1641
(édition posthume)
L’eau antipodagrique de l’Auteur.
La base de ce grand remède est une eau composée de huit pintes d’eau de rivière, en laquelle on éteint seize fois quatre billes d’acier pesant une livre chacune, & une bille de cuivre du poids d’une demi livre, après il faut infuser dans deux pintes de cette eau, demi once de verre d’antimoine l’espace de 14 heures, & dans les autres six pintes, vous ferez dissoudre deux onces de Mercure précipité : ces deux eaux ainsi préparées seront mêlées dans un matras, pour en user comme nous dirons ci-dessous.
Vous ferez le Mercure précipité à la façon commune,
mais sur quatre onces de Mercure & autant d’eau forte, vous ajouterez
demi-once de soufre pulvérisé, que vous ferez dissoudre dans l’eau devant que
d’y mettre le Mercure, après vous évaporerez l’eau forte jusqu’au sec, &
vous aurez un Mercure précipité blanc comme neige.
Il y en a d’autres comme Rulandus, qui pour remède
certain contre la goutte, usent d’une décoction faite de feuilles d’hiebles, de
l’écorce interne du sureau, de fleurs de camomille & de mélilot avec une
juste quantité d’eau ferrée ou de vieille eau de maréchal, ou de quelque eau où
vous aurez éteint plusieurs fois du cuivre rouge, de feu : ils ajoutent après à
chaque livre de cette décoction, une once de cuivre dissout dans l’eau forte
commune, & un demi scrupule de Mercure sublimé, & rendent cette eau
plus ou moins âcre, selon qu’ils ajoutent plus ou moins de la dissolution du
cuivre & du mercure sublimé. Le Médecin doit régler les doses selon la
qualité du mal & la disposition du malade.
D’autres usent contre le même mal de l’eau forte où
l’on a départi de l’argent avec une décoction de mélilot, à quoi ils ajoutent
un peu de Mercure sublimé.
Il y en a d’autres qui font un remède spécifique à ce
genre de mal, par le moyen du phlegme & de l’esprit qui se tirent du
vitriol, & principalement de la verdeur du sel marin, qu’ils appliquent un
peu chaudement avec des linges, sur la partie douloureuse.
Les autres se servent heureusement de l’eau où ils ont
jeté plusieurs fois du plomb, du cuivre, de l’or& de l’argent, après les
avoir fondus, finalement ils font infuser & macérer au bain marie de la
litharge, de l’antimoine, du minium & des marcassites d’or & d’argent.
Plusieurs encore font un remède qu’ils estiment
singulier contre ces douleurs indomptables par les anodins & parégoriques,
ils le composent d’eau commune, où ils font, macérer dix ou douze jours de la
chaux vive, & y font cuire après des fleurs de boutons blancs de sureau, ils
ajoutent à cela du colcotar, ou des fèces d’eau forte, & de cette
composition ils s’en servent diversement selon la qualité des maux.
D’autres ajoutent à la recette de Ruland, l’argent vif
calciné ou réduit en sel, par le moyen de l’eau forte en suffisante quantité,
car lorsque ce Mercure est ainsi préparé, il est comme un furet , qui pénètre
jusqu’aux racines du mal pour y résoudre les tartres, les sels & les
matières gypsées, contenues aux jointures, qui causent de si grandes douleurs,
car il réprime & tempère la grande acrimonie & arrête la fluxion des
nouvelles matières qui tombent d’ordinaire sur toutes ces parties, si bien
qu’on peut le nommer à bon droit le spécifique des douleurs arthritiques &
le grand dissipateur des gommes qui les accompagnent : il ne remédie pas
seulement aux douleurs de la goutte, mais encore à celle de la vérole & des
nodus, pourvu qu’il ne soit appliqué extérieurement, & qu’il soit bien
& fidèlement préparé & non tout cru, tel que les Apothicaires ont
accoutumé de le préparer ordinairement dans leurs onguents, emplâtres &
cataplasmes. On peut encore distiller les eaux où l’on aura calciné &
dissout les Mercures, & de ces eaux empreintes de son essence, en user
comme d’un remède de grande vertu.
