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MORAS DE RESPOUR Rares expériences sur l'esprit minéral (1668)



RARES EXPERIENCES SUR L'ESPRIT MINERAL 


pour la préparation et la transmutation des corps métalliques


où est enseigné la manière de faire les Agents nécessaires, qui ont été jusqu’aujourd’hui
inconnu et cachés au public.

Avec la connaissance du mouvement général et Particulier du Monde Elémentaire et de ce qui y est contenu.


par

Monsieur MORAS De Respour.

1668



Au Lecteur.

L
‘Ouvrage que j’ai l’honneur de présenter au Public, parut la première fois à Paris en 1668. Sans le Privilège, que Louis XIV. appelle depuis le Grand, y fit annexer, le nom de notre Auteur en aurait resté entièrement caché, tout comme l’Ouvrage même fut enseveli quelque temps après dans les Bibliothèques des Savants et des Connaisseurs de la Philosophie expérimentale.   A calife de cela il fut ignoré et inconnu même en France et trop recherché chez nous.  Mr Pott, célèbre Savant et excellent Chimiste, a fait des efforts inutiles pour en trouver feulement un Exemplaire, et feu Mr Henkel, ce grand Métallurgiste, à peine en pouvait-il trouver une mauvaise copie par la faveur de Mr Gros, Médecin du Roi à Paris.

Ayant lu, il le trouva digne d’être traduit en notre Langue, tant par rapport à l’importance de la Matière, qu’à la profonde connaissance dans la Science naturelle et la Philosophie.  Il entreprit une traduction assez adroite, malgré les Obstacles qui se montrent à côté du manuscrit mauvais et à faute des autres Exemplaires.

Cependant il faut avouer qu’il a quelquefois trop outré la Traduction, pour ne pas porter atteinte au mérite de notre Auteur. Et combien d’expressions omises, qui apparemment ne voulurent pas plier sous l’esprit métallurgique du Traducteur. Néanmoins l’autorité de celui-ci était suffisante pour lui procurer l’Approbation, de forte que la première impression en peu de temps fut achetée presque toute, et on se voit contraint de la faire réimprimer. Mais cette nouvelle édition, n’a rien de préférable, outre deux ou trois remarques qui ne sauraient intéresser personne, ou beaucoup contribuer à l’Eclaircissement du Texte.  Il s y trouve beaucoup d’expressions fort intelligibles, traduites avec embarras, même les mots du Texte français ajoutés au bas de chaque page. Je passe sous silence le Commentaire que Mr Henkel a pris la peine d’y joindre, ainsi que les Expériences faites par l’illustre Hellot sur le Zink.  Tout cet amas de réflexions purement mécaniques n’a presque rien de compatible avec l’excellence des faits dispersés par tout le livre, et qui témoignent le profond Génie de Respour, homme d’un vaste Esprit, et dont on peut dire ce que Phèdre dit d’Esope: — emuncae naris Natura nunquam verba cui potuit dare.

Quant à l’objet dont traite Respour, je ne disconviens pas qu’il ne mérite toute attention possible et qu’il ne soit digne de tant de recherches que de Grands hommes ont faites là-dessus.  Il est seulement à plaindre que plusieurs de ces hommes savants n’ont pas épuisé le sens caché de cet Ouvrage, comme le prouvent leurs expériences faites avec toute droiture d’esprit.  Le résultat même de leurs observations n’a jamais produit l’effet qu’on en attendait.  Le peu de connaissance de ce corps métallique a certainement empêché les Chimistes d’entreprendre la recherche de cela jusqu’ici.  C’est aussi la raison pourquoi peu de Chimistes ont écrit fur cette matière.

Il n’y a que Mr Chambon excellent Médecin, qui dans son traité des mines fait mention d’un livre intitulé, Rosa mineralis, où l’on doit trouver à ce qu’il assure quelques traces d’une médecine universelle tirée du Zinc. Les fleurs de ce demi-métal sont connues selon leur rude préparation à tous les Chimistes sous le nom de Coton philosophique, Hellot, Homberg, Henkel, Pott, Marggraf, Lebmann l’Auteur anonyme ab Indagine, ci: une infinité d’autres ont fait tant d’essais sur cette substance métallique, sans toutefois en avoir déterminé l’usage propre pour les mixtes métalliques, tant recommandé par notre Auteur.  La plupart des Savants croient que ce toit le Zinc que travaille Respour, mais je suis fort éloigné de me laisser persuader que le Zinc, dont l’Auteur nous enseigne quelques travaux secrets, soit ce connu Educt de nos foyers, qui a passé le feu. Au contraire j’ose soutenir que le Zinc antimonial, dont il parle, ne saurait être qu’un produit fourni tout crud par la nature, comme on a trouvé quelque semblable en Chine appelle Tutenage moula, suivant l’avis de Mr Grill, donné dans Wetensk, academiens handlingar XXVI. Vol. sous K.   En laissant chacun à ses sentiments je serai satisfait, si je vois que le monde savant soit aisé d’avoir le contentement de lire l’Original ci-devant difficile à trouver. Et c’est par l’humanité de Mr Fourcy et Mr Dreux à Paris, tous deux connus par leur excellente érudition, qui ont bien voulu se donner la peine de procurer encore un Exemplaire de ce beau livre, devenu extrêmement rare, immédiatement après sa première impression.  Je me suis donc déterminé d’en donner la nouvelle édition que voici. On n’y a rien changé si ce n’est l’Orthographe du temps jadis, de peur d’en blesser la délicatesse du goût de nos jours.  Au reste comme Mr Hilscher n’a rien épargné pour donner à cette nouvelle Edition un lustre convenable aux rares qualités de l’Auteur et au mérite du livre, je me croirai suffisamment récompensé, pourvu qu’on ne désapprouve pas entièrement l’entreprise faite pour bien des amateurs de Science naturelle.    Langen-falza le 2 6. Mars 1777.

D.Keller.




AVANT-PROPOS.

Q
uoi que j’aie toujours été fort réservé à l’égard de la Science et de l’Art, me portant à imiter la Nature, plutôt qu’à suivre le sentiment de ceux, qui pour avoir trop donné à leurs vaines imaginations, et à celles des autres, ont écrit tant de faussetés, et tellement embarrassé la vérité, qu’aujourd’hui cette habitude surpasse la raison: Néanmoins je veux présentement comme Homme, qui ne prétend porter aucun témoignage de foi, mais bien de la Nature qui ne trompe jamais, donner au Public, ce que j’ai appris du mouvement universel et particulier du Monde Elémentaire avec ce qui y est contenu, commençant par les Métaux et Minéraux, continuant par les Végétaux et finissant par les Animaux. J’ai eu beaucoup de peine à m y résoudre, ce n’est pas ici la première fois que je me suis promis de faire-part aux autres du fruit de mes travaux, au contraire, j’ose bien assurer que si ce n’eut été les présomptueux de ce temps, j’eusse déjà mis au jour plusieurs Volumes traitants des plus rares connaissances, qui jusqu’ici aient été entendues, où je ne me serais non plus nommé qu’en ceux que j’ai laisse imprimer sous d’autres noms, afin que l’on fâche que je suis entièrement exempt de vanité. Je l’aurais encore permis si je n’eusse trouvé des personnes, dont le peu de savoir confondait le vrai avec le faux, par quantité de répétitions interrompues et d’explications fantastiques, dont se servent ceux qui amusent le Public sous la réputation des Doctes: leur superbe qui les rend jaloux du bonheur de leur prochain en est la cause: On ne se soucie plus de quel côté se ranger, pourvu que l’on acquière une fausse gloire et qu’on satisfasse son avarice, l’envie rend les Hommes muets, l’opiniâtreté en fait des sourds, le mensonge les aveugles; et la tromperie les rend insensibles, l’un nie ce que l’on lui dit, l’autre blâme ce qu’il voit, et il ne sait pourquoi: tel se rit de ce qu’il touche, et ne le connaît pas: Ce n’est point par cette voie que l’on acquiert la liberté de l’esprit qui peut les rendre admirables, et leur faire distinguer ce que j’enseigne présentement, comme le plus affectionné de tous ceux, qui ont eu intention de faire profiter les curieux des choses naturelles.

Mon dessein est qu’en général on ait de quoi rejeter le mensonge, afin que l’on puisse dire à l’avenir qu’il y a un Livre, pour rompre entièrement le cours de tant d’Auteurs superflus, qui insinuent des erreurs pour les Sciences, et des difficultés pour le savoir; ils n’ont pour fond que des paroles extravagantes, et veulent témérairement être écoutés. Quel dommage ! Ils détournent la bonne volonté par de mauvais principes; Celui qui promet le plus est celui qui amasse d’avantage; et ayant été abusé, on préfère injustement le mauvais à ce qui est bon : cela seul a empêché la communication de beaucoup de connaissances. Je ne serais pas obligé de vous en faire ressouvenir ; si on avait satisfait aux Sages en rendant justice à l’Expérience. C’est la seule raison pourquoi les Philosophes n’écrivent plus que rarement de cette Science ; et encore sous différentes figures, afin que pour le moins, s’ils ne déclarent comme il faut séparer la Terre corrompante, ou ce qu’il y a de parfait dans l’imparfait; ils assurent que cet Art est véritable. Combien de fois m’est-il arrivé qu’au lieu de vouloir me donner la peine de combattre les vaines imaginations de quelques-uns, il m’a fallu condescendre à leurs opinions, et dire: Je travaille sur cette matière aussi ; je disais pourtant la vérité, d’autant qu’on peut par artifice, séparer avec industrie ce que l’on a besoin de diverses matières du même règne, ainsi que je ferai voir.  Mais à quoi bon chercher les choses éloignées, quand on peut avoir ce qu’il y a de plus proche? Qu’y a-t-il de plus facile qu’à dire, ce Minéral ou ce Métal a de grandes venus, et par conséquent il peut cela quand il sera préparé (vraiment ce sera quand) vu que pour cet effet, il est requis de connaître entièrement la Nature, et qui la connaît a le choix de ce qu’il y a en elle, à cause que toutes matières lui sont propres. Ainsi il ne paraît point idolâtre d’un sujet et opiniâtre en son entretien: Cela fait que je ne confère plus qu’avec des personnes que je me suis entièrement réservé, et demeurerai tel, jusqu’à ce que l’on me sache dire tout au moins, ce que c’est que feu métallique : cependant je crois bien faire avant que d’entrer en discours, d’avertir que tout ce que je dirai touchant cet Art, sera purement comme la levure vous conduira, Et afin que les esprits greffiers n’aient pas lieu de se plaindre m’attribuant quelque obscurité, j’ai partagé mes libéralités en plusieurs Volumes ; de sorte que l’un puisse servir à l’autre, pour éviter les malheurs qu’apportent ordinairement ceux qui s’exercent a troubler le sens des survenants, pour faire valoir leur bêtise avec celle des Charlatans, qui s’attribuent l’ouverture des Livres de Raymond Lulle, sans considérer qu’ils ne font que changer la Sapience en vaine subtilité, ne prenant point garde que pour l’entendre, il faut savoir faire ce qu’il faisait, et qui le fait n’a pas besoin de son Livre, parce que ce n’est qu’un point étendu.  La présomption de soi même enivre bien des étudiants en cet Art. Il est pourtant facile de confondre cette fausse suffisance par la force de mes instructions suivantes, que je donne en faveur de beaucoup de gens qui ont suivi jusqu’à aujourd’hui trop facilement le conseil de tant de ces prometteurs, de tant de faiseurs de fausses recettes, de tant de conteurs d’Histoires, et de tant de fourbes, qui vont jurants et affirmants ce que malicieusement ils viennent d’inventer, s’introduisant sous prétexte de piété, et d’amour de Dieu, pour consoler les affligés, faire bâtir des Hôpitaux, quoi que la plupart du temps, ceux qui sont bâtis soient leur dernier refuge. Voilà la cause qui fait que les vrais Doctes fuient le commerce des Philosophants vulgaires, parce qu’il est fâcheux d’être pris pour eux. On empêcherait bien cela en faisant voir des effets contraires, si l’on était sûr de n’être point importuné. Pour moi, lors que par une trop grande complaisance, j’ai voulu enrichir les autres de mon savoir, leur ingratitude leur a fait non seulement publier qu’ils en étaient les Auteurs, mais leur a voulu faire décrier mes connaissances, ce qui néanmoins n’a jamais tourné qu’à leur confusion.  Ah qu’on trouve peu d’âmes généreuses! Je vous proteste que si Dieu ne m’avait fait part du don d’oubli, je ne serais point parvenu à l’âge de vingt-quatre ans pour m’employer à écrire; je l’aurais pu faire il y a quelques années, si ce n’eut été ce que j’ai dit, vu que ce ne m’est pas un travail de considération, n’ayant que faire d’emprunter ni de dérober des autres, comme font encore quantité de brouillons, à la fin de tant d’années de labeur. Ma Bibliothèque est en moi, ne vous scandalisez pas de la jeunesse de mon corps, attendu que ce n’est pas lui qui vous instruit.  Ne dites point qu’il est impossible que j’aie su pratiquer suffisamment et en si peu de temps pour appuyer tout ceci. Soyez seulement assuré que j’ai éprouvé et fait tout ce que je dis. Et de crainte que votre Esprit comme les autres manquant de distinction, ne vous fasse dire, en voici un qui peut être en sa vie n’a manié le Gantelet; je vous assure et vous verrez que je suis à ce point le renvoi des Artistes, aussi bien que leur refuge.

Je voudrais de tout mon cœur pouvoir amplement établir mes principes, sans m’arrêter à détruire ceux des autres, qui ne m’ont jamais causé que des déplaisirs, obscurcissant la vérité par des discours frivoles ; peu d’étendue me suffirait, non pas pour déchiffrer tout ce qu’ont avancé ceux qui m’ont précédé; mais pour découvrir tout ce qu’il y a de véritable, tant au-dessus qu’au-dessous, et en bas qu’en haut, conformément à la cause de l’effet, pour contenter les plus Critiques, comme par exemple, si un composé de trois ou quatre substances, a telles ou telles vertus, il est vrai de dire, que si étant privé d’une de ces substances, sa vertu vient à cesser, c’est la substance que l’on en a tirée, qui causait tel effet ; puis que cette substance seule en a la vertu.  Hermès fut obligé d’en faire un Livre, selon la capacité des gens de son temps qui étaient néanmoins bien différents de ceux d’aujourd’hui en fidélité et en savoir, que je souhaite encore a chacun en lui communiquant présentement ce qu’il y a de plus relevé, sans avoir égard à l’indiscrétion des Curieux, mais à l’usage de ceux de notre Siècle qui se voudront élever au-dessus du commun, après avoir rejette toutes Sophistications, ou maudites inventions de parvenir au préjudice de nos semblables, et abandonné le vice pour suivre la vertu, considérants qu’il y a tant d’autres moyens de se nourrir à la lueur de ton visage si l’on n’a point de bien, sans faire le métier de Larron, qui est estimé adresse, quand on ne s’en aperçoit point ; il se trouve assez de quoi avec l’honneur, pour franchir cette misérable vie, le plus grand voudrait à l’article de la mort avoir été le moindre Mercenaire pour son salut.  Voilà ce que j’avais envie de dire pour ramener comme Frères et Amis ceux qui voudront être participants des secrets que je donne aux personnes qui ont de la franchise et de l’honnêteté, et qui se ressouviendront de la bonne volonté d’un Flamand de l’Occident septentrional, à qui depuis peu la France a enseigné son langage, que je souhaiterais de l’avoir mieux appris pour être plus intelligible; car je ne cherche point de façon pour rendre les choses mystérieuses, et faire valoir mon talent; joint qu’il n’est plus temps de publier de nouvelles erreurs, au contraire, je n’écris que pour les détruire, rejetant par bonnes raisons et expériences l’opinion de quantité de gens, qui n’ont eu d’autre appui que leur feule imagination. Ce que faisant, serai-je blâmable; ou me reprochera-t-on d’avoir bien fait ?

J’ai de mon côté pour toute assurance qu’on ne me condamnera point, si la vérité a quelque crédit entre les Savants.

Quand j’aurai donné les autres parties de cet ouvrage d’une manière abrégée comme celle-ci, je ferai beaucoup de petits discours de tout ce qu’il y a de plus curieux en la Nature, où tout sera traité avec un détail net et utile et d’un style capable d’instruire chacun dans les plus profondes connaissances. Je ne dirai rien dont je ne donnerai des raisons solides, et des expériences infaillibles; enfin je promets, avec l’aide de Dieu, de développer tous les secrets naturels, non seulement pour remplir l’esprit de belles et grandes choses, mais pour maintenir ou donner au corps cette santé, beauté et vigueur, qui lui font nécessaires

Ceux dont je suis connu savent très bien que nul motif d’intérêt me fait écrire et que ce n’est que par un mouvement zélé et affectionné pour l’avantage de tout le monde. Je loue Dieu de m’avoir donné de quoi me passer des autres et de m’avoir fait d’une humeur à être plus que satisfait de ma fortune. Aussi je fuis autant qu’il m’est possible le commerce de la plupart des grands, et j’aime plus le repos de mon cabinet, que le bruit de la Cour.

Je sens bien qu’un jeune étranger comme moi, et qui présentement n a presque point de loisir n’a pu écrire en Français sans avoir fait un grand nombre de fautes, et même sans avoir manqué la manière de s’exprimer telle que cette agréable langue le demande. Mais assurément les petits Traités que je veux donner, comme j’ai dit, après cet ouvrage, seront d’un style capable de satisfaire les délicats, aussi bien que les savants.


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TABLE DES CHAPITRES
contenus en ce Traité


LIVRE PREMIER.
CHAPITRE

I. Des moyens particuliers que les premiers Hommes ont pratiqué pour arriver à la connaissance de toutes choses.

II. De la naissance de l’Esprit minéral de la génération des Métaux et le moyen de se servir des Corps métalliques.

III. Du mouvement des Eléments et de leurs différentes opérations.

IV. De la génération des Pierres minérales, ou matrices des Métaux et comment la Nature prépare le Soufre Solaire.



LIVRE SECOND.
CHAPITRE.

I. Du moyen d’extraire l’Esprit minéral.

II. Du Soufre moteur.

III. De la Réduction en première Matière.

IV. De la première composition des choses.

V. De l’utilité du Mercure et de ses effets.

VI. De la correspondance que les Figuiers ou Formes extérieures et intérieures ont avec les Eléments.

VII. De la dernière extension et concentration des Eléments.

VIII. Des opérations vraies et fausses, et le moyen d’opérer sur toutes choses.

IX. Des profits particuliers que 1’ on peut tirer des Métaux.



Récapitulation du II Livre.



LIVRE TROISIEME.
CHAPITRE.

I. De la Conférence de deux Philosophes.

II. D’un Philosophe qui dit ses pensées Hermès, sans le connaître.

III. De deux Alchimistes, discourant de leur matière en la présence d’Hermès qui leur explique la Table d’émeraude.

IV. Les Alchimistes obligent Hermès à demeurer, lui faisant voir leur Laboratoire.

Première Parabole du Grand - Œuvre.
Seconde Parabole.
Troisième Parabole.


AVERTISSEMENT.

O
utre ce qui est porté par les titres de ces Chapitres, on trouve la manière d’extraire la teinture incorporelle du Cuivre, appelée Feu de Vénus. La teinture fixe orifiante du Zinc. Le Cor Saturni ou Soufre aspirant l’esprit du Soleil et de la Lune. La manière de séparer le Soufre de 1’aimant de forte qu’une dragme attire autant de Fer qu’une livre entière. Le moyen de convertir ou assujettir en Mercure toutes sortes de liqueurs, comme Bière, Eau, Vin Cidre, jus d’herbes etc. Il est montré à séparer l’esprit de Sel qui se trouve naturellement dans les eaux. fortes : et à faire que le Beurre d’Antimoine et les huiles métalliques ne se précipitent plus dans l’eau. Il y a la manière de faire le Nitre rouge des Anciens, et leur Sel commun qui réduit les Métaux en Mercure, avec la façon des vrais Sels énixes, l’un de celui-ci, l’autre de la Chaux azurée. On y apprend la réduction du Saturne en Antimoine, et celle du Soufre en Sel admirable, en Soufre fixe, et en Mercure coulant. Il s’y rencontre encore quantité d’autres opérations fort utiles, qui fervent d’exemples pour la transmutation universelle.

Quant aux ternies dont l’Auteur se sert, la plupart ont tirés du Latin, afin d’éviter la prolixité. Lorsqu’il parle des Sels Akalis, il n’entend point seulement le Sel de l’Herbe nommée Kali, mais de toutes choses, qui après avoir passé par le Feu, retiennent beaucoup de sa Nature, comme le Sel de Tartre, le Sel de Cendre, le Salpêtre brûlé, la Chaux Vive etc.

Si on lit entièrement ce Livre avec attention, il ne se trouvera rien d’obscur, à cause, qu’un mot explique l’autre; il a fallu disperser les choses, pour abréger le long discours, et éviter ce qui est inutile à d’autres Sciences qu’on ne peut enseigner ouvertement.


DE  LA  NATURE  EN GENERAL.
LIVRE I.


chapitre i.
Des, moyens particuliers que les premiers Hommes ont pratiqué pour arriver à la connaissance de toutes choses

P
our savoir ce que c’ est qu’Esprit minéral, et comment la semence des Métaux est mise au jour par la Nature, il est premièrement nécessaire de connaître les opérations des Eléments, non pas ainsi que nos Anciens scrupuleux les ont enseignées, mais, feulement félon la vérité, parce qu’il est impossible de pouvoir arriver à l’intelligence parfaite d’une choie, fans la connaissance des autres, dont l’envie des Sages cache encore les principes, à cause qu’ils les ont appris par longue assiduité en rejetant soigneusement ce qui était inutile à l’effet désiré.

Il leur a fallu examiner infatigablement avec toute sorte d’exactitude l’origine des fruits, que la Nature ou l’Arbre de Vie environne d’esprits et de résidences apparentes de l’Eau serpentine; jusqu’à ce qu’une profonde méditation leur fit connaître le point aquatique par ton triple effet.

Alors toutes les choses du Monde leur furent connues. Ils virent facilement qu’ils étaient nus de connaissance: ils connurent les espaces et distances des différences sans discontinuité d’entre les premiers Corps, qui par leur regard et attouchement engendraient tout ce qu’il y a voit dans t’être animal, Végétal et Minéral ; ayant donc les yeux décillés, ils donnèrent à chaque chose un nom selon ses qualités ou vertus: ainsi voyant que l’Eau était comme le poids, la roue, et le ressort de cette grande Machine, ils l’appelleront Médin, que les Latines interprètent Mars, et la distance ou le regard de l’Eau à l’Air est expliqué Sol, comme voulant dira seul à cause qu’il est la distance du milieu des quatre composants, et que chaque chose n’a qu’un milieu fixe: l’Air est signifié par Venus; et l’espace de dissemblance de l’Air au Feu fut nommée regard ou commerce léger de l’un à l’autre, que nous attribuons à Mercure. Le Feu fut comparé à la Lune, d’autant qu’il ne brûle point s’il n’est aidé de matière ainsi qu’elle, qui n’éclaire que par emprunt ; et parce qu’il agit contre l’Eau comme elle.

Le regard de l’Eau et de la Terre est nommé jouissance de l’une à l’autre, ou Jupiter, dont le mouvement nous pousse aux Trésors de là Terre produits par le moyen de l’Eau.

Après qu’ils eurent compris les trois places moyennes, et qu’un Elément ne pouvait être sans l’autre, ils ont connu a cause de leur trois distances, qu’il y avait une unité trine, et que les Eléments étaient venus d’un par extension et inversion de ses propres parties ; outre cela, voyant que ses parties s’aidaient les unes les autres pour s’ouvrir et refermer, ils ont dit que cet Univers avait un facteur intelligent ; et ainsi allant de différence en différence par rapport d’une chose à une autre, ils surent toutes choses et s’en sont servis suivant leurs correspondances par les nombres, comme par exemple, en divisant le sept, qui est provenu du quatre, tout ainsi que les quatre Eléments; on trouve treize, qui est encore trois après dix ; ou un après douze, et quatre après trois fois trois. Ceci se verra plus amplement au Chapitre de la correspondance des figures.

