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ROSSELLET La Chrysospagyrie (1582).


Le Bélier
Zodiaque au Portail Saint-Firmin
Cathédrale d'Amiens



LA CHRYSOSPAGYRIE

DE FRANÇOIS ROSSELLET
DOCTEUR MÉDECIN

DÉDIÉ
A MONSEIGNEUR
L'ILLUSTRISSIME CARDINAL DE GRANVELLE

A LYON
PAR CHARLES PESNOT
M.D. LXXXII
AVEC PERMISSION


A MONSEIGNEUR
L'ILLUSTRISSIME CARDINAL DE GRANVELLE

Monseigneur, je prends une hardiesse plus éloignée de la honteuse façon (qui accompagne les jeunes ans de ceux qui font hommage de leur vie à la vertu) que la marque de la grandeur vôtre ne veut possible admettre. Toutefois, comme brûlant de pareille flamme de Xénocrate, je mérite excuse, lequel épris et désireux de connaître, et quelque peu goûter la grandeur, la vertu, la faveur, du fils de Philippe Macedon, brusquement, et selon que le vertueux désir le poussait, s'achemina au lieu où ce Monarque démêlait les affaires de tout le monde. Et là lui présenta toutes les petites forces qui pouvaient reposer en sa tendre cervelle. Service certes quelque peu à priser, vu que la pointe d'un coeur né généreux le mouvait de ce faire. Moi donc habillé de la même façon que ce Philosophe, et vivant en l'espoir d'une semblable grâce, j'adresse à votre Illustrissime Seigneurie un petit mot, lequel m'a promis qu'il ne faudrait de s'efforcer pour vous faire connaître de quel zèle et affection je désire remettre, ou plutôt vouer, ma plus entière et serviable impression à la généreuse grandeur de vous et des vôtres. Laquelle vraiment ne peut faire sortir autres étincelles de mon coeur qu'un désir de remarquer ceux qui s'habillent du manteau de vertu et nous sont comme un soleil d'où dépend la seule lumière de notre humble condition. Et puisque ce grand Dieu vous a élevé sur tous et orné d'une première grâce pour vous faire le miroir où les quatre belles parties d'une entière vertu sont naïvement représentées : à savoir la foi, la tempérance, la force et la justice, à bon droit comme l'unique objet de notre âge nous vous devons l'honneur, le prix, l'amour, que toute âme vertueuse, versée en la connaissance des choses, mérite et sûr attend. L'Espagne vous reconnaît pour tel, non sans justement aviser que de votre fortune, de votre savoir, de vos veilles, de vos labeurs, dépend la paix, la conservation de l'état de notre bon Roi. Le français me sera pour fidèle témoin, lequel n'a cessé de vous admirer depuis le temps qu'il connut l'aigreur et vivacité de votre conseil, lequel (selon les destinées) devait étouffer et éteindre le brasier allumé de toute ancienneté entre ces ceux magnanimes nations. Et quoi? La Mer sera-t-elle guide de vos conquêtes? N'est-ce pas vous qui avez part en l'indélébile et mémorable victoire de ce second Épaminonde, ce gentil seigneur d'Austrie, vous faisant le pareil état en son endroit que Fabius Maximus voulait faire à l'endroit du fils de Paulus Émilius d'Italie comme ayant goûté la force et vigueur de ce Conseil, se taira-t-elle? N'est-ce pas vous qui avez fait reluire tous les heureux moyens qui se doivent employer pour tenir en état pacifique tant de terres éloignées de la vue de leur naturel Seigneur? Où votre équité, douceur et sincérité ont laissé pour témoignage les regrets que ces nations encore soupirent pour se voir aucunement privées du Soleil d'où dépendait la lumière de leur justice et union. Ces choses-là sérieuses et qui touchent l'utilité de tout le monde doivent tomber sous la main de ceux qui font état de représenter, par leurs doctes écrits, les images et labeurs des hommes magnanimes, et non de moi qui me contente de voler plus bas encore que l'esprit courageux ne s'abaisse. Mais pour retourner à mes ares et dresser en un mot un trophée, y a-t-il règne remarquable en l'Europe où votre signalée maison n'ait laissé un devoir immortel pour le service et accroissement de la grandeur de nos Princes. Ce sage Nestor Bourguignon, le seigneur de Granvelle votre père, n'a-t-il pas fait connaître autrefois à notre invincible et magnanime César combien importante était la dextérité de son rare savoir en la conduite de ses grandes affaires? Ce César dis-je, lequel ayant su son funèbre et inespéré trépas, rendit les mêmes larmes qu'Auguste rendit pour l'absence éternelle de son bien conseillant Mécène, en la place duquel Dieu vous appela voulant que de votre main la fortune de notre Roi fut régie et gouvernée : en quoi la grandeur de votre esprit s'acquitte autant heureusement qu'autrefois le vigilant Métel s'est acquitté en la conduite des affaires Romaines. Il me suffit, et je loue Dieu qui m'accorde cette première grâce, de faire connaître de quel zèle et affection brûle la plus sensible partie de mon coeur à l'effet d'embrasser la moindre portion du comble de tant de généreuses vertus qui redorent vous et votre souche, laquelle méritément me commande de présenter à l'image de votre grandeur un discours doré qui comprend quelques démonstrations et préparations spagyriques, et s'appuyant sur vous (comme sur la plinthe de quelque solide et cubique sûreté) recevra le premier jugement des lettres que j'ai amassées pour bâtir sa petite naissance. Je m'assure que ne saurais choisir âme mieux connaissant les affaires de ce monde que la vôtre, et mieux séparant les oeuvres bien faites des mal faites. Ce qui m'occasionne, poussé d'une légère témérité (qui est la première intempérance de ma jeune cervelle), de mettre en vos mains ce petit avorté que j'ai conçu et enfanté depuis quelques petits jours en cela. Je m'assure qu'il prendra une seconde vie de vous si une fois votre oeil le caresse de l'humanité et douceur coutumière qui accompagnent la grandeur de votre généreux et docte esprit. Voilà ce qui a mu ma récente étude d'attaquer quelque peu vos mérites, encore que je sais pour vrai que vous n'avez en horreur ces délectables préparations qui se font par le feu et y mettez la main après le débat des Royales affaires (comme si cela relevait le Brise test que le poids de tels négoces à la longue peut apporter à votre esprit) en quoi vous imitez le citoyen Lyrique d'Horace lequel, après avoir attaché la galère aux ports où il avait heureusement employé la journée pour sa patrie, retourné en sa maison apaisait la fatigue de la guerre qui tourmentait encore son esprit avec l'harmonie du luth et de la Musique. J'ai donc pris une hardiesse (Monseigneur) que vous devez excuser, comme Auguste excusait les jeunes vers de Tibulle avec espoir que le temps maturant la cervelle de ce jeune Poète apporterait un jour plus de contentement à son esprit. Que si telle grâce se peut gagner sur votre illustrissime Seigneurie pour récompense de celle-ci, je prierai ce grand Dieu qu'il félicite et augmente toujours le comble de vos honneurs et qu'il vous accorde, pour grâce de tant de vos mérites, sa céleste demeure.

Vesoul ce 8 Janvier 1582

De Votre Illustrissime Seigneurie
Le très humble serviteur,

François Rossellet
Docteur Médecin


DÉDICACES


FRANCISCO ROSSELLETO
DOCTORI MEDICO VESULANO

Aurea : cui mento frondescit barba, virenti :
Sed cui canities plurima mentis inest.
Cuifavet et Phoebus : nec non Epidauria proles :
Doctor, sequanici, laus celebranda soli :
Dum sapiens medicus, medicas incumbis in artes.
Sanguis Appolineus quam tibi dexter adest?
Sed dum scribis Epos : divinun pectus anhelat
Carmina Pieriis assimilanda modis.
Quam benen conueniunt, medicina et sacra Poesis,
Hæcanimum nutrit, corpus at illafovet.
Delius est acque medicina, et carminis auctor :
Corporis ut medicus, sic animi medicus.
Phoebigena alter ades si quidem medicamine corpus
Instauras : Animum carminibusque levas
Ac excundis opus musis et Apolline dignum :
Dum vivunt flammis fulva metalla tuis.
Dumque novis animis, animas prope reddis adeptas
Corporibus : medicos vincis in arte patres :
Quid superest aliud, nisi sis Æsclepius alter,
Qui vitam extincto reddidit Hippolyto?
Quolibet est aurum sicut pretiosius ære :
Ære vel puro purior ignis ut est :
Ingenÿ monumenta tui sic inciyta, palmam
Pracipiunt aliis, pracipiunt que decus :
Utque micans aurum nullo consimitur igne,
Aurea sit tempus non tua scriptateret.