Ce n’est donc pas sans raison qu’à toutes les eaux
antipodagriques, on ajoute des matières métalliques & minérales, d’autant
qu’elles tiennent toutes de la substance mercurielle, laquelle est le vrai
réfrigératif, qui chasse les inflammations & l’acrimonie des matières
retenues dans les articles, & cela, non comme sont les oxycrats, les sucs
de plantain & les narcotiques ordinaires qui bouchent les pores, encrassent
les grossières humeurs & les gommes durcies, & par conséquent irritent
le mal au lieu de l’adoucir Tout au contraire les choses métalliques, par les
sels de nature mercurielle qu’elles communiquent aux eaux où l’on les fait
infuser, tempèrent les acrimonies des matières coulantes, dissipent, atténuent,
résolvent, & consument les gypsées & gommeuses, & ôtent en même
temps la cause conjointe, qui fait le mal & provoque la douleur, & par
conséquent guérissent totalement& radicalement la goutte & toutes les
douleurs.
L’usage de celle eau antipodagrique est d’y tremper un
linge en forme de jarretière, duquel vous passerez la partie au dessus de
l’endroit malade, & elle chassera le mal en bas, & peu à peu vous
descendrez la bande pour suivre le mal jusqu’à ce qu’il soit entièrement ôté.
Le vrai Laudanum ou Nepenthes de l’Auteur.
La préparation de ce remède
suppose pour sa base le narcotique du vitriol & de la Lune. Pour faire donc
un tel narcotique il faut prendre quatre onces de vitriol bien rubéfié & le
poids de dix écus de Lune calcinée, puis il faut les mener ensemble & les
mettre dans une cornue de verre à feu de cendres violent, après avoir
auparavant versé dessus un demi septier de fort bon vinaigre distillé :
repassez sept ou huit fois ce vinaigre dessus votre matière, & elle
demeurera au fond, visqueuse & gluante. Vous remarquerez qu’en telles
distillations, il est nécessaire d’avoir un grand récipient, dont l’ouverture
du col & le bec de la cornue entrent l’un dans l’autre, si justement
jusqu’à la pomme, que rien ne respire, & de plus il faut luter les
jointures & rafraîchir la pomme du récipient d’un linge mouillé. Ces distillations
étant achevées, versez la dernière dessus votre matière, après retirez les
toutes pures & claires, & les mettez dans un alambic, sur un feu de
cendres fort doux, pour en séparer le vinaigre, & la matière qui restera
gluante au fond, sera le vrai narcotique & la vraie base dont nous avons
parlé ci-dessus.
D’ailleurs faites l’huile d’or & d’argent, à savoir
celle de Soleil avec l’huile de genièvre, & celle, de Lune avec l’huile de
sauge.
Faites d’autre part une grande quantité de teinture de
corail , ainsi vous aurez les fondements & les bases que vous devez avoir
de ce grand admirable secret.
