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ANONYME De la lumière de la nature (XVIème siècle)
"L'Animation " (1910)
Julien Champagne
DE LA LUMIÈRE DE LA NATURE
ANONYME - XVIe SIÈCLE
Si nous voulons mener utilement l’étude de la philosophie secrète, il faut nous efforcer de reconnaître et d’apprendre la lumière de la nature, car c’est elle qui nous dessille les yeux et qui nous permet de voir la nature invisible et cachée, comme si elle était parfaitement visible et manifeste. Nous pouvons reconnaître ses possibilités, ne plus nous appliquer à des recherches vaines, dilapider notre bien et nos biens, car il est impossible de mettre en acte ce que refuse la nature, même après un millénaire d’efforts. C’est là une des causes principales, qui explique qu’un si grand nombre de chercheurs se soient égarés dans un labyrinthe perpétuel et éternel, quand ils entrent en notre philosophie sans observer le canon ni respecter les règles. Or puisqu’il est décisif d’observer la lumière de la nature, il est nécessaire de la définir ; d’expliquer comment se conformer à elle en cette philosophie secrète et en ces mystères, car il ne s’agit de rien d’autre que de la puissance visible que recèlent toutes les créatures de ce monde. Certes nous ne le voyons pas directement, mais les effets, eux, sont visibles. Si nous observons par exemple dans le grand monde la génération des créatures et ses différents degrés, la lumière de la nature nous montre que chaque genre provient dans les créatures de la semence qui lui est propre, qui décide de sa naissance, et non d’une semence étrangère. Aucun piment donc ne peut être produit hors de la concordance de son anatomie, il faut l’union essentielle de ses qualités dans l’union essentielle des deux composantes. Il en va de même pour l’homme qui naît de son semblable, dans la dualité concordante de son anatomie essentielle : autrement il naîtrait des monstres, des êtres difformes tout à fait contraires à l’espèce, au genre propre à la semence, des êtres dénués de forme. Le pommier produit des pommes, le poirier des poires, le figuier des figues, et non des grenades, car cela serait contraire au pouvoir naturel. Toute créature d’autre part a sa matrice prédestinée, dont elle naît, car elle ne naît pas d’une matrice étrangère. La dualité que forme la semence féminine unie à la semence masculine est à l’origine d’un être indissociable. En troisième lieu, la puissance naturelle exige une période de temps déterminée, neuf mois pour que la semence accède tout à fait à une forme humaine. Pour qu’elle atteigne sa forme parfaite, il lui faut ensuite de nouveau un temps déterminé. Il en va de même pour le blé, de la germination au temps précis de la moisson. Si un moissonneur déraisonnable voulait couper le blé prématurément, il trouverait une pousse stérile, non parvenue à maturation. Les roses, les œillets, la vigne ont ainsi leur temps prédestiné, comme les genévriers qui mettent trois ans à mûrir leurs fruits. Il est donc grandement nécessaire d’observer avec la plus grande attention les alternances du temps dont tout dépend, car cette observation permet la connaissance suffisante de la lumière de la nature et elle la dévoile complètement. Si nous parvenons ainsi à faire concorder et à identifier les deux espèces qui croissent dans la terre et dans l’eau, nous pourrons comprendre sans difficulté les écrits philosophiques que les sages ont consacrés à la transplantation des métaux et des minéraux. Les écrits des philosophes en effet ne doivent pas être compris à la lettre, mais en respectant les possibilités de la nature. C’est alors que se révéleront, que se dévoileront les métaphores, les comparaisons et les allégories par lesquelles les sages ont occulté le mystère de notre philosophie secrète. Ne pensons pas cependant qu’il soit tout bonnement possible de trouver le secret par notre astuce propre. Il nous faut fréquenter l’école des sages, celle des maîtres qui ont tenu ce mystère dans le plus grand et dans le plus profond secret, sans se mettre tout de suite sous la férule de n’importe qui, mais en s’occupant seulement de ceux dont ils avaient apprécié la rectitude, le dévouement et la constance et qui avaient emporté leur secret dans la tombe sans rien dire. Celui qui comprend bien ledit canon peut