Ils ont encore appris par ces trois distances ou extrémités doubles des Eléments, l’utilité du Pentacle pour l’abstraction des sens, moyennant les cinq étoiles qui sont vues des autres des deux cotés ; l’attraction des esprits par la plus haute et la plus basse, qui ne sont vues que d’un coté ; et le mouvement des Intelligences par l’application des Eléments du milieu, qui sont aussi vues des deux cotés. Ils ont considéré que ce Binaire correspondait aux extrémités de la Nature, tout ainsi qu’il servait d’extrémité aux trois moyens, désignant le haut, le bas, le fort, le faible, le grand, les petit, la lumière, les ténèbres, le sec, le liquide, le dur, le mou, le froid, le chaud, le pour, le contre, etc. Et comme ces deux Corps du milieu sont vus chacun de deux cotés qui sont quatre, ils ont jugé que le nom du Créateur devait être contenu en un nom quaternaire, tenant avec soi les moyens de prononciation qui sont les voyelles, pour témoigner sa grandeur, parce que sans voyelle il est impossible de rien prononcer, chaque consonne seule est même prononcée par une voyelle, qui lui tient lieu d’âme vivante. C’est pourquoi les Hébreux avaient ce nom en grande vénération, tant à cause qu’il comprend aussi les moyens des mutations d’intelligence, qui consistent en la liberté spirituelle de la chose arrêtée, et en la puissance d’émouvoir la chose stable, que, parce qu’il contient corporellement ce qui est nécessaire à la parole, et c’est la raison pourquoi Saint Jean a nomme le fils de Dieu, Verbe.

On a dérivé de ce nom tous les noms des Anges, en disant El ou Dieu ; Michaël ou presque Dieu, et ainsi tant que l’on veut en diminuant toujours, les signifiant selon leurs caractères, que l’on a trouvés par la seule considération des Eléments, déguisant plus ou moins la figure longue et ronde, comme vous apprendrez au Chapitre de la Correspondance que les figures ont avec les Eléments. Les Mages ont conjoint les lettres qui se rencontraient approcher de la Nature du Feu, par correspondance de sa figure, et ainsi des autres, pour attirer des qualités de ressemblance; ils ont aussi composé plusieurs figures suivant les degrés élémentaires, de sorte qu’il semblait que le mélange assujettissait les Corps à qui ils se rapportaient.

Par les figures des Eléments, on a encore connu la vertu des constellations, et selon les mouvements figuratifs, on fait diverses sortes de marques correspondantes aux Etoiles, qui étant jointes avec les figures du degré précis d’un tempérament, produisent beaux d’effets, sans qu’il y ait besoin de noms d’Esprits, de serviteurs infidèles, d’ignorants. Il est vrai qu’on peut inventer ou prendre des mots qui correspondent par lettres et par syllabes au nombre des degrés de l’extension des Eléments, que je marquerai, ou composer des mots rudes, difficiles à prononcer, ou exprimant des choses qui arrêtent les sens selon l’activité du mouvement que l’on cherche, afin d’aider le reste.

On a tiré plusieurs fortes de connaissances de ces mouvements, faisant par eux des opérations qui semblent surnaturelles à ceux qui les ignorent, et c’est de quoi les Démons servent les gens grossiers.
Au contraire, l’Homme savant n’a que faire de lui, et peut autant seul que tous les Démons ensemble ; car s’il veut avancer ou reculer quelque chose, qu’il prenne garde que telle chose est soumise à tel mouvement, alors sachant que le trop ou le peu nuisent, il peut offenser par un mouvement plus violent ou plus doux qui se trouve en d’autres sujets ; le Diable n’en peut faire que de même : Par exemple l’activité d’un élément dominateur d’un composé, étant excitée par la Nature ou par l’Art jusqu’à quelque degré que je marquerai au septième Chapitre du second Livre, s’il y introduit un plus faible, il risquera le composé ; ou bien si le Démon veut nuire à telle ou telle partie d’un Corps, il le fait par un mouvement entièrement contraire : s’il veut causer des douleurs de tête, faire perdre les sens ou les rétablir, il excite le mouvement du cerveau par un chaud et sec pour nuire, et par un froid et humide pour y remédier, c’est ce que l’on peut faire à toutes les parties, tachant seulement de combien une telle herbe ou telle chose est froide ou chaude.

Il y a aussi des choses artificielles, qui excitent ou qui empêchent le mouvement, comme des tons, des objets etc.

Voulez-vous provoquer l’amitié ou l’inimitié, parla seule considération des Eléments ; servez-vous des composés qui en proviennent : le froid se peut conjoindre au chaud par le moyen du sec ; c’est-à-dire si votre chaud est chaud et sec, et si votre froid est froid et sec, semblablement l’humide chaud se mêle avec l’humide froid parle moyen de leur humide, car les degrés voisins servent, et les éloignés nuisent : c’ est aussi le fondement de la Médecine, et de la conjonction des Métaux. En premier lieu l’Etain (que le vulgaire appelle Jupiter, et les Philosophes Corps Métallique) se peut conjoindre aux autres Métaux sans leur nuire par une préparation de Saturne, ainsi le Fer moyennant l’Etain, l’Or par le moyen du Fer, le Cuivre par le moyen de l’Or, l’Argent vif par le moyen du Cuivre, et l’Argent par le moyen de l’Argent vif, voilà pour la coagulation, Mais pour la liquéfaction ou dissolution, l’Esprit de l’Argent-vif dissout l’Argent, celui du Cuivre le Mercure, l’Or sépare les parties du Cuivre, le Fer celles de l’Or, l’Etain celles du Fer: le Plomb peut tellement spiritualiser l’Etain qu’il peut blanchir les autres. Et tout ainsi qu’il y a deux sortes de dissolutions et de coagulations, les unes froides, les autres chaudes, il y a aussi deux fortes de mélanges; l’un quand les parties se font semblables par la conjonction, et l’autre lors qu’elles le sont rendues avant la conjonction, comme il arrive en rendant l’Eau huileuse par des Alkalis, pour la mêler avec l’Huile. L’Eau peut pénétrer les Corps et s’y conjoindre selon les moyens qu’on aura trouvés pour la retenir au feu, d’autant que pour réduire une chose à la dernière fusibilité, ou incérer, il faut rendre les Corps volatils comme l’Eau, puis les mêler avec l’Eau, ou rendre l’Eau fixe comme la Terre, et les mêler ensemble, comme fait la Nature dans les Minières en amassant l’Etain, l’Or et l’Argent-vif que les premiers Hommes ont cherché par les trois distances des Eléments, pour en faire une Essence toute céleste, qui leur a fait avoir les richesses de Jupiter, la dignité du Soleil, et la subtilité de Mercure.

chapitre ii.
De la naissance de l’Esprit minéral, de la génération des Métaux, et le moyen de se servir des Corps métalliques.

L
e centre des Eléments se trouve en leur plus petite partie, aussi bien que dans le milieu de leur Globe, et nul autre ne peut mettre leur dedans au dehors que celui qui les a faits ; c’est pourquoi nos premiers Pères ayant trouve cela impossible recherchèrent un sujet ou abondait la terre invertie pour en revêtir l’Eau et la rendre métallique a l’imitation du premier Artiste, parce que le centre de la Terre joint à l’extérieur de l’Eau fait l’Esprit minéral, et selon que cette Terre environne les parties de l’Eau par longue digestion, le tout se congèle en Métal, suivant que la Terre est bien centrifiée, car si son vrai centre est au dehors, il s’en fait de l’Or, sinon, quelque chose d’approchant ; ce que Bernard de Trévisan et d’autres n’ont ; pas connu, ça été la cause qu’ils se sont trompés en la graduation métallique croyant que l’un se changeait en l’autre, de même que dans le vaisseau contenant la matière philosophale, ce que je rejetterai au Chapitre de la première composition des choses. Il est vrai que les Métaux se peuvent terminer les uns dans les autres, comme ils ont dit, mais ce n’est qu’en tant que l’extérieur de l’un correspond à l’intérieur de l’autre, à savoir ce qui est évident au Plomb est caché dans le Cuivre, ce qui est manifeste à l’Argent est occulte à l’Or, la partie visible de l’Argent-vif est invisible au Fer, et la superficie du Cuivre est intérieure à l’Etain.  Voilà pour le vrai centre. Quand au centre moyen, celui de l’Etain correspond à celui de Vénus, de même le Plomb à l’Or, l’Argent au Fer, et le Mercure à tous : Pour l’extérieur à l’extérieur; Sendivogius en a parle, quoiqu’il ait insinué que l’esprit minéral ou l’humide oléagineux recevait diverses figures métalliques, selon le lieu de sa digestion, qui est une chose fausse; les différentes distances centrales du grain atomique (pour ainsi dire, afin de ne pas confondre le total avec le particulier) causant, comme j’ai dit, diverses sortes d’humidités, qui néanmoins sont réputés un, parce ou’ ils sont tous de nature minérale, et seulement distingués entant que la Terre est plus ou moins centrifiée.

Chaque partie d’Eau est changée en esprit métallique grossier à l’avenant qu’elle est couverte d’une terre moins préparée, qui ne se fait pas tous les jours; elle ne se fit qu’une feule fois au commencement de l’ouverture du point, et depuis la nature l’a conduite sans qu’il lui soit possible de l’approfondir davantage.

Si l’humide minéral, grossier ou subtil, a pour vaisseau ou matrice un lieu pur ou impur, les Métaux en seront plus ou moins utiles et inutiles, l’Or en sera plus haut ou plus bas ; le Cuivre et les autres Métaux imparfaits en seront doux ou aigres pour l’usage, et leur Minière en donnera moins, s’il y a beaucoup de Sulphureitées étrangères ; mais vouloir croire que l’un se puisse changer en l’autre, il s’en suivrait que nous pourrions ouvrir ou refermer les Eléments, ce qui n’est pas éloigner leurs pointe, ainsi que la Nature ou l’Art fait, comme vous trouverez au Chapitre de leur extension; au contraire, c’est étendre chaque partie des parties composantes, si cela était en la puissance des Hommes, ils feraient des Créatures à leur plaisir.

Il s’est glissé beaucoup d’erreurs par ceux, qui ont possédé la Pierre physique, à cause qu’ils croyaient qu’il ne fallait qu’observer les degrés du mouvement de leur composition, dont l’action à cause de la vitesse peut être d’autant moins comprise, que la Nature est lente, vraiment ceux qui ont inventé cette Pierre, avaient bien d’autres connaissances celle-ci est la moindre qu’un vrai Philosophe puisse posséder, elle a pourtant été fort recherchée, tant à cause qu’elle peut nous combler de santé et de richesses : que pour être mis en la compagnie des anciens Sages, dont il y a encore une bande aujourd’hui, qui ne reçoivent personne s’il n’a fait son apprentissage à composer cette Pierre, qu’il faut avoir ou savoir en entrant, et pour lors on les met au chemin des belles choses qui sont en la Nature, si le bonheur les fait agréer.

La Pierre des Philosophes est seulement un esprit corporel, qui a acquis tant de siccité qu’il peut retenir l’humide métallique au Feu, et ainsi quand il y demeure plus que la Terre grossière du Métal, elle est contrainte de s’envoler et laisser le pur environné de l’Or ou de l’Argent, qui servaient de ferment, de forte que le ferment sert à faire entrer la poudre à étendre le ferment.

On soupçonne aujourd’hui que cette Pierre a été faite en quelque lieu par la Nature, ce qui fait diligenter quelques uns à chercher, et afin que tout le Monde puisse participer de cette rencontre, je veux enseigner pour la connaître, que c’est une matière blanche ou rouge invariable, que le Feu et l’Eau ne peuvent revivifier en Mercure ou en Métal. On trouve bien des choses qui en approchent, étant guidé des couleurs qu’on voit à la coction de la Pierre, soit qu’elle toit composée par voie sèche, dont je parlerai, ou par voie humide ; les Minéraux ou Marcassites Métalliques correspondent à la composition sèche selon les couleurs, et ceux, qui n’ont pas l’éclat métallique, réfèrent à la composition humide, mais comme la plupart sont produits par l’artifice du Mercure (ainsi que vous pourrez voir en son Chapitre) il s’en trouvent peu d’utiles, néanmoins s’il s’en rencontre, auxquels le Mercure soit bien mortifié, servez-vous en selon l’ordre des couleurs, afin de ne point faire plus ou moins qu’il ne faut.

Le corps noir a plusieurs degrés à passer avant qu’il soit blanc, mais a cause que cela ne se peut faire par la feule apposition de feu, comme en la mixtion secrète des Philosophes ; il faut savoir que les Minéraux mercuriels apparents doivent être gouvernés par des Sels Alkalis, les autres se dissolvent avec ceux qui n’ont pas souffert la flamme ; ou il vous pouvez faire perdre l’éclat métallique à quelque matière que ce soit, vous la pourrez achever séparant ses superfluités par le Salpêtre au lieu que devant il doit besoin d’un Alkali; les Minéraux, qui ne font ni mercuriels apparents ni cachés, peuvent être prépares par le Sel commun, et autres choses semblables, observant combien de degrés il faut avancer ; car il y a neuf degrés jusqu’au Blanc ; le petit Bleu est éloigné du Blanc de huit couleurs, le Vert de mer de sept ; le Citrin gris de six, le Violet pâle de cinq ; le Noir de quatre, le grand Iris de trois ; le Vert enfoncé de deux, la couleur de feuille morte d’un, et depuis le Blanc jusqu’à la rougeur, il n’y a que deux degrés, marqués du Violet bleu, et de la variable, qui accomplissent le nombre de douze ; après cela il faut considérer qu’au lieu de cuire comme au grand Œuvre, il ne faut que séparer les impuretés, c’est à dire tout ce qui nuit aux degrés de la couleur; ou ajouter ce qui lui manque en l’empruntant d’un qui en a, ayant toujours devant les yeux, que le Sel provient quand l’Eau enveloppe la Terre, et le Soufre lorsque l’Eau et la Terre s’embrassent également; de façon que tout ce qu’il y a, se fait par apposition de plus de l’un ou de l’autre, et comme du peu au beaucoup, il y a un espace de tout ce qui se peut augmenter ou diminuer par grande ou petite apposition, il y a, et se fera des choses innombrables , tant aux Minéraux, à la génération de l’esprit Mercuriel par la Terre invertie sur l’Eau, qu’aux Végétaux par l’Eau excentrifiée sur l’Air, et qu’aux Animaux parle centre de l’Air environnant le Feu.

Quant aux Eléments qui n’ont eu aucune disposition que leur extension incontinue, ils produisent aussi différentes choses, mais à cause qu’ils n’entrent point dûment l’un dans l’autre, ce qu’ils font, eu de peu de durée.

chapitre iii.
Du mouvement des Eléments et de leurs différentes Opérations.

L
‘origine de toute connaissance est la supposition d’un point : Et nous appelions Savant, celui qui par ce moyen se peut éclaircir de chaque chose sans en prendre d’autre.  Ce point général est environné d’autres particuliers, qui sont les noms ou attributs signifiant et distinguant, que l’on reçoit d’un commun accord, en conviant des propriétés, vertus et qualités des choses, sans y rien changer, autrement quand il en faudrait parler ; si on disait que ce n’est plus cela, il ne s’en pourrait tirer aucune conséquence, parce qu’elle naît toujours de ce qui a été arrêté, si vous concluez avec moi, qu’un Homme est un Homme, il s’enfuit que tout ce qui ressemble le plus à un homme ne ressemble pas davantage à un Cheval ; au lieu qu’en disant le contraire, nous condamnerions plutôt notre intention, que de pécher contre la vérité.

Ce serait une grande confusion, si demandant à un Homme pourquoi il aurait dit : Ceci est vrai, ou je connais cela, il répondait, à cause qu’il n est pas vrai, et que je ne le connais point, comme font ceux qui après avoir établi une partie de ce qu’ils ont imaginé, ajoutent effrontément quand leur point ne leur peut plus fournir, par une vertu occulte : ainsi c’est autant que s’ils n’avaient rien dit du tout, puisque leur point découvre la fausseté, en ne pouvant fournir de conséquence.

L’Eau s’est congelée ; comment ? Par le froid : d’ou provient ce froid ? ils diront d’une qualité, sans considérer que toute qualité provient du mouvement de quelque corps, et que tout mouvement produit la chaleur. Le Feu fait exhaler l’Eau ; comment ? par sa qualité naturelle : et sa qualité naturelle, qui est-elle ? d’agir sur l’Eau ; Belle conclusion ! le moindre ignorant en dira autant.  Avec quoi fait-on la Pierre philosophale ? d’une drogue qui a la vertu de produire de l’Or. Et quelle chose a la vertu de faire de l’Or ? celle dont on fait la Pierre philosophale. Croirait-on (en liant des Livres de cette Doctrine) apprendre ce que l’on fait ; et que le profit qui en vient soit de perdre le sens.

De là je conjecture que ceux qui les ont écrit, nous ont voulu cacher les opérations des Eléments, ou qu’ils les ignoraient, d’autant que la plupart de ce qu’ils disent est faux ; et pour le premier l’Eau n’est pas attraite d’en haut ni poussée d’en bas ; vous saurez tantôt comme elle monte seulement en petites gouttes invisibles, qui étant étendues en l’Air, sont entraînées par le mouvement général provenant de l’Eau, ainsi que je prouverai, et non, par la plus haute Sphère dont on parle ; puisque son être ne dépend pas de son action continuelle, comme celui de l’Eau.  Nous n’avons que faire d’approfondir si avant : Dieu fait cela, disent les grossiers. Il eu vrai que tout procède de lui : tant de rares secrets qu’on ignorait autrefois, n’étaient aussi attribués qu’à sa Toute-puissance: et néanmoins présentement un simple Ouvrier le fait ; Quoi, un Horloger fera bien aller une petite machine sans l’exciter toujours moyennant quelque ressort ; et le Souverain en aura fait une si grande, pleine de ce qu’il faut pour la faire aller, et elle n’ira pas ? Non, ne le croyez point, il n’a rien fait en vain.

Cette erreur vient des Astrologues, qui n’étant point Naturalistes ont ajouté un point à leur point, se contentant de l’effet, sans en chercher les principes.

Il est pourtant louable de contempler la situation des Etoiles, d’observer leurs différents pouvoirs, et d’en remarquer l’utilité ; l’habitude de cette contemplation peut beaucoup, étant réglée d’un point particulier, comme le commun, qui s’étend pour la seule Astrologie ; mais le point fidèle fait voir que le mouvement ne peut venir du plus grand Cercle, puisqu’on ne le saurait prouver sans en demeurer là, de sorte que lorsqu’il faudrait apprendre une autre Science, il faudrait changer de point, et tomber dans les erreurs susdites. Celui qui veut devenir savant, doit étendre son point jusqu’aux extrémités de la Nature, s’il ne peut, il faut le quitter, et en prendre un qui puisse y aller.

Quant au moyen de prendre un point universel, ce doit être selon la Nature, parce que nous ne saurions étendre un point surnaturel ; par exemple, si vous voulez trouver l’origine du mouvement, cherchez en premier lieu s’il n’y a rien dans la nature tellement disposé à mouvoir dès sa création, que son être soit exprès, qu’il en dépende, et qu’en cessant l’action, il cesse d’être. Dire que le Globe de la Terre est le premier mobile, c’est une erreur, puisque son être ne consiste à mouvoir, qu’elle pourrait bien subsister sans agir, et qu’il y a un corps qui cesserait d’être ce qu’il est, s’il ne se mouvait point. Le Feu est aussi un Elément immobile, s’il n’est excité ; l’Air tout de même ; l’Eau au contraire, n’est arrêtée dedans et à l’entour de la Terre, que par ton mouvement ; ce mouvement ne paraît point, à cause de sa vitesse, ainsi qu’une roue qui semble d’être immobile par sa grande activité. Je n’entends point que ce mouvement soit l’action accidentelle du total, ou d’une partie de ses parties ensemble, comme lorsqu’une quantité ou quelque goutte d’eau coule par la pente ; je parle seulement du mouvement intérieur de ses moindres parties ; il y a bien de l’eau qu’on voit couler, parce que les Rivières vont en serpentant à cause de la grande descente, ou de quelqu’autre accident: ce n’est pas encore ce mouvement là que je veux dire.

Pour mieux faire comprendre ceci, il faut considérer que nulles choses ne sont connues, que par leurs propres effets naturels, tout ainsi qu’elles ne sont, que par l’effet d’être : les accidents de l’Eau nous manifestent, qu’elle est mouvante, et que chaques petites parties indivisibles tournent incessamment en rond, comme autant de petites boules ou roues.  Pour preuve de cela, remarquez comme il faut qu’elles tournent pour broyer et rompre en ses parties le Sel, que l’on y met dissoudre.

Tout ce qu’elles dissolvent ou brisent, se met entre leurs distances figuratives , jusqu’à ce qu’elles soient pleines, l’Eau-forte, appelée ainsi à cause qu’elle a avec elle les angles terrestres des Sels, qui lui servent comme de dents, ne semble-t-elle pas aussi immobile ? Néanmoins chacun voit qu’elle a incontinent mangé et dévoré le Métal. Mais, me direz-vous, pourquoi est-ce que l’Eau ne tombe pas ? est-ce qu’elle est dans son centre, ou bien qu’elle est soutenue par la Terre ? Si cela est, dites-moi premièrement, comme la Terre est soutenue ?

Je réponds que le Globe de l’Eau ne peut tomber, à cause qu’elle n’a rien qui la pousse, comme quand on en verse, ou qu’elle coule par inclination, d’autant qu’alors celle qui est derrière, chasse celle de devant. On peut expérimenter que la dernière goutte tient facilement sans tomber, si elle n’est ôtée par quelque autre qui survient, ou en l’essuyant. Dire pour toute raison qu’elle est dans son centre, je trouve que c’est changer de point, puisque c’est une imagination vague qui borne les sens, la Terre ou l’Eau n’est point dans son centre, ni dans le centre des autres; mais seulement dans le centre du Globe des autres, qui ne les prive point de poids. Cette parole que les Eléments ne pèsent point dans leur centre, ne doit point être entendue comme la pensée d’Aristote, et autres pilleurs de Livres, au contraire, c’est à cause que l’Eau se supporte elle même, d’autant que ses atomes ronds se charrient tous, comme on peut expérimenter en plusieurs boules ou roues se mordant les unes les autres ; car pendant que l’une tourne d’un côté, elle fait tourner celles qui la touchent de l’autre, et ainsi à l’infini, pendant que l’une descend, l’autre monte incessamment. Un pareil mouvement se remarque en l’Eau de vie (à cause qu’elle tient beaucoup de la Nature de l’Eau qui est simple et sans terrestréité, ) ; quand on y jette des gouttes d’esprit de Térébenthine, la liqueur étant en repos, les gouttes sont portées d’une extrémité à l’autre, à cause des divers mouvements, que les petites boules leur font faire ; Et parce qu’à la fin l’huile de Térébenthine s’épaississant devient poreuse, elles n’y ont plus de prise : l’Eau en toutes ses parties en fait invisiblement autant à la Terre, et la tient par ce moyen avec elle, les lieux qui nous paraissent les plus secs, sont remplis d’autant d’eau pure qu’en pleine Mer. L’expérience fait voir que toutes choses se peuvent mettre en eau, non pas comme font les Alchimistes par apposition d’un humide surdominant, mais sans y rien augmenter, et presque point diminuer le poids du corps qu’il y avait. S’il est dit que l’Eau a été séparée du sec, c’est à dire qu’une de ses parties à été mise sous cette apparence.

On ne voit pas croître un Arbre, grossir un Animal, et celui qui n’a jamais vu d’Horloge, pourrait douter d’abord du mouvement de l’aiguille qui marque les heures. Le mouvement dont je parle est comme une boule ou amas de petits Animaux qui s’émeuvent tous les uns après les autres sans ébranler le Globe : l’Eau donc en se mouvant ainsi, demeure immobile de son tout, et ses petites parties se mouvant continuellement, tiendraient l’Air sans action, si elles n’étaient rondes, parce que comme j’ai dit, pendant que l’une tourne d’un coté, elle fait tourner celle qui la presse de l’autre, mais l’Air étant poussé de l’un et repoussé de l’autre, glisse sur le cote d’un Pôle des boules (s’il m’est permis de parler ainsi) de forte que l’Air a mouvement à l’entour du total aussi bien qu’une action trépide.  Or pour savoir si ce mouvement est réglé, je dis que ce qui est continuel ne cesse pas d’être continuel, pendant qu’il est continuel ; l’Eau est continuellement eau, et pour l’être continuellement, il faut qu’elle la soit continuellement, et elle ne saurait l’être continuellement, sans avoir continuellement la qualité propre à son être : la qualité propre à son être, et l’état continuel de son être mouvant, qui étant ôté ne serait plus ; s’il y avait du retardement, elle cesserait quelquefois d’être, puisque son être ne consiste qu’en l’état continuel d’être telle, et ainsi il ne peut y avoir d’inégalité de mouvement naturel, sans inégalité d’être.
Elle est toujours, parce que tout le Globe de l’Eau n’est pas quelquefois changé sous l’apparence de pierre ou de terre, il est donc impossible qu’il y ait d’inégalité.