Faites boire au soufre doux du vitriol, par diverses
réitérations & médiocres exsudations son pesant, pour le moins de la
teinture de corail qui est vitriolique, & dans laquelle vous aurez fait
auparavant dissoudre quelques feuilles d’or. Et quand une once de ce soufre
aura bu une once & demie de cette teinture empreinte de l’or, ajoutez y
demi once de magistère de perles, de notre façon, & comme nous l’avons décrit
en notre Panacée, de l’huile le Soleil & de Lune, faites comme nous avons
dit ci-dessus, une drachme & demie. Sur cette mixtion qui deviendra plus
noire & plus épaisse que de la poix, ajoutez y les essences de mumie, de
thériaque & de mirthridat, les confections d’alkermès, & de hyacinthe ,
des santaux de chacun demi drachme, des essences de carabe & de camphre, de
chacune un scrupule, du vrai bézoard, & de la terre bézoardique, de la
corne de cerf préparée, de la licorne, de la terre sigillée de chacun un
scrupule, de l’essence de safran deux drachme, des huiles de cannelle, de noix
muscade, de macis, de girofle, de poivre, de chacune douze gouttes, des huiles
d’anis, de fenouil doux & de l’écorce de citron, de chacune vingt gouttes,
de la liqueur de soufre, tiré par la campane & fortifiée avec l’huile de
sauge, ou mêlée avec le sel de sauge deux scrupules, des essences d’ambre &
de musc, de chacune demi scrupule, (notez que pour les femmes il n’y faut pas
ajouter ni le musc, ni l’ambre) mettez sur le tout une once de l’eau qui sort
des premiers cornillons des cerfs & le faites circuler en un vaisseau clos
hermétiquement, pour mieux faire les conjonctions par trente jours, & vous
aurez un Laudanum le plus excellent du monde, duquel la dose de deux grains fera
merveilles sans aucun narcotique à toutes douleurs de gouttes, véroles,
épilepsies & autres maladies langoureuses, fièvres continues, défluxions,
maladies d’estomac, néphrétiques &c.
Voyez encore sur ce sujet les œuvres de l’Auteur, où
vous trouverez plus amplement les effets & les vertus admirables de ce
Nepenthes.
L’Elixir ou Mercure de vie de l’Auteur.
Purifiez le petit Roi par des diverses fusions &
ablutions jusqu’à ce que vous l’ayez dépouillé de ses noirceurs, & que vous
l’ayez rendu fort pesant, & fort étoilé, prenez de cette matière une
partie, du Mercure sublimé, fait exprès & dulcifié par le sel, deux
parties, distillez le tout & s’il ne passe entièrement, remettez y de
nouveau Mercure sublimé, redistillez comme auparavant, & le tout passera comme
une graisse, mettez le récipient qui contient cette graisse dans une cave
quelques jours, & votre matière deviendra liquide, ou plutôt une eau
pesante mercurielle, après mettez au B. M. cette eau pour la purifier, jusqu’à
ce quelle ne fasse plus de fèces, puis faites la calciner & précipiter dans
l’eau que connaissent les Philosophes, dans un moment vous ferez un précipité
blanc comme neige ; outre cela vous verrez en cette eau l’esprit du vitriol se
dissoudre soudainement , séparez l’eau & y en remettez de nouvelle tant de
fois quelle n’ait plus aucune aigreur, & faites que la séparation se fasse
par distillation, pour ce que l’eau qui en sortira de la sorte, laissera au
fond du vaisseau un excellent esprit de vitriol pour les épilepsies. Quant à la
chaux qui restera douce au fond du vaisseau, desséchez la bien, & la
sublimez avec votre soufre vitriolique, circulez après cette matière avec un
bon esprit de vin, pour en faire un excellent remède, ou pour le mieux prenez
de cette chaux blanche trois parties, du régule préparé comme dessus, avec
lequel vous aurez fondu de l’or ou de l’argent deux parties (car ainsi votre
matière sera plus disposée à la sublimation) de une partie de soufre
vitriolique sublimez & resublimez le tout deux ou 3 fois, & tant que la
noirceur apparaisse, & vous aurez un souverain remède, qui fera de grands
& de merveilleux effets pour l’épilepsie, & vous en donnez la dose de
quatre grains : mais pour le mieux circulez le tout avec l’esprit de vin &
puis le distillez.
La Panacée de l’Auteur.