Antonius Huetius.


A MONSIEUR ROSSELLET
DOCTEUR MÉDECIN

Rousselet tu es roux, et est rousse l'aurore
De Phoebe barbe d'or, d'entre les mieux appris
As redoré ton nom de tes dorés écrits,
Et ta Philosophie et ses vertus, encore.
L'or d'entre les métaux, que le feu ne dévore,
De soi-même a été d'inestimable prix.
Or beaucoup plus prisé, d'autant que les esprits
Tirés d'un corps pesant ont le plus de décor.
Le peuple Lydien du sacré mont d'Imole
A vu bouleverser le sable dans Pactole,
En sable ayant le corps, impur, épais, solide,
Et toi plus admiré d'entre les Séquanais
Contre son naturel d'impur, solide, épais,
Le rends pur, et coulant, et potable, et liquide,

S. Besancenot.


SUR LA CHRYSOSPAGYRIE DE MONSIEUR ROSSELLET

Roussellet mais plutôt ruisselet de doctrine,
Ou fleuve doux-coulant d'un cours bien limité,
Qui envoie d'ici à la postérité
Les secrets d'une rare et vraie médecine :
Qui d'un ardent désir enflamme ta poitrine
D'un art que le vulgaire estime vanité
Parce que son esprit en la terre arrêté,
Ne comprend les secrets de la haute machine.
Si je suis l'un de ceux pour qui ton labeur est,
Qui à même doctrine et pratique se plaît,
Qui recherche des corps tant de métamorphoses
Et que les Muses ont tant de fois avoué.
Ne te louerais-je pas pour tant de dignes choses
Si quelqu'un entre nous en doit être loué?

G. De la Taissonnière.



LA CHRYSOSPAGYRIE

DE FRANÇOIS ROSSELLET
DOCTEUR MÉDECIN

Préambule sur la Médecine des Anciens

Quelquefois, étant retiré en mon privé (où le désir d'avancer matières à ma récente étude me rangeait), j'ai pensé et repensé en la façon que nos pères tenaient pour la conservation de leurs corps et soulagement d'esprit, et quelle antidote leur a été la plus intime et familière, à l'effet de retrancher et borner le cours à tant de pauvretés, que les Grecs et Arabes nous ont laissée pour témoignage de leur affectionnée diligence et louable observation. La mémoire desquels est marquée et heureusement comprise sous le nom d'un Asclépiade, d'un Podalyre et d'un Machaon, qui sont tenus pour les premiers qui ont consacré leur devoir au profit humain sous l'autorité et grandeur de ce titre de Médecin. Et je sais que nous sommes assurés par les lettres d'un Homère et démonstrations d'autres infinis, comme d'un Dioclès, d'un Archigène ou d'un Hérophile, des inexplicables effets qu'ils ont avancés pour la santé des humains. Si nul d'entre eux se trouve qui ose assurer quelle grâce, quelle raison, quel remède ils tenaient en leur façon de curer : et dire que nature a été comme envieuse de la communication de leur grave labeur à la postérité. Pour tels bienfaits et mérites ils se sont joints à l'immortalité, et sentant que les angoisses de la mort les pressaient, et de même qu'il n'y avait moyen (encore que le commandement de leur art fut grand) de forcer la dernière heure que chaque mortel doit à son auteur, ne désirant toutefois l'honneur d'une immortalité fuyarde, semblable (comme pourrait être) à celle qu'Alexandre réduit sous le moment de son dernier jour désirait, glorieusement stimulaient l'héritier de leur art de ne laisser moisir en casanier repos les braves fruits et effets qu'ils avaient produits et engendrés. Ce qu'ils firent, mais non avec contentement tel qu'un esprit naïf sent, et poussé de son Âtre à la poursuite de leur doctrine souhaiterait. L'héritage dès lors accru et les semences jetées réussirent tellement en remèdes et vertus, que Nature le moins du monde ou beaucoup aggravée ne voulant être ingrate et odieuse en leurs difficultés et toucher leur sueur en vain, humblement obéissait et leur présentait les mains : et quelquefois les voyant à demi aliénés pour ne voir l'acte de leur grave labeur tel qu'ils désiraient, leur guignant un oeil favorable, les redressait comme égarés et forclos en la voie de leur désir. Lesquels après avoir conçu tel bénéfice et telle grâce, et après mille consultes et occupations, assurèrent que Nature défaillant en elle tirait d'elle les remèdes de ses passions. Cet arrêt fut grand et tient plus de latitude que l'humain entendement ne peut d'un premier saut considérer, et a mis telles altérations entre les sectes Empiriques et dogmatiques qu'à peine toute l'autorité d'une Monarchie de doctes les pourrait remettre en une douce et amiable conjuration : mais comme ils tirent à un même scope et but qui est l'observation et effet qui suit seulement l'expérience, laquelle a montré premièrement les choses par fortune et hasard et depuis, afin que son ardeur et violence fut attrempée, a été réduite sous la main des sages comme vassale unique de leur raison. Il me semble, pour l'amour que nous devons porter à toutes choses heureuses, que l'une ne pourrait être ulcérée pour chérir l'autre en état de compagne et encore plus la mettre en son domaine.

L'héritage médical des Anciens

Nous voyons par expérience oculaire et manifeste observation, que les Grecs et Arabes, depuis deux mille ans, en cela ont laissé la recette de plus de trois cents maladies auxquelles notre corps est attaché, sans les nouvelles qui se découvrent de jour en autre et fourmillent de ce corps avec telle horreur que l'esprit qui contemple la source et cruauté de telles passions quelquefois reste comme extatique et privé de la connaissance de soi-même. Lesquelles, pour mieux heureusement combattre et assaillir, il faut que nous tourmentions plus allégrement et avec plus grande importunité Nature, ou doucement la prier de nous élargir de plus précieux et rares remèdes qu'elle n'a fait encore et qu'elle ouvre à ce coup la plus favorite et riche boîte de ses trésors, tant pour nous assurer et camper contre le superbe effort de ces monstres que pour les chasser, si d'aventure ils voulaient décocher les flèches de leur ire à la ruine jurée de la maison de notre âme. Que si autrement, méprisant son gendre, elle fait, avec Pline nous l'accuserons d'être plutôt cruelle marâtre que gracieuse mère à l'homme.

Or laissant ce premier vol, je veux ancrer au port d'une dispute avec une curieuse protestation contre nos Anciens. Il n'y a celui, tant arrêté en ses affaires propres, qui ne confesse volontairement que l'antiquité n'a été tant infortunée et peu félice en l'investigation et plaisante recherche des choses naturelles, qu'elle n'ait observé mille et mille moyens compris sous l'autorité de remèdes pour nous développer des maux qui à toutes heures nous assaillent, et encore mieux pour forcer et obstinément surmonter un naufrage non attendu qui cruel menacerait le scope et but où le Tout Puissant sous limite de nature nous a rangés.

Primauté de l'Or

Toutefois bien peu de ses nourrissons (et à la vérité le nombre est moindre que petit) ont mis en leurs écrits cette précieuse liqueur, à nulle autre seconde. Laquelle pour ses grandes et admirables vertus l'ont appelée de la chose d'où elle est produite et tirée qui est l'or (métal altérant les plus secrets replis et cachettes de l'intérieur de l'homme), chose étrange et presque incroyable si la suite du Trismégiste et le coeur de ces Philosophes ne nous assuraient et mettaient quasi le dernier sceau de vérité que ceux qui en ont usé ont soulagé leur vie, racheté leurs corps de fatigues et passions, et ont gagné enfin le but que nature a promis à toute créature raisonnable, dépitant les flots extérieurs qui menacent le plus assuré de notre vie.