Parquoi l’Air qui est conduit, est mené également à l’entour de la Terre et de l’Eau, qui ne sont qu’un Globe, et cet Air entraîne semblablement la Sphère de dessus, et ainsi l’un donne du mouvement à l’autre, jusqu’au dernier cercle ; et les corps lumineux qui se rencontrent sont entraînés avec eux selon leur légèreté ou pesanteur parce qu’étant légers, le mouvement trépide de l’Air les arrête, et suivant que les Etoile sont susceptibles de ce mouvement balançant, elles sont plus ou moins détendues du mouvement circulaire.

Il ne faut pas s’étonner, comme des corps si grands peuvent être émus, puisque leur lieu qui est plus grand qu’eux, l’est bien ; l’Eau qui n’est qu’un point a l’égard du reste, si vous ne considérez sa Nature, vous doit surprendre davantage, puisqu’elle a la force d’émouvoir tout : les autres Eléments sont ouverts, et celui-ci resserré de tant de parties, qu’une goutte peut remplir un très grand vaisseau.  L’Expérience nous l’apprend en son évaporation, ou quand elle est empâtée avec de la terre, et qu’on la distille à très fort feu, une goutte se raréfie si fort que les récipients, qui peuvent contenir dix pintes d’eau, crèvent, faute d’avoir assez d’espace; ainsi le Feu, l’Air et la Terre ont été tirés d’elle seule par extension.  C’est pourquoi il ne faut considérer les Eléments, que selon leur dissemblance, et non pour leur discontinuité élémentaire dans le cercle des Eléments : Quoi qu’on élève un grain de terre, ou un peu d’eau de son Globe, elle n’est pas néanmoins discontinuée d’autres Eléments, et quand (pour me rendre intelligible) je vous représente des roues, des boules, il les faut prendre pour continues , car tout ce ce qu’il y a n’est que discontinué en apparence, et c’est d’où procède la sympathie des choses. L’Animal qui paraît le plus petit a nos yeux, en porte sur soi de plus petits, et ces derniers encore des moindres; de sorte qu’un Animal en peut avoir un nombre indicible chacun avec des parties convenables à leurs corps, et chaque partie est composée d’une infinité de points de chaque Elément. L’Eau donc par son mouvement circulaire, outre qu’elle est conjointe aux autres sans extrémités. (ce que le sens faible se représente difficilement) balance l’Air, ainsi que j’ai dit, et pendant cette trépidation, elle l’assujettit en soi, non pas en son centre, mais en son tout, et c’est de quoi elle respire et continue son mouvement, aussi, la diversité des Eléments n’a été faite du Souverain que pour s’aider mutuellement. S’étant donc remplie d’Air, elle s’enfle et déborde jusqu’à ce que la terre qu’elle contient, l’ait repoussée dehors ; alors elle redevient comme devant ; mais cela ne se peut apercevoir que dans les lieux, ou elle abonde le plus, comme dans la Mer Océane qui de jour à autre flue et reflue.  Cet air qui l’enfle chaque fois, cause qu’elle est plus légère en son engrossissement que lors qu’elle est décrue. La raison pourquoi la Mer est grosse, quand la Lune est pleine, c’est que la réfraction du Soleil, qui cause sa lumière, presse l’Air contre l’Eau, ainsi elle en prend davantage.

La vertu des Astres consiste en ce qu’ils renvoient, et comme l’Eau le prend avec l’Air, elle est plus remplie de parties subtiles, s’en dilate davantage, et paraît plus grosse ; il ne faut pas croire que cela se fasse par une vertu aimantine qui est le refuge des esprits faibles, parce qu’ils terminent leur savoir à une chose sans bornes ; ils veulent en disant cela, qu’il y ait quelque qualité sans corps, ne considèrent point que tout ce qu’il y a ici, ne sont que des corps plus petits ou plus ouverts, qui étant poussés se heurtent les uns les autres, et ceux qui se repoussent, assemblent les autres en reculant, et se rejettent fortement suivant qu’ils se rencontrent de loin.

Tout ce que nous recevons des Astres, outre la lumière, ne sont donc que des petits corps très subtils, qui rejaillissent par rencontre, suivant que leurs parties internes ont d’action.  Je dis internes à cause que les Etoiles sont des composés de parties subtiles, mais plus étendues que celles de ceux d’ici bas.

Nulle chose ne peut avoir lumière que par contrariété de parties, c’est ce que l’expérience peut faire voir: ainsi le Soleil rejette les petits corps par le vent de son action particulière, ou pour mieux dire par son mouvement d’existence, et ces petits corps en choquent d’autres, toujours de plus gros en plus gros jusqu’en bas, ce qui est cause que nous ne pouvons regarder le Soleil, parce que des particules de l’Air donnent dans les yeux, comme si on y jetait du Sable, ils ne peuvent même souffrir la réflexion de ses rayons par un miroir, s’il n’est mis dans l’eau, d’autant que ces petits corps rejaillissent moins sur un sujet mou, que sur un dur.  Le combat de ces corpuscules cause la chaleur, et ce sont eux qui font dans leur chute enlever l’eau en petites gouttes, ainsi que j’ai dit, et les idiots présument qu’elle est attirée. Néanmoins voilà comment cela se fait. Elle est en après éparse par le mouvement trépide, et emmenée circulairement quelquefois si haut, que ne pouvant tomber en pluie, le feu la repousse et rejette en bas, l’écartant avec tant d’impétuosité, qu’elle violente les corps en passant; nous appelions cela vent, auquel nous donnons des noms selon les lieux, d’où il vient, et sa durée continue à proportion de la quantité des vapeurs dont il provient: s’il rencontre d’autre humide en panant, elles s’amassent ensemble et tombent en pluie, qui fait cesser le vent.

Il est dangereux que cette eau exaltée reste longtemps en haut, parce que les parties terrestres qu’elle a emportées, se cuisent et font maigrir l’eau, qui ensuite précipite en forme de nues, les parties grossières de celle qui survient, d’où résulte un amas, qui n’est détruit qu’à proportion que les pointes des corps plus subtils le pénètrent malgré sa résistance, ce qui nous fait voir ces flammes que nous appelions Eclairs : pendant cet effort la masse se crève et rompt en petites ou grosses parties avec tant de force, que le bruit en est épouvantable, et c’est a bon droit qu’on l’a nommé Tonnerre. Quand ces masses tombent, elles puent grandement, à cause de la corruption de l’eau ; quelquefois la vitesse de leur chute les dilate tellement, qu’elles pénètrent les corps les plus resserrés en divisant leurs parties, ce qui nous parait aux choses solides par leur fraction, et aux liquides par leur altération, comme on voit au vin et autres liqueurs, qui s’en engraissent.

J’aurais ici lieu de parler des Météores enflammés, ou impressions du Feu, mais je le réserve au traité de la Lumière, et de la Nature admirable du froid, qui n’a encore jamais été entendue. Cependant voyez encore (pour mieux opérer) comme tout ce qui se fait en ce grand corps, se passe aussi dans les plus petits, qui en font provenus. Il faut premièrement considérer, que nous ne pouvons pas apercevoir toutes les parties d’un corps particulier, de même que le général, parce que nous ne sommes point dedans. Semblablement on ne peut voir le monde au dehors, ainsi qu’un Homme ou un arbre ; néanmoins par l’un, l’autre se peut connaître.

Quand la flamme embrase un corps, le Feu est à l’extérieur, et les autres parties au dedans ; ce Feu n’agit pas, soit en apparence de corps lumineux ou autrement, sans l’Air, de la matière brûlable qu’on lui donne, alors l’humide le plus uni à la Terre quitte une partie de l’Air ou Eau raréfiée, qui ne la pouvant suivre s’en sépare et retombe avec violence ; de telle manière que la flamme provenante de cette action, contraint l’esprit du composé, de se manifester sous la rougeur.

La raison que l’Eau et autres choses s’évaporent fur ce Feu, est, que les Atomes terrestres du sujet combustible, étant excités violemment, battent en s’écartant,  et poussent le vaisseau contenant, de sorte que le contenu est contraint de sauter dehors en frémissant, comme si on frappait avec un bâton, ce vaisseau ne peut paraître ému, à cause de la grande vitesse continuelle, dont il est frappé de tous cotés, et l’Eau sort en si petites gouttes, qu’elle ne nous paraît que fumée.

On attire encore l’Eau par des vapeurs grossières, ou en aspirant par la bouche : cela se fait de même façon que j’ai dit, excepté que les particules de l’Air étant émues par l’attraction, battent circulairement, et emportent la liqueur. Elle se peut tirer ainsi à l’infini, à cause que l’Air est fourni par les extrémités intérieures du conduit, ce qui advient aussi à une pompe et tel autre instrument Le Feu agit autrement que l’Air, il fait même pétiller l’or dans sa grande liquidité ; mais à cause qu’il est mieux lié que les Métaux imparfaits, il ne s’étend point en fumée comme eux, à moins que l’on ne multiplie les parties terrestres, en y jetant de l’Armoniac, qui s’élevant l’emporte avec soi ; à cause que tous les Sels volatils, comme ils sont privés d’humide pour s’étendre, s’envolent promptement du Feu : autrement il en n’ait une liqueur huileuse, qui étant plus épaisse ne se lasse pas si tôt emporter, la preuve s’en voit en la poussière qui est facilement chassée de quelque sujet, si elle n’est humectée. Le sel commun mis sur une pelle, saute et pétille, à cause que les parties terrestres, que le feu fait écarter, battent dessous et à coté, comme en frappant avec un instrument : les corps sont emportés de même hors des cornues à fort feu, par l’aide de particules de l’Air, qui sont tant excitées, qu’elles battent et pénètrent de tous cotés.

Le Philosophe Artiste doit encore savoir pourquoi les pots et les verres se cassent, et rompent facilement, à l’abord d’une grande chaleur, afin d’en éviter les accidents car : s’il arrive que les particules terrestres en s’écartant impétueusement, heurtent contre le vaisseau, et que leur mouvement rencontre l’humide de l’Eau, qui en introduit une autre, ou l’arrête, il se fait un choc des deux qui le fait bondir en arrière, et c’est ce qui ouvre le corps, comme s’il était tiré en large de deux cotés; mais lorsque le Feu les fait battre lentement, ils pressent l’humide d’en sortir un peu à la fois, sans qu’il fasse de contrecoup.  Il y a de la Terre, qui y étant jetée toute mouillée ne crevasse point, cela provient de ce qu’elle est subtile et ne laisse aller l’Eau que peu a peu, malgré la violence du Feu : ainsi il en arrive, comme si on l’avait graduée. La Terre qui a les grains gros ne se fend point facilement aussi, parce que l’Eau circuit a l’entour ces grains, et n’est pas si tôt emportée des corpuscules, à cause des pores.

chapitre iv.
De la génération des Pierres minérales ou matrices des Métaux ; et comment la Nature prépare le Soufre solaire.

J
‘ai bien voulu enseigner le premier Mobile selon les Cabalistes, le trouve étrange qui voudra. Il suffit que fans cette observation, je défie tous les Hommes de me faire voir une seule vérité concernante la transmutation métallique, à moins qu’elle ne leur ait été donnée, ou qu’ils ne l’aient trouvée par cas fortuit.  L’Utilité est plus louable que les vains discours: il m’a fallu, malgré l’appréhension de la censure des Critiques, établir ceci pour les amateurs de la Philosophie secrète, afin que par cette voie ils puissent outre les autres connaissances, arriver à la possession du Mercure philosophique, qui est le principal Moteur en la génération de l’Or, et tout ce qui se fait au règne minéral, provient de lui particulièrement, ainsi qu’au général chaque chose vient de l’Eau universelle, car entre les Métaux il n’est besoin que d’une Eau séparée de son terrestre, et alors une once de cette liqueur raréfiera plus de Métal, que mille tonneaux d’eau commune, et cela à cause que celle d’ordinaire est remplie de tant de terre étrangère, qu’elle gâte les Mentaux si on y en met. Il en arrive autant au Salpêtre, parce que de cent livres, il n’en restera pas deux onces, si l’on continue à le dissoudre, et le congeler par évaporation, après l’avoir passé par le papier gris, qui retient toujours la terre : c’est pourquoi l’esprit qui en est tiré n’a pas la puissance de lier les Métaux ; si l’Eau et la Terre de la composition du Sel ne sont mieux joints ensemble ; ce que j’enseignerai au premier Chapitre des Agents métalliques ; on y apprendra aussi le moyen de couvrir l’eau par la terre invertie, qui n’est véritablement qu’une eau sèche, que les Philosophes ont appelée Arsenic : cette eau pure, ainsi que je dirai, se joignant avec les autres, les purifie et réduit en leur première simplicité éclatante au travers du corps qui la tient.

En vérité, le fondement de cet Art ; n’est qu’une eau plus forte et pénétrante, que les Eaux ordinaires : le Sel de la Chaux vive azurée que vous apprendrez à faire tantôt, que ne fait-il pas ? Il réduit tous les corps en sperme, en gomme et en eau très claire, à cause que son corps a souffert un peu plus de Feu par le moyen du Soufre. Tenez cette maxime pour assurée, et soyez certain, que toutes choses mûrissent seulement par la chaleur naturelle de leur humide ; quand un Minéral est tiré de sa Minière, si vous pensez le pourvoir mûrit par une chaleur plus forte que vous lui pourriez donner, il en arrivera autant qu’en faisant cuire une pomme encore verte séparée de l’arbre : ce fruit ne peut se mûrir, l’expérience nous l’apprend. De là, on peut conclure que lorsqu’une chose vient à maturité, outre qu’elle est aidée du feu universel, elle est assistée par un humide chaud qui est de sa nature ; ainsi celui qui se mêle de faire cuire le Métal sans premièrement avoir l’humide où l’esprit minéral, travaillent en vain : or cette humide n’est qu’un esprit nitreux,  amené à la dignité métallique dans les veines de la terre par la nature, que nous imitons par l’Art. O que l’Eau est admirable ! C’est elle qui fait paraître les couleurs qu’on voit, suivant qu’elle est excitée, c’est elle que les sages ont qualifié d’esprit universel a dû le parce qu’elle est toutes choses ; c’est le cabinet des secrets ; c’est elle après Dieu, de qui dépend toute la machine du monde, comme vous verrez au livre troisième ; le Seigneur même l’a trouver si précieuse , qu’il l’a révéler aux Hommes d’en arroser les corps Humain en son nom, et présenter le Sel qu’elle produit, pour bannir l’indignité naturelle provenant de la désobéissance du premier Homme. Quand il pleut, elle prend les parties subtiles de chaque chose desséchée par la chute des corpuscules renvoyés du Soleil, et les emporte de toute part, puis l’eau étant rechassée, la quintessence de leurs Sels monte avec elle, et en retombant sur la Terre, chaque composé reprend son esprit vivifiant pour nourriture.  Si cela se fait au Printemps, l’Eau participe du Mercure, Et si c’est environ l’Automne, elle est sulphureuse, d’autant qu’elle est remplie de teintures végétables, et autres provenues par la chaleur de l’Eté. Cette Eau sulphureuse se mêlant par digestion avec la Terre, il s’en fait un Sel venteux inflammable, que nous nommons Sel nitre, on le voit couler dans les lieux humides en forme de bave, dont il se peut distiller par la cornue mise sur le feu, une eau puante fort sulphureuse, laquelle attire à froid le Mercure du Cuivre, qui en devient aussi cassant et blanchi, comme si on l’avait mis avec du Mercure, mais de l’Eau de Mars et d’Avril il s’en fait du Sel, qui se coagule en Pierres, et si cette Eau a avec elle des Esprits métalliques, ils sortent dehors de ces Pierres comme la Gomme des Arbres, ainsi que l’on peut voir dans les Minières : voilà leur seconde origine.  Lorsque ce Sel est entraîne dans la Mer, il devient pénétrant, et c’est lui qui la rend salée, ce Sel marin tire les teintures pour les Métaux, au lieu que le Nitre les tire et les garde pour soi ; Mais qui peut tirer la rougeur des Métaux par le Salpêtre ou Nitre, et le faire prendre au Mercure, après sa préparation, aura une chose dix fois plus parfaite que le fin Or.

Le Nitre a été nommé Esprit de Vin, parce qu’il est engendré comme j’ai dit, des sulphuréité végétables jointes à la Terre par le moyen de l’Eau de l’Equinoxe d’Eté : cet esprit est cause, que les Métaux imparfaits ont avec eux quelque chose de brûlable, d’autant que son humide se mêle en leur composition; de même la seconde matière des Métaux, de quoi on fait la Pierre des Philosophes, est engendrée par la conjonction de ces deux Sels de Nature, en cette façon.

Premièrement l’esprit orifiant métallique, étant emporte par l’eau du printemps, vient à tomber dans des lieux secs, et se coagule avec la terre, alors s’il n’y arrive point d’humidité grasse et sulphureuse, il en résulte de l’Alun, qui est un corps non fusible, étant privé d’humide. Mais quand il y survient quantité d’humide gras d’Automne, le tout se congèle et en naît un corps métallique combustible, que je nommerai tantôt, quand j’enseignerai la manière de séparer son humidité excédante, pour ne laisser que son esprit tingeant dans la cendre ou corps alumineux sec ; La Teinture qui provient de son eau, se voit quand cette cendre est chaude : les Philosophes anciens appelaient cette matière, la Lune dans la tête du Dragon, et de plusieurs autres noms que vous apprendrez. C’est une chose admirable que ce Minéral étant dissout dans l’Eau-forte de Salpêtre et d’Alun, se met sous la forme de grappe de Raisin par cristallisation. J’ai vu un boulet d’Or de la grosseur d’une balle de Mousquet, qui pesait bien seize livres. On me dit qu’en recontinuant à le mêler avec l’esprit de cette matière, elle le rendrait beaucoup plus pesant, sans augmenter de quantité, et puis qu’en le trempant dans de l’huile de Saturne, il redeviendrait aussi léger que devant, sans diminuer de volume. Ce Minerai mis avec il grande quantité d’Antimoine que l’on voudra, n’en recevra aucun dommage, au contraire, en remuant il s’élève du fond du Creuset, et nage comme un Poisson entre deux eaux; mais quand l’Antimoine est tout en allé, il commence d s’enflammer, si on l’y laisse davantage.

Pontanus a nommé cet Aimant, Feu, à cause qu’il brûle, et qu’il n’est que Feu ; vous pouvez avec une lessive de Cailloux, ou Pierres mises en Chaux, tirer par évaporation sa teinture semblable à une huile d’Or ; mais il faut premièrement qu’il ait été dissout dans l’Eau-forte, et tiré en écume sur le Feu avec dix fois autant d’Eau commune, puis séché légèrement.  Il a eu raison de dire que cette matière n’a rien d’impur, parce que tout peut servir, ce qui en reste même du Nitre rouge, que vous apprendrez à faire tantôt, contient un Sel merveilleux. Van-Helmont a écrit de ce feu en vain, puisqu’en le cachant il s’est tellement réservé, qu’il n’a pas même osé donner l’extraction du feu de Vénus, que je vous donne ici en passant. Il se fait du Cuivre calciné et sublimé avec de l’Armoniac, on prend la sublimation qu’il faut mêler avec deux parties de Chaux vive, et lessiver ensemble, puis en distillant, le Soufre essentiel passe avec l’Eau claire, qui étant mise au froid et circulée, devient une teinture huileuse sans corps. Si cet Auteur a caché ce Feu, tant utile à la santé ; quelle difficulté ne devrais-je point avoir à enseigner un Feu qui fait bien encore plus, et dont il parle suivant Paracelse avec tant de réserve ? Devrais-je aussi révéler l’Or pourri par le Mercure en une matière que vous apprendrez en son lieu ; enfin je vous donne ici tout, mais je ne vous enseigne qu’en raisonnant le moyen d’assembler les substances pour la coction, de crainte que le composé qui s’en fait, ne soit profané, je ne me réserve que l’extraction du Cor Saturni, que vous pourrez néanmoins savoir par l’exemple qui suivra, d’autant que ce Saturne réduit en première matière, (comme j’enseignerai) étant mis par artifice en un Sel de tout côté triangulaire, est changé par un Alkali vulgaire en Soufre, aspirant l’âme du Soleil et de la Lune, de même qu’une dragme de Soufre d’Aimant commun, sépare d’une livre de son corps grossier par un peu d’esprit d’Alkali, retient la force d’attirer le Fer et la vertu de tout ce qu’il y avait, ou davantage : Si un Sel Alkali commun fait ces merveilles pour la séparation des substances, que fera donc celui qui se trouve dans la cendre de notre Minéral nitreux ; qui sans altération sert comme de Feu, de Fourneau et d’Article pour toutes sortes d’opérations? Ha ! que ce Nitre métallique a de vertus !  On nous l’a dépeint tous la figure du vieillard Neptune, qui est le vrai Seigneur des Eaux, puisqu’elles obéissent à sa puissance, ainsi qu’il sera dit. Les Poètes l’ont industrieusement bien figuré, feignant que cette Toison laineuse est gardée par des Taureaux qui jettent feu et flamme: vous l’allez conquérir avec bien moins de peine que n’a eu Jason, ou le curieux Naturaliste par sa belle méditation : il lui a fallu travailler incessamment pour trouver en la fin, ce que vous avez ici au commencement. Je dis commencement, tant pour ceux, qui n’ont pas encore commencé à travailler en cet Art Philosophique, qu’à cause que la plupart des amateurs des connaissances naturelles, n’ont aucune lumière de la vraie Chymie, même à la fin de leurs jours. Il semble que Dieu veuille suppléer aux longues années, qu’il faudrait avoir, pour acquérir ainsi que nos premiers Pères, une intelligence parfaite de toutes choses, puisqu’il me suscite de rendre commun aux aspirants, ce que les Philosophes du temps passé n’eurent pour récompense de leurs travaux, qu’à la fin de leurs jours.

Fin du premier Livre.

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DES AGENTS METALLIQUES.
LIVRE II
chapitre i.
Du moyen d’extraire l’Esprit minéral.

P
lusieurs devant moi ont écrit la manière de préparer les Métaux, tant pour la Santé, que pour les Richesses, mais considérant que leurs Livres demeurent inutiles, faute des Agents nécessaires qu’ils ont caché au public, je mets ici la manière de les faire, afin qu’également on puisse arriver aux effets désirés des belles et curieuses opérations qu’ils ont mises en lumière, à l’avantage de leur dissolvant déclaré Alkahest, ou eau Alkalisée, que peu de gens possèdent, faute de connaître la cendre du vrai Alkali mercuriel, qui est enveloppé du Soufre universel au centre de toutes les choses du Monde, quoi que le meilleur se tire d’une matière nommée vulgairement Espiauter, ou Zinc d’antimoine, en cette façon :

Faites-la fondre à petit feu, dans un Creuset assez large, et quand elle sera rouge, mouvez-la avec une spatule de fer, qui ait le manche suffisamment long, pour vous défendre de la chaleur ; et après l’avoir un peu ému à la superficie, comme en écumant, il commencera à flamber, ce qui est le signe que le Mercure crud se détache du Soufre étranger ; ôtez avec votre spatule tout ce qui fera élevé en apparence de coton ou laine blanche, que quelques uns ont appelle Sericon, et le mettez dans une terrine ; cependant le reste qui est dans le creuset, semblable au plomb fondu, s’allumera plus qu’auparavant. Quand il s’en sera sublimé encore environ de la hauteur d’un demi doigt, vous la tirerez, ainsi qu’à la première fois, et la mettrez avec l’autre: faites ainsi, continuant jusqu’à ce que tout soit comme j’ai dit, prenant garde à chaque fois que vous en tirerez, de cueillir cette fleur adroitement, sans prendre de métal.   Alors vous aurez cette eau sèche, dont les Sages ont tant parlé : disant qu’elle se tire des rayons du Soleil, pour faire entendre que pendant l’opération, la matière jette une lumière claire, éblouissante la vue, ainsi que le Soleil.  On a donc très bien dit, qu’elle se tirait de ses rayons, et même de ceux de la Lune. Quand cette eau se convertit avec les eaux, et que les eaux se convertissent avec cette eau ; ils ont feint que cela se faisait par la force d’un acier, comparant le Zinc à l’acier, à cause de leur grande ressemblance et vertu.  L’Acier étincelle, celui ci s’enflamme, l’un et l’autre argentent et dorent les Métaux, et ont la puissance de concentrer les esprits et resserrer les corps ; il y a seulement cette différence, que l’un est difficile à fondre, et l’autre point, étant plus mou et obéissant à l’Artiste : aussi est-il dit : à quoi bon de chercher cela dans une matière dure, vu qu’il y en a une qui de soi est molle, laquelle étant sublimée, comme je vous ai enseigné, peut convertir toutes choses liquides et enaigries, dès la première fois en ce sel central ou Mercure philosophique, que l’on a tant cherché ? Voici comme je l’ai fait avec le vinaigre commun.