Prenez du sel armoniac une partie, de la chaux vive
deux parties, mêlez l’un & l’autre ensemble, & les mettez dans un pot
de terre plombé, ou pour le mieux dans un grand matras de verre, dont la pomme
soit toute lutée, mettez le à feu de roue, & l’approchez peu à peu dès le
commencement, & sur la fin couvrez le vaisseau de feu & le laissez
refroidir, après que ce feu aura duré quatre heures, & vous trouverez votre
sel armoniac au fond du vaisseau, séparé de la chaux, lequel vous dissoudrez,
filtrerez & coagulerez selon l’art, puis vous le broierez & le
remêlerez avec son double de chaux, & le mettrez dans un matras & dans
un feu, comme vous avez fait la première fois, & au bout de cette opération
vous le trouverez au fond du vaisseau, bien augmenté & plus fixe qu’il
n’était auparavant, vous le redissoudrez encore, le filtrerez & le
coagulerez comme devant en un vaisseau de verre ou de terre de Beauvais,
réitérez cette opération trois fois.
Enfin prenez votre sel armoniac fixe, & le fondez
en un creuset à feu de fonte, jetez le en lingot, comme on y jette les métaux,
broyez le, & le mettez sur un verre à la cave, où il se dissoudra en eau
blanche comme eau de roche : ce que vous verrez arriver en peu de jours :
faites déphlegmer cette eau par un alambic au bain ou à feu de cendres, &
prenez garde qu’au lieu de le déphlegmer seulement, vous ne lui ôtiez toute son
humidité, & par conséquent vous ne le remettiez en sa première forme de
sel.
Prenez de cette eau déphlegmée deux ou trois parts,
mettez la dans un petit corps d’alambic & la faites chauffer, puis mettez y
une part de Mercure sublimé réduit subtilement en poudre, & sur une lente
chaleur vous le verrez dissoudre dans un quart d’heure. Cela fait, prenez du
papier gris replié en petites pièces, & lui faites boire cette eau de sel
& de Mercure, mettant chaque pièce abreuvée de la sorte dans une retorte,
ou dans un nouvel alambic, tant que le papier ait bu toute l’eau, puis
distillez à feu de sable & votre esprit mercuriel sortira du vaisseau un
peu rougeâtre à cause du papier & du grand feu dont vous l’aurez chassé,
mais s’il est ainsi, vous le rectifierez par l’alambic, & vous le rendrez
clair, beau, blanc , doux & d’une odeur presque semblable à celle du musc.
C’est ici votre dissolvant de perles, de corail &c. lequel donné seul peut
servir d’un souverain remède sudorifique.
Si donc vous désirez dissoudre des perles avec ce
menstrue, prenez en une once des plus orientales, lavez les bien, & les
pulvérisez, puis les mettez dans un petit corps d’alambic, de qui le col n’ait
qu’un pouce d’ouverture, bouchez le avec une couverture de verre, & le
mettez sur une fort lente chaleur de cendres, où les perles se dissoudront dans
une heure, & laisseront au fond des fèces noires ; séparez après le plus
clair de votre dissolution, & le passez par l’alambic, & vous aurez un
dissolvant qui vous pourra servir encore pour une autre fois, & pour les
résidences qui demeureront sèches au fond, vous y ferez repasser par-dessus
trois ou quatre fois d’un bon esprit de vin, & puis de l’eau distillée, par
laquelle vous séparerez tous les esprits mercuriels du dissolvant, qui
pourraient être restés dans la matière, & de cette force vous réduirez vos
perles en une dissolution philosophique, qui sera d’une senteur aussi douce
& délicieuse que le musc.
Vous remarquerez qu’aussitôt que la dissolution sera
faite, il la faut laisser refroidir, puis la filtrer par un cornet de papier
gris, que vous mettrez dans un entonnoir, & quand par ce moyen le tout sera
filtré, vous séparerez par l’alambic votre menstrue jusqu’au sec, comme vous
avez déjà fait ci-dessus.
Cet esprit mercuriel ne dissout pas seulement les
perles, mais aussi le crocus martis, duquel on tire une excellente teinture
rouge, qui séparée de son dissolvant comme les perles, peut servir à la santé
& principalement à celle du foie, qu’il ne rectifie pas seulement, mais, en
guérit les plus grandes maladies, comme les hydropisies & les dysenteries
les plus obstinées.