... ses effets connus

Ces Pères-là vraiment ont vécu et tiré la trame de leurs ans par la seule ambroisie, et par ce moyen remis en une seconde vie, sainement ont honoré les Dieux, remarqué l'éternité des âmes, les tournoiements des Cieux, le contenu du monde, la nature des choses, et ont conduit ainsi l'état de leur vie en occupations vertueuses. Car c'est une démonstration inviolable, le corps étant sain les facultés sont valides, les sens moins embrouillés, l'esprit agile et courant, lequel après avisant à sa dignité s'élève, et ravi d'un désir bouillant pénètre jusqu'au Ciel, surpasse tous les globes et cavités célestes où enfin pour grâce adore celui qui a été son premier auteur.

Leur peine donc doit être gravée dans le plus capable et ardu de nos sens, d'avoir mis leur désir en effet et contentement par la seule volupté de la santé et élongation de leur vie. Que si la diligence de leur suite eut prouvé à l'honneur et profit que la grandeur de leur doctrine promettait, possible ce tant félice remède n'eut abandonné par tant d'espace de temps les rais de nos yeux.

...ses détracteurs

Il faut donc que leur négligence, ou plutôt un cru coeur qu'ils portent à la doctrine Spagyrique, mère et propagatrice de tels fruits, ait mu le premier divorce, laquelle injurieusement abhorrent et cruellement détestent comme chose sordide. J'ai versé au monde de semblables hommes lesquels, après avoir mis le pied au gué de telle science pour ne voir les effets répondre du tout à leur brûlante volonté et l'acte dernier de ce qu'ils désiraient, ont blasphémé contre l'étendue de ces principes et autorités naturelles. Mais je compare telle image de gens à celle d'Icare, lequel bâti d'une tête mal faite et témérairement élevé sous ses ailes mal coulées, se haussant jusqu'au ciel d'où il pensait violemment extraire les secrets et, orgueilleux, accompagner trop familièrement les choses qui surmontaient sa petitesse, tomba par un précipice ruineux en la mer profonde d'injurieuse témérité.

...ceux qui ont longtemps labouré

Mais les autres, qui ont cherché le plaisir et contentement d'une telle doctrine, n'ont pour un premier coup tiré un désespoir qui brise toujours, et abouti la pointe d'une laborieuse poursuite. Mais, imitant Dédale, ont cinglé en la région moyenne de l'air car ils remarquaient la science être longue, la vie plus brève que la latitude de celle-ci ne portait, et ce que doit rester pour un Trophée de tout l'expérience tardive et lente. Toutefois la patience qui est la mère nourrice de tout avancement les rongeait, lesquels, après avoir goûté et accompli la rigueur de ses lois, se sont vus maîtres et entiers possesseurs de la chose demandée. Mais ce que l'on ne peut dire sans larmes, ont trop plus avarement usé des braves dépouilles et riche toison de leur labeur que la postérité ne voudrait. Car ils ont voilé leur grave conquête sous énigmes et météores, desquels l'intelligence excite l'aide d'une seconde vie.

Les raisons du secret

Ces brisés Philosophes, et confis en l'éternité d'une peine qui leur ulcérait la plus secrète cavité du coeur comme héritiers de Prométhée, contemplaient la source de toutes choses, les causes de ces actions, facultés assurant par vive raison que la nature qui pend contrebas n'est autre chose qu'un bel objet ou portrait de l'Éternité ou quelque table et miroir représentant la connaissance de toutes choses comprises sous les espèces d'animaux, végétaux et minéraux, qui sont comme les parties et le tout de la boutique de ce monde visible en laquelle reluisent et sont manifestes les rets de la Toute Puissance de Dieu. De là ont déduit les propriétés des choses, et depuis les remèdes, qui pourraient combattre et assaillir nature si elle voulait effacer la promesse qu'elle a faite à nos ans. Et comme l'intention, et nerf de notre dire, est tendue dessus une partie des trois, laissant deux en repos, je m'adresserai à la troisième, encore que Nature en sa création et être se soit montrée plus revêche et dépiteuse qu'en la génération des autres. Car vous jugerez, à la voir, qu'elle n'a point d'âme et qu'elle ne promet une accroissance telle qui est commune aux végétaux et animaux. Toutefois je veux dire, avec la raison des premiers Philosophes, qu'elle lui a fait part d'un échantillon de ce baume, qu'elle a destiné à la vie de toute chose, qui ne peut être enfanté d'aucun mariage que les qualités peuvent faire en ce bas territoire.

Les 4 Éléments... et leurs composantes

Et encore que l'opinion soit la plus marchandée et vulgaire : que tous les corps compris sous les espèces nommées aient pour principe et cause efficiente l'accord et assemblage des quatre qualités premières qui sont comme principes et éléments de tous corps visibles. Lesquelles (après que leur sédition fut apaisée) avec une amiable conjuration servirent à l'être de ce grand tout, confondant, assemblant, mêlant l'humide avec le sec, l'ardent au gelé, le hâtif au tardif, la force au droit, accordant un poids au départ de toutes espèces tant proportionnellement balancées que la violence de l'une ne peut ruiner la faiblesse de l'autre, tellement que la contrariété du pesant au léger, du moite au sec, du froid au chaud et des unes et autres qualités est, par une bien égalée disposition, nouée comme l'on dirait en union indissoluble et que de là, selon le jugement plus arrêté, les plantes et minéraux reçoivent leur naissance et accroissement, les animaux bruts leur accroissement et sentiment. Si est-ce que les uns comme établis d'un simple être, j'entends les minéraux pour leur remote génération selon la démonstration assez ample que les Spagyres nous ont laissée, semblent nous avertir qu'ils ne s'accordent à cette opinion commune mais, par effet, nous enseignent qu'ils sont produits et engendrés d'autres parents que des premiers.

Le Soufre et le Mercure selon Geber

Ce que soutient Geber en sa Somme, le plus grand torrent des principes métalliques qui se pourrait trouver, lequel avec raisons animées prouve et affirme que tous métalliques sont composés de deux principes qu'il appelle Soufre et Mercure : par ce principe sulfuré il comprend une graisse engendrée des entrailles de la terre, laquelle agitée d'une tempérée cuisson s'épaissit, s'endurcit et se sèche et du dernier acte, qui est l'induration, le Soufre est nommé. Par le Mercure une eau visqueuse adhérant obstinément aux viscères de la terre d'une substance exactement subtile, laquelle moyennant la chaleur tempérée est réduite en une épycrasse du sec et de l'humide également disposés. Voilà pourquoi ce principe métallique est fluide, à cause de son humidité, et ne peut adhérer à aucune chose encore qu'il soit visqueux parce que la siccité qui le tempère empêche la force de la viscosité de l'humide : et n'est arrêté d'aucun obstacle que de la seule liaison du Soufre, lequel mêle tellement ses parties avec les contraires de l'humeur visqueuse par un moyen qui est la chaleur de la terre, que de là s'élève un esprit fort ténu, lequel multiplié en elle se peut nommer l'immédiate matière des métaux. Après qu'il soit reçu et cuit en la tempérée chaleur des viscères minérales, il se convertit et prend une consistance semblable à quelque masse terreuse, laquelle s'amollit avec l'humidité coulant de la terre, et par ce moyen la matière se pétrit mieux et s'assemble; alors les éléments accourent et influent en elle leurs vertus avec une due et naturelle proportion et se mêlent selon leurs parties jusqu'à ce que la mixtion soit du tout parfaite, laquelle par continuelle décoction est régie et gouvernée jusqu'à ce qu'elle se fermente, s'endurcisse et prenne enfin le corps de métal.