J’en ai pris une partie, et l’ai mise dans du vinaigre distillé, tant que tout fut à peu près dissout, puis après l’avoir fait filtrer et évaporer jusqu’en consistance d’huile grasse, je l’ôtai du feu, et il se congela en forme de sel, que je mis dans une grande retorte de verre à petit feu, et le tout se fondit, commençant à distiller par vénules en esprit de vin qui brûle, comme celui d’ordinaire, quoi qu’il soit insipide : après quoi, il sortit un phlegme gras et rougeâtre, et alors toute la matière de dedans la cornue, commence à se gonfler à plus grand feu, moyennant quoi, il s’éleva un esprit en forme de neige en grande quantité apparente, comme de l’épaisseur d’un pouce, qui retombait quelquefois en partie au fond, à cause de l’abondance, et ce qui s’en échappait malgré le papier qui bouchait le récipient, rendait une si bonne odeur, ainsi qu’avoue Bernard de Trévisan en sa Parole délaissée, que cela me surprit les sens, comme à lui. Après que tout fut refroidi, et que le vaisseau fut ouvert, je trouvai tout à l’entour un corps délicat qui avait l’éclat de l’argent commun, plus beau à l’œil, que les Perles Orientales. Ce Mercure était obéissant au doigt, et d’odeur de Camphre : on le peut avoir, comme dit le Trévisan au traité de la Nature de l’œuf, quelquefois en Mercure liquide, qui est bon ; en un corps resplendissant et coagulé, qui est encore meilleur, et en poudre blanche, qui est très bonne.

Ainsi vous venez d’apprendre la manière de tirer l’humide métallique, non pas qu’il soit humide comme l’on dit en toute sa substance, telle qu’on pourrait imaginer de l’eau, au contraire, ce n’est qu’accidentellement qu’elle nous paraît ainsi, quand la chose est dissoute; c’est pourquoi les Philosophes l’ont nommée Air, et de plusieurs autres noms : aussi la raison pourquoi les Anciens et Modernes ont dit qu’ils se servaient de Rosée de Mai, d’eau ‘Equinoxe, d’Esprit de vin, d’Urine, et de Sang, c’est qu’il n’importe avec quoi on tire ce Mercure, parce que, comme j’ai dit, toutes choses liquides peuvent servir moyennant cette cendre minérale. Voici la raison qu’ils ont dit, que leur Mercure est partout, le nommant Esprit universel, quoi qu’indéterminé, car autrement il ne serait pas besoin de ce vaisseau, qui est cette fleur, pour l’extraire ; tout ainsi qu’une herbe attire à soi des autres choses, ce qui lui est nécessaire pour sa subsistance. C’est là dessus que les Anciens ont feint qu’ils avaient des vaisseaux différents pour attraire cet esprit des corps liquides, parce que l’on peut extraire cette matière spécificative de divers Métaux ou Minéraux métalliques; toutefois dans un lieu elle se trouve moins embarrassée qu’en un autre.

Entre tous les Minéraux, il ne s’en trouve pas un plus disposé par Nature que celui ci, et il est seul entre les corps métalliques qui souffre la division des parties fixes du volatil, ainsi que le bois au feu.  Sa cendre a des vertus admirables; elle lie tout ce qui est disjoint ; comme par exemple les huiles des Métaux ou Minéraux, faisant qu’ils ne se précipitent plus, après qu’elles ont seulement été une fois distillées avec elle : cette cendre divise aussi ce qui est assemblé, séparant par le même moyen l’esprit de sel, et d’autres qui se trouvent dans les Eaux-fortes ordinaires, de sorte qu’on les peut recevoir à part, chacune avec augmentation de ses forces, tant pour les Hommes, que pour les Métaux, parce qu’elle rend manifeste ce qui eu occulte en chaque composé.  Elle se change facilement en toutes sortes d’apparences. Si le reste des cendres qui ne se veulent dissoudre que difficilement, sont réduites en sel, il paraîtra ni plus ni moins que du Talc de Venise, et à cause de sa ressemblance les Philosophes l’ont nomme ainsi, ce qui a abusé tant de gens jusque aujourd’hui, croyant que c’était le Talc vulgaire, duquel ils ont essayé de tirer de l’huile pour blanchir le teint, comme les Anciens ont dit, déguisant leur secret par rapport d’une chose à une autre.  Cette cendre minérale a en soi tout ce qui est nécessaire aux Curieux, ceux qui l’ont connue, ont eu la matière, dont on la tire, en grande recommandation, et de crainte qu’on sut qui elle était, ils lui ont imposé plusieurs noms, comme de Lunaire, d’herbe Saturnienne, et autres. Quelques uns l’ont comparée à la Salamandre, à cause qu’elle vit dans le feu ; Ils ne l’ont jamais mieux dépeinte que parlant du Phœnix qui renaît de ses cendres: d’autres l’ont nommée Lucifer ou Porte lumière, Vénus engendrée de l’écume de la Mer, parce qu’on la tire en écumant. On l’a nomme Dragon, à cause qu’elle brûle comme Salpêtre ; Aigle, parce que l’on en tire l’Armoniac mercuriel, ils ont dit, que c’est le Roi, d’autant qu’il est le plus considéré entre eux ; et le Lion, à cause de sa grande force. Ils disent que c’est l’âme métallique, à cause qu’elle vivifie tous les Métaux, et qu’elle est corps, parce qu’elle corporifie les esprits. Mais communément entre les Philosophes, elle est entendue par Miroir de l’art, à cause que c’est principalement par elle, que l’on a appris la composition des Métaux dans les veines de la Terre, comme je ferai voir ensuite. Aussi est-il dit, que la seule indication de Nature nous peut instruire. C’est le Soufre et le Mercure conjoints par la nature; le Cinabre des Sages, duquel on a tant écrit, nous assurant que de ces deux on sépare un corps moyen de si grande vertu. Il est Soufre à cause de sa partie tingente et combustible; et Mercure, parce qu’il est l’humide radical des métaux congelé par la nature, ainsi que dit Geber. On le tire en deux façons ; à savoir en volatil et en fixe. Je vous ai appris l’extraction du volatil : voici comme on procède pour avoir le fixe. Mêlez une part de cendre métallique, avec deux parts de Salpêtre pur, dans un pot de terre, que vous mettrez au feu l’espace de douze heures, en le mouvant quelquefois avec un bâton, lorsque la matière s’enflera : il faut que la chaleur soit telle que le pot ne devienne nullement embrasé. Les matières étant refroidies, rompez le pot et mettez la masse en poudre grossière, puis en remplissez des Creusets que vous mettrez au feu, l’un après l’autre, comme il s’enfuit.

Ayez un fourneau qui ait depuis la grille, trois fois la hauteur de votre Creuset, ou environ : il doit être de petite brique, ou de morceaux de tuile, bâti contre une muraille, percé à jour, que le trou soit un peu plus grand que la carrure d’une demie brique ordinaire, et qu’il donne dessus la grille, afin que le vent puisse exciter le feu : ce qu’étant, vous poserez un de vos Creusets, et ferez faire si grande chaleur que vous pourrez : Quand vous verrez que votre Creuset commencera à se vitrifier, levez le petit couvercle, et voyez si la matières est de couleur de pourpre, ce que vous connaîtrez, lorsqu’elle semblera ternie, comme manque de feu ; l’autre signe est, qu’un peu devant il y paraît une belle étoile. Retirez tout aussitôt votre Creuset, de crainte qu’ayant passé le moment nécessaire, l’esprit mercuriel ne s’enfuie en forme de fumée, de telle sorte qu’étant hors du feu, il ne cesse de s’exhaler, et quand il est parti, la matière demeure d’une couleur grise, et ne peut venir d’autre esprit en sa place ; c’est à vous d’y réunir, vu qu’il n’est pas difficile. Quand vous aurez retiré votre matière du fourneau, et qu’elle sera refroidie, elle aura la couleur de Laque enfoncée, tirant sur le Pourpre ; cette opération se fait dans une heure.

Je vous ai dit la manière comme je l’ai faite, quoi que les anciens y aient mis beaucoup davantage, et même les modernes n’en ont pas pu venir à bout qu’en trois heures. Ils ont nommé ceci le Salpêtre rouge : Il ne tient qu’a vous d’expérimenter ce qu’ils en disent, puisque vous le savez faire. On le laisse résoudre de soi même si l’on veut, et ainsi il se sépare des fèces en forme de Gomme ; quand cette Gomme, après sa préparation est jointe à une autre Gomme, savoir à celle du Soleil, alors elles deviennent comme eau coulante, sous l’éclat métallique : Cette Gomme est encore nommée Ambre, à cause de sa vertu attractive du Soufre corporel ; Savon, parce qu’elle nettoie les corps : et Sperme, à cause de son odeur. Quand ce Sperme se met en huile par plus longtemps, les Philosophes l’appellent huile de Tartre, qui a tant fait travailler des personnes en vain, sur le Tartre vulgaire : Ils l’ont nomme Vitriol; voulant dire, Vitri oleum, ou huile de Verre ; parce qu’elle se tire, comme je vous ai montré, par feu de Vitrification.  Après que le Creuset vitrifiant est refroidi., la matière paraît comme une Rose, environnée de feuilles vertes, à cause de quoi ils l’ont nommée Rose. Le sel que l’on en tire par l’eau commune, à des vertus innombrables : il volatilité tout ce qui est fixe, et fixe tout ce qui est volatil ; il ôte le venin du Sublimé, comme de l’Arsenic, et de toute autre chose dangereuse, comme des Herbes, Racines, Fleurs et Grains, etc. Etant réduit, ainsi que vous apprendrez ci-après, il dissout l’Or et l’Argent, comme l’eau chaude liquéfie la glace, sans aucun bruit, ni corrosion, montant ensemble par l’Alambic : Bref, il fait tant de belles choses, que les Livres chimiques ne sont remplis que de ses effets. C’est pourquoi je vous renvoie à ceux qui ont écrit le moyen de s’en servir.

chapitre ii.
Du Soufre Moteur.

En tout ce qui est composé d’Eléments, il y a un Soufre étranger, engendré de l’action de l’Eau et de la Terre, qui est moteur du Soufre naturel; c’est le premier sujet sur qui le Feu opère, par le moyen de l’Air, et par qui il nous fait ressentir ses forces, soit qu’il nous paraisse en forme d’un corps lumineux ou autrement : c’est lui qui soumet toutes choses à la force du Feu et des Eaux corrosives, et parce qu’il empêche la continuité des corps, il est la seule cause qu’ils périssent ; sans lui, ils ne se peuvent limer, plier, scier, rompre ni mettre en poudre. Les Artisans ne s’en informent point, et néanmoins c’est à lui qu’ils doivent la fin de leurs travaux.

Il rend les corps aigres et cassants, à cause qu’il est une substance étrangère au sujet, laquelle sèche facilement ; c’est pourquoi il reprend avec peu de peine l’humide des Résines et des Sels qu’on lui donne pour les adoucir; c’est lui qui emporte les corps au feu, qui les rend étendus ou resserré, selon qu’il abonde, c’est lui qui s’envole en apparence de la flamme, à la calcination du Zinc.

Enfin, ce qu’on en peut dire de particulier est, que c’est une chose située entre la partie intérieure et extérieure de tout corps, et ce n’est autre chose qu’une terre nourrice, subtile, qui est sublimée ou dignifiée par l’humide minéral, végétable ou animal s’il s’y rencontre. Les Animaux en ont plus que les Végétaux, et les Végétaux plus que les Métaux. Dans les Animaux il s’envole presque tout avec l’humide propre, dans les Métaux et Minéraux il y est très fortement lié, et en petite quantité ; mais comme le moyen ou milieu correspond toujours au milieu, on a recours aux Végétaux, et l’expérience fait voir qu’il y en a suffisamment dans le sel des cendres ordinaires que l’on ôte de nos Foyers. Quand cette matière est extraite, elle ressemble à de la Soie argentine, et à une terre feuillée, comme le Talc, principalement après la préparation suivante.

Desséchez le Sel prétendu, et versez dessus deux fois autant de vinaigre distillé, mouvez-les bien avec un pilon, et ayant un peu reposé, retirez-le vitement, puis y en remettez d’autre, faisant ainsi quatre fois, le vinaigre se chargera de teinture et de viscosité végétale. S’il en sortait encore, réitèrez, jusqu’à ce que ce qui demeure dans le Mortier de marbre reste blanc, et qu’il soit après l’avoir bien séché, comme du sable de rivière. Alors broyez-le avec de l’eau claire, le laissant reposer deux ou trois heures, le tout deviendra comme du lait caillé, que vous mettrez dans le filtre, et ce qui restera dans le papier, est la matière requise. Faites que le temps le prive de ton humide superflu, et servez-vous en pour un sel Sulphureux, que l’on nomme tel armoniac ou ammoniac, à cause qu’il est tire du Sable. Considérez présentement combien il est différent du commun, et ne vous entonnez plus pourquoi ceux qui prennent les écrits des Philosophes au pied de la lettre, sont ordinairement trompés.

L’eau qui découle à la préparation de ce Soufre, laisse après ton évaporation un beau sel qui est insipide, et la teinture rouge que l’on a tirée avec le Vinaigre, laisse en distillant au fond du vaisseau une terre noire, dont l’eau sépare un sel fort aigu : ainsi à mesure que l’Art met au jour les corps que la Nature cache dans les corps ordinaires, il produit des choses d’autant plus dignes et admirables, comme est ce Soufre, qui parait même encore rayonnant et victorieux, après la fin du composé. On le voit par tout sur les eaux croupissantes ; tant dans  les rues qu’ailleurs, nageant comme des feuilles d’argent coloré de plusieurs façons.

Il n’a pas de si grandes vertus pour les Animaux, et manque de pouvoir sur les Métaux, quand il est environné de ses résidences végétales, à moins qu’on ne surmonte la partie herbale par le minéral : car celui qui étouffe l’humide naturel par un étranger, fait presque autant que s’il l’ôtait : pourquoi faire desséchez bien ce sel, que les Anciens ont surnommé commun : et au lieu d’en faire l’anatomie ci devant dite, dissolvez-le dans l’esprit très fort de Vitriol.  Cela se doit faire dans une grande cucurbite, afin que le mélange ne se perde au lever de l’écume, qui étant remise en eau, puis distillée jusqu’à la dernière goutte, laisse un sel fusible comme la cire, qui au froid devient dur et blanc.

Quand quelque Métal est fondu avec lui, et qu’on le meut quelque heure, il le réduit en pâte, que l’humide de l’air met en huile, laquelle étant distillée, le sel demeure au fond, et la meilleure partie du Métal passe avec l’eau.  Il sert aussi à tirer les teintures des corps, et fait tout ce qu’on en a dit autrefois, parlant du tel énixe.

chapitre iii.
De la Réduction en première Matière.

T
out ce qu’il y a de plus recherché entre les amateurs de cette Science, est la Réduction du Métal à sa première matière, que les Philosophes assurent unanimement être Soufre et Mercure.  Je pense que le vulgaire prend en leur place la terre et l’eau, parce qu’on voit peu d’Artistes qui ne dissolvent le métal sous forme d’eau, pour le faire coaguler, qui est le mettre en apparence de terre : quoi que l’on trouve dans les écrits des anciens, que toute solution doit être faite en conservant l’espèce manifeste ; ainsi c’est se tromper soi-même que de le réduire en forme d’eau Elémentaire, vu que la splendeur métallique est amortie, ne paraissant que simple eau, liquide ou épaisse, colorée ou autrement, de sorte que s’il y arrive quelque marque de corruption, ce n’est point le Métal qui est altéré, puisqu’il ne le peut être que sous sa propre espèce, séparée de toute chose étrangère, si ce n’est que l’eau ! Quel bénéfice y a-t-il de faire cuire l’eau, en croyant graduer un métal ? La fin montre assez que le métal n’est point change, puisqu’à la fonte l’Or retourne en Or, étant projeté sur un bain d’Or, et le Plomb sur le Plomb. Donc cette manière de Réduction est absolument inutile; et quand même on aurait mis un Corps en Terre et en Eau, on ne s’en pourrait non plus servir à l’égard du Métal, que de l’Eau et de la Terre commune, puis qu’il serait terre et eau Elémentaire, auxquels nous ne pouvons donner aucune forme d’espèce métallique, l’expérience faisant voir que cela est impossible.

Quelques uns veulent ignorer que le Mercure extrait des Corps, tel que celui du commun, a été fait de la première matière, et que c’est en vain qu’on le met en apparence de Soufre ou de Sel, puis que les principes de l’Art ne sont point ceux de Nature.

De même, c’est perdre le temps que de le rendre semblable aux choses accidentelles; comme sont le Vitriol, l’Or boueux que l’on prend dans les Eaux, et autres. A cause que les Métaux imparfaits, comme le fer et le Cuivre, se rouillent facilement par l’eau, qui traverse les Mines, et sont corrodés par les Sels qu’elle y porte ; mais l’Or ne pouvant être dissout, manque de l’aigreur du Sel, est emporté par l’eau en menues parties qui reluisent dans le Sable, étant précipité où elle s’arrête : tellement que ce n’est point la première matière du métal, au contraire , c’est le métal même.

Le propre des Hommes, est de faire peu d’estime des chutes qui leur sont familières et ordinaires : cela se voit jusqu’ici, chacun sait que la première matière qui nous donne le métal, est le Mincirai, ou la Marcassite d’où on le tire, tout ainsi que le Plomb est la première matière du Minium : Et néanmoins on demande après, et on la dispute, tant la subtilité est ennemie de la vérité.

Quand on dit qu’il faut réduire le métal en Soufre et en Mercure, il ne faut point croire, qu’on entende parler du Soufre naturel, parce qu’il n’y aurait point de réduction à faire, vu que le Mercure ne peut être Mercure sans son propre Soufre, qui le détermine à la Nature métallique, et qui le fait différent de l’eau commune ; c’est donc seulement le réduire avec le Soufre moteur du Soufre naturel qui le nourrit, et plus il mange de cette Terre sèche pleine de feu, et plus son humide à la puissance de rester au feu ; doutant qu’il n’y a que la seule siccité, qui a la puissance de retenir l’humide sur le feu. Pour cet effet, l’Art imitant la Nature, ouvre un Corps par le feu, mais avec un bien plus fort, que le Feu du feu des feux clos, il le contient dans la terre, mais une terre plus subtile qu’elle ; il imite le mouvement d’Orient, en Occident, mais bien plutôt que le Soleil. Ainsi l’Art à l’exemple de la Nature, moyennant la Nature, peut rendre à la Nature ce qu’il lui a ôté, à savoir une terre Sulfureuse, que le feu de fonte a séparé.

L’utilité de cette restitution est, que le métal qui n’est autre chose que Mercure congelé par son propre Soufre, peut être tant excité ou étendu que l’humide soit entièrement fournis, ce qui ne peut jamais arriver par la nature, manque du peu d’action de son feu ; donc nous faisons comme si nous transplantions un Arbre d’un lieu froid, dans un très chaud, pour avoir des fruits plutôt, plus beaux et meilleurs.

J’ai enseigné au Chapitre précèdent, comme on peut avoir le Soufre moteur, qui cause cette perfection par la force naturelle, avec l’aide de l’Art, afin que le Curieux ait le contentement de contempler visiblement, ce qu’à peine il pouvait imaginer auparavant par les écrits des autres. Reste présentement à dire de quelle manière le métal l’assujettit et le prend aussi de toute chose, pour être remis comme il était auparavant, en conservant son espèce Mercurielle apparente. Ayez un Sel de même facilité à fondre que le métal que vous voulez réduire : Faites que le dur corresponde au dur, le mou au mou, le volatil au volatil, et le fixe au fixe ; considérant quel métal peut souffrir le feu, se défendre d’être calciné, et que sa forme extérieure ne soit point cachée sous l’aquosité ou terrestréité du Sel Sulphureux : au contraire, que tout ce qui est bon en ce sel puisse être vaincu et couvert du métal.  Pour cela nous avons tout éprouvé, et il ne s’en est trouvé pas un que celui qui correspond à Saturne.

Faites-le fondre dans un creuset d’Allemagne : prenez aussi du Salpêtre qui ait eu plusieurs eaux et en faites autant, puis quand il fera de chaleur égale à l’autre, versez-le dessus ; il faut qu’il y ait trois parties de Plomb pour une de Salpêtre.   Incontinent après, l’aide qui sera avec l’Artiste, commencera à mouvoir le tout avec une verge de fer, en continuant tour à tour, pendant que l’un l’autre met du charbon et gradue le feu. Il sera bien gouverné tant qu’il aura la puissance de les tenir fondus, et que le métal ne se mette en bouillie, qui est signe de perdition. Il est inutile de mouvoir en cette occasion s’il n’est fondu. Le feu violent chasse l’humide du Salpêtre, et n’y ayant plus que le terrestre, il devient difficile à fondre, le plus grand feu qu’on est obligé de faire pour le rendre liquide, est si fort que la verge de fer s’enflamme, se fond elle même et gâte tout : Cela n’arrive point, quand on observe la chaleur que peut souffrir le Sel sans évaporation de ce qui le rend liquide. L’Opération est faite en trois heures. Lorsque le tout fera froid, rompez votre matière, et vous la trouverez semblable au métal minéral par veines d’Or et d’Argent, en aiguilles comme l’Antimoine, qui à cause de cela, et du métal de quoi il est fait, a été nommé par quelque Philosophe, Antimoine des parties de Saturne.  Les Anciens ont enseigné cette opération sous le moyen de faire le Cinabre, en quoi les Chymistes ont été trompés prenant le Mercure et le Soufre commun. Les autres l’ont figuré, donnant à Mercure une verge entortillée de deux Serpents, pour dire que le métal devait par le moyen du mouvement, auquel on a besoin d’une verge, être prudemment enchaîné de la terre et de l’eau, qui représentent les deux Serpents qui s’attachent : Geber a feint à cause de cela que c’était le Bismuth. On l’a encore donné au public sous la sublimation du Mercure avec le Sel et le Vitriol, que les gens du temps présent suivent inconsidérément : aussi tout ce qu’ils en font est de petite considération, attribuant plutôt la faute à leur malheur qu’à leur peu de connaissance, qui leur fait chercher le point de congélation dans ce qui n’est point congelé, s’arrêtant plutôt à la mode des Marchands qui ont donné le nom aux drogues, qu’aux vrais Naturalistes.

Il n’y a personne qui ait si bien satisfait les Sages et les Fous qu’Avicenne, quand il dit que le Plomb demeure toujours Plomb. Les ignorants ont dit là-dessus : il est donc inutile de travailler sur le Plomb, et se sont rebutés du bon Saturne.  Les Doctes d’un autre côte ont dit : si le Plomb conserve toujours sa qualité coagulante, et son grain fixe qu’il tient dans son centre, avec le Soufre tingeant que nous lui donnerons, sans doute il n’y aura rien au de là : car alors, il congèlera le Mercure en Or, avec la même puissance coagulative, qu’il avait quand il le congelait en plomb. Par similitude, c’est faire tout de même que si en un instant on agrandissait un Enfant de la hauteur d’un Homme, lui conservant sa puissance de croître : quand il viendrait à croître au demis de cette grandeur, ce qu’il devait être, combien ne différerait-il pas d’un autre ?

