercure philosophal, amalgamez comme il est de
coutume et que l’amalgame soit bien fait, que le Soleil ne paraisse ni ne se
sente plus sous les doigts, et prenez garde de ne pas trop chauffer par les
charbons de peur (illisible) et quand il sera bien amalgamé, mettez-le dans une
cucurbite couverte d'un vaisseau au Bain-Marie durant 5 ou 6 jours, car par le Feu
humide les matières s'affermissent davantage, puis retirez votre vaisseau. Sublimez
le Mercure sans addition ni aucune matière contraire au Soleil. Après cela tirez
le Mercure avec une plume et le revivifiez dans l’Eau bouillante comme il est
de coutume et il retournera en Mercure coulant. Cela fait joignez-le au Soleil
et le broyez de telle sorte qu'il s'amalgame, remettez encore au Bain-Marie,
ressublimez, revivifiez et réamalgamez derechef comme auparavant, réitérant
cela jusqu'à 7 fois ou jusqu'à ce que la chaux de Soleil qui reste au fond
après la sublimation du Mercure mise sur une lamine de Vénus ou de Lune rougie
coule et se fonde aussi vite que de la cire, voilà la preuve que c'est la vraie
chaux philosophique [illisible] ce
qui arrive souvent à la 7e Sublimation.
Votre or ainsi calciné
philosophiquement, vous devez en faire conjonction avec votre Mercure philosophal.
Cette opération est fort simple et néanmoins fort mystérieuse, heureux qui a pu
parvenir jusqu'à ce point car en faisant cette opération il renferme le Soleil
et la Lune dans son vaisseau et donne du Feu au Feu, du Mercure au Mercure.
Prenez 1 part de votre Soleil
calciné philosophiquement amalgamé avec 10 parts de votre Mercure philosophal,
ne le chauffant pas trop, craignez que par trop de chaleur il ne s'en aille
quelque chose des précieuses matières, car le Mercure philosophal entretient en
lui l'âme de l'or qui est très subtile et très volatile.
Quand donc votre amalgame sera
fait, vous le passerez par le chamois pour en exprimer le superflu et après prenez
ce qui reste dans le chamois et le broyez dans un mortier de verre si
longuement que l'amalgame demeure en poudre subtile, cela fait passez par le
chamois et faites cela tant de fois qu'il ne passera plus rien, ainsi vous êtes
certain que le poids de nature est respecté. (1 part de Soleil et 4 de Mercure).
Après broyez dans le mortier de porphyre et le mortier de verre et quand vous
l'aurez bien broyé mettez-le dans un œuf philosophal après la conjonction de
ces matières; vous mettrez cette composition dans un vaisseau à digérer. Le
vaisseau n'est qu'un matras de verre de qui le bas ne doit pas être rond mais
plutôt ovale comme un œuf d'une poule.
Observez principalement qu'il ne
soit ni trop grand ni trop petit, car s'il est trop grand le Mercure se
dissipera et son humidité se perdra et sa radicale sera stérile, et s'il était
trop petit vos fleurs seraient suffoquées et ne porteraient point de fruits.
Ainsi je vous avertis de choisir un verre proportionné à la quantité de
matière, c'est-à-dire qu'il faut que la matière n'occupe que la 5ème partie du
verre en en ayant 4 de vides. Ayant donc choisi l'œuf philosophal convenable et
de juste proportion à la quantité de la matière, vous le scellerez
hermétiquement et le poserez au four secret des philosophes comme vous allez le
voir dans la suite.
Le four secret est un fourneau de
la forme de ceux que l’on fait pour cuire le pain duquel il faut que vous vous
serviez avec toutes les préparations requises. Pour lors vous mettrez dans
l’œuf toutes les matières philosophiques qui doivent être contenues, lequel vous
poserez sur une petite écuelle de terre qui sera toute entière rempli de son
feu minéral, mettez votre écuelle sur un petit trépied lequel vous placerez au
milieu du fourneau en sorte que l’œuf philosophal qui sera suspendu en l’air
sur son trépied puisse sentir la chaleur de son feu également de tous les
endroits.