séparer immédiatement le faux du juste et le bien du mal, les noyaux de l’écorce, comme les abeilles qui butinent le miel dans les fleurs. Il peut alors connaître très facilement le terme parfait de son travail, comme s’il l’avait mis cent fois sur son ouvrage et comme s’il avait une vue globale des choses. Ainsi il parviendra sans difficulté et avec d’autant plus de joie au terme désiré de son œuvre, il comprendra aisément tous les sophismes, se gardant de ceux qui ont causé d’inexprimables dommages, en s’efforçant de pratiquer un art qu’ils ne comprenaient pas. Pour résoudre et pour expliquer la question de savoir si la transplantation métallique doit suivre le cours de la nature - question qui plonge de nombreux chercheurs dans le doute, car ils n’arrivent pas à en comprendre la possibilité naturelle, nous proposons la réponse suivante : les philosophes expérimentés témoignent que la première matière est une et identique, la fusion des métaux le prouve également. La transplantation est possible, parce que la différence des métaux dépend de deux éléments, de leur superfluité, et de leur digestion ou maturation convenables. L’or n’est en effet rien d’autre que du mercure parvenu à maturation tout comme l’argent. Mais ce mercure n’est qu’à moitié digéré comme le montre un signe infaillible, sa couleur, et, comme il n’est pas parfaitement digéré, il contient encore une superfluité. Bref : les métaux imparfaits sont générés de la même manière que l’or, mais ils ont été mélangés avec une matière superflue que les philosophes nomment : soufre externe. Ladite superfluité entrave et empêche la digestion, et la matière ne peut atteindre la perfection. L’art consiste donc à séparer cette superfluité de la matière pure, afin que celle-ci accomplisse la digestion qui la conduise à la perfection, à maturation, à maturité. La lumière de la nature explique cette opération. Il faut un feu essentiel comme le confirme le soleil dont la chaleur engendre toutes les créatures du grand monde. Ce feu sépare les impuretés de ce qui est pur, bref, feu essentiel, il doit avoir la même origine que la substance que l’on veut transmuer. Tout ce qui sert en effet la génération ou la destruction d’une substance naturelle doit concorder avec cette substance pour ce qui est de la matière. Nous venons de parler un peu de la lumière de la nature. Parlons maintenant un peu de la matière de la pierre, de notre mercure. Le mercure des alchimistes n’est pas le mercure ordinaire, ce n’est pas non plus un mercure tiré des métaux imparfaits, mais c’est le début et la racine de tous les métaux. Ce n’est pas un corps, mais un esprit métallique équilibré et uniforme dans ses qualités et dans ses propriétés. Ce mercure n’est qu’une substance subtile, claire, pure et éternelle du mercure, du soufre et du sel, le mercure du soleil et de la lune, dans lequel la nature commence à réaliser le soleil et la lune. Mercure issu du soleil et de la lune, on le trouve dans les minerais du soleil et de la lune, qu’il dissout en mercure. Ajoutons donc ce mercure, notre mercure, au soleil et à la lune ordinaires, car ce n’est qu’en eux que nous pourrons obtenir sur terre l’énergie métallique capable de susciter la propriété coagulatrice du soufre de notre mercure. Sa préparation, son achèvement et sa fixation sont impossibles sans ces deux composantes. L’influence astrale réelle qui permet de rendre le mercure parfait est présente en effet dans le soleil et dans la lune. Dans une première opération, nous devons donc ajouter à notre mercure tout à fait volatil la lune qui éveille le soufre inné du mercure et qui permet la coagulation du mercure en lune. Ce mercure ne peut souffrir une grande chaleur, l’opération doit donc se dérouler à chaleur très douce. Si on se contentait d’ajouter du charbon, si on désirait obtenir de l’or à très haute température, le mercure se transformerait en un soufre rouge non volatil, impropre à l’œuvre, qui serait privé de son humidité radicale, ce qui serait contraire aux principes de l’art. Vouloir fixer le soufre rouge par l’or serait certes plus facile que de vouloir fixer le soufre blanc par l’argent. Mais on ne peut passer sans intermédiaire d’un extrême à l’autre. Ce mercure possède en lui la propriété métallique qui confère la forme métallique, mais