La composition susdite nous a été apprise par la Nature même, à la destruction du Zinc, aussi il est dit qu’à la destruction de l’un, l’on apprend la construction de l’autre. Si on reçoit la matière Nitreuse qui en fort en brûlant, on trouvera que ce n’est autre chose qu’une terre subtile, accompagnée d’eau élémentaire en forme de Nitre : pour cette raison, considérant qu’elle n’est pas meilleure que celle du Nitre vulgaire, nous laissons la peine de l’en extraire à ceux qui ont plus de temps à perdre que la personne qui veut profiter au Public. Cependant le Nitre commun suffit, soit qu’on le rende, au corps même d’où on l’a chassé, ou qu’on le donne à un autre qui en manque, comme le Saturne ; ce qui néanmoins ne se peut faire, si l’esprit mercuriel sulphureux métallique, qui abonde dans le fer, ni est ; à cause de cela le Mars inférieur est estimé le Soleil de l’Art, que les Anciens représentaient avec des rayons autour de sa tête, pour ressouvenance de l’utilité du fer et de l’acier en toute sorte d’Arts, comme de celle de la Lune et du Soleil céleste aux productions naturelles.  Il y a une autre forte de réduction en première matière, appelée proprement Fermentation, ayant égard à la pâte enaigrie, qui en fait lever et enaigrir d’autre, de même cette Réduction première étant amenée au blanc ou au rouge, revivifie par projection l’Or et l’Argent commun ; et cette Réduction se fait par extension des parties selon que la poudre est subtile, et conserve son espèce, ainsi que l’autre ; à cause de cela, cet Or ou Argent est nommé Or vif, parce qu’il est revivifié par l’aigreur du Soufre blanc ou rouge, et mis en apparence d’un Or minéral, qui a la fonte donne un Or cent mille fois plus haut en carat que le commun, et autant qu’il a de degrés de perfection, il peut être abaissé par le mélange des Métaux imparfaits, tout ainsi que l’Or à vingt quatre carats (qui est le dernier pouvoir de Nature en la dignité du métal) peut souffrir même le mélange de quelque partie d’Argent ou de Cuivre, et le tenir avec soi à l’examen du Feu.

On aurait ici lieu de me demander la manière de préparer l’Antimoine philosophique, et le réduire en Soufre transmuant et convertissant les corps parfaits en première matière, puisque j’ai bien enseigné, comme il y faut mettre les imparfaits. Les livres en sont assez remplis sous les noms que je vous ai enseigné ; il y en a qui l’ont écrit en paroles claires sans rien omettre, disant qu’il le faut mettre en poudre, et en séparer trois substances par divers moyens : car il n’importe de quelle façon, pourvu que l’on le fasse. J’abrège tout ce qu’ils ont dit, en avertissant que chaque chose en sa préparation manifeste une substance grasse, une autre qui ne l’est point, et une chose moyenne, qui n’est ni l’une ni l’autre. Or les moyens de préparer sont le feu, l’air, l’eau et la terre, le Feu commun fait des choses combustibles, et les poudre ; l’Air commun sert de lieu pour étendre le corps qui s’élève, l’Eau commune sépare ce qui a été subtilisé, la Terre et les cailloux servent à faire des Pots, des Creusets, des Verres et des Fourneaux, pour contenir : Outre cela pour plus grand éclaircissement de la séparation des parties principales d’un composé, en voici un exemple sur le Soufre commun.

Pulvérisez deux parties de cailloux calcinés et réduits en chaux, que vous mêlerez avec une part de Soufre passé par le tamis, dans un pot de terre non vernissé, bouchez-le de son couvercle, et mettez-le au feu durant douze heures, le graduant tant qu’à la fin le pot veuille rougir, après laissez-le refroidir et rompez le pot, vous trouverez le tout divisé par deux couleurs, à savoir blanche et rouge ; la blanche sera par dessus et la rouge en bas, la matière de dessus teint l’eau en jaune, filtrez cette eau et la distiller à lente chaleur, le Soufre de ce Soufre passera par l’alambic en forme d’eau très claire sans odeur, qui au froid se précipite rouge comme sang et fixe, que vous prendrez, ôtant l’eau inutile par inclination, ce qu’étant fait, prenez encore sept ou huit pintes d’eau extraite de la matière blanche, et laissez-la répéter quelque semaine, jusqu’à ce que les crèmes qu’elle jette soient tombées au fond ; alors séparant l’eau, il restera une terre noire qui se met en Mercure coulant, en la mouvant d’un bâton ; la matière rouge d’en bas ne donne point de teinture dans l’eau ; mais après avoir été lavée de son Sel, elle devient fort azurée, qui étant mis à l’air se charge abondamment de Nitre fort plein d’esprit. Pour avoir plutôt fait, on le dissout dans du vinaigre distillé, puis on en tire un Sel rouge, qui peut être rendu fusible par l’esprit de vitriol, et volatilité en un corps, qui ce met en eau pour dissoudre son propre Soufre, afin d’exalter ton Mercure.

chapitre iv.
De la première composition des choses.

R
essouvenez-vous, et ayez toujours devant les yeux, que nul ne peut avoir une chose meilleure que la chose, tant que la chose subsiste comme elle est ; parce que la chose, ayant avec elle la chose de la chose pour la chose, demeure la même chose.

Le Sel de tartre volatil ou autrement, réuni avec l’esprit de vin, n’est autre chose que vin : car le vin a la lie avec soi, d’où provient le tartre, dont l’Alchimiste tire le Sel ; s’il a aussi son esprit : A quoi bon cette division pour les réunir ? Si l’on dit que c’est pour séparer ses terrestréités et son phlegme, je réponds qu’ils ne se réuniront jamais sans phlegme, ou quelque humide étranger. L’Expérience fait voir que l’esprit de vin ne prend jamais de Sel sans eau : évitez donc cette fausse opération, laissez-la faire à ceux qui veulent regretter leur bien, ayant fait de même sur tout sujet, sans considérer que ce n’est autre chose que défaire et refaire ce qu’ils croient avoir défait, quoi que ce soit la même chose qui semble une autre, à cause qu’elle participe de l’apprêté du feu ; aussi tout ce qui a plus été excité par le feu, participe davantage de sa Nature ; le feu ne peut donner aucune qualité que par dissipation de l’humide, et plus un corps est privé d’humide, plus il a d’activité à en reprendre d’autre, soit pure ou impure, bien qu’il n’y ait rien de mauvais en la Nature à l’égard de foi. Ce qui est impur n’est qu’impur pour le pur, et le venin n’est pas venin pour lui, donc il n’y a rien d’impur dans le vin, étant simple vin, la seule décoction qui fait sortir l’humide de sa terre, lui fera avoir successivement toute sorte de goût et de couleur, dont on se peut servir selon ses différents effets, il en est de même du métal, qui est simplement métal, séparé de tout ce qui ne l’est pas. Mais à cause qu’il ne s’en trouve point en ce règne, qui ne soit plus ou moins encore enveloppé des Agents minéraux, qui sont la Terre et l’Eau élémentaire excitées du feu et de l’air ; on est contraint pour venir à sa dernière simplicité métallique d’user de quelque artifice pour les séparer, et c’est alors seulement qu’il est soumis à la digestion pour acquérir les vertus désirées: c’est pourquoi, quand ils y sont encore, que l’on fasse tout ce que l’on voudra, tel labeur, telle peine et assiduité que l’on y mette, fut-il en Sel, en Soufre, et Mercure qui sont les principes de l’Art, jamais il ne recevra aucune forme plus digne qu’au commencement.

Il est vrai que par une longue calcination, quelque petite partie de l’agent se pourra séparer du métal, et selon la séparation donnera quelque peu d’Or ou d’Argent, mais ces Métaux, quoi que parfaits quant à nous, ne laissent pas d’être enveloppés de quelque impureté qui empêche leur pouvoir. L’Industrie humaine a trouve deux moyens pour y remédier : l’un en séparant ce qui nuit, et l’autre en augmentant ce qui y manque. On sépare ce qui nuit à l’imparfait, et on donne ce qui manque au corps parfait, non pas que les Métaux imparfaits soient imparfaits pour être ce qu’ils sont, mais ils sont seulement appelés imparfaits à cause qu’ils ne sont point Or : et l’Or l’est aussi a l’égard de la subtilité et vertu multiplicative qu’on en prétend. J’ai enseigné comme il faut séparer la matière superflue de l’imparfait, par le Soufre étranger que l’on contraint à mouvoir la terre naturelle, et après sa préparation (selon l’exemple que j’ai donné) insinuer dans l’Or ou dans l’Argent la puissance nécessaire: ainsi la perfection prend commencement de l’indigence, car nul ne peut mouvoir en vain, soit pour attraire ou pour repousser ce qui lui résiste, et ce mouvement est appelé vie, parquoi la vie prend commencement de ce qui lui manque. Chaque corps tient avec soi d’autres corps, et celui là atteint au but de la connaissance qui évite là confusion.

Faites donc que le métal demeure avec le métal, l’animal avec l’animal, et le végétable avec les végétaux. La terre des Animaux tient de la nature du Feu ; celle des Herbes de la nature de l’Air, et la Terre des Métaux de la nature de l’Eau.

Les Animaux abondent plus en terre que les Végétaux. Pour exemple de ceci, regardez une chose qui a été poussée jusqu’à la rougeur, elle abonde plus en esprit de nature du Feu.  Voyez aussi que plus une dissolution est évaporée, et plus elle devient oléagineuse comme les Animaux.

Les Végétaux ont moins de terre en leur composition que les Animaux, c’est la cause qu’ils ont plus d’Eau qu’eux, et ont toutes les qualités d’une chose à demi poussée ou moitié évaporée.

Les Métaux sont compotes d’eau et de terre, comme les Végétaux et Animaux, mais ils ont plus d’eau que les autres choses ; la terre qu’ils ont, est en moindre quantité qu’en les deux règnes susdits ; la perfection des Métaux est leur terre soumise à la puissance de l’Air, et celle des Animaux à la puissance de leur propre Feu ; ainsi le Feu domine, et est seigneur des autres Eléments à l’Animal, l’Air au végétable, et l’Eau au Métal ; de forte que l’Argent-vif est engendré de pure eau altérée tant et si long temps que sa partie intérieure soit mise au dehors, et comme les choses ne se peuvent faire que moyennement, fortement et faiblement, selon que le centre se manifeste, l’humide des corps est engendré, qui participent des qualités bonnes ou mauvaises de la terre selon les lieux où ils sont nourris.

La possibilité de cette génération doit être considérée selon les Eléments convertis, assujettis ou enchaînés pour la composition d’un sujet animal, végétable ou minéral à l’avenant du mélange, et reconnue par les Eléments, qui ne sont agencés, étant encore à convertir ou a assembler : car lorsque les créatures élémentaires furent en possession de leurs premiers temps, elles étaient chacune selon leur être de pure et simple forme, à laquelle il n’y avait rien que de converti.  L’Animal n’aurait pu mourir, s’il eut été exempt du sec et de l’humide. Quand le chaud desséchait et que l’humide ne venait pas assez tôt, ils couraient à l’Eau, ou au suc des autres corps, et lors que la sécheresse était surmontée, ils avaient recours au corps sec, comme il arrive encore tous les jours, ce qu’on appelle boire et manger: Cela les a émus a faire plusieurs sortes de préparations pour survenir à leur nécessité: les uns subtilisent la terre par des racines et des semences, les autres les assemblent, et malheureusement (si c’est un bien de demeurer tel que l’on est) ces choses ne sortent jamais de nos corps qu’elles n’y laissent quelque partie du leur, que la forme animale cache sous son étendue et s’en engrossit, ainsi quand elle arrive à sa dernière latitude, l’Animal ne croît plus.

L’Homme est sujet à cette misère, sa semence qui participe de l’extension causée par les parties étrangères, est comme la cire remplie de tant de poudre subtile, qu’elle ne peut plus obéir au mouvement ordinaire de la main : ainsi dorénavant de plus en plus que la forme animale souffrira la compagnie des choses étrangères, l’Homme subsistera à l’avenant, et ce qui en proviendra sera de si peu de durée, qu’enfin on n’aura plus de temps de produire son semblable. Je crois s’il y a eu des Savants, que cela a toujours paru aux Sages, ou bien je le publie, afin qu’un chacun le fâche.

Il en est de même des Métaux, car selon qu’ils se chargent d’Elément étranger converti ou à convertir, ils demeurent moins au feu, et nous paraissent tout autrement qu’ils devraient être.
C’est une chose assez curieuse, de savoir si au commencement il y avoir autant d’espèces de Métaux qu’à présent.

Je n’étais point en ce temps là ; mais puisqu’il y avait plusieurs sortes d’Arbres et d’Animaux, il devait y avoir en apparence diverses sortes de Métaux dans les Minières, les uns moins embarrassés et plus libres que les autres ; comme l’Homme à l’égard des autres Animaux, et une Herbe à l’égard d’une autre ; et chacun se multipliait selon son être, le Plomb se multipliait et se multiplie en Plomb ; l’Etain en Etain, etc. Ce qu’étant, par quel moyen peut-on avoir l’Or que l’on dit être en eux, puisque ce n’est que du Plomb ou quelqu’autre métal ? On n’en peut point séparer s’il n’a été assemblé par accident dans les Minières qui se voisinent ; comme on voit ordinairement que l’un est mêlé avec l’autre, à cause du lieu de leur multiplication. Pour lors véritablement, comme ils coulent quelquefois ensemble à la fonte, l’Art les peut séparer; mais si le Plomb ou l’Etain, le Fer ou le Cuivre sont séparés des autres ; on n’en peut extraire autre chose si c’est du Plomb, que le Plomb même, et ceux qui disent autrement sont menteurs.

Les Philosophes ont toujours feint qu’ils ne faisaient que séparer le pur de l’impur, mais cela est très faux à l’égard d’un métal simple ; ils n’ont osé dire le reste, de crainte que les Inquisiteurs de cette Science ne fussent trop éclaircis, en déclarant que leur Pierre n’est autre chose que de l’Or tellement étendu qu’il puisse embrasser le métal sur quoi on le jette, et l’envelopper de telle façon qu’il le puisse défendre de tout danger. C’est la raison qu’aucuns l’ont appelle Teinture, à cause qu’il teint et ne convertit pas, mais lui donne seulement la vertu, l’apparence, et tout ce qui est requis pour paraître Or ou Argent, jusqu’à la fin du temps. Je conseille que le Peuple n’en toit scandalisé et n en ait aucune répugnance, puisque cet Or peut essuyer leurs temps et le temps des Survenants, avec les mêmes ou plus d’effet que le naturel.  Ainsi l’on peut conclure que la Pierre philosophale n’est qu’un Sophistique à perpétuité.

L’expérience que j’en ai vue, m’a contraint de le croire, parce que nous n’avons pu trouver rien de contraire, ayant éprouvé la qualité de l’un et celle de l’autre : par conséquent la Poudre que l’on projette fur les Métaux imparfaits, ne teint pas seulement en Or ou en Argent, mais renferme généralement leurs parties en sa latitude, séparant pour ce sujet tout ce qui n’est point métal, à savoir le Soufre moteur provenant des Eléments qui sont à convertir, ou qui ne sont point convertis en lui. Cette Poudre avant sa fermentation, est nommée Quintessence, comme voulant dire une chose plus étendue que le Feu, que l’on tient être le quatrième en montant. Elle est aussi nommée Or potable, que tout le monde cherche pour la Santé, parce qu’elle peut délivrer l’humide radical de la captivité de la Poudre ou de la Cendre corrompante, et ainsi maintenir l’Homme très long temps en bonne disposition.

chapitre v.
De l’utilité du Mercure et de ses effets.

V
ous avez appris la génération de l’Argent-vif en parlant d’autres chose. Et tout ainsi que le Mercure universel, à savoir l’Eau, est le premier Agent visible de la Nature au Monde élémentaire : je dis présentement que le Mercure déterminé à l’Etre métallique, est le premier Agent de la dernière opération de l’Art, car sans lui, par lui, et avec lui, le Soufre parfait ne peut sortir ; c’est pourquoi il est dit, que dans le Mercure consiste tout ce que le Sage prétend pour les Métaux, tant qu’il demeurera simple comme il est ; autrement s’il était dissout en eau, par lui ou par un autre, il causerait plus d’imperfection que de perfection.  C’est lui qui délivre son Père (qui est l’Ame métallique) des mains des Tyrans qui sont les Eléments. Il est plus vieux que sa Mère qui est l’Eau, à cause qu’il est plus avancé en l’âge de la perfection. C’est ce qui a donné sujet de le feindre en Hercule, par ce qu’il tue les Monstres, étant vainqueur des choses étrangères et éloignées du métal. C’est lui qui réconcilie son Père et a Mère, bannissant leur ancienne inimitié ; c’est lui qui coupe la tête au Roi (qu’on a représenté par un Argus) pour avoir son Royaume ; ses yeux signifient les soins qu’il doit avoir pour conserver sa Terre, ou la vache que Jupiter Père du bonheur, lui a donnée en garde. On lui donne plusieurs noms pour le cacher du savoir des méchants. Quelqu’un l’a nommé Acier, sans aucune convenance que l’apparence de sa couleur, ce qui l’a ému d’ajouter ensuite, qu’on le trouvait au ventre d’Ariès ou du Bélier, par rapport au Mercure commun, qu’on passe par la peau de mouton, pour le purger des ordures accidentelles. Son eau abonde en quantité et sa Terre en qualité, il se plaît aux choses diverses, nous lui sommes redevables de la variété des Minéraux, c’est le messager des Dieux ou des Métaux, il passe d’un bout à l’autre, tantôt il est près, tantôt il est éloigné, et en voyageant il laisse toujours quelque marque de son logement.

La sécheresse des lieux prend facilement son humide, comme nous voyons quand on le fait monter avec le Vitriol et le Sel commun ou autre chose, d’autant que c’est le propre du Sel de boire l’eau telle qu’elle puisse être ; C’est pourquoi le Mercure ayant laissé prendre son humide, alors sa propre Terre grandement abondante en siccité, a plus de sécheresse que le reste des choses, et pour cela il tient lieu d’un Feu fort pénétrant ; mais comme les Sels aiment plus l’humide élémentaire que celui du Métal, ils le reprennent aisément, et quittant l’autre par altération de leur aigreur, l’Argent-vif redevient comme il était.

Semblablement, des veines de la Terre il est quelquefois attiré aux plantes par le vent aspirant, et autrefois ailleurs : il ne se coagule jamais que par la siccité des corps métalliques qu’il rencontre à la superficie des Mines, que le Métal qui y loge a infectées de sa vapeur, et si c’est du Plomb, il est converti en Plomb, si c’est de l’Etain en Etain, de l’Or en Or, etc. Ainsi le pauvre Mercure est surpris comme une mouche par la toile de l’Araignée.  Voilà le dernier effet de la multiplication métallique, et la seule opération que l’Art imite.

Si le Mercure passe au travers des Mines, et qu’il s’arrête au Métal, il gâtera toute la matière, ce qui est la raison que nous voyons tant de différents Minéraux métalliques, s’il se mêle avec le Plomb, il en provient de l’Orpiment, avec l’Etain de l’Arsenic, avec le Fer du Charbon de Pierre, avec l’Or du Plomb de Mer, avec le Cuivre du Soufre, et avec 1’Argent du Talc, et ainsi des lieux correspondants au degré de siccité des Métaux ; s’il est mortifié par essumation de l’humide nitreux, il en provient du Cristal, et autres Pierres colorées, après la séparation de l’Argent-vif.

Ainsi le Mercure produit dans la Terre, et dessus la Terre des choses admirables, quand il est vaincu, il multiplie un autre, et quand il est vainqueur, il est multiplie.

chapitre vi.
De la correspondance que les Figures ou Formes extérieures et intérieures ont avec les Eléments.

S
elon la composition des choses, il y a des composés des simples, des composés des composés, et des composés des simples et des composés ; toutefois les simples à composer, sont composés, parce que nous ne pouvons avoir aucun simple qu’il ne soit composé. Par exemple, le simple, à composer est le Métal, séparé de tout ce qui n’est pas Métal, néanmoins ce simple est composé d’Eléments ; et le composé du composé est un mélange, comme qui dirait plusieurs sortes de Métaux fondus ensemble, ou quelque terre préparée, dissoute dans l’eau pour en avoir le Sel. Ce Sel est un composé d’eau et de terre, l’eau est élémentée de l’air et la Terre du feu, ainsi les uns sont élémentants et les autres élémentés, et suivant leurs actions, ils manifestent des parties différentes.

Quand le Feu est seigneur d’un composé, il environne tous ses sujets, de même les autres, chacun à leur tour, et se font paraître sous quelque figure, de sorte que celui qui est maître du composé, fait obéir les contenus par sa qualité propre, et cette qualité propre nous est connue par la forme extérieure ; et la définition de la figure ou de la forme extérieure, est par ses extrémités.

Une chose pointue peut mieux piquer, entrer et diviser qu’une émoussée, une chose ronde est plus facile à émouvoir qu’une chose plate et carrées. La ronde correspond à l’eau, à cause qu’elle coule toujours, si elle n’est empêchée, ainsi que l’eau qui ne se peut soutenir en ses propres limites. Les figures qui restèrent aux autres Eléments, doivent correspondre à la forme à laquelle ils symbolisent : la Terre est élémentée du feu, donc le feu participe des parties angulaires du Cube, et selon l’excès de son mouvement, il en a moins ou plusieurs ; ainsi le Triangulaire, Pentangulaire, et Sexangulaire participent du feu, et comme il y a un feu clos et un feu ouvert, les plus simples correspondent au Feu clos; le Feu clos est le Feu naturel ; et le Feu manifeste est artificiel ou accidentel : de même l’Eau correspond à la figure ronde, et la figure ronde à l’Eau ; tellement que tout ce qui est orbiculaire, soit qu’ils soient plusieurs amassés ensemble ou autrement, contrefaisant des angles à pointes émoussées, correspondent à l’Air ; les deux et les trois pointes de cette sorte, correspondent à l’Air commun ; mais les cinq, les six, les sept, et les autres réfèrent à l’Air excite qu’on appelle communément vent : c’est pourquoi, comme il n’y a pas de qualité sans corps, on apprend étant au corps corporellement leurs vertus selon le corps que l’on regarde ou que l’on touche. Voilà pour les figures ou formes extérieures: quant aux intérieures, elles proviennent de la situation des Eléments, comme j’ai dit ci devant. Les Eléments ont aussi leurs figures puisque ce sont des corps ; car il n’y a pas de corps sans figure visible ou invisible ; perceptible de son tout, quand on voit une figure en repas, et imperceptible en partie, lors qu’elle est mouvante, comme quand une chose carrée, angulaire (ou quelque figure si éloignée de la ronde qu’elle puisse être) nous paraît ronde en tournant.

Ainsi sont partagées toutes les choses du Monde ; rien ne se fait sans moyen. C’est pourquoi tout ce que nous faisons, et tout ce qui se fait, est double en sortant, et triple en entrant à l’image du souverain. Le binaire est la chose, et l’action de la chose ; le triple est la chose et l’action de la chose, qui agissant en son tout, étant tout, n’est qu’une même chose. Il n’y a rien d’inutile au général, ni de chose sans vertu : celui qui connaît le mystère du binaire, possède la connaissance de toute chose, parce qu’elle consiste au premier nombre. Il ne se peut donner de point sans centre, ni de ligne sans latitude, donc la ligne sera toujours distinguée en deux, et le point aussi. La ligne compose toutes les figures qui correspondent au Feu et à l’Air, et le point compote toutes les figures ou formes extérieures, qui se rapportent à l’Eau. Et tout ainsi qu’il n’y a pas d’autres principes en l’Art de figurer que le Cercle (qui n’est qu’un point étendu) et la ligne ; on ne peut aussi apercevoir que la Terre et l’Eau, contenants invisiblement l’Air et le Feu qui sont quatre. Or comme un point ne saurait divisiblement être ajouté à une ligne sans composer quatre, et qu’on ne peut multiplier quatre que par il propre racine, ainsi que toutes les choses du monde, l’étendue du nombre de quatre, est quatre fois quatre ; et considérant que le premier quatre n’est pas nombre à cause de son unité, on le laissé et on ne prend que douze pour le nombre complet, qui à cause de trois fois quatre est estime trois, ou le retour des choses parfaites : et à cause de ce retour, le douze est circulaire. Mais comme tout est provenu du binaire, on sépare deux de douze, et pour lors il en reste dix, qui fluent à l’infini.

chapitre vii.
De la dernière Extension et Concentration des Elément.

M
éprisez les choses impuissantes d’agir, si votre intention est d’aider au mouvement de la Nature, ôtant ce qui lui nuit.

L’Eau peut sans art étendre la Terre douze fois de sa largeur ; l’Air cent quarante quatre, et le feu vingt mille sept cent trente six, et se peuvent resserrer à l’avenant.