Ainsi ayant posé l’œuf philosophal
dans le four secret, vous lui donnerez le feu après avoir placé votre vaisseau
dans le fourneau. Gouvernez le feu de façon que la chaleur externe ne surmonte
pas la chaleur interne car autrement si elle est grande l’union des matières ne
se pourrait faire ni étendre par conséquent, car la trop grande chaleur
dissiperait les matières et les brûlerait, que si aussi le feu externe était
moindre qu’il ne faudrait, l’esprit des matières resterait sans être ému et
sans agir avec son humidité, sans dessécher et fixer car les esprits des métaux
sont mort et comme assoupis et endormis sans pouvoir travailler ni opérer s’ils
ne sont excités et vivifiés par le feu vif. Prenez donc garde exactement au
feu, que vous le régissiez de telle sorte qu’il ne soit ni trop grand ni trop
petit, mais sachez que si vous n’avez pas connaissance de notre feu minéral,
vous tomberez en erreur comme beaucoup d’autres qui travaillent aveuglément
sans entendre le sens de nos paroles. Apprenez donc que nous avons 3 feux sans
la connaissance desquels on ne peut rien faire en cette science.
Le 1er feu est externe qui se fait
de charbon ou par la lampe ingénieusement appliquée au fourneau secret.
Le 2ème est un feu minéral qui se
prend d’ailleurs que de la matière laquelle participe de la nature du Soufre ;
il est digérant, altérant, pénétrant et fixant tous les esprits métalliques par
son esprit Martial parce que le 2ème feu minéral n’est autre chose que de la
limaille de fer bien déliée que nous mettons dans une écuelle de terre assez
profonde et dans cette limaille nous posons l’œuf.
Le 3ème est aussi minéral et
interne, il est contenu au plus profond centre du Soleil et de la Lune et au Mercure
et voilà ce que sont les 3 principaux feux différents dont se servent les philosophes.
De ces trois feux proviennent la
corruption et la putréfaction de notre précieuse matière car la noirceur [illisible] de ces trois feux provient
la vertu de corruption et putréfaction. La noirceur arrive d’ordinaire après 40
jours. Alors la qualité élémentaire des corps commence à se transmuer en
diverses couleurs et la siccité, agissant sur l’humide des corps, devient spirituelle
[illisible] jusqu’à cette noirceur et
le changement des couleurs n’est autre chose que la dissolution du Soleil par
le Mercure, laquelle dissolution étant parfaite, les 4 éléments s’unissent,
savoir, l’eau avec l’air, et le feu avec la terre en juste tempérament; après
tout cela, environ 40 jours après, lorsque l’humidité se perd et se dessèche,
la fleur de diverses couleurs s’en va et se détermine, et la matière commence à
se blanchir et devient ensuite en un très beau blanc durable 20 jours environ
durant, ou environ les 40 jours suivant elle devient en quelque façon rouge
comme couleur de brique; enfin au terme que la nature lui donne et ordonne,
dans les autres 40 jours plus ou moins, elle s’achève finalement en couleur de
sang très rouge. Mais prenez bien garde à ne pas quitter la besogne et de trop
hâter, encore que cela se puisse achever en 6 mois. Donnez-lui autant de temps
qu’il faudra et attendez le Roi pour votre bonheur car d’autant qu’il sèche en
lenteur, d’autant il se fait en perfection et devient-il plus puissant et
efficace. Quand donc vous apercevrez le Roi prendre sa couleur de rouge et
revêtue de gloire, ne laissez pas de le tenir néanmoins 40 jours dans la
chaleur afin que l’œuvre reçoive tout d’une fois sa dernière perfection.