Prenez d’ailleurs du régule d’antimoine, empreint de
l’esprit des sept métaux, & du Mercure sublimé, parties égales, pilez le
tout & le mettez dans une cornue pour le distiller, & le faire passer
en forme de graisse ou d’huile congelée, & la jetez après dans de l’eau
bouillante, où d’abord vous verrez votre huile se précipiter en poudre blanche,
laquelle vous laverez avec de l’eau froide par sept ou huit fois, afin qu’elle
devienne douce & sans âcreté, que vous ferez après rectifier avec de
l’esprit de vin.
Après avoir préparé cette poudre, & l’avoir bien
desséchée, vous la mêlerez avec autant de bon salpêtre cristallin & de
fleurs de soufre, & jetterez le tout dans un creuset ou mortier de fer,
puis vous y mettrez le feu avec un charbon allumé, & le salpêtre
s’enflammera & laissera votre matière calcinée au fond, prenez cette chaux
& la dissolvez dans de l’eau chaude pour en tirer le sel, & sur la
poudre qui restera remettez de nouveau salpêtre pour l’allumer encore, réitérez
ce procédé quatre ou cinq fois pour chasser tout le venin arsenical de
l’antimoine qui est ce qui rend votre poudre vomitive.
Ces fleurs d’antimoine bien desséchées seront dissoutes
avec le même dissolvant de perles mercuriel, faisant & observant tout le
procédé de la dissolution des perles. Que si le dissolvant ne les dissout
totalement, vous userez de la cohobation.
Prenez du safran Oriental le meilleur que vous pourrez
trouver, tirez en l’extrait par un excellent esprit de vin selon l’art, lequel
vous séparerez par distillation, & ferez après repasser par-dessus votre
safran deux ou trois fois de l’eau commune distillée, pour attirer l’odeur de
l’esprit de vin & celle du safran, laquelle est désagréable à quelques uns,
& quand vous ferez la dernière distillation, faites la jusqu’au sec, afin
que l’essence du safran se dessèche si fort qu’elle se puisse pulvériser.
Prenez de l’essence de perles, de l’essence de fleurs
d’antimoine & de l’essence de safran autant de l’un que de l’autre, mêlez
bien le tout ensemble, & mettez par dessus d’un excellent esprit de vin,
qui surnage deux doigts, puis faites digérer le tout au B. M. par 24. heures ;
enfin distillez l’esprit de vin, & votre médecine sera faite.
On donne aux petits enfants trois grains ce remède, à
ceux de 15 ans cinq grains, aux vieilles gens sept grains, & aux robustes
neuf ou dix, avec un peu de vin ou d’autre liqueur convenable, & une donc
de cette médecine peut opérer dix fois insensiblement & imperceptiblement,
par les sueurs sans altérer aucunement la constitution ni le tempérament, c’est
pourquoi il doit être justement estimé l’un des plus excellents remèdes contre
toutes les maladies déplorables, & principalement contres les phtisies, les
langueurs, les hydropisies, les hectiques, les cachexies & les fièvres,
bref c’est une médecine générale, qui non seulement chasse tous les maux du
corps humain, mais conserve encore la santé, on en donne quinze ou vingt prises
consécutives, quand on veut déraciner les plus rebelles maladies, car la
propriété principale de ce remède consiste à restaurer le baume radical. J’ai
ajouté parfois à cette composition un peu de l’huile de Soleil, qui entre dans
notre Népenthes, & de ma teinture de sel, qui faisaient merveilles.
La grande Panacée ou l’Anodin polychreste de Montanus.
La préparation de ce remède consiste principalement en
deux chefs, qui sont le soufre du vitriol, & la vraie essence de l’or.