Par art l’étendue des Eléments est contenue en neuf lettres, (comme a dit la Sibylle) portant par son moyen leur vertu jusqu’à quatre cent dix-sept mille six cent nonante et six, qui est le premier nombre.  C’est ce qu’elle avait calculée aussi selon le nombre des premiers corps, et les racines des quantités.
L’Extension susdite ne doit point être entendue des corps discontinués, comme une partie de la Terre élevée de ton total, ainsi qu’un Homme dont la tête serait à quelque lieue des pieds,  au contraire que le morceau de terre, ou la partie divisée de son tout, puisse être mise jusqu’à sa dernière extension, autrement ce serait une division, et non pas une extension ; tout de même qu’un grain de métal, qui n’est jamais divisé que par partie divisible et interposée, fut-il étendu dans une mer d’eau-forte : la preuve s’en voit encore à l’eau que l’on distille, qui retombe après sa raréfaction.

Un métal raréfie par l’Eau commune, outre sa dernière latitude n’est plus métal, mais seulement Eau commune , ainsi des autres Eléments. C’est pourquoi les Philosophes défendent de ne pas trop éloigner le métal de la Nature métallique. Si vous enfermez le feu dans l’eau, il y étendra le Corps, le Soufre ou la Terre en son degré, non pas dans son propre corps, parce qu’il serait converti en elle, et ne serait plus terre ; mais dans le vaisseau de sa qualité, qui est le vide, dont les Eléments s’aident à mouvoir.

Quant à nous, ce qui est vide de l’un, est plein de l’autre. Le Vulgaire fait comme on peut remplir un vaisseau de Métal, de verre ou de bois, à cause que cela consiste à la figure contenante ; un chacun fait remplir l’Eau par Exemple de Sels, etc. à cause que tout cela se fait par le moyen de l’Air. Mais qui est celui qui peut emplir ou fouler le feu de l’art, vu qu’il s’étend à l’avenant de ce qu’on y met, emportant l’humide, et liquéfiant les Corps, et comme il est multipliable, jusqu’au retour des choses, il peut causer la puissance multiplicative. Nous en voyons tous les jours l’expérience au Salpêtre, qui ayant perdu son humide par le feu, se dissout en huile par attraction d’une plus grande quantité d’eau qu’auparavant, et même quand cette eau est séparée et reçue par distillation, le Sel étant à l’Air, en reprend encore ; et toujours ainsi, au lieu que ce Sel ne se dissolvait point auparavant et se congelait dans l’eau : La cause de cette attraction abondante, est que le feu de la matière a été plus éveille par le feu acteur que devant, et selon qu’il est excité, il en prend beaucoup et plus longtemps.

Il en arrive autant de l’Or et de l’Argent; avant séparé leur humide étranger, parce qu’ils peuvent alors par projection amasser le Mercure ou les Métaux imparfaits et en retenir plus ou moins, selon leur décoction, d’autant que les corps élémentaires sont soumis de nature à une extension continuelle, et par art à la concentration: et pour cela nous appelions mort un corps immobile de soi, et qui n’a d’action que par accident, comme lors qu’on jette une pierre contre une muraille. Le Plomb a ses parties étendues autant qu’il est nécessaire pour être Plomb, il ne peut digérer ce qu’on lui donne tant qu’il demeurera comme il est, et pour cela il est estimé mort ; mais s’il est animé par le Feu, et que son humide grossier soit séparé par circulation, alors une once a la puissance d’attraire l’humide radical, ou le Soufre déterminant de tant d’or, que le monde pourrait renfermer d’autre Métal ; ce qui nous manifeste que la fin de l’Art, qu’on appelle Transmuant, n’est point d’avoir une substance aquatique ; mais au contraire un feu concentré, semblable à un corps terrestre qui étant jeté sur le Métal, vient à bouleverser tous ses pores, en s’étendant comme un ressort.

Ainsi le commencement de cette Médecine, consiste à séparer l’Argent-vif crud du corps imparfait, en le donnant à un Mercure très cuit, le milieu, de le cuire tant qu’il ne varie plus de couleur; et la fin est de rendre ce Soufre fusible par son propre humide sulfuré, qui est une petite portion du Mercure ami de lui, comme l’Air du Feu : donc tout ainsi que l’Air environne volontiers le Feu ; la partie du Mercure qui a souffert avec le Soufre, est estimée l’air du feu, ou l’humide du Soufre.  Par exemple un Sel dissout en eau est évapore a siccité ; ce Sel quoique sec, ne laisse pas d’être fusible à tel ou tel degré du feu, et lors que son humide est encore exhalé, par la longue fusion se fond a un plus grand, et quand il se fige à ce degré, on le peut refondre par un autre, et ainsi jusqu’à son dernier terme, qui est lorsque l’Eau, qui avait atteint au centre, fort venant à la superficie de la Terre sans la pouvoir quitter, et de ce dernier mouvement provient une matière diaphane, qui ne se dissout plus dans l’Eau, de quoi on fait des Verres.

La raison, pourquoi le Verre est transparent, est que l’eau qui domine encore, divise les parties de la terre : cette eau aussi bien que l’autre a ses atomes ronds, comme nous avons dit, et de telle façon que ces corps ronds pussent être amassés, il y demeure toujours des places que notre vue peut traverser ; semblablement la cause, que plus un Verre est épais, et moins on voit à travers, est parce que les petits trous ont de démis, des tiers, et quelquefois des ronds entiers opposés aux ouvertures ; ce qu’on peut expérimenter en des cartes percées, considérant, que tout ainsi qu’on peut mettre les trous directement à l’opposite l’un de l’autre ; il se fait de même du Verre fort épais, obscur ou transparent. Voulez vous savoir pourquoi le Verre ou autre chose se fond et coule à la chaleur, c’est que le plat du cube est poussé et élevé sur une de ces pointes par l’ascension du feu, ce qu’étant comme le carré ne se peut soutenir, il tombe et est emmené par la figure de l’eau.

Le mouvement du Feu artificiel est direct, et celui de Nature, circulaire : l’Homme peut bien imiter un cercle et mouvoir en rond, mais ce n’est que par l’accident de sa volonté : car artificiellement il ne saurait jeter une chose en l’air, qui puisse aller autre part qu’au lieu directement opposé, et l’Art a plutôt terminé que la Nature, à cause que par le mouvement direct, il est plus virement arrivé à la fin, que s’il allait en rond comme la Nature.

Le Philosophe Artiste connaissant quelles sont les choses dues à la perfection d’un sujet pour l’usage, les va chercher où elles sont, et les donne aux choses qui en manquent, ou bien il ôte ce qui leur nuit, faisant sortir l’Eau ou la Terre par le Feu et l’Air, conformément à la Nature, la Terre abondante fait paraître le noir, à cause que la figure plate en couchée (qui correspond entièrement à la terre ) ne résiste point à la lumière, qui glisse dessus sans empêchement, l’Eau abondante cause la blancheur, parce que la figure ronde résiste moyennement à l’action de la lumière, glissante encore en cercle sur les demies boules ou angles émoussés qui réfèrent à l’Air; le Feu correspond aux angles droits ou lignes perpendiculaires, et à cause qu’ils sont mieux rencontrées, il causent plus d’action, et nous font paraître la rougeur ; les couleurs mêlées, arrivant suivant le mélange des figures mêlées.

Toutes ces diversités procèdent du mouvement des parties à la situation, plus au dedans ou plus au dehors, j’entends au dehors quant au simple, et non du composé, et le dedans ou centre d’un composé, et non d’un simple.

J’ai dit, comme on peut introduire le mouvement par l’artifice des choses repoussantes et attrayantes, ainsi qu’on peut encore voir à la chaux vive. Quand on expose des Cailloux au Feu, il en chasse l’humide superflu, et concentre l’humide naturel, cet humide en se concentrant, divise jusqu’aux plus petites parties, pour entrer au lieu le plus intime, et laisse le dehors destitué d’humide.  Ces Pierres étant refroidies, et n’ayant plus aucune chaleur, prennent l’Eau que l’on jette dessus avec telle violence, que la vitesse avec laquelle elles la reprennent, cause des flammes ; ainsi le Feu sert à raréfier l’humide étranger et à resserrer l’humide naturel : lorsqu’il agit fur l’humide naturel, il cause le froid, et quand il opère sur l’humide étranger, il cause le chaud: au contraire la Terre sert à concentrer l’humide étranger et a raréfier l’humide naturel, en raréfiant l’humide naturel elle cause le froid, et en concentrant l’humide étranger elle cause le chaud.

chapitre viii.
Des Opérations vraies et fausses et le Moyen d’opérer sur toutes choses.

O
n nous a enseigné que l’Art doit commencer où la Nature s’est arrêtée, voulant dire que l’Art est une chose générale, mais qu’il est déterminé par la chose sur quoi il opère ; si c’est sur les Végétaux, c’est pour les herbes, et non pas pour les Métaux ; parce que cultiver une plante, n’est point limer un métal, semblablement l’Art de purifier les Métaux, n’a d’autre but que le Métal.

Si vous souhaitez une chose qui puisse parfaire ou améliorer un Métal, il faut que devant, la chose améliorative soit meilleure que la chose que l’on veut améliorer. Ainsi par quoi, avec quoi, et comme quoi voulez vous perfectionner un Métal, pour parfaire les Métaux imparfaits, si le plus parfait n’est parfait que pour lui, et que la chose plus parfaite que nous puissions avoir des Métaux impurs, est l’Or ? et l’Or parfait n’étant point propre, le reste des Métaux que nous appelions imparfaits, n’en peuvent recevoir aucune perfection ? Considérez donc bien ce que vous avec à faire, et ce que vous voulez avant que d’opérer. N’est-il pas vrai, que vous cherchez une chose qui ait la puissance de parfaire un Métal imparfait ? Pour cela, il est requis une chose parfaite, et il est vrai que la chose la plus parfaite, est l’Or, et si l’Or n’a pas la puissance de perfectionner, n’ayant lui-même, rien de trop, avec quoi voulez vous perfectionner, ou élever sa dignité ? Ce ne peut donc être par apposition d’esprit de quelque Sel que ce soit, et de teinture, et autres déceptions d’Alchimistes: mais seulement par une soumission, ou un emprisonnement d’Eléments froids du composé.

Nous avons fait voir que le Soufre étranger, ou les Eléments qui ne sont point convertis au Métal causent leur imperfection. Or il est décidé que l’Eau commune, ou tout ce qui mouille autre chose, que le propre corps métallique, n’eut point de la substance métallique ; et puisque la fin de cet Art, est de séparer du Métal tout ce qui ne l’est pas, c’est pécher contre sa propre intention que d’y mettre des choses élémentaires. Nous appelions choses élémentaires, tout ce qui a l’aspect d’eau, d’huile, ou de telle couleur que ce soit ; à moins qu’elles ne soient de l’apparence mercurielle métallique, qui ne peut être corrompue ou altérée en meilleur, que par l’aide du feu secret.

Ce Feu est le vaisseau et n’est pas le vaisseau, et est pourtant le vaisseau : il est naturel et est contre nature, et il est naturel ; il est clos et n’est point clos, néanmoins il est clos.

C’est le vaisseau, parce qu’il est le premier contenant ou est l’âme mercurielle du Soleil et de la Lune. Il n’est pas le vaisseau, à cause qu’il est lui même contenu, et est le vaisseau, parce qu’il contient les Eléments ; il est naturel, d’autant qu’il est amené à la nature de la chose sur qui il agit, il est contre nature, à cause qu’il ne lui est point encore naturalisé, et il est naturel, parce qu’il est le Feu de sa composition ; il est clos, à cause qu’il ne brûle pas comme le feu de flamme; il n’est pas clos, d’autant qu’il est ardent ainsi que le feu commun, et il est clos, à cause qu’il est enfermé du propre sujet ; et pour me mieux exprimer : qui opère sans ce feu, opère sans matière, et qui opère sans matière, opère sans ce feu. Mais ceux qui opèrent sur les matières, n’opèrent point avec ce feu, quoi qu’ils opèrent avec ce feu ; ils n’opèrent pas avec ce feu, à cause qu’il est dans le centre du composé, et que nulle chose n’a d’action qu’en tant qu’elle trouve de la résistance.  Ce feu excite et éveille l’esprit du feu qui domine dans ce corps que nous appelons Or, et c’est alors que cet Or spiritualisé spiritualise et orne les Métaux imparfaits, parce qu’autant qu’il est teint, il les teint, et selon qu’il est fixe, il les fixe. Nous voyons l’expérience de ces choses dans les moindres sujets, et tout ce qu’il y a au Monde élémentaire, nous sert d’exemple , ce qui a porté les Philosophes il dire, que chacun a cette œuvre devant les yeux : ou pour vous les expliquer, toutes les choses se font ainsi.  Le gras ou oléagineux agit sur ce qui ne l’est pas ; l’Acide contre l’Alkali ; le froid contre le chaud ; l’humide contre le sec, le dur contre le mou ; le pesant contre le léger ; le volatil contre le fixe, et le fixe contre le volatil.

L’Arsenic mis en poudre dissout dans de l’eau de fontaine, et filtré, se met en Sel après sa coagulation : Ce Sel mis dans un Matras et sublimé, se sépare de sa partie fixe qui reste au fond plus blanc que la neige, au lieu que devant il se sublimait tout : la cause de cette fixation est que la terre ou le corps sec qui loge dans l’eau, retient une portion de ce corps fuyant, car l’on voit qu’en redissolvant ce qui s’est sublimé et réitérant continuellement, tout demeure fixe ; l’Orpiment broyé avec le double de Sel de tartre qui ait été fondu, demeure fixe au feu, et le Sel s’en sépare avec l’Eau, laissant sa partie terrestre au fond.

Toutes ces fixations sont sans profit, à cause que cela se fait par un corps étranger; mais si on fixe une substance métallique, par une métallique, il s’en fait des choses aussi précieuses que l’Or et l’Argent.

Il y a des choses que l’on croit dissoudre, congeler et fixer sans addition ; néanmoins si l’on y regarde de près, on trouvera que l’eau qui est étendue en l’air se joint avec la fumée subtile de l’Esprit sec, comme lorsqu’on fait de l’aigret de Soufre, et que l’on pane le Mercure par un vaisseau de terre embrasé : on met encore résoudre au bain, à la cave et en fiente de Cheval, sans considérer que ce n’est pas une résolution quant au Métal, parce que le corps n’a pas été dissout, mais sottement étendu dans une eau étrangère, qui laissant à son évaporation le Sel fangeux, que le Métal tient et environne à l’entour de ses parties limées ou atténuées par elle, reprend aisément l’humide fumeux du fient ou de la cave.

Il y a cette différence entre les Alchimistes et les Philosophes, que l’un jette ce que l’autre prend, le Philosophe sépare les choses étrangères comme l’Eau et la Terre, qui ne sont point Métal, l’Alchimiste au contraire les prend, et contraint le Métal de les prendre, tellement qu’en joignant des parties volatiles, il emporte l’Or en forme d’huile, d’Eau ou de Sublimé, comme la poussière est emportée par le vent, il fait circuler secrètement l’Esprit de Sel ou autre à très lente chaleur dans un Alambic, et quand il est déphlegmé, il reste en huile, qu’il appelle son Circulé, ne considérant point que les Philosophes appellent circulé, plusieurs choses amenées en cercle, qui est à dire, en un, autrement il s’ensuivrait qu’en mettant circuler de l’eau de pluie, ou autre chose, elle serait aussi bien Circulée que leur Circulé, ou dissolvant ; ils veulent dissoudre radicalement avant d’être à la racine, et s’arrêtent a un amas d’ordures, qui déguisent les corps.

Mais le Philosophe (dis-je) sépare de degré en degré tout ce qu’il y a d’impur jusqu’à ce qu’il arrive à l’Eau naturelle du composé, qu’il fait puis après congeler en poudre de telle couleur que bon lui semble : au contraire l’Alchimiste travaille incessamment, et n’avance ni ne recule, parce qu’il ne fait que mettre et ôter, donner et reprendre, consommant ainsi sa misérable vie à rien faire, en travaillant toujours sans connaissance.

chapitre ix.
Des profits particuliers que l’on peut tirer des Métaux.

R
etirez le pur de l’impur par l’Eau et le Feu, puis joignez le cuit avec le cuit, afin que le sec aide a l’humide, l’humide au sec, le fort au faible, le pesant au léger, et que la partie bonne d’un imparfait soit jointe à ce qui est bon d’un autre imparfait, en séparant ce qui nuit à l’un et à l’autre autant qu’il sera possible.

Le moyen de conjoindre une extrémité à l’autre, est la chose capable d’unir les deux ; et le lien de ces deux est l’amour de l’un ou de l’autre, et l’amour de l’un ou de l’autre est introduit par le Feu. S’il agit sur un corps solide, il le dispose à prendre l’humide, s’il agît fur l’humide, il le rend pénétrant et corrodant les corps secs, et si l’un et l’autre en a été excité, ils s’embrassent avec beaucoup plus d’ardeur que devant

II y a de l’Or qui est quelquefois suffoqué de la nourriture, que sa pierre lui donne par transpiration de l’Esprit nitreux, de sorte que selon que l’Eau ou la Terre étrangère y abonde, il nous parait Plomb, Fer, Cuivre et Etain, de façon qu’on les vend pour tels. Celui qui considérera ces corps comme de l’Or enlevé par des Sels volatils, pourra en retirer l’Or, arrêtant ces Sels par des Sels plus fixes: tout ainsi que lorsqu’on veut remettre une dissolution ou volatilisation d’Or en corps. Il en arrive autant à l’Argent.   On peut encore tirer de l’Or et de l’Argent de leurs corps gâtés par le Mercure réduit en Bismuth, en Antimoine, en Zinc, en Plomb de Mer, en Marcassite d’Or ou d’Argent, mais cela ne se peut faire que par les Sels volatils, à cause que les Sels volatils réfèrent aux Soufres, et les Sels fixes au Mercure.

Le Soufre naturel cause aussi quelquefois des accidents dans les Minières, car lorsqu’il est trop excité par le Soufre Moteur, il s’altère si fort, qu’il ne peut avoir assez d’humide, ce qui cause qu’il en provient des Minéraux secs comme l’Emeril si c’est du Fer, la Calamine si c’est du Cuivre ; et quand le Soufre naturel manique d’action, il ne peut digérer ce que sa pierre lui donne, comme une éponge on mamelle qui se remplit de l’humide survenant à la Minière. De ce défaut il en provient (si c’est du Cuivre) de l’Ardoise, du Marbre, de la Terre noire, de quoi on fait des crayons; et si c’est du Fer, il en provient de l’Ocre, de la Terre d’Ombre, et tel autre ; si c’est du Plomb, il en arrive du Bol, du Vert de montagne, etc. Enfin selon les accidents du trop et du peu, il naît en apparence diverses choses.

On peut remédier à tout cela comme à des Métaux dissous ou calcinés, mais il serait inutile d’en tirer les Métaux imparfaits, à cause qu’ils sont de trop vil prix.  Toutes ces Pierres et ces Marcassites nous sont fort utiles, si on veut opérer sur les Métaux imparfaits pour attraire ce qu’ils ont de parfait, parce que pour tirer ce qu’il y a de bon dans le Saturne, Jupiter, Mars et Vénus, il les faut mettre sous forme de Sel, sous apparence de chaux, de poudre ou de terre, d’Amalgame, et autres préparations, que nous trouvons déjà préparées par la Nature sans nous peiner à les faire. Le Vitriol ou la Terre noire se peuvent prendre pour le Cuivre dissout, la Calamine pour Cuivre calciné, le Soufre pour Cuivre volatil, et ainsi des autres, desquels on peut séparer le Soufre étranger imprègné du Soufre naturel, et le joindre au Métal qui en manque.

Le rouge se change en jaune par le moyen du Blanc, et ce jaune est enfoncé jusqu’au dernier carat, par le moyen du Noir. Voilà comme il faut gouverner les teintures des corps pour avoir de l’Or.

Et pour conclusion, je vous avertis que vous ne joindrez jamais la Lune au Soleil, que par le moyen du Saturne : ni le Mercure sans Jupiter, et Vénus sans la permission de Mars.

RÉCAPITULATION
du second Livre.

A
mi de vérité, et Lecteur honorable, ne permettez point que le malin envieux blâme et accuse de fausseté ce que l’expérience vous mettra en main. Pour assurance que je n’ai rien écrit que de véritable ; ce ne sont point des opérations de longue durée, on en peut voir la fin en peu de jours. En premier lieu, j’ai enseigné la conversion ou spécification des Eaux par le Mercure calciné, afin qu’on ne perde plus le temps à réduire les Métaux en eau vulgaire ; et si je n’ai point suffisamment déclaré le moyen de s’en servir, c’est qu’il est nécessaire de laisser quelque chose à exercer aux beaux esprits, afin qu’ils soient distingués des ignorants. J’ai aussi enseigné comme il faut séparer avec le Nitre, l’Esprit de ce Mercure calciné, duquel sort un Argent-vif, qui est si ami de l’Or qu’il ne s’en peut jamais séparer.  Je n’ai point aussi voulu le divulguer, de crainte qu’étant public, il devienne commun aux méchants, qui en feraient tout ce qu’ils voudraient pour la ressemblance de l’Or et de l’Argent. Outre cela, je terminerais la pratique de ceux qui se mêlent de la Médecine, puisque les plus grossiers pourraient par lui seul guérir toutes les maladies, à cause que la congélation chaude, la dissolution glaciale, qui font les extrémités de Nature, ont été témoins de la naissance de cet Hermaphrodite, qui m’a ému d’enseigner le mouvement du Binaire, après avoir parlé de l’utilité du Mercure, et dit que sans lui notre Soufre n’était qu’imaginaire, et que toutefois par lui seul, il ne pouvait arriver au centre sans feu, et qu’avec lui qui est à dire en lui, il ne faisait rien que moyennant le corps double.  Ce Traité du Binaire démontre aussi la curiosité des Sciences surnaturelles, qui consistent à la recherche de l’Unité, qui ne se trouve réellement que le premier après dix, et c’est la cause qu’on n’admet point de nombre d’onze : Alors j’ai voulu faire voir que cette Unité donne la connaissance de la multiplication et de la distance de la situation des Eléments, selon la Nature et l’Art.

Je laisse encore aux héritiers des belles connaissances, la considération du Soufre Moteur de chaque composé, et les avertis que tous les Métaux sont semblables en semence, mais les uns plus purs que les autres ; car tout ainsi qu’il y a des Eléments plus subtils que les autres, il y a des choses plus parfaites en chaque règne, de sorte que la cause de leur imperfection provenante de leur indigestion (comme on dit) n’est point à entendre de leur digestion seconde qui se fait selon la nature, ni de la troisième qui se fait selon l’Art, mais seulement de la première provenante du Souverain, qui sépare les parties pures de chaque partie participante.

Fin du second Livre.



LE   RETOUR D’HERMES, POUR LE MEME SUJET.
LIVRE III.

chapitre i.
De la Conférence de deux Philosophes.

K.
Après avoir vu tant de belles choses, voilà mon Vaisseau cassé, ne suis-je point malheureux ? que ferai-je ? il en arrivera encore autant si je recommence, puisque c’est la dixième fois.
X.
Je pense que voilà un Chimiste. Alchimiste, approchons le, il n’eut pas fou pour parler seul ; le désespoir contraint fort.
Monsieur, peut-être ne croyez-vous pas qu’on vous entende ? On vous regarde de travers comme un imaginaire !
K.
Qu’importe? la rage que cause mon déplaisir me défend de la honte.
X.
Arrêtez Monsieur, ou allez-vous ?
K.
Le dépit me mène noyer.
X.
Quelle pauvre résolution pour un Homme comme vous, que tout le Monde estime ! est-ce une action de force que de se faire périr soi-même ?
K.
Menteurs, je ne me fie plus à ma raison, depuis qu’elle m’a trompée, Adieu, je sais que la mort est le remède à tous maux.
X.
Encore un mot Monsieur, une bonne résolution bannit toute misère ; Si ce n’eut que de l’Argent que vous cherchez, il y en a ici un qui en fait tant qu’il veut.
K.
Profitez-en donc, et laissez moi en repos.
X.
Nous ne pouvons pas Monsieur, parce qu’il ne s’ouvre qu’aux gens Savants, les autres il les paye de bagatelles, et en donne ainsi à chacun selon sa portée, si nous vous eussions cru curieux, nous aurions eu recours à vous qui êtes oeconome du temps et des Esprits.
K.
Je n’ai que faire de personne, pour de la Science, j’en ai assez, j’ai fait taire les Oracles, moi.
X.
Et que n’empêchez-vous donc que votre pot ne se casse ?
K.
Chacun est fournis au destin.
X.
Le destin avec son fils hasard, et sa fille cas fortuit, ne rompt pas pourtant nos bouteilles.
K.
C’est donc que vous ne travaillez pas fur la vraie matière.
X.
Il faut néanmoins que ce soit la bonne, puis qu’elle nous montre toutes les marques et les signes requis ; J’ai un œuf philosophique qui a déjà quatre mois de noirceur, et mon Ami en a un qui est presque au blanc, nous en eûmes une fois un au rouge; mais un Laquais le déroba.
K.
Quoi, vos Vaisseaux ne se cassent pas, comment faites-vous pour éviter cela?
X.
C’est que nous travaillons sur la vraie matière.
K.
Si cela était, tous vos œufs se casseraient.
X.
Nul ne l’a donc jamais fait?
K.
Qui en doute ? autrement j’en viendrais a bout comme les autres.
X.
Celui de qui nous vous avons parlé tantôt, vous pourrait faire voir le contraire. Voyons-le, voyons-le, allons le voir.
X.
Bon jour, Monsieur, nous étions ici venus pour avoir l’honneur de vous faire la révérence.
H.
Faites Messieurs, faites.
X.
Monsieur, il semble que vous allez sortir.
H.
Voulez vous encore quelque chose ?
X.
C’est que nous avons oui parler, que vous possédez beaucoup de rares secrets, et que toutes les belles qualités reluisent en vous.
H.
Le croyez-vous?
X.
Oui.
H.
II n’est donc pas besoin de vous le persuader davantage. Adieu.