il ne possède pas en lui l’énergie nécessaire, à moins qu’a ne soit généré par une digestion réalisée avec l’adjonction de soleil et de lune. Alors seulement il devient actif. Notre eau métallique ne peut en effet réaliser une teinture, si elle n’est pas elle-même teintée. Si elle n’est pas fixée par l’énergie fixe du soleil et de la lune, elle ne peut se mélanger de façon constante avec l’eau de la perfection. C’est que notre mercure est totalement volatil, il se perd, alors que, s’il est fixe, il adopte la racine métallique des métaux et il se transforme en une substance constante. D’autre part, par ce même mercure, par notre mercure, le soleil et la lune sont dissous pour former la véritable première matière. De même en effet que le mercure ne peut être coagulé sans eux, qu’a a besoin d’eux pour teinter par la technique de l’art spirituel, de même le corps de l’or et de la lune n’a aucun pouvoir, si l’eau-forte ne les rend à l’état liquide, en permettant un véritable mélange avec les métaux, une coloration essentielle, homogène et permanente. Les deux composantes sont nécessaires, pour obtenir un résultat. Nous avons dit ce qu’était notre mercure, nous ne savons cependant pas encore où le trouver. Il est certes dans le soleil et dans la lune, mais on ne peut les dissoudre pour en extraire ledit mercure, qui est nécessaire. Les philosophes ont tenu cette origine du mercure dans le plus grand secret et, sur mille personnes, à peine une est au courant. Je donne l’instruction que voici. Lorsque Dieu créa la terre, elle était plane et solide, sans vallées, sans montagnes, sans pierres ni minerais. C’est la chaleur solaire qui la transforme, qui multiplie les couleurs, les minerais, les minéraux, les différents genres et racines métalliques. La très grande chaleur fixe du soleil engendra alors une chaleur sulfureuse et humide qui pénétra la terre jusqu’en ses abîmes, et les qualités des quatre éléments. Or la terre possédait une humidité interne née de l’eau. Le mélange de la chaleur et de cette eau engendra une fumée, une vapeur, une brume enfermée en terre, qui possédait les qualités des quatre éléments. Cette vapeur se développa, elle s’affermit, comme toute vapeur, elle chercha à s’élever, boursouflant alors la terre, créant les monts et les collines. C’est en ces monts que la vapeur atteignit avec le temps son meilleur état de mélange et d’équilibre, c’est en eux qu’elle fut le mieux préservée. Il n’en est pas moins actuellement difficile de trouver une vapeur d’excellente qualité, car la terre des montagnes est en ses profondeurs extrêmement visqueuses, argileuse et grasse. Or, si ladite vapeur se saisit d’une vapeur aqueuse mélangée à de la terre subtile et pure, la nature, digérant et cuisant ce composé pendant un certain temps, réalise le mercure philosophique, engendrant une substance subtile, ignée et sèche. Ces propos te montrent la voie véritable qui te permet de chercher notre mercure ou le début de notre art. Or, bien que l’on sache suffisamment que ce mercure se trouve dans les mines, peu de gens le reconnaissent. Il ne s’agit en effet ni du soleil, ni de la lune, ni du mercure ordinaire, ni d’aucun autre métal, soufre ordinaire, vitriol, antimoine, marcassite, stratifié, talc, bismuth. Les philosophes prétendent qu’il s’agit d’une substance vaporeuse, aqueuse, pure, composée des quatre éléments. Or, bien qu’il se trouve dans les métaux ou minerais, il n’a pas atteint dans les métaux imparfaits son degré de maturité. C’est dans le soleil et dans la lune que nous sommes les plus certains de le trouver, car la lune a la même matière que le soleil, mais de plus une certaine superfluité. Lorsque celle-ci lui est ôtée, l’argent devient aussi compact que l’or dont la densité vient de la compacité. Cette compacité provient de la grande pureté de toute substance solaire, purifiée par l’opération de la nature jusqu’à acquérir l’essence parfaite du béryl. Mais un autre élément est également nécessaire : la digestion, la parfaite maturation qui exigent suffisamment de temps, pour permettre à l’élément igné encore caché dans la lune de se manifester, de manifester et de révéler la belle couleur d’or capable de teinter l’or. Il en va de même pour les autres métaux, cuivre, fer, étain et plomb. Ils possèdent tous la matière