Le fondement de l'Alchimie

Voilà donc comment la mère commune de toutes choses, Nature, procède en la génération des métaux et n'était assez qu'elle élargit un argent vif pour l'être de ceux-ci, mais provide en toutes choses elle a voulu accompagner ce Mercure d'un naturel argent qui ne peut être autre chose, selon Geber, qu'une terre huileuse, décuite et épaissie par la vive chaleur qui est dans les entrailles des minières, laquelle se peut nommer (les mots sont des artistes) méritoirement Soufre. Et je sais que les corps surnommés servent uniquement à l'être de tous métaux, si tant est qu'ils soient en leurs espèces et qualités quelque peu différents et tiennent telle latitude entre eux que le caillé comparé au lait, que l'homme comparé à la femme, que l'argent à sa matière sujette. Je dirai toutefois ceci, en poursuivant notre carrière pour arrêter l'opinion de quelques-uns, que le soufre commun et le mercure vulgaire ne peuvent être éléments et matière des métaux. Car ces deux corps, à savoir Soufre et Mercure, sont principiés et considérés comme individus desquels nulles actions, sans avoir force et facultés d'ailleurs, ne peuvent procéder. Et outre les raisons que je pourrais mettre en campagne, l'expérience en fera preuve assez honnête. Oncques l'on n'a vu ni trouvé l'argent vif commun ni le soufre vulgaire mélangés et unis ensemble dans les minières. Comment donc seraient-ils principes vu qu'ils ne se trouvent aux lieux de la naissance des métaux.

De la nature du Soufre

Ce Soufre actif, qui est comme père de l'oeuvre des Philosophes et de tous métaux, a deux natures en soi contrairement opposées, l'une cède à la bataille que la chaleur lui dresse, l'autre résiste à toute violence extérieure et est comme congelée et non fondante, qui est la cause pour laquelle nature a voulu montrer combien est grande la différence du soufre actif et du fondant. Ce qui s'observe en la fusion des sept métalliques qui sont congelés par l'action du Soufre fusible comme non moins l'on voit les simples métalliques, Magnésies, Marcassites et autres Chymolées, revêches à la force du feu parce que le soufre non fusible gagne le dessus en eux et domine du tout en leur première nature.

... autres considérations

Laissant ce second vol pour reprendre une nouvelle aire, je prierai celui qui, sondant la volonté de mon dire, pourrait penser de plus mûres raisons me pardonner si je laisse, pour ce coup, l'opinion du maître d'Alexandre en la déduction des principes des métaux pour suivre la démonstration que les Philosophes du premier âge nous ont laissée. Et je sais qu'ils sont grandement différents en l'arrêt de la procréation des métaux et qu'ils combattent comme l'on voudrait dire en diamètre. Si est-ce que l'opinion de l'un ne peut être devancée pour suivre seulement l'affection de l'autre. Car encore que vous assurez que les métaux soient sucs endurcis au froid et faits de terre mêlée avec eau selon la Spagiryte, ou Soufre et Mercure cuits par la chaleur telle que le prince Arabe nous l'a feint, ils tirent toujours à une même couleur et endurent les mêmes altérations qu'ils ont laissées en leurs écrits, comme l'expérience assure en la diversité de ceux-ci.

L'accès aux teintures

Et qu'ainsi soit les teintures le peuvent témoigner. L'Or est un métal selon le truchement de nature. Aristote fait de la terre mêlée avec l'eau et, d'autant que la quantité de la terre n'efface point la splendeur de l'eau mais seulement obscurcit la transparence de celle-ci, d'autant sa couleur est plus belle, pure, durable au feu, précieuse et estimable entre nous, vu que sa mixtion est plus sincère et pure : mais, selon Avicenne, vous direz que c'est un Soufre rubicond clair, accompagné de toute pureté, qui se cuit à la chaleur excitée du ventre de la terre, lequel pour sa perfection demande un monde d'années : et d'autant que ce Soufre est plus pur et sincère et la coction de celui-ci plus longue et parfaite, d'autant le naturel du métal est plus haut, précieux et valable entre les humains.

Encore toutes ces considérations diligemment agencées ne pourront assigner un tout vraiment probable si l'on ne jetait la faux plus avant en la moisson et si l'on n'affirmait que la seule chaleur de la terre ne peut être la cause privée de l'être, couleur et vertus des métaux. Mais il faut par nécessité que les voisins des éléments opèrent et mettent la main en la génération de ceux-ci.

Rôle du Soleil, de la Lune et des Astres
Le Soleil et l'Or

Nous voyons que le Soleil et sa soeur, et les autres flambeaux célestes, voltigeant en tant unanime désordre par certains sentiers remarqués des lieux divisés par certaines périodes, nous partagent et décrivent les saisons, nous enfantent les heures, desquelles jointes et unies nous établissent les jours, des jours les mois, des mois l'an, des ans les siècles, des siècles entendent l'âge de leur révolution innombrable par laquelle ils font exhaler les vapeurs, les font rechoir, nous échauffent, nous hivernent d'un naturel et non accidentel retour et tournoiement non jamais fatigué et las. Et de là, selon la doctrine Égyptienne, les plantes et minéraux reçoivent leur accroissement, leurs vertus, leurs propriétés et grâces, car nous voyons que là où la chaleur de l'oeil du monde est plus continuellement active la croissance de ce métal y est plus copieuse et fertile, la couleur plus belle et précieuse. Ce qui se manifeste dans les régions plus proches de la Zone torride, parce que les rayons du Soleil en ces lieux continuellement chauds apportent une cuisson non oisive et interpolée à la matière destinée à être or. Ce que semble avoir quelque peu le Majoricain en son testament et en son oeuvre de l'animation des mercures, où il assigne et spécifie le temps d'où le Philosophe doit prendre et tirer le commencement de son oeuvre qui est l'équinoxe et retour du Soleil au premier point du Bélier. Car c'est alors que le Soleil avec sa chaleur nous rapporte le germe de toute chose, et chaque chose l'avouant pour auteur reprend le fief d'une vie renaissante.

Le pouvoir du Soleil
... son assimilation à l'Or

Voilà donc l'utilité de ce Soleil, premier miracle du monde, qui se montre non seulement par sa chaleur vigoureuse, qui nourrit et rend fertile la terre et donne l'être à toutes choses, mais aussi par les insignes mutations des temps et changements des saisons. Ces premières conquêtes n'ont pu borner la carrière de l'étude de ces bons pères mais, opiniâtrant toujours en leur grand labeur, ont voulu rechercher la vertu des choses créées et, non contents d'avoir leur principe et création en main par une belle grâce et accord de nature, ont tellement lâché la bride à leur affection qu'ils ont fait prodigue cette féconde mère où elle se voulait montrer avare et revêche et, poussant le voile de leur poignant désir, ont pénétré jusqu'aux entrailles créées de ses métaux, et laissant les uns à part comme avortés et sans forme, ont dressé leur partie sur l'or, non sans aviser justement que ce superbe métal était comme prince des autres, représentant en soi l'image et autorité de ce flambeau céleste, ont imaginé toutes les caresses qui pouvaient adoucir et allécher la rudesse d'un tel métal qui ne se veut laisser prendre sans moufles. Et pour ce faire ont été contraints de retourner à leurs premiers portiques et rappeler le pareil secours que nature leur avait autrefois accordé à la cueillette de ses premières fleurs.

Le problème de sa dissolution

Toutefois cela n'a été suffisant, mais ont dressé un moyen plus expéditif et stable parce qu'il fallait corrompre, dissoudre et réduire en espèce première, ce en petit temps où nature avait été occupée par un monde d'années, et pour ce faire on la devait presque imiter en toutes ses propriétés avisant que de la corruption et solution qu'elle machinait d'une espèce, une autre renaissait. Et comme ils voyaient que naturellement elle corrompt une chose à l'effet d'engendrer et produire une autre. Ce qui est évident en l'acier, l'airain, et en telles semblables choses qui se corrompent d'elles-mêmes, comme la rouille engendre en elle, glisse et va croissant en mode d'un chancreux polype les mines jusqu'à l'entière consommation de ceux-ci. Et de là, tirant l'imitation de ce mouvement, ont introduit une corruption externe ou étrangère par l'aide de leur calcination, digestion, coction qu'ils appellent, et pour cela la brèche n'était assurément ouverte car il fallait pour un dernier acte dresser une merveilleuse partie.