X.
Hé, Monsieur, vous ferez mentir ceux qui disent que le bien est communicable.
H.
II est vrai que si les plus grands ou les plus gros étaient les plus vertueux, ils auraient défendu l’usage de la mesure aussi bien que le reste, de crainte d’être connus des importuns.
X.
Vous vous êtes communiqué à des moindres que nous, notre conversation n’eut pas si méprisable. Nous avons disputé le rang illustre avec des gens, qui sans doute savaient quelque chose.
H.
Il est difficile d’être et de ne rien savoir, je confesse que ces gens là en savaient plus que moi, puis qu’ils ont disputé contre vous. C’est ce que je ne saurais faire, parce qu’il est impossible comme vous ne sauriez rien dire du votre, de disputer contre vous, mais bien contre ceux de qui votre mémoire emprunte la doctrine. De mon temps la Science était servie par des ingrats, aussi bien que présentement, on agence les pensées des autres à sa fantaisie, au lieu de soumettre ses sens.
X.
C’est avoir mauvaise opinion de votre prochain.
H.
Ce n’est pas de mon prochain, c’est de mes éloignés : car pour moi je suis serviteur de la vérité, j’aime fort mes semblables.
X.
Sachez que nous connaissons bien la vérité, et que nous avons affronté le chaud et le froid pour garantit la Pierre philosophale qui est son marchepied, qu’elle tient cachée au centre des corps.
H.
Je présume que vous ne savez ce que c’est que le chaud, ni le froid, ni le centre, que par oui dire.
X.
Ha, par Dieu, dus-je révéler mon secret, je veux vous faire voir le contraire, je savais bien que je trouverais l’occasion de vous faire connaître qui je suis. Faites-moi seulement la grâce de m’écouter, et vous allez voir.

chapitre ii.
D’un Philosophe qui dit pensées à Hermès, sans le connaître.

X.
I
l est certain que toute qualité telle qu’elle soit, n’ajoute point de poids à la matière, comme il se voit par l’influence des corps célestes, qui ne diminuent non plus pour nous donner, que nous augmentons pour recevoir.  Semblablement les Planètes hermétiques impriment par leur mouvement les effets de leur puissance dans les Sphères de leur Ciel (qui est le sujet des Philosophes, dans quoi est caché le Trésor duquel Dieu tira le vent mercuriel, ou l’air sublimé et dignifié par la vertu des corps supérieurs) pour servir de prison aux Esprits métalliques, selon le pouvoir de l’Art ; afin que la vie des Végétaux fut distinguée selon l’intention de la Nature, et celle des Animaux, selon la volonté de Dieu, qui a voulu que l’un d’eux ( comme témoin de sa gloire) connut son Auteur dans l’Anatomie de chaque genre, qui se fait selon la contrariété et concordance des Eléments, qui ont composé la matière prochaine de quoi ils ont été faits ; parce que nulle chose n’a d’action qu’en tant qu’elle trouve de la résistance ; et si les Eléments n’avaient point de qualités contraires, tout périrait, à cause que le mouvement qui est l’instrument de la conservation de chaque chose serait empêché par l’égalité, tellement que le fort n’agirait plus contre le faible; le Feu n’échaufferait point l’air, et l’air n’enfanterait point la lumière par le moyen du Vent, d’où résulte le Soufre ou Ame ; la Terre ne boirait pas l’eau, et l’eau ne produirait plus l’esprit qui ne subsiste que par son corps. L’Esprit n’est que l’idée de l’Ame, et le Corps n’eut que l’œuvre de l’Esprit, l’Ame ne peut reprendre son Esprit que par le moyen du Corps ; le Corps ne peut reprendre son Ame que par le moyen de l’Esprit, la liberté de l’Esprit ne provient que de la séparation de l’âme: l’Ame peut subsister sans son corps, mais le Corps et l’Esprit périssent chacun à part ; parce que le Corps ne vit qu’autant qu’il est agité, et l’Esprit n’est vivant qu’autant qu’il a d’action : car l’Esprit est une âme corporelle, et l’Ame est un corps spirituel, ou pour mieux dire emportant quelque qualité du corps, comme fait le Mercure des Philosophes, qui n’est qu’un Esprit animé, qui tire le Soufre de chaque chose, c’est à dire la Teinture vivifiante, ou l’âme qui fait subsister le composé. Par exemple, l’Or est un corps, et quand l’Ame en est séparée par l’Argent-vif sulphureux ou Sperme métallique ; il demeure aussi pesant qu’il était auparavant, sans avoir du tout augmenté le Mercure.  Alors cette masse qui n’est pas du tout diminuée pour avoir perdu l’âme, que ce dard, ce couteau, cette lance philosophique a contraint de sortir, ne peut jamais redevenir Métal, au contraire demeure en terre, poudre ou ordure, pendant que l’Ame qui n’a point de poids (non plus que celle de l’Homme, qui n’a rien diminuée de la pesanteur de son corps en le quittant) habite dans le Ciel des Sages plus libre et plus puissante qu’elle n’était ; attendant qu’il plaise a l’Artiste lui rendre son corps glorifié par le feu de son jugement.

Cette Ame, ce Soufre d’Or, ou ces rayons du Soleil que l’on tire de son ombre, fait comme]’ai dit, tout ce que veut le Philosophe, tellement qu’il la peut renvoyer au Monde, parce que la jetant sur un corps, quelque imparfait qu’il soit, elle revient habiter entre les autres, avec autant de valeur qu’elle avait auparavant.

Il est donc évident que les vertus n’augmenteront point la matière, et la matière ne peut servir de rien sans vertu, et la vertu procède de l’action de la matière, et l’action de la matière est l’esprit, et la puissance de l’esprit est l’effet de l’âme.  Ce qui nous fait connaître que la transmutation ne consiste pas au Corps qui ne peut rien de soi, sans l’Esprit qui tient de l’Ame la puissance de préparer une demeure pareille au lieu d’où il est sorti.

C’est ce qui a fait dire au Maître de Platon, que la puissance terrienne sur son résistant selon la résistance différée est l’action de l’Agent en cette matière, attendu que la puissance terrienne est la chose qui informe le corps, qui lui donne l’existence, et qui le fait subsister, tel ou tel ; et la chose qui a la force de détruire le corps pour avoir le corps du corps, est son résistant.

Ceux qui ont vu ce dissolvant qu’Avicenne interprète Sel du vent, suivant l’opinion d’Hermès qui dit que le vent le porte eu son ventre, ont admiré les effets de cet Esprit universel, c’est à dire l’Esprit qui est universellement dans le genre métallique pour sa conservation, et non point pour ceux des autres genres, qui n’ont aucune affinité les uns avec les autres, et bien moins cet Esprit universel, qu’on peut appeler l’Universel des Universels qui est Dieu.

S’il s’est rencontré quelque Herbe qui ait congelé le Mercure en Métal ; c’est à cause de la dissolution de quelque corps métallique faite par l’activité des Sels qui se rencontrent dans la terre ; dont la partie dissoute a végétée avec le suc de l’Herbe : car il n’y a que le seul Métal qui ait puissance de se joindre au Métal.

 Il arrive quelque chose également surprenant au genre animal, lors que son humide naturel est emporté par l’Air à l’extérieur ou à l’intérieur des Arbres, d’ou naissent des vermisseaux, et même de l’haleine des Brutes dans les lieux ou elles se retirent, qui rattache au bois, selon que la matière est plus ou moins susceptible de la vapeur qui s’exhale , parce que le bois dense et resserré n’est pas sitôt corrompu par quelque substance animale que l’air y entraîne ; ainsi l’Air est le messager, qui porte avec soi la vapeur aqueuse des corps, ou le Baume du vent méridional, qui fait rouler le Zodiaque des signes par l’altération des couleurs, selon qu’elles sont plus ou moins excitées par Nature ou par Art, d’autant que par Nature le mouvement Animal est le plus fort, et le végétal excède le minéral, au contraire par Art, le minéral est le plus violent, le végétal plus faible, et l’animal le plus débile.  Voilà la différence qu’il y a des trois genres, entant qu’ils sont fournis à l’Art ou à la Nature. Prenez pour exemple quelque chose à laquelle l’Art ait aidé ; car la plus grande chaleur que la nature peut donner est la plus faible que l’Art puisse provoquer : Une pierre rougie au feu, peut être toujours conservée telle, tant que l’Artiste persévérera, niais sitôt qu’on l’éloignera des degrés du feu artificiel pour suivre ceux de Nature, l’Art n’aura plus de lieu.  Toutes choses faites par Nature renaissent aussi par Nature, les Vers du corps humain mis en poudre et avalés, font mourir les autres Vers, à cause de la chaleur et siccité seulement, que leurs corps ont contractée pour être faits poudre, mais aussitôt qu’ils sont réhumectés, et que cette chaleur est perdue, il en renaît autant de Vers ou davantage qu’il y en avait.

Il en avient autant de toutes les Insectes, auxquelles l’Art n’a rien contribué, parce que l’Esprit est tellement lié à la Matière à cause de la froideur, qui ne se peut perdre, si ce corps n’est anéanti.  C’est la raison pourquoi l’Argent-vif qui est fait par nature reprend toujours son être : ce qui à ému les curieux Naturalises de les extraire des corps, afin qu’étant naîts par art, ils obéissent à l’Artiste, connaissant très bien le peu de suffisance du Mercure commun, que les Idiots se vantent de détruire, sans songer que s’ils prenaient autant de peine à le revivifier qu’ils en ont pris à le mortifier, il redeviendrait facilement ce qu’ils était auparavant, à moins qu’ils ne le connaissent, remarquant que les Serpents qui s’entortillent ensemble sont adoptés par l’art, pour être continués en leur espèce, et avoir des postérieurs durant leur vie, au lieu que les autres n’en ont qu’après leur mort, ainsi l’effet de l’amour est le miroir de la vie future.

L’Argent-vif vulgaire n’est en rien différent des autres corps, hormis que celui-ci est liquide à l’Air, et les autres liquides au Feu. Il est liquide à l’Air, à cause qu’en sa composition l’Eau surdomine en quantité, et il ne mouille point, à cause que la Terre y surdomine en qualité, et pour ce qu’il a plus d’eau que tous les autres corps, il noircit grandement les choses avec lesquelles il est mêlé, et comme l’Eau est continuellement émue par l’Air, il redevient toujours ce qu’il était par les choses chaudes, et est toujours congelé par les choses froides à l’exemple de l’eau élémentaire.

Mais la chose qui a fait ce Mercure est le dissolvant, l’Air agité, la Crème de l’Univers, et le Véhicule de l’Ame du Monde, qui seul a la puissance de démasquer la Nature, et qui connaît la quintessence des corps métalliques, et ceux qui disent qu’il y en a un autre, trouveront le contraire.

Les Sels et les Cristaux de tous les Métaux, ne sont que des corps calcinés, desquels l’esprit métallique qui causa leur fulgidité s’est retiré, et ne peuvent rien donner de mercurial, s’ils ne sont réduits en ce qu’ils étaient auparavant, qui était d’être Sol, Lune, Saturne ou Mars, Et quand ils seront réduits comme ils étaient, on n’en pourra rien faire sans les liquéfier, afin que l’eau de la matière qui y cause la liquéfaction, puisse être émue et altérée par l’air, ou l’esprit du composé moyennant le feu.

Cette liquéfaction n’est pas les réduire en eau claire comme l’eau de pluie qui devient jaune, verte ou rouge, comme il arrive en la dissolution que font les ignorants par leurs lessives et Eaux-fortes, qui est comme j’ai dit, plutôt une calcination qu’une dissolution; mais c’est seulement les amollir, et les réduire en matière d’Argent-vif, c’est-à-dire que le corps si liquide qu’il soit, fut-il plus coulant que l’eau de roche, doit toujours conserver son éclat métallique, ne plus ne moins que l’Argent-vif commun.

C’est ce que fait le Mercure des Philosophes, et non pas l’esprit des Sels ou des corps détruits, qui ne font que volatiliser un composé, qui par après n’a plus aucune affinité au métal, à cause que l’esprit mercuriel, ou la splendeur métallique est cachée sous le poison de leurs atramens, qu’ils disent sans corrosion pour être doux, ne considérant point que le goût de la douceur provient aussi bien du Sel, que l’acrimonie et l’amertume ; faute de savoir que ce mot de corrosion ne signifie autre chose que ce qui est contraire au vrai naturel de l’être manifeste du Métal. Toutes les teintures qu’ils disent tirer par leurs atramens, n’est point la vraie teinture du Métal, mais seulement une altération de l’Eau corrosive, qui selon (qu’elle est plus ou moins excitée par l’apprête des Sels surdominants, corrode et brûle les Corps au lieu de les humecter ; et l’excès de cette acrimonie parait toujours sous quelque couleur, qui est le Démon de cet Art séducteur des présomptueux, qui croient que la noirceur ou la blancheur, que cause l’Eau étrangère qui tient un métal sous l’espèce de gomme ou d’huile, soit la vraie couleur de l’altération du métal, ne prenant point garde qu’à cause qu’il n’y a rien d’homogène, tôt ou tard le feu ou l’eau les séparera.

Ce qui n’arrive pas en l’œuvre des Philosophes, à raison que l’Eau dissolvante est imprégnée d’une chose plus subtile qu’elle même, qui est l’âme du métal, comme on peut faire comprendre par l’eau commune qui reçoit la chaleur du feu. Aussi ce n’est pas un corps teint par le réverbère du feu de nos foyers, vu que toutes les teintures que les imaginaires appellent Soufres, ne sont qu’une partie du corps que les Philosophes jettent, comme qui dirait tirer la partie tingente de quelque matière, laquelle après la fusion naturelle ou artificielle, est aussi bien corps que le corps d’ou on l’a tirée. Il est vrai que le feu fait sortir la couleur, mais il ne la saurait séparer sans un plus grand feu, qui est celui de l’amour des Planètes que l’on nomme la lumière du Feu.  L’Or a un Soufre en soi, et le siège de ce Soufre est le feu de la décoction, et quoique ce Soufre soit fort chaud, il est néanmoins froid à l’égard de cet Argent-vif ; et toutefois ce Mercure est la femelle pour la génération des Corps, à cause qu’il leur sert de matrice, et comme cette matrice n’eut que feu, elle ne peut contenir autre chose que des qualités qui causent la vie de Corps métalliques, qui est l’effet de la vie du feu.

chapitre iii.
De deux Alchimistes qui discourent de leur matière en la présence d’Hermès, qui leur explique la Table d’émeraude.

H.
Voilà un recueil de beaucoup de belles choses, si vous les entendez ; Et vous autres Messieurs, qu’en dites-vous ? parlons tour à tour.
K.
Pour moi, Monsieur, il y aurait long temps que j’aurais interrompu ce discours, n’eut été le respect que je dois à la Compagnie. A quoi bon tant de paroles ? il semble qu’il faille être Sorcier pour faire tout cela ! pourquoi dit-on que la vérité est dans le Vin ? C’est pour nous enseigner qu’on en peut tirer le fond des connaissances. Les Poètes nous l’ont représenté par le Serpent écumant, qui dévora les Compagnons de Cadmus qui le tua d’un coup de Lance contre un creux de Chêne. Cadmus est l’Artiste, la Lance est le Forêt qui perce le Chêne creux, c’est à dire le Tonneau, Aussi les Philosophes ont fait peindre des corps serpentants comme des seps de Vigne ; et on ne trouve autre chose en leurs Livres que des Traités de leur Mercure végétable ou esprit de Vin mercuriel. Il y a des Vignes blanches et rouges, les unes correspondent au Soleil et les autres à la Lune : c’est la propre intention Abraham le Juif, il peint un Roi avec un grand Coutelas, qui fait tuer en sa présence par des Soldats grande quantité de petite Enfants, dont les Mères pleurent aux pieds des impitoyables Gendarmes, et le sang de ces Enfants est recueilli par d’autres Soldats, et mis dans un grand vaisseau, où le Soleil et la Lune du Ciel se viennent baigner. Ce Roi, n’est-ce pas le seigneur d’une Terre portant quantité de Vignes? Les Soldats sont les Ouvriers qui ont chacun leur tranchoir pour couper les grappes ou petits Enfants, puis d’autres Gendarmes Ouvriers ne les prennent-ils pas pour en recueillir le sang au pressoir? Et lors ne le met-on pas dans des tonneaux ou vaisseaux qui nous rendent du Tartre, dont l’esprit de son Sel dissout l’Or et l’Argent ? Vous voyez qu’il ne faut pas tant de finesse : c’est la raison pourquoi les Poètes ont feint que Midas homme grossier reçut de Bacchus le pouvoir de transmuer toutes choses en Or. Quant aux Instruments, je suis de d’avis des Sages, je dis qu’ils sont de peu de valeur, toutes les opérations que je fais se peuvent faire dans le têt d’un pot et un mortier ; deux méchants morceaux de briques de rencontre, et un sou de charbon suffisent pour mon feu et fourneau. (Voilà une belle affaire) Et vous mon voisin qui êtes bien riche, vous avez néanmoins plus de Fourneaux que de Pistoles : il vous faut un an, et à moi il ne me faut que trois jours de préparation, comme dit Marie la Prophétesse, et douze heures pour cuire et achever cette Pierre qui vous a fait dire tant de paroles inutiles.
X.
Je n’ai rien dit que de vrai, on me l’a avoué.
Z.
Monsieur n’a pas pourtant tort en tout. Il a rencontre un Cabaliste le jour de S. Louis passé, qui lui a dit que le Soufre des Philosophes est plus commun que le commun, qu’il n’y a rien de plus connu, et que le Paysan le sait, qu’il est par tout, et néanmoins qu’il n’y a qu’un seul sujet au Monde dont on le puisse entièrement séparer du Sel et du Mercure : qu’un certain Sel métallique met en peu de temps le Mercure comme celui des Métaux en Eau, qui peut passer facilement en esprit, qu’il n’y a entre les Métaux, qu’un seul Métal qui est Métal et non Métal, qu’on peut détruire et en séparer actuellement les substances ; que ce Soufre au lieu d’être actuellement Or, il ne le doit être simplement matière et une chose indéterminée : au contraire, le Mercure au lieu d’être en puissance, il doit être actuellement ; de matière il doit être forme, et d’indéterminé il doit être détermine à l’espèce métallique : que le Mercure des Philosophes est plus commun que le Mercure vulgaire, à cause qu’il est Eau, qu’il est plus simple que l’Eau commune, parce qu’elle est Elément.  Si le Soufre de l’Or est actuel c’est un corps, et si c’est un corps comment joindre un corps avec un corps ? puisque deux formes ne peuvent être jointes ensemble, ni deux matières, ni une matière à un Corps: de même l’on ne peut joindre une forme à un corps, parce qu’il aurait deux formes : Il lui dit aussi que la destruction de l’Or est impossible, à cause que son Mercure ne peut par aucun moyen être séparé de son Soufre, autrement il ne serait pas constant au feu et à toute épreuve, que le dissolvant général ne peut détruire l’Or par nulle manière, mais seulement la matière projective, et cela par extension de les parties ; que l’Or commun a beaucoup de la vertu du Soufre philosophique et de la substance, parce qu’il est très pur ; qu’il a beaucoup de Mercure, et peu de l’Esprit vif de Mercure : que l’Argent-vif abonde en la substance du Soufre philosophique, et a peu de sa vertu : qu’il a peu de la substance du Mercure, et beaucoup de la vertu: que l’Agent général est si puissant qu’il agit sans feu en peu d’heures, comme le foudre qui calcine l’Epée au fourreau, parce qu’il a un esprit aussi subtil et céleste : que le Soufre des Philosophes est dissout en un moment, le plus longtemps est demie heure, il passe en eau claire, qui en trois ou quatre heures devient blanche comme lait, verte comme une Emeraude, puis noire et rouge, et prend en ce temps diverses couleurs. Il se coagule en fromage avec un Iris autour du vase, puis se met en cendre noire, qui prend toutes les couleurs avant d’être blanche et rouge, après les couleurs on en tire par certaine manière une Eau blanche qu’il faut remettre sur son corps, et enfin une Eau rouge, de quoi on fait le même, qui sont les Imbibitions, elles se font pour abréger le temps de la coction, et que cet Agent fait tout en peu de temps pour les particuliers, qu’au commencement l’esprit du Mercure des Philosophes argenté, dore et fait la queue de Paon ; ce Bègue lui a assuré qu’il verrait avec son Agent la preuve de ce qu’il lui a dit.
X
Il n’avait donc pas lieu (quand nous l’avons rencontré) de se plaindre qu’il était cohobé de misères, stratifié de malheurs, calciné de déplaisirs, volatilisé de rage, concentré et fixé de dépit ; au contraire il peut imbiber les autres de sa Sagesse, et nous congeler de sa Doctrine, puis qu’il est dissout ou délié des fèces de l’ignorance.
Z.
Il a raison en partie de blâmer votre discours, car en cet Art, qui manque en une chose manque a l’autre ; je ne suis pas aussi de votre opinion en tout ; j’ai quelque chose de meilleur que cela. Les Constellations nous apprennent qu’il faut conjoindre l’Esprit microcosmique avec le macrocosmique encyclopédiquement selon les Eléments chaotiques. L’Esprit de mon Microcosme, me fait discerner celui du Macrocosme par une vertu magnétique, astrale et magique. La Pluie de l’Equinoxe me sert d’instrument, pour faire sortir du centre de la terre le Flos Cœli ou la Manne universelle que je vais cueillir pour le faire corrompre, afin d’en séparer miraculeusement une Eau qui est la vraie fontaine de jouvence qui dissout l’Or radicalement.