Pour bien faire le soufre vitriolique, il faut prendre
du vitriol Romain, ou plutôt de celui de Hongrie tout cru, que vous ferez cuire
dans de l’eau commune, en un bain marie chaud & bouillant, dans un vaisseau
de verre, jusqu’à ce qu’en la superficie il apparaisse une petite peau, alors
versez par-dessus quelques gouttes d’huile de tartre, pour faire aller au fond
le soufre du vitriol, en versant par inclination dans un vaisseau de bois le
reste, où vous mettrez quelque bâton de bois, afin que le vitriol se puisse
coaguler, & que le soufre aille au fond, le vitriol qui adhère aux ballons
étant desséché à feu lent, se rend en poudre jaunâtre, laquelle vous dissoudrez
encore en eau, la cuirez comme auparavant, jusqu’à ce qu’il fasse la petite
peau, sur laquelle verserez derechef quelques gouttes d’huile de tartre, bref
continuez ce procédé comme à la première fois, tant que tout votre vitriol se
convertisse en soufre : faites enfin circuler ce soufre avec un excellent
esprit de vin plusieurs fois, jusqu’à la parfaite douceur. Ainsi se fait déjà
un grand remède, lequel étant calciné philosophiquement par l’aide d’un esprit
de vin alcalisé, se réduit en une liqueur propre à toutes les cachexies,
hydropisies, fièvres intermittentes, dysenteries, coliques, & surtout à la
peste.
Pour l’essence de l’or, qui donne le nom de polychreste
à celle Panacée , elle se fait en cette sorte.
Prenez de l’eau philosophale, faire de nitre & de
sel armoniac dont nous avons dit la préparation ailleurs, dans six onces de
laquelle dissolvez une once d’or, distillez, puis repassez par-dessus la chaux
d’or, trois onces de cette nouvelle eau, & réitérez cela trois fois, ainsi
pour dissoudre une once d’or, il faut presque une livre d’eau philosophale.
Votre Soleil étant dissout, faites en distiller l’eau
sur les cendres, dans un alambic qui soit plus étroit par le bas que par le
haut, car c’est par ce moyen que l’or passera mieux & plus facilement :
prenez garde de ne point distiller jusqu’au sec, mais seulement en consistance
de miel ou de sirop, & de renouveler à toutes les fois de l’eau
philosophique, au poids de trois ou quatre onces, comme nous avons déjà dit,
jusqu’à ce qu’enfin vous voyez monter l’or avec son dissolvant, & qu’il ne
reste au fond qu’une chaux blanche, tirant sur le grisâtre.
Cela fait, prenez le récipient
où sera passé votre or, avec son dissolvant, & y versez par-dessus trois
fois autant d’eau commune que pèse votre dissolution, & après avoir bien
mené le tout, jetez y quatre onces de Mercure de cinabre pour une once de
Soleil, & il se fera d’abord une éclipse, que vous laisserez résider au
froid vingt quatre heures, pendant lequel temps le Mercure s’amalgamera avec
l’eau que vous verserez par inclination, y ajoutant de nouvelle eau de fontaine
en assez grande quantité pour laver l’amalgame plusieurs fois, après on exprime
le Mercure, & l’on remet ce qui passe sur le reste de l’eau que vous avez
versée par inclination, pour voir si elle ne retiendra rien encore de l’or que le
Mercure aura pris & attiré, afin qu’ainsi vous ne perdiez rien de votre or.