La réduction en "Premier Être"

A savoir une réduction démonstrative de ces corps en leur premier être. Et voici comment ces Philosophes regardaient : l'homme est composé par un emprunt de quelques portions des quatre premiers et grands éléments, desquels les parties réduites en un tout sont forcées contre leur naïve disposition : car ainsi que le feu est arrêté ici-bas, bien qu'il tende selon sa nature en haut, ainsi la portion terrestre est privée du repos auquel elle est toujours encline contre son centre, et pour être jointes en égale proportion sont colloquées contre leur naturelle prédestination. Et parce que toute liaison forcée ne peut être éternelle et que les choses liées par tel moyen fuient l'assemblage et tendent chacune opiniâtrement au lieu où sa nature la pousse, ce lien dure bien peu, et se dissout le corps humain en peu d'âge tant chaque portion élémentaire désire retourner à son propre et naturel domicile. Lesquelles, derechef réunies et recollées pour la continuation immortelle de leur semblable, font renaître unanimement les espèces, lesquelles par la résolution semblaient être perdues et abolies. Et de ce type démonstratif ont tiré que si nature dressait une réduction naturelle de tous spécifiques en leur premier être, que non moins l'art qui l'imite et suit en ses propriétés le pourrait faire. Ce qu'Albert le grand semble toucher que les métaux tirés de la minière sont morts et ne promettent aucun espoir de vie. Mais si l'art les dissout et réduit en leurs principes, d'autant peuvent-ils tendre à l'infini et donner l'être et semer semblables espèces. De là, comme dit la Tourbe des Sages, l'oeuvre grand a pris sa naissance, et la semence cachée dans les entrailles de l'or a été tirée, qui a produit à ces pères une moisson en ces espèces immortelle. Ce qui est ingénieusement décrit en la Chrysopée d'Augurelle.

Hordea cui cordi demum serit hordea, ne tu
Nunc aliunde pares auri Primordia, in auro
Semina sunt auri quamvis abstrusa recedant.
Longius et multo nobis quærenda labore.

Du coeur de l'orge ne germe que de l'orge, et si toi
Maintenant tu veux tirer d'ailleurs les Prémices de l'or, c'est dans l'or
Que se trouvent les semences de l'or, si cachées qu'elles s'y recèlent.
Il nous les faut chercher bien longuement et avec grand labeur.

Or moi, savant seulement en telles choses par un prêt d'oreilles et lectures curieuses que j'ai autrefois faites de quelques singuliers muets, je laisserai la volupté de tels discours à ceux qui en font le premier état entre les humains et me contenterai, pour ce coup, de mettre en rôle pourquoi la Médecine a reçu et chéri ce précieux métal, non sans justement aviser que c'était le plus méritable de tous les composés tenant le premier rang en la propriété des choses créées.

Applications médicales de l'Or
... les difficultés

Et à la vérité l'Or est un corps doué de toute perfection, composé d'une égalité de substances proportionnellement mélangées, compris sous un tempérament égal, recevant l'union et l'admirable texture de toutes les vertus tant supérieures qu'inférieures, auquel nul mixte ne peut être comparé. Comme toutefois les cervelles qui l'ont caressé ont été diverses, ainsi l'usage qui s'en est ensuivi pour l'entretien du corps a été fort errant et soupçonneux : et a mis assez de révolte en la tête d'aucuns qui méritément se pouvaient nommer justes Critiques des oeuvres bien faites et mal faites : desquels voyant l'usage de celui-ci tant peu assuré et fermé, vaincus d'une curieuse impatience, se sont réduits sous le fait d'une tant délectable solitude et cachette, qu'ils n'ont cessé jusqu'à ce que leur façon peu animée fut convertie en meilleure et assurée démonstration. Et protestant contre un assez épais nombre de graves Médecins de notre âge, ont montré, comme justes spectateurs en la plupart des choses bien nées, le peu de devoir et d'occasion qu'ils avaient d'user de la vertu de ce chatouilleux métal sans considérations exactement pesées. Mais je demande toute affection supprimée, et renvoie au loin de quelle raison me pourraient payer ceux qui l'accommodent aux maladies comme sont palpitation de coeur, forces déjetées et quasi fléchies sous la grandeur ou diuturnité d'une cruelle passion, venins et autres que je pourrais nommer, le réduisant en poudre ou usant de l'extinction de celui-ci.

Est-il donc possible qu'un corps tant compacté, tant solide que l'or, puisse conforter, exhilarer et remettre en vigueur première les esprits puisés des sources du coeur où sa propriété s'adresse, étant pris selon qu'Avicenne et la suite des Arabes l'ordonne : n'avons-nous pas un beau texte d'Hippocrate qui nous enseigne qu'il y a grande latitude et différence entre l'aliment qui nourrit, et celui qui est voué à la nourriture et entretien du corps? L'aliment qui nourrit achève son oeuvre étant digéré, maturé, séparé de ses impuretés et converti en vapeurs spirituelles. Telles et semblables vapeurs nourrissent les esprits, pères et auteurs de nos opérations. Secondement, l'aliment destiné à la nourriture n'est rien qu'un corps ou un premier sujet, lequel requiert, pour tendre à la fin du premier, une digestion, une résolution, une séparation, sans quoi son appellation n'est qu'une équivoque et fausse apparence du beau nom qu'il porte.

Ce qu'il doit être
... comparaison avec l'acier

Ainsi nous devons dire, si nous voulons avoir l'action légitime de notre médicament, qu'il faut qu'il soit rendu spirituel, volatil, et séparé de la mixtion qu'il a commune avec l'impureté des autres éléments; et imiter le même office que la chaleur du corps tient en la préparation de sa nourriture. Toutefois, quelque curieux et adversaire mettra en jeu que l'expérience ordinaire assure que l'eau où l'acier échauffé aura été plusieurs fois trempé arrête la colique, ouvre l'opilation de rate. Si donc l'acier a telle vertu spécifique, pourquoi non l'Or vu qu'ils sont composés de mêmes principes et nourris en pareille école de nature. Encore j'ajouterai que d'autant que la prédestination de l'or est plus grande, d'autant ses vertus sont plus fertiles et communicables à ce microcosme. Toutefois, la différence et contrariété de la communication de leurs vertus se trouvera en ce que d'autant que l'acier est plus poreux et moins fixe que l'or, d'autant plus agilement il communique ses vertus vu que tels corps, comme l'expérience assure, se réduisent tôt au feu et reçoivent facilement un principe de calcination. Mais l'Or qui est le plus solide, fixe et moins poreux de tous les métaux : obstinément rejette tous les assauts que le feu plus violent lui dresse, et ne change pour quelque ardeur sa beauté ni son poids. Par quoi il est facile à croire qu'il ne peut passionner la moindre partie de la chose où il aurait été trempé.

Uni quoniam nil deperit auro
Igne velut solum consumit nulla vetustas,
At neque rubigo, aut ærugo conficit ulla,
Cuncta adeo firmis illic compagibus hærent.

Puisque rien ne disparaît dans l'or
Par le feu, de même qu'aucune vieillesse ne consume le soleil
Et que ni la rouille ni le vert-de-gris ne s'y constituent,
Tout est fixé là dans des combinaisons fort solides.

Les fausses teintures

Aussi l'apotélesme est inviolable que les corps métalliques vraiment calcinés communiquent seulement leurs vertus aux choses qui les résolvent. Il est donc facile à juger que telles résolutions, qui se font par tant légères impressions ignées, sont si peu valides que l'on n'en doit user (sauf meilleur avis) que pour un terme de contenance.