COCTION DE MONSIEUR D’ANVERS
Faisant le même ouvrage, je mis le
matras ou œuf le 6 Mars 1641 dans un athanor à feu de lampe avec un lumillon de
3 fils de coton dans un fil de laiton, dans laquelle posture il demeurera sans
altération visible jusqu’au 17ème de Mars, auquel jour il apparut une fumée
puis une confusion de fumée qui montait et descendait étant de plusieurs
couleurs obscures qui demeurèrent ainsi 7 jours, et le 24 Mars commença à
paraître une couleur obscure touchant au noir qui augmenta jusqu’à ce qu’elle
fut devenue noire comme de l’encre et cela dura 10 jours. Le 5 Avril il parut
dans le verre une petite étincelle reluisante comme une étoile qui naissait
toujours pendant 8 jours, et le 13ème d’Avril la lumière perçait les nues qui
s’augmentent pendant quelques 15 jours et le 30ème l’œuf était comme pluie de
feu et cela dura 10 jours. Le 1er Mai une couleur verdâtre parut comme un arc
en ciel qui roulait dans le verre comme un serpent et cela dura 8 jours, et le
18 Mai il changea en vert jaunâtre et continua 6 jours sans changement. Le 25
Mai la couleur devint rouge au fond et paraissait comme un charbon ardent; le
26 on ajouta encore 2 fils de laiton avec un lumillon de 3 fils de coton à
chaque, et au fond du vaisseau paraissait une couleur ardente et le reste était
partout d’une couleur pâle et continua 6 jours; le 6 Juin la couleur augmenta
en rougeur puis devint rouge comme sang continuant ainsi 14 jours. Puis elle
diminua comme elle avait augmenté pendant 8 jours. Le 23ème de Juin le verre
était comme de l’eau, le tout pâle et s’enflait en montant et descendant et le
fond était d’une couleur obscure. Il paraissait comme des taches rouges et
jaunes tantôt grandes tantôt petites et continua ainsi 15 jours; le 19 Juillet
la couleur jaune gagna le dessus et devint couleur de citron et au fond plus
orangée et dura 35 jours puis se précipita au fond comme un jaune ardent
luisant; le 8 Août on lui ajouta encore 2 fils de laiton avec un lumillon de 3
fils de coton chaque, de sorte qu’il y avait 5 fils de laiton et 15 fils de
coton pour fixer (tirer) l’Huile.
Le 20 Août il y avait une telle
splendeur dans le verre qu’il semblait être un serpent et dura 5 jours ou
environ, le 26 Août la masse tomba par pièces au fond et y tomba des écailles
couleur de sol. Quand la masse rompit, il parut le plus fin vermillon que l’on
ait jamais vu. Vers le 8 Septembre le tout était comme du sang bouillant qui se
changea en couleur de foie, vers le 18 on y ajouta encore un fils de laiton
avec 3 fils de coton et l’on donna grande chaleur pendant 3 semaines durant
lesquelles on entendait craquer le verre comme s’il se fût rompu, ce qui
n’était que la perfection de la pierre qui fut achevée le 18 Octobre.
Quand donc votre œuvre sera cuite,
augmentez en vertu et en quantité de cette manière :
Prenez 1 part de chaux de Soleil
et amalgamez avec 2 parts de votre Mercure philosophal, et quand l’amalgame
sera fait ajoutez-y 1 part de poudre de projection rouge et broyez si longtemps
ensemble que le tout ne fasse qu’un même corps. Puis mettez le tout dans un
matras scellé hermétiquement au four secret et lui donnez le feu, gardant le
même ordre qu’à la première fois et dans 12 jours le tout se changera en poudre
rouge sans passer par les couleurs, qui fera projection sur la Lune un poids
sur mille, pour la dernière fois vous réitérez ce procédé dans votre four
secret avec la chaux d'or, votre double Mercure et votre Soufre philosophal, et
vous projetterez sur 10.000.
L’expérience et les bons livres vous
apprendront comme vous devez user pour la Gloire de Dieu, envers vous et les
pauvres.
Je vous avertis qu’ayant parti du Soufre
Lunaire et du Soufre Solaire dans la seconde Voie, vous devez prendre le Soufre-Soleil
qui reste dans la retorte après la distillation du Mercure philosophal, car
pour lors il est le Soleil des Sages et pourra digérer et cuire votre Mercure,
ce que ne croit pas l'ignorant que si vous avez tellement épuré échauffé et
animé votre Mercure qu'il n'est point resté dans la cornue ni de l'or ni de
l'argent, mais que le Mercure se soit imprégné et animé totalement de leur Mercure
n'en faisant qu'un, vous prendrez nouvelle Lune et nouveau Soleil dont vous
ferez Soufre Solaire et Soufre Lunaire avec votre Mercure philosophal ainsi que
vous avez fait de votre chaux Solaire lorsque vous l’avez rendue piquante sur
la langue et fondante à la chaleur d’une chandelle.
Voilà ce qui pouvait vous faire
encore quelque difficulté.
Adieu.
*
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