Prenez après cet amalgame bien exprimé & le mettez sur la gerbe dans une
petite écuelle de terre qui tienne le feu, & par ce moyen vous trouverez
une chaux d’or merveilleusement atténuée, très rouge & très propre à se
dissoudre dans l’huile de genièvre pour la composition de notre Nepenthes. Mais
pour la préparation de ce polychreste, dissolvez la dans un excellent esprit de
vitriol déphlegmé, jusqu’à la perfection & qu’il soit, s’il est possible,
tiré du vitriol de Hongrie, celui de Chypre serait encore meilleur parce qu’il
a la couleur saphirine. Il faut remarquer en passant que l’esprit vitriolique,
aussi bien mieux que l’esprit de sel a la vertu d’attirer & de s’imprégner
de la seule teinture de l’or, ou du soufre Solaire, dont il se colore en façon
de rubis, de ce menstrue ainsi teint peut déjà servir d’une médecine
universelle & souveraine à toutes les maladies déplorables, en dose de 3 ou
4 gouttes avec du bouillon, ou quelque autre liqueur convenable : Mais pour le
polychreste, il en faut faire séparer l’esprit du vitriol, imprégné de la seule
teinture de l’or, & qui aura laisser un corps blanc, dont vous pourrez
faire autre chose, comme je l’ai montré en mon livre de Spagyrica
préparat. Cap. De tinct. Auri.
Pour la composition de ce polychreste, il faut prendre
une partie de notre soufre de vitriol, & une de la teinture ou de l’essence
d’or, que nous venons de préparer, puis mêler bien le tout, & le circuler
avec un excellent esprit de vin par diverses cohobations, ainsi vous ferez
assurément un remède d’une merveilleuse douceur, pour ce que la teinture de
l’or adoucira beaucoup le soufre de vitriol, le rendant meilleur qu’auparavant,
ce qu’il fera tant par sa propre vertu, que par celle de l’esprit de vin. Après
le mélange de ces deux choses, vous en séparerez du bain doux l’esprit de vin,
jusqu’à la consistance de miel, & lors vous aurez une matière rouge &
de saveur fort douce, de laquelle prenez deux onces, de l’essence de safran
demi once, du magistère de perles & de celui de corail (de la préparation
que nous avons montrée en la Panacée précédente) de chacun deux drachmes, mêlez
ces trois matières ensemble & vous en ferez une grande médecine générale,
tant pour la guérison, de tous maux, que pour la conservation de la santé,
& la prolongation de la vie.
Reutzius grand Médecin de Poméranie assure cette merveille,
que la seule odeur de ce grand remède, lie tellement les esprits du cerveau,
qu’elle provoque d’abord un doux & gracieux sommeil, qui plus est, apaise
soudainement toutes sortes de douleurs : on n’en donne jamais pour la cure des
plus grandes maladies, que la dose de deux grains, que l’on fait dissoudre dans
du vin, ou dans quelque autre liqueur propre : ainsi l’on fortifie non
seulement la nature mais l’on redouble encore son baume radical, de sorte qu’on
peut dire véritablement que c’est l’unique polychreste, la seule panacée, &
la vraie médecine de tous maux, & pour le dire en un mot, le grand Arcane,
qui purge, incise, expulse, mondifie & robore tout ensemble, l’excellent
Élixir, & le souverain magistère, qui renouvelle tout le corps en le
pénétrant jusqu’aux moëlles, & s’unissant à tous les esprits naturel,
vitaux & animaux , délivre les parties principales du corps humain de tous
les grands maux qui les peuvent attaquer, & surtout des épilepsies, des
apoplexies, des paralysies, des contractures, des syncopes, des palpitations,
& de toutes les chaleurs étranges & fébriles, comme aussi de toutes les
douleurs & des obstructions, qui causent les cachexies, les hydropisies,
les passions hystériques & semblables, bref c’est la médecine universelle,
& la plus grande après l’Azoc, qui peut produire des merveilles encore plus
grandes, si l’on y ajoute les teintures de corail & du sel tout animant.
(La suite des "Secrets Particuliers" est restituée en latin et non en français dans l'édition de 1641 du "Recueil des plus curieux et rares secrets". La table des matières figurant à la fin de ce volume, reprenant le "Traité de la Médecine métallique", le "Traité de la Médecine minérale" et les "Secrets Particuliers", est à nouveau rédigée en français - L.A.T.)