La conception hermétique

Ce que l'on apprendra de ceux qui ont hanté l'école d'Hermès et ont su séparer le pur de l'impur : lesquels, remarquant en tous corps une fade et corruptible superficie des quatre éléments, qui est le lien et obstacle des facultés destinées à l'essence de l'âme, comme désireux de savoir si ces quatre parties étaient les causes seules et privées de la nativité, action et conservation de toutes choses, ont trouvé, par le moyen que je vous ai mis, que l'être et conservation des choses et actions de celles-ci dépendaient et procédaient d'une matière plus spirituelle et active que de celle à laquelle leur occupation première avait remis la beauté de tous individus. Qui est l'or dont Orphée fait mention en l'hymne de la nuit d'où nature épuise la génération de toutes espèces. Laquelle, comme étant plus remote de l'extérieur des éléments, semble représenter toutes les facultés de celles-ci. A quoi l'opinion d'Aristote répond qui dit que l'opération et faculté destinée à l'essence de l'âme ne sort d'une matière pareille ou semblable à celle qui est objectée et représentée à notre vue et habillée de la matérielle qualité des éléments, mais d'une beaucoup plus sincère, divine, excellente et remote, celle-la se considère aux opérations que nature dresse journellement pour l'immortelle continuation de ses individus, vous la voyez dans le grain jeté en terre, lequel se purifie, se résout, et meurt : toutefois, de lui reste une matière que l'accord des sages a nommée radicale ou prémigénie, qui est la source de la vie de toutes choses, ministre des actions et facultés de celles-ci, mère et propagatrice de tous individus, médiatrice du discourt et contrariété des premières parties de ce grand tout. Laquelle, studieuse de l'immortelle continuation des choses, remet en être une espèce semblable à celle et destinée au même usage que la première avait. Si Nature, je vous prie, montre en soi l'effet de telle préparation, peut-elle dénier la connaissance de son naturel à un art qui la suit presque en toutes ses propriétés? Vu que, selon l'opinion de Lulle, elle achève en un an ce qu'elle fait en mille, elle produit en une heure ce qu'elle engendre en un jour.

Retour à la Première Essence (ou à la cinquième ?)

Si est-ce que beaucoup pensent qu'il n'est possible de représenter la matière que je vous mets en jeu puisque, selon les Spagyres, elle est occulte, invisible, spirituelle, céleste, adhérant seulement à la raison, séparée de la communauté de nos sens et, pour être telle que je la fais, ce titre de matière lui est fort mal convenant vu que, selon les Platoniques, tout maléfice et pauvreté que notre nature endure et souffre, regorge de la matière néanmoins nécessaire à l'être de tous individus. Toutefois, comme enivré d'une facile démonstration, j'userai de ce mot de matière, laquelle (encore qu'elle soit invisible et que le Grec Théophraste l'appelle ) toutefois étant séparée des sordes et impuretés qu'elle a communes avec les éléments, se manifeste à nos yeux, et au lieu d'être quiète et ocieuse, elle est mobile et active. En quoi l'on doit remarquer la grande providence de l'Archétype, ou si la divinité n'est suffisante pour satisfaire à leur curiosité, je les prie de contempler la chaîne d'or d'Homère : et la société de l'invisible avec le visible, du contenant avec le contenu, du mouvant avec le tranquille et quiète, du dernier avec le premier, de l'effet avec la cause, de l'idée avec l'exemplaire. Ce que faisant, ils confesseront que ce que nous voyons est mort, invalide et stérile si nous laissons le service que nous devons à la raison poursuivre seulement l'affection de nos sens.

Introduction à la Pratique

Ce que l'on verra en la façon que nos devanciers nous ont laissée touchant la préparation de toutes choses nécessaires à l'entretien de ce petit monde, comme moi-même je déduirai en la dernière partie de ce présent discours qui comprend la préparation du plus précieux des métalliques qui est l'or, en laquelle la variété et différence d'un art se montre autant admirable que l'on pourrait penser. Car les uns désirant séparer cette matière sordide, terrestre, vraie prison de l'action de l'âme, pour mettre à la puissance de l'oeil celle à laquelle j'ai fait mention, et plus oculairement à ma suite ferai, ont excogité un monde de façons.

L'Eau corrosive - l'eau régale - l'esprit de vin tartarisé - la calcination douce de l'Or - Rectification de la quintessence - l'Or potable

Les uns donc, pour tirer l'humeur spirituelle d'un tel métal, ont demandé l'usage d'une eau laquelle, pour sa grande corrosion, méritément a été nommée eau valide composée, à savoir, d'une partie de nitre et de deux de vitriol, laquelle a puissance de résoudre l'argent en eau semblable au lait et, au contraire, elle fait subsider l'or en façon de poudre noirâtre. A quoi, si l'on ajoute une quarte partie de sel ammoniac, l'extraction faite selon l'art, vous avez une eau que l'on appelle régale qui montre un opposite effet à la première car, dissolvant l'argent, le réduit en chaux, l'or, au contraire, en liqueur crocée et purissime. Mais je ne conseillerai d'user de telle préparation pour l'extrême ardeur et grande acuité de telle eau qui cruellement éroderait les entrailles. L'on trouve en Ulstade un monotype de la liqueur de l'or, laquelle deux Cardinaux de Tolède, Jean et Hugues, on eue en affectionnée recommandation comme usant de celle-ci en leur coutumière diversité de vivre, laquelle toutefois n'est moins à craindre que la première pour les extrêmes venins qui servent à l'aide de la dissolution de l'or. Les autres, détestant la suite de tels poisons, ont pris du Tartre, lequel réduit en poudre ténue ont fait décuire en flegme d'eau-de-vie et de là, tirant un sel par décoction et résolution, se sont promis une réduction facile de l'or. Car le calcinant et sublimant non en sublimation vulgaire mais physique (selon leurs mots), le rendait tellement actif et pénétrant qu'avec l'aide d'un esprit tiré du vin, où ledit sel avait été fondu, facilement résolvaient en liqueur la chaux de l'or. J'ai connu par lectures que quelques-uns réduisaient l'intérieure partie du test de l'homme en sel, espérant avec ce faire l'or potable. Ce qu'Albert touche en son livre des minéraux, où il affirme que les cheveux de l'homme, principalement ceux qui sont coupés en certain temps, montrent un admirable efficace pour telles affaires : et poursuit que, de son temps, il a vu un amas de poudre d'or entre les dents de la suture supérieure d'un crâne d'homme déterré. Geber, qui a tiré du sein de nature les principes de son art et réputé pour un Aristarque de ceux qui épuisent journellement les secrets de sa belle doctrine, surtout recommande une huile tirée des cheveux humains pour insérer ou préparer les métaux, à l'effet de les rendre plus faciles à la liquéfaction. Et qu'il soit ainsi, il semble que leur façon est assez remote et lointaine, vu que nous avons chose plus facile à la main que crâne de l'homme et les cheveux de celui-ci pour dresser telles préparations, duquel l'odeur est tellement fétide, puante et sale, qu'il n'y a né qui la puisse endurer. Ce que j'ai expérimenté autrefois en l'extraction de son huile pour la cure du haut mal. Andarnac, singulièrement versé en l'une et l'autre médecine, a eu pour recommandable sur toutes une façon de l'or potable préparé sans aide d'aucun externe que du feu, comme il s'ensuit. Il prenait l'or séparé de sa lèpre lequel, réduit premièrement en lamelles fort ténues, agençait dextrement aux vases et fourneaux qui étaient nécessaires pour tel oeuvre. Et, par la continuité d'un demi an, les calcinait à feu de quart degré, lesquelles après il tirait et exposait au serein, et de celles-ci facilement coulait une humeur oléagineuse, rougeâtre et de saveur douce. Que si d'aventure la calcination n'eut été égale et que l'humeur fut difficile à fluer, il humectait ses lamelles d'un vin quelquefois rectifié, lequel tirait la couleur de l'or, le faisant subsider en poudre semblable à quelque cendre. Et pour rectifier cette cinquième essence en sa ténuité, il la versait en une matrice avec toutes ses parties et l'agençait dextrement dans un bain froid étant la partie supérieure du vase entourée d'un linge abreuvé d'eau chaude, incontinent l'antipéristase ou contrariété séparait les parties ignées des aqueuses, lesquelles derechef distillées laissaient au fond du vase une liqueur tirant sur le rouge, laquelle il appelait en commun mot or potable, l'usage duquel l'a conservé en santé par longues années et beaucoup de ses amis usant à la façon qui s'ensuit, il fallait, après quelques légères purges, raser et échauffer le sommet de la tête et dessus épancher une dragme de sa liqueur et autant en prenait avec malvoisie. Cette préparation n'est éloignée de raison, vu que l'expérience l'assure et la démonstration que Geber a laissée en sa somme que Tous corps métalliques vraiment calcinés par révérées calcinations se dissolvent, vu que tout calciné approche à la nature des Sels et de l'alun.