première pure qui engendre l’or. Mais l’étain et le plomb sont encore très grossiers et immatures. Dans le cuivre et dans le fer, la première matière est certes mieux digérée, mais ces métaux contiennent encore de nombreuses impuretés dues au soufre externe, le fer plus encore que le cuivre, ce qui explique que sa fusion soit plus difficile. Pour qu’ils soient transplantés et transformés dans la substance parfaite du soleil, il faut séparer d’eux le soufre externe. Mais ce soufre impur et superflu est à ce point uni à la matière pure qu’il ne peut en être séparé et dissocié sans un secret, sans un art particulier. Autrement lorsqu’on les soumet à l’épreuve du feu, les impuretés ne peuvent supporter l’assaut, elles deviennent liquides, elles sont détruites, mais le mélange est si fort que la substance pure est entraînée et que les deux composantes détruites disparaissent dans le feu. C’est pourquoi, afin de réaliser le travail de la transplantation, afin de transformer le corps destructible, il faut un instrument philosophique igné, entendons un feu essentiel dont la nature est fixe, dont l’essence est constante, capable de séparer ce qui est superflu de ce qui est pur, de conduire ce qui est pur à la perfection en une heure, de réaliser une œuvre que la nature peut à peine accomplir en un siècle dans les viscères de la terre, dans le corps de la terre. La chaleur naturelle qui mûrit dans les montagnes la matière métallique est en effet une vapeur, un vent qui passe, la maturation donc est tout à fait pondérée et lente. En notre art, cette chaleur revêt une nature corporelle qui permet une opération très rapide et fort puissante. Lorsque nous observons les différents métaux entre eux, nous comprenons très facilement quels métaux se laissent plus facilement mener à la transplantation, quels métaux sont aptes à la transplantation. Il devient alors manifeste que l’argent est le plus proche du soleil, dans sa substance et dans son énergie, le plus apte à la génération, et que cette génération peut s’accomplir par une voie particulière, facile : il suffit en effet de respecter la concordance de son anatomie essentielle et de veiller à son genre essentiel. Il suffit alors d’apporter une aide de petite envergure à la purification et à la digestion, ce qui est impossible dans les autres métaux imparfaits. Leur transformation ne peut convenablement s’accomplir sans l’arcane universel. Puisque nous venons de démontrer la possibilité de la transmutation des métaux, je pense qu’il n’est pas déplacé de parler quelque peu de l’arcane universel que les philosophes ont tenu pour le trésor le plus précieux en ce monde corruptible. Il ne donne pas seulement aux corps lépreux des métaux la pureté et la permanence de l’or et de l’argent, il libère également les corps humains de toute maladie et de tout déboire, lèpre, attaque, podagre, hydropisie, épilepsie, calcul et convulsions et il les maintient dans un état de santé permanent jusqu’au terme prescrit de la mort, tout en évitant les douleurs. De plus, il purifie à ce point les parties de l’entendement que l’homme peut parvenir par ce moyen très facilement et sans la moindre difficulté à la connaissance de toute la sagesse et de tout l’art humains, tout en réalisant bien d’autres merveilles qu’il faut plutôt considérer comme des miracles de la nature et comme des dons du ciel. Ce n’est pas seulement en effet la métamorphose des métaux qui devient possible, mais aussi celle des pierres précieuses, en quantités importantes, sans aucune peine ni effort. La force et l’énergie de ce mystère atteignent des proportions tout à fait remarquables, à peine croyables, à peine exprimables, et Raimond Lulle dit : a Tu prendras toutes les richesses de ce monde pour du fumier, quand tu verras ce magistère divin et excellent. » Voilà pourquoi cet art le plus noble et le plus mystérieux doit être tenu dans le plus haut secret. S’il avait été rédigé assez clairement pour que le comprît n’importe quel cordonnier, n’importe quel arracheur de dents, il se serait agi d’une escroquerie. Cet art n’aurait plus été un mystère, mais la source de biens des maux, de bien des actes manifestement contraires à la volonté de Dieu, qui refuse que la perle soit jetée aux pourceaux. Les philosophes se sont donc adressés à leurs seuls fils, aux enfants de la doctrine et de la sagesse, à ceux qui connaissaient la lumière de la nature, les seuls à pouvoir tirer un enseignement de leurs écrits. Mais que les grands pratiquent eux aussi avec assiduité, sérieux et continuité cet art le plus secret de tous, non point pour acquérir des richesses, mais pour restaurer la vie et la santé, car la santé est préférable à toutes les richesses et à tous les trésors du monde. Combien de potentats ne dépensent-ils pas des tonnes d’or pour la construction d’une forteresse, pour l’entretien des soldats, l’acquisition de canons, d’équipements militaires, de ravitaillement et autres accessoires, pour se protéger le cas échéant d’un ennemi visible, pour éviter un boulet ou une arme ! Ne devraient-ils pas plutôt consacrer des milliers de florins à la pratique de cette noble médecine, pour maintenir leur vie en bonne santé jusqu’au terme fixé, pour la protéger de tous les ennemis invisibles qui la menacent à toute heure avec une insistance empressée, qui provoquent dans le corps des combats intérieurs, prennent la forteresse d’assaut, la détruisent, ennemis si horribles et si effroyables que nous suons sang et eau à leur vue ? Les potentats devraient pratiquer le noble art, afin de maintenir leur corps en pleine santé, afin que leur corps ne tombât pas prématurément aux mains de cet ennemi invisible qui est toujours sur nos talons. Récemment un jeune et puissant seigneur fut arraché à la vie en pleine force de la jeunesse par cet ennemi, alors qu’il aurait pu rester longtemps en vie, s’il avait possédé cette médecine. Pour ne pas cependant que ce mystère universel des pierres bénites soit perverti, pour autant que nous puissions le décrire par écrit, pour autant que nous puissions le résumer en trois chapitres, pour qu’il serve d’enseignement et d’instruction aux amateurs de ladite philosophie, je répète trois points : il convient de connaître à fond la vraie matière de l’arcane, la préparation de cette matière, qui permet sa maturation et son mûrissement, troisièmement le moyen de conduire à la perfection et de répéter à l’infini la multiplication de ce mystère. Celui qui comprend bien ces trois chapitres peut dire qu’il a atteint le terme du mystère philosophique. S’il ignore un seul des chapitres, il est loin du but véritable, il est aveugle en sa pratique. Mais il ne suffit pas de parvenir par sa seule assiduité et par son intelligence à la compréhension immuable de ces trois points principaux, dans une illumination instantanée : ce n’est pas aussi facile. Il faut aussi avoir, pour ne pas échouer, l’instruction orale d’un maître fidèle, et une longue expérience, une connaissance grande de toutes les créatures naturelles. Combien de chercheurs ne se sont-ils pas consacrés à cet art, le pratiquant des années durant, avant de pouvoir découvrir la vraie matière et le sujet de la teinture, qui ont été renversés après les avoir trouvés par une tempête qui a écrasé leurs pensées et leurs capacités, tout en brisant leur pouvoir de décision ? Quand ils ont trouvé le premier chapitre, c’est le second chapitre qui a causé bien des souffrances ! Et les vrais ouragans commencent, quand on en arrive à la préparation, à la partie la plus cachée de l’art. Chez les philosophes règne à son sujet la plus grande confusion, quand toute l’astuce est là et qu’en dépend tout le fondement de l’édifice. Plus on médite alors sur la lettre, plus l’on s’enfonce dans un véritable labyrinthe. Bernard en porte témoignage, qui parle d’un chercheur qui possédait l’arcane de la teinture, mais qui en ignorait la multiplication. Sept années durant, il poursuivit Bernard qui ne lui confia rien jusqu’à ce qu’il finît par trouver tout seul. Regardons un enfant dont les membres n’ont pas encore atteint leur force parfaite : n’est-ce pas un mince secret que de trouver les degrés qui permettent la multiplication de cet arcane ? Or, ce n’est qu’oralement que nous pouvons bien spécifier les secrets de ces trois chapitres, il est impossible de les révéler d’une manière vraiment explicite. Bien que nous en ayons suffisamment dit pour une personne intelligente, rien ne vaut en fait une expérience de longue haleine, si nous voulons accéder à la compréhension véritable.
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