Un cas singulier

La susnommée façon a grandement plu au comte Jules Haderch, maréchal de l'empire, lequel uniquement studieux des cachés et abstrus remèdes qui se préparent par le feu, ne pardonne à nul frais, nul labeur et cure, et se trouve heureux sur tous en la connaissance de telles raretés, et comme ce moyen lui était sur tous plus gracieux et agréable, tant pour un profit particulier que pour la santé des humains, vu que ladite préparation se faisait sans aide d'aucun érosif, après avoir fait commencer et laborieusement achever son oeuvre, un malheur survient que l'opérateur mourant l'oeuvre demeure imparfait et sans fin. Lequel comme de nul prix fut délaissé par le comte. Toutefois, quelques mois après, le caprice lui monta en tête de revoir les reliques de son oeuvre commencé. Lequel, après avoir ôté les vases, aperçut que les ferrements qui les soutenaient, autant épais que la hauteur d'un grand doigt pouvait égaler, étaient tous percés et couverts de petites gouttelettes tombées des lamines que l'ouvrier préparait. Par quoi il est facile de croire que si ces gouttes excitées ont eu force, avec la ténuité de leurs parties, de pénétrer l'épaisseur d'un fer tant solide, qu'à meilleure raison, étant vouées pour l'usage du corps, elles peuvent plus agilement courir et voltiger par les vaisseaux de celui-ci et altérer les parties nécessaires à notre vie, la disette du bois et la continuelle fatigue, puis après empêcha la réitération de l'oeuvre.

Le recours à l'Eau-de-Vie philosophique

Autrefois quelque docte Médecin en la préparation de l'or me communiqua une façon de faire ce métal succulent sans preuve d'aucun corrosif. Il précipitait l'or en poudre tenuissime par une cémentation régale, laquelle il lavait tant de fois en eau du ciel subtiliée jusqu'à ce que la poudre fut sincère et développée du cément, laquelle il mettait avec une proportionnée quantité d'eau de vie spirituelle, et le vase bien étoupé la digérait par quarante jours dans un bain tempéré, la digestion heureusement achevée il versait la liqueur tirant sur le Citrin dans un vase propre et séparait l'eau au feu de premier degré, tellement que toute la liqueur montait, et l'or demeurait succulent au fond du vase, de couleur semblable à l'or. Telles plaisantes et utiles séparations sont ardues et souventes fois la chose ne répond à la volonté de celui qui la désire car, pour ce faire, il faut avoir la faveur de l'école chimique et, parce qu'elle est un peu ulcéreuse et difficile, peu de monde la connaît et désire s'y employer quelque somme d'années.

L'esprit de vin philosophique selon Weidenfeld

Mais pour retourner à nos aires, ces résolutions qui se font par l'esprit de vin sont de long travail et diuturne fatigue, et demandent la dextérité d'un brave ouvrier pour séparer l'ignée de l'humide et terrestre. Ce que les Spagyres appellent séparation d'éléments. Car le vin contient en soi une terrestreté, laquelle séparée de son esprit rend une odeur fort fétide et puante, et je sais que telles et semblables eaux tiennent quelque grandeur et force pour la résolution de l'or en liqueur, si est-ce qu'il n'y a chose plus valable et prompte pour la résolution de celui-ci que les sels minéraliques. Ce qu'enseigne Geber en ses livres de la grande perfection que tout corps résolvable participe de sa nature du Sel et de l'alun, ou de quelque semblable, et ne se trouve corps qui reçoive plutôt une solution que celui-là, donc il faut que tout corps résolvable se résolve par la nature des Sels, à savoir en eau. Mais comme la plus grande partie des sels et surtout leurs eaux sont fétides, ingrates, corrosives, et du tout à l'entretien de notre nature contraires et répugnantes. Certes, il me semble que l'ouvrier qui le peut préparer sans l'appui de tels vénéfiques a un précieux et rare secret pour l'entretien de son corps et cures des maladies qui le retarderaient.

L'Eau du Sel
... sa justification

A quoi, avisant un docte de notre âge premier auteur de la dernière préparation dont je traite, et depuis trois ans en cela par moi heureusement tentée et réduite en effet, a pensé que le sel commun ne pourrait moins gagner davantage sur l'or que les autres, et comme il est vide de tout danger, gracieux, et du tout nécessaire à notre vie, ce que l'on connaît manifestement que nulle viande ne peut être délectable sans sel, nul corps ne peut durer sans l'usage de celui-ci, mais plutôt reçoit l'impression de mille maladies putrides. Ce qu'Hippocrate confesse quand il baille aux ictériques le sel pour médicament : car comme il a puissance d'atténuer et d'inciser, il ouvre les obstructions des viscères et par sa faculté dessiccatrice empêche la corruption des humeurs, qui est la cause matérielle de l'ictérie et d'autres maladies contagieuses. Il lui a donc méritément semblé que la préparation qui se ferait par tel moyen serait beaucoup plus heureuse et utile que celle qui se dresserait par autre voie.

... ses adjuvants

A la préparation de ce dernier ouvrage, trois choses sont nécessaires, l'or, le sel et bien peu de vinaigre sublimé, et avant que l'or soit de la partie il demande une préparation première et séparation de l'impureté qu'il a commune avec les autres métalliques. Ce qu'admirablement fait l'antimoine s'ils sont liquéfiés ensemble, mais il faut que le poids de l'or soit moindre dix fois que la quantité du minéral. Car l'Antimoine, fondu avec l'or, tire à soi tout l'impur que l'or a de commun avec les autres et le fait subsider pur et sincère au fond du vase pyramidal. Lequel facilement, puis après, se sépare de la masse (selon les termes de leur art) appelée Régule. Le vin aigre tient le second lieu et, pour plus heureusement acheminer l'oeuvre, il faut choisir deux livres ou plus d'un fort vinaigre et une livre de sel commun, et le tout enfermé dans une cucurbite se doit séparer par le bain jusqu'à tant que les parties aqueuses soient élevées, puis convient tirer le reste par cendre, avec telle considération que la seconde partie tirée par la cendre soit pour l'esprit, la tierce soit laissée comme de nulle efficace.

Le traitement du sel pour faire l'Eau

Le sel demande non moins que les premiers son élection, et comme il y a diversité de sels je crois, après avoir observé la diversité d'aucuns, que le sel marin est le plus vertueux et convenable à la perfection de notre oeuvre, vu qu'il représente tous les types qu'un bon sel doit avoir, la lueur, le poids et la blancheur.

Prenez une livre de ce sel fort ténu et l'arrosez d'un bien peu de vinaigre, puis desséchez ledit sel à petit feu, agitant quelquefois le pot bien scellé afin de mieux mêler les matières. Cela se doit réitérer par trois ou quatre fois.

L'huile du sel 
...sa préparation

A chaque livre de sel commun vous devez ajouter deux onces de votre sel acide, et par ce moyen vous avez votre sel préparé. Le fourneau doit être semblable à ceux qui servent à l'extraction des eaux valides, de telle capacité et aisance que la grandeur du feu puisse librement voltiger et entourer la retorte. Entre les vases celle-ci est la plus nécessaire composée d'un ventre fort ample et capable, d'un col grand et quelque peu étroit, laquelle doit être dextrement lutée pour mieux endurer la violence du feu. A ce vase l'on ajoute un autre fort grand et ample, qui contient deux livres d'eau du ciel séparée de son impureté et s'appelle réceptoire des esprits qui sont contenus en l'opposite. Après que vous ayez empli la retorte à demi de sel, vous la devez poser sur les barres du fourneau et agencer le réceptoire avec telle considération que le tout soit tant dextrement conjoint et adapté que nul esprit se perde ou résolve. Par quatre premières heures le feu doit être fort léger, élevant celui-ci peu à peu jusqu'à ce que quelques fumées pareilles à un léger et blanchâtre nuage soient vues en la capacité du verre opposite. Que si d'aventure elles se manifestent, il faut contenir le feu en même degré jusqu'à tant qu'elles s'évanouissent, puis peu à peu chasser les esprits, augmentant le feu à l'entière rougeur de la retorte. Dès lors, il convient l'entretenir en tel degré de feu par l'espace de quatre ou cinq jours naturels, sans se soucier si l'on ne voit dégoûter la matière et produire quelques esprits. Et encore que rien ne se manifeste, si est-ce que l'on verra une matière retirant à la couleur de craie adhérer aux murailles du verre. Cette distillation heureusement conduite, l'on doit verser les matières en une Cucurbite avec son Alambic et les distiller à la chaleur d'un bain fort lent, l'eau montera la première et après le vinaigre, et l'huile du sel demeurera au fond du vase claire et limpide, de couleur approchant au vert et de goût semblable au limon.

L'Or potable

Voilà donc la liqueur en une portion de laquelle, si vous mettez l'or séparé de son impureté, par l'antimoine facilement se résoudra en liqueur par l'aide de la chaleur que la cendre excite : laquelle ne doit excéder la force d'un degré ou autrement l'oeuvre se perdrait. Et, au contraire, la chose soigneusement guidée vous représente l'or réduit en sa liqueur, accompagné de sa même couleur et de telle subtilité qu'il peut même monter en la chape d'un Alambic s'il est excité avec bien peu de chaleur. Le médecin de Ferdinand, prince d'Autriche, en a usé, et à son imitation quelques autres avec un très heureux et félice succès en la cure des maladies chroniques, putrides, accompagnées de grandes obstructions, car outre ce qu'il est âcré, il est grandement actif et pénétrant et il n'y a cachette d'un corps malade qu'il ne recherche et visite.

... ses effets thérapeutiques

Pourquoi il est tenu pour le souverain Antidote et remède de l'apoplexie, paralysie tant de la langue que de tout le corps, contraction de membres, rétention des mois, étrangurie ou suppression d'urine de la pierre laquelle admirablement il diminue, de l'ictérie, commencement d'hydropisie, appétit perdu lequel promptement il restaure, vomissements et autres affections de l'estomac, il éteint la chaleur des fièvres et apaise la grande soif des fiévreux. Pour la syncope ou défaillance du coeur, pour le tremblement de celui-ci, pour les affections mélancoliques, c'est un souverain remède principalement si on le mêle avec les eaux convenant à telles affections. Il empêche la force de tous poisons et principalement du mercure, il apaise les douleurs des jointures, et telles semblables reliques qui sortent coutumièrement de l'école d'une vérole invétérée, gargarisé avec des roses guérit les ulcères putrides et sales tant de la bouche que du gosier. Je sais qu'ils sont accompagnés d'inflammation. Pour les catarrhes suffocants, pour les affections pulmonaires, pour la peste (où il sert uniquement), c'est un qui connaîtra la dose, qui est fort petite, et la façon de l'administrer, tirera un singulier contentement pour lui et pour ses malades. Bref, où il est métier d'inciser, d'atténuer, de résoudre et de conforter, qui sont les indications curatives des maladies diuturnes. L'usage de la présente liqueur tient la première place.

Quid, de Lulle et d'Arnaut ?

Mais pour couper la parole à mon présent discours je m'ouvrai un doute, lequel règne encore de présent dans les écoles Spagyriques, à savoir si la liqueur présente, de laquelle tant de fois a parlé l'abstruse et cachée Médecine, est celle de laquelle les anciens Médecins usaient pour l'entretien de la santé et curation des maladies. J'ai lu le codicille de Lulle, j'ai lu son testament qui contient la première grâce du monde, où il fait mention d'un médicament appelé Élixir qu'il voue et destine à la cure de toutes passions, mais les ambages et difficulté gisent en ce que l'on ne peut assurer si c'est un Mercure, j'entends une liqueur ou un sel, j'entends une matière solide. Arnaut, en quelque partie de son rosaire, met en jeu le pareil mot d'Élixir et assure qu'il a telles efficacité et force, qu'il peut réduire les métaux imparfaits en une absolue et incorruptible substance semblable à celle de l'or. Sur quoi l'on pourrait fonder jugement que tel corps approcherait plutôt à une solidité qu'à une liqueur. En l'autre partie de son bel oeuvre, délaissant ce mot d'Élixir, il réclame souventes fois ce nom d'or potable, le baptisant d'un titre de médicament sur tous nécessaire à la cure des maladies et entretien de la santé. Et je crois qu'il n'y a en ce aucun antigramme et que tel mot enserre l'une et l'autre signification, à savoir une matière solide, fixe et permanente, qui réduit les métaux en pureté et couleur semblable à celle de l'or. Ce que touche doctement à sa grâce accoutumée Jean Augurelle.

Ipsius ut tenui projecta parte per undas
Æquoris, argentum tunc vivum si foret æquor,
Omne vel immensum verti mare posset in aurum.

Si l'argent-vif était la mer,
De même que par une petite partie de la mer elle-même projetée sur les ondes,
Toute la mer immense pourrait être changée en or.

Conclusion

Quant à l'autre matière qui est liquide, vouée seulement à l'usage du corps, méritément s'appelle or potable, fort séparé de la condition de celui que nous avons pour le présent. Car de vouloir assurer du nôtre ce que nos pères affirmaient du leur, je me pourrais trop affectionnément égarer, à savoir d'effacer l'impression, indifféremment de toutes maladies, défendre la beauté et gaillardise d'une jeunesse contre les rides d'une fâcheuse et faible vieillesse. Mais je sais par observation, et beaucoup d'autres sont en ma tablette qui assurément toucheront la vérité, que telles et semblables liqueurs dorées (desquelles j'ai fait assez honnête mention) ont produit d'admirables effets pour la cure de beaucoup de maladies rebelles à toute autre nature de médicament. Bref, je concluerai avec Crato, singulièrement versé en la connaissance de la commune médecine et en plusieurs raretés, que Nihil prætantius, nihil utilius, nihil humano generi convenientius esse potest sole et sale.

Vigent hominum studia
Invidis temporibus.

Les études des hommes sont ravivées
Par les époques envieuses.


A MONSEIGNEUR
L'ILLUSTRISSIME CARDINAL DE GRANVELLE

L'Inde au crinon doré : ou la riche manie
De l'or porte-souci ensorcelle les yeux.
De l'Indois emperlé, ne peut ouvrir les cieux,
Où l'âme avec son Dieu doit être réunie.
Tout cela n'est que vent, qu'une face ternie
D'un malade mourant, que le coup furieux
De l'orcques, et de la mort, fait dévaler aux lieux
Du sommeil éternel, que les mortels ennuie.
De l'Indois, ni de l'or le mélange mortel,
Ne peut de votre nom faire un nom immortel,
Encore que la terre à vos grandeurs veut plaire,
Et prodiguer son mieux : Mais les traits allongés,
Par les doctes filets des crayons bien purgés,
Immortel, glorieux au ciel vous peuvent faire.

Franc. Rossellet. D.M.


A MONSIEUR DE THOURAISE BAILLY D'AMONT

Le Soleil des cieux le père,
Et la lampe solitaire
De la nuit au crinon noir,
Et du ciel la double force,
Que son étincelle amorce
Au plus remote manoir
D'Achey (L'amour de ta race)
Fait connaître que ta grâce
Vient de leurs feux éclatants,
Et d'eux la sage nature
Emprunta la portraiture
De l'Avril de tes beaux ans.
Leur influence bénigne
A doré ta grâce insigne,
Mais tout cela n'était rien
Si un père, dont la face
Portant la guerrière audace,
Ne t'eut fait naître pour sien :
Le Tigre au Tigre se mêle,
Le germe de l'Aigleynelle
N'engendre l'oiseau peureux.
La terre douce, et féconde
D'une moisson belle, et blonde
Produit les fruits savoureux.
Je veux qu'un ciel t'ait fait naître
Et qu'en toi il ait fait croître
La moisson de ses trésors.
Je veux que le sang d'un père
Qui mort, en toi vif éclaire,
Ait donné l'être à ton corps.
Mais le lustre que tu tires
De celui, qui soutient l'Empire,
Et le règne de nos rois,
Qui d'un front doux, et sévère
Comme un Jupiter tempère
Le monde dessous ses lois.
C'est bien plus et que ta face
Ressent les rais de sa grâce,
Et que sur ton front heureux,
Son équitable justice,
Sa douceur à tous propice
Grave ses dons amoureux.
Jamais un mortel orage,
Jamais vu obscur nuage
Ne retranche la saison
De toi, mignon de la muse,
Et de ce Mars qui t'amuse
Aux trésors de sa maison.

Franc. Rossellet. D.M.




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