Je ne fais point comme ceux qui font passer par L’Antimoine l’Etain de glace, qu’ils appellent leur Roi, et le réduisent en Eau par le sang du Loup ou beurre d’Azinat fait par le moyen du sublimé ; je serais insensé d’en prétendre comme eux la terre feuillée des Philosophes.
Hé bien, Monsieur, que dites-vous de mon Azot ?
H.
C’est un fort bel Azot ; Vous faites, vous autres, comme certains Tireurs d’Horoscopes, qui disent tant de choses qu’il s’en trouve quelques-unes de vraies, quoi qu’ils ne les puissent distinguer si on ne les leur montre. On ne s’étudie plus qu’à sauver les apparences, il semble que le but de la Science soit à surprendre les autres ; j’ai connu des gens qui ont changé de Matière, et de principe vrai pour en trouver une autre qu’on ne sut pas. Les écrits les plus sincères ne servent plus qu’à orner le discours ; le Trimégiste qui est cru d’un commun accord le chef de ceux qui ont possédé cette Science, a laissé en peu de mots la Théorie générale de tout ce qu’il y a aux Espaces, et aux Espaces des Espaces, comme on peut voir en sa table d’Emeraude qu’on a trouvée si difficile à entendre, que fort peu de gens ont compris ce qu’elle contient, toutefois elle est si claire et intelligible qu’elle n’a point besoin de Commentaire, parce que tout y est sans aucune ambiguïté, aussi (dit-il) Ceci est vrai que ce qui est dessous est semblable à ce qui est dessus ; par ceci s’acquièrent et se font les merveilles d’une seule chose, qui est à dire la Nature qui n’est qu’une, aussi un en montant réfère à un ou au premier en descendant, le Feu le plus haut et la Terre la plus basse, l’Air par dessus l’eau, l’Eau par dessous l’Air, tout cela n’est que la Nature ; et ses diversités ne font que pour produire des choses selon son pouvoir : et comme (poursuit-il) toutes choses se font par un et méditation d’un, ainsi toutes choses sont faites d’un, par conjonction, voulant dire : Comme toutes choses sont faites de cette unique Nature par la volonté de Dieu, toutes espèces sont aussi multipliées d’un par conjonction, à savoir de mâle et de femelle. Il en donne un exemple en parlant de la multiplication métallique en cette façon : Le Soleil en est le Père et la Lune la Mère, le Vent le porte en son ventre et la Terre est fa Nourrice, la Mère de toute perfection : c’est à dire, l’Or en est le Père, et l’Argent coulant la Mère, ils ne se peuvent conjoindre sans mouvement; on ne peut mouvoir sans agiter l’Air, l’Air agité est le vent qui leur sert comme de ventre, ajoutant que la Terre est sa Nourrice, pour enseigner que ce sont deux choses liquides qui ne peuvent se soutenir sans vaisseau d’une fermeté terrestre pour les contenir.  Aussi une chose est imparfaite si elle ne se soutient d’elle même, c’est pourquoi le soutien de soi est le symbole de la perfection. Il avance que sa puissance est parfaite et elle est changée en terre, commandant de congeler la matière liquide, et de la rendre semblable à la Terre. De là il dit : sépare la Terre du Feu, le subtil d’avec le gros et l’épais avec modestie et sagesse, ce que l’on doit observer exactement en la coction, divisant le Feu central hors de sa propre terre par le feu, afin que le subtil soit désuni d’avec le gros et l’épais par la corruption des Corps, ayant la modestie de ne se pas trop hâter, et la sagesse d’y arriver assez vite ; pendant quoi, il montera de la Terre au Ciel, et descendra du Ciel en Terre, et recevra la puissance des choses supérieures et inférieures, car la mixtion monte quelquefois en partie au haut du vaisseau, puis elle retombe en bas, ainsi le corps reçoit la vertu et la propriété du fixe et du volatil.  Enfin il dit : par ce moyen vous aurez la gloire de tout ; rejetez les ténèbres, toute obscurité et aveuglement. Il est véritablement bien glorieux d’avoir été jusque là, il ne reste plus qu’a rendre cette matière diaphane, comme un Diamant ou comme un Rubis par apposition d’humide nécessaire, d’autant qu’ainsi on multiplie la force : qui est (comme il conclu) la force des forces, qui surmonte toutes forces, et choses subtiles, comme sont les maladies violentes, et pénètre les choses dures et solides, à savoir l’Or et l’Argent commun.  En cette façon le Monde a été fait, et ses conjonctions et effets admirables, et c’est le chemin par lequel ces merveilles sont faites. Cela est aussi fort surprenant de voir qu’un peu de poudre convertisse tant de Métal imparfait. Peut-on parler mieux que cela ? En peut-on dire davantage ? Faut-il pour s’expliquer trop clairement n’être point entendu et estime obscur pour être trop ouvert ?
K.
Crème fouettée tout cela ! Mais le mouvement dont vous avez parlé. Monsieur, ne l’introduis-je pas en la réincrudation par très longue décoction ?
H.
Non, véritablement, puis qu’il est impossible de rendre une chose crue en la cuisant : et de plus c’est que le Métal ne se peut mouvoir qu’en soi, à savoir en ce qui est Métal ; car pour se mouvoir en un autre, c’est à dire en ce qui ne l’est pas manifestement, comme les huiles, les eaux, les beurres métalliques, et tout ce qui a l’apparence d’autre chose, comme d’Eau élémentaire, je dis que cela ne se peut.
X.
Monsieur, comment le savez-vous? l’avez-vous éprouvé ? Assurément que non, vu que j’ai fait le contraire. Voilà encore la main qui a fait une heureuse projection de l’Or qui avoir été vivifié par trois substances, que j’aidai à séparer de la terre Adamique, qu’un Turc me montra.
Z.
Quant à moi, j’ai vu avec mille autres multiplier l’Antimoine, le calcinant avec le Miroir ardent. Nous avons  tiré les rayons du Soleil en Eau claire, moyennant un peu de glace.  Outre ce Dieu me punirait si je révélais le secret d’attraire la vapeur Rorale, mellifique, aurifique, argentifique, qui nous donne le Soufre narcotique et le Mercure diaphorétique. J’ai été inexorable à ceux ; qui m’ont demandé la manière d’enterrer les Cloches de verre pour avoir cette Eau Balsamique, sur laquelle l’esprit du Seigneur est porté, qui roule et tourne dans le vaisseau du Bleu au Noir, et du Noir au Bleu, tant que l’Eau se fige en blancheur.  Qui oserait dire les miracles que j’en eusse fait, si un Spectre ne m’en eut défendu l’usage ? Avez-vous entendu parler de l’erreur des Pierres cristallines qui nourrissent la Mine Saturne ? Mon seul conseil en a fait réussir l’opération, y ajoutant de l’Esprit d’urine, que les Philosophes ont appelé l’eau de notre Mer, à cause que tout ainsi que le grand Monde a une Mer, le petit Monde qui est l’Homme, a pareillement un rendez-vous de toutes les Eaux qui est sa vessie pleine de liqueur salée. C’a été un Satyre voyageant dans les Régions lointaines qui me l’apprit à la louange du Macrocosme, dont il disait être la vraie copie. Ses raisons étaient si bonnes qu’il semblait dire quelque vérité. Il faisait un rapport de l’un à l’autre, avançant que pour ressembler à l’original, il fallait participer analogiquement de tout comme lui. Je ne pris pourtant pas de son urine, la mienne me servit pour achever le Pandapharmaque aussi bien que lui avec la sienne.
K.
Par conséquent vous avez tort, Monsieur: ce n’est pas d’aujourd’hui que je suis aussi possesseur de ce remède catholique du Népenthé d’Hélène et du Moly d’Homère, je connais même un Homme qui avec de l’Esprit de Sel commun tire du Salpêtre, lie tous les Métaux par dissolution et digestion, et les convertit en Or. J’ai vu encore faire des Minières multipliables au blanc et au rouge à l’infini, avec des Sels.
H.
Jureriez-vous bien en faveur de cet Art d’un pur amour, d’une vraie amitié, d’une franche inclination et tendresse, prosterne devant l’Autel de la sincérité, sur peine de la misère présente et avenir, que cela eu vrai ? Osez-vous bien assurer ce que vous n’avez jamais fait, et avoir recours au mensonge, pour vaincre mes raisons ?
Pouvez-vous nier que le tout se puisse mouvoir en un autre, puis que s’il se mouvait dans un autre, il ne serait pas tout, tout ce qui est nécessaire à l’être métallique ? Ne se trouve-t-il pas en la Nature métallique ? Son Soufre s’étend dans son propre corps, et ne se peut mouvoir en un autre, parce qu’il cesserait d’être ce qu’il est ; s’il s’étendait en eau, il serait changé en eau, et ne vaudrait non plus qu’elle, s’il ne s’y étend point, l’opération est fausse, et s’il s’y étend, elle est inutile : se faut-il étonner qu’une eau ronge et découpe le Métal, puisqu’un ciseau le fait bien, quoi que nous ne le saurions faire si subtilement à cause de la faiblesse de notre vue ? Si la plus menue limaille, que l’on puisse faire de la plus grosse masse d’Or, ne convertit point le Métal en Or, on a grand tort de prétendre que la plus subtile poudre que l’on puisse faire de la moindre limaille, le convertisse. Vous appeliez les teintures Soufre ou Ame, et vous savez que l’Ame est la chose occulte du composé que l’on voit ; ce qu’étant, si les teintures que vous tirez des corps contre l’opinion des Sages sont visibles, ces teintures (dis-je) et ces Soufres ne sont pas Ames. L’âme métallique est seulement ce qui cause sa splendeur, car les herbes et les briques sont teintes, et ne font pas Métal.
K.
Mais, Monsieur, il y en a donc bien de trompées, tous» les Auteurs disent que la pierre se fait d’une matière si vile que tout le Monde l’a.
H.
Il est vrai qu’un grain d’Or est bien de moindre valeur qu’une infinité de Mars qu’il nous produit.
K.
Me voilà donc heureux. Monsieur, j’ai un manuscrit Gaulois, qui enseigne dévotement la préparation de l’Or et des autres. Métaux, il nomme le Sel de Saturne Nitre, le Sel de Mars sel commun, celui de Vénus tel Alkali, celui de l’Or sel Albrot, du Mercure sel Armoniac, le Sel de Lune sel Gemme, et celui de Jupiter sel de Talc, commandant de mêler les sels des Métaux blancs avec les blancs, et le citrin avec les citrins pour en faire des Médecines pour l’Or et l’Argent.
H.
Il y a tant de Livres, qui commencent par : Au nom de Dieu mon Fils, prends.
X.
Que veulent dire leurs Œuvres, animal, végétale, et minéral ?
H.
C’est qu’ils suivent les Philosophes à la Lettre, prenant du Sang ou autre chose pour l’Animal, la Vigne pour faire l’œuvre végétale, et les Minéraux pour le minéral, ne considérant point que les Sages appellent œuvre animal, lorsque l’Ame ou le Soufre naturel du Mercure agir sur son propre corps ; qu’ils appellent œuvre végétable, quand cette composition se multiplie en qualité et en quantité, et œuvre minéral à cause que le tout procède de l’Esprit minéral.
K.
Seigneur, que je suis malheureux ! je ne ferai donc jamais la pierre ?
H.
Le temps qui nous doit tous partager également s’approche.
Z.
Vous nous réjouissez, Monsieur, dites-nous quand.
H.
Ce qui a été fait des Eléments par le Créateur adorable, est participant de leurs qualités, et lorsque l’une des qualités domine, la distinction des composés commence.  Toutefois malgré leurs différentes figures, vertus et propriétés, elles sont aussi bien Créatures les unes comme les autres. Le Monde est aussi une Créature, étant donc une Créature, et n’y ayant rien de si conforme qu’une Créature à une Créature ; on peut avec toute justice comparer une Créature à une autre, et il est très certain que la vertu d’être telle ou telle Créature, est quand la chose demeure toujours telle qu’elle est, nulle chose donc ne pourrait prendre fin, s’il n’y avait point de dissipation de quelque partie du composé, tout composé est d’Eau et de Terre, l’un est comme le mâle et l’autre la femelle, et tous deux dans leur intérieur ont invisiblement leurs semences, à savoir l’effet de l’Air et la puissance du Feu, par lesquels toutes choses corporelles sont faites ; la Terre est fixe, et l’Eau volatile, c’est pourquoi, quand un sujet perd quelque chose du sien, ce n’est jamais que l’Eau. On voit aussi que tout ce qui est formé des Eléments est altéré, manquant d’humide propre : car l’Eau étant émue se raréfie dans l’Air par le moyen du feu. Mais il faut remarquer, que quoi qu’un Elément soit contraint d’être rendu selon son Agent, il n’est pourtant converti en lui, si la chose qui s’étend n’est élargie outre sa dernière latitude, pour entrer en la première de ce qui le contient, qui est une chose naturellement impossible. Les Eléments se peuvent bien assujettir l’un l’autre, mais non pas le convertir ; autrement toutes formes seraient corruptibles, et l’Eau qui avait autrefois été enlevé en l’Air, n’aurait pu en retombant submerger la Terre, si elle eut été convertie en Air. Le Feu avait agi fort longtemps pour élever une si grande quantité d’Eau, et même si abondamment, qu’après sa rechute les plus hautes montagnes en furent couvertes, l’Eau n’aurait pu retomber si elle eut été élevée hors la puissance circulaire de celle qui restait à la surface de la Terre causant les pluies ordinaires, quand elle n’est point portée jusque la, et cette Eau excédait en apparence sa quantité première, à cause de l’extension de l’humide radical qui n’est qu’une Eau concentrée pour la conservation des Créatures élémentaires par le mouvement, lequel consiste en une extension continuelle, et n’ayant plus de lieu formel pour s’entendre, demeure oisif, ce que nous appelons mort.

Toutes Créatures en leurs âges moyens tiennent le milieu entre l’humide et le sec; l’Homme devient sec et décrépit, ce que nous prenons pour marque de vieillesse et dernier indice de la fin naturelle, ainsi que les autres choses. Le Monde était de même au temps du Déluge, vu qu’il y avait tant d’humide propre changé sous l’apparence d’eau, et d’eau sous la ressemblance de l’Air : à ceci il est arrivé quelque chose d’admirable, c’est que l’ire de Dieu prolongea l’être premier du général, en abrégeant celui du particulier, car l’action du Feu étant arrêtée par sa puissance, la Terre reçut de nouveau son humide, qui ayant rempli les pores devint aussi vigoureuse qu’auparavant.  Après quoi, il y eut comme un nouveau Monde, la Terre reprit en treize mois vingt deux jours, ce que deux mille cent et six ans ou environ, avaient dissipé, et de là, avant que le mouvement central arrivât encore une fois jusqu’au degré ou il était, a eu depuis autant à subsister sans entrer en compte de vieillesse à cause de sa nouvelle force. Considérons présentement en nous mêmes, que ce temps-là est déjà repassé, il y a cette année mille six cents soixante huit mille cinq cens septante huit ans à le prendre seulement au milieu de l’âge du Monde ; de telle sorte que naturellement toute cette machine ne peut plus durer au delà de cinq cens vingt-huit ans : on trouve néanmoins par le cours des Etoiles qu’il ne finira pas sitôt, ainsi l’un .dit d’une façon, l’autre d’une autre ; qui doit-on croire ? Il en faut consulter la vérité, parce qu’il n’y a que ses Oracles qui en peuvent rendre raison.

Ecoutez, dit-elle, j’approuve que la chaleur est cause de l’évaporation de l’humide de toute Créature, la chaleur provient du mouvement, le Soleil et les Courtisans qui sont les autres Astres, se meuvent et se mouvront pour cet effet, tant qu’il y aura de quoi mouvoir, puis même qu’ils ont été établis pour les choses inférieures, mais le bas étant épuisé, la qualité existente par la matière, sera multipliée par l’action des corps, et ainsi ce qui est présentement ne sera plus, ce qu’attendant soyez tous raisonnables en la conversation, autrement si vous cédez un point qui fsra celui de croire, le plus ignorant du Monde triomphera de vous. Pour assurance de ceci, que réciproquement ou vous accorde d’être crû, vous pourrez pour lors avancer toutes les choses imaginables, et on n’y pourra point contredire.
H.
Voyez, je vous prie, sur quoi la fierté des Hommes est fondée, ils se trompent eux mêmes pour tromper les autres, et se glorifient du caprice de quelque rêveur, Adieu, KentIUD, XaLIo, zCesIM.
K.
Quel Homme est-ce-là ?
X.
O aimable vérité, qui nous avez fait la grâce de nous parler par son moyen, dites-nous son nom pour l’amour de lui, qui est votre serviteur.
V.
Cest, Hermès;
Z.
Courrons après mes Amis, prions-le de s’arrêter, hâtons le pas, tôt, habile, vite, avancez, suivez-moi.

chapitre iv.
Les Alchimistes obligent Hermès à demeurer, lui faisant voir leur Laboratoire.

H.
Quoi, vous me suivez encore?
K. Z, X.
Nous ne vous quitterons pas jusqu’à la mort, faites de nous tout ce qu’il vous plaira; car puisque nous savons qui vous êtes, il y a quelque assurance de dire que vous n’êtes pas venu sur le tard pour vous en aller seul, donnez-nous chacun une prise de votre quintessence du chaos général, afin que les quatre autres essences, qui sont les Eléments, n’aient la puissance de nous corrompre, jusqu’à la venue d’Enoch et de l’Elie universel. Vous qui êtes l’Elie des Artistes, le contemplerez avec nous si vous voulez, pour obtenir notre dernier sort : nous ne délirerons, ni ne souhaiterons jamais d’autres richesses.
X.
Je ne suis plus désireux des Trésors, je ne pense plus à mettre des Armées en état, comme je m’étais proposé de faire, quand j’aurais cette bénite Pierre.
Z.
Et moi, je mets tous mes vaisseaux sous le pied, je ne veux plus me servir d’autre véhicule que mes bras. O Monsieur, permettez que je vous embrasse, et que mon cœur serve d’un Tabernacle à votre Image
X.
L’écho delà rue nous découvrira, retirons-nous, le Peuple s’amasse.
K.
Nous voici près de chez-moi, allons y. Il a raison, retirons-nous de la foule. Entrez, entrez Monsieur, mettons-nous dans mon Laboratoire, et payons le temps à tout rompre.
H.
Que de vaisseaux de Verre !
K.
Vraiment le Feu m’en a bien cassé d’autres.
H.
A quoi sert cette diversité ?
K.
C’était pour faire toutes les opérations que je m’étais imaginées suivant vos écrits, en voilà un composé de crois, dont le bec entre au cul de l’autre, il sert à séparer de la matière l’esprit subtil, qui passant dans celui du milieu y laisse son phlegme, que l’on jette ensuite sur la terre dont il est sorti, pour en tirer le Sel.
H.
Comment l’appeliez-vous ?
K.
Botum barbatum.
H.
Dieu, quel nom! et celui là ?
K.
Un Enfer, l’autre un Pélican.
H.
C’est dommage qu’il n’est en vie, comme nommez-vous celui-ci ?
K.
Une Cucurbite, voilà fa tête qu’on appelle une chape, celle-ci est une chape borgne à cause qu’elle n’a pas de bec, le reste sont des ventouses, des vaisseaux de rencontre, des œufs philosophiques, des ballons, des thuines, et des entonnoirs pour filtrer.
H.
Quant aux autres, il est inutile que je demande leurs noms, je les connais bien.
K.
Ce sont des cornues et des matras.
H.
Il y en à beaucoup.
K.
Vous êtes-vous jamais servi de Fourneaux comme ceux-là ? En voilà à réverbérer, d’autres à distiller, les uns à Feu de suppression, d’autres à Feu de sable ; voilà un trépied pour faire cuire au Soleil, voilà un Fourneau à lampe, un Athanor, un Bain-Marie. Je ne vous parle pas des Feux de roue, et de degrés que j’ai fait autrefois, voilà encore des Fourneaux pour fondre, pour vitrifier, etc.
H.
A quoi bon ces pots percés qui entrent les uns dans les autres ?
K.
C’est un descensoir.
H.
Et ces tuyaux de terre qui s’emboîtent ?
K.
C’ est pour sublimer des Minéraux. Le reste sont des terrines, des Creusets, etc.
Z.
Je crois que la vérité nous a trompés, car si c’était Hermès, il ne demanderait pas ce que le moindre Artiste doit lavoir.
X.
Ne dites mot, patience, attendez la fin.
H.
Qui a-t-il dans ces Boîtes ?

K.
C’est pour faire des essais, afin d’avoir quelque réalité particulière, pendant que nia Pierre se cuit, j’ai toujours espéré un petit Bidet pour porter les frais des dépenses durant le temps du grand œuvre, c’est ce qui m’a fait travailler de toute manière au rouge, avec de la Tutie d’Alexandrie, de la Calamine, du Verdet, du Vitriol, des Cristaux de Vénus et de Mars, avec du Précipite rouge, du Soufre, du Cinabre minéral, de l’Eméril, du Plomb minéral, et avec le Soufre rouge de Jupiter, d’Antimoine, d’Orpiment, de Réalgar, d’Ocre, de Férette d’Espagne, d’Aes ustum, d’Or Minéral et commun. Les autres Boites et Papiers sont remplis de drogues à décaper Vénus, à savoir de Chaux d’Etain, de Sublimé, d’Alun, de Tartre, d’Arsenic, de Salpêtre et de Bismuth, etc. de tout cela rien.
H.
Que voudriez-vous prétendre autre chose que la chose, puisque vous vous servez de chaques choses comme elles sont ? Encore si vous sépariez d’un sujet, le blanc du rouge pour le rouge, et le rouge du blanc pour le blanc, il en arriverait de bonnes choses après la fusion, puisqu’il n’y aurait point de contrariété. Vous savez que quand le Soleil et la Lune sont conjoints, la nuit est ténébreuse.
K.
Seigneur, donnez quelque petit exemple de cette séparation, car je les ai séparés par des Eaux, par des Sels, me semble-t-il, et je n’en ai jamais vu rien de bon.
H.
Il faut connaître les Sels et en séparer les Corps avant de s’en servir, la Chaux d’Argent tirée par la Lamine de Cuivre, sert à faire quelque séparation : par exemple, si vous voulez le rouge et le blanc, le fixe et le volatil de l’Orpiment, broyez-en une partie avec deux de l’autre, puis les mettez au feu, et le blanc se sublimera en haut comme neige, laissant le rouge en bas avec l’Argent, On voit même que les choses les plus aigres deviennent douées par artifice, le Vinaigre commun contient en soi une douceur admirable que l’on peut extraire en faisant distiller le Vinaigre, tant que les fèces demeurent au fond, lesquelles, étant desséchées de leur phlegme à lente chaleur, doivent être exposées à l’air, tant qu’elles se mettent en partie en huile qu’il faut filtrer, puis congeler en un Sel fort et doux, qui a la vertu de corriger les Vins gâtées, et les Eaux puantes. Les Eaux-fortes même donnent aussi par Art de très bonnes odeurs, si on en arrose de la paille de seigle dans une terrine, et puis qu’on la laisse quelque temps sécher en Eté pour le mettre en poudre, elle aura une odeur très suave.
K.
Seigneur, j’ai volatilité de l’Or avec l’Eau régale en cohobant, et l’exposant à chaque fois une nuit à l’Air, et quand il fut patte, j’y mis de l’Eau, tant que le tout fut fort faible, alors j’y ajoutai du Mercure qui fit monter mon Or en crème, que j’amassais et évaporais en huile pour en imbiber le Soufre de Mars et de Vénus, j’en ai encore fait avec de l’Esprit de Sel, un autre avec de l’Esprit de miel, j’ai réduit le Saturne en huile, mis la Lune en Gomme par sublimation avec de l’Armoniac et du Sublimé, et tout cela en vain : puis quand j’eus bien perdu du temps, je me mis à vouloir faire des gros Diamants, en amassant quantité de petits en un.
H.
Il n’y a pas grand profit de changer des Diamants en Verre par la fonte.
K.
Il est vrai que jamais le fondant ou les Sels qui les firent fondre, ne s’en voulurent séparer, ainsi je perdis tout.
H.
Qu’y-a-t-il dans ces Fioles fur le feu ?
K.
De l’Or et de l’Argent conjoints à l’heure de Saturne et du Mercure mêlé entre Mars et Vénus le jour de Jupiter ; j’en ai amassé de temps en temps avec une plume l’âme de l’Or, en forme d’une Poudre rouge que j’ai imbiber de son propre humide radical. En voilà une autre qui contient de l’Or dissout par l’Eau d’Argent ; et celle-ci est l’Esprit du Soleil et de la Lune tirée par le Sel animé, qui se fait en dissolvant du Sel commun dans de l’Eau, et puis l’on y jette de l’huile de Vitriol ; le tout étant filtré et évaporé en Sel, il le faut fondre dans un Creuset, auquel on jette de l’Or, le remuant jusqu’à ce qu’il soit en pâte, qui étant mise à l’Air devient en huile, qu’il faut distiller, et après la distillation, le mêler avec de l’Eau d’Argent qu’il faut tirer de même façon, excepté qu’au lieu de Sel commun, on se sert de Salpêtre. C’est tout dire, les voilà qui cuisent, la verdeur paraît.  Quant à celle-ci, j’en ai vu des merveilles : il est arrivé quelque temps après la noirceur, qu’on voyait comme remuer des petits filets d’araignée, desquels s’engendra un dragon avec des yeux étincelants, qui devint si gros et si enflé qu’il creva ; quoi faisant il se fit un bruit dans le vaisseau tel que d’une trompette, auquel accoururent tous ceux du logis avec moi. Peu après comme nous considérions le Vase attentivement, il devint azuré, et apparut en son haut un Soleil, une Lune avec d’autres étoiles, en bas un terrain vert, herbu et rempli d’Arbres. A côte de là, il y avait une belle Fontaine qui jetait de l’Eau abondamment, dont la Terre s’abreuvait un peu à la fois, ensuite tout disparut. Je ne fais ce qui en adviendra ; quand il fera au blanc, j’en ferai une épreuve.
H.
Il y a longtemps que le mensonge a orné l’Histoire la première fois : ne vous sauriez-vous abstenir de dissimuler la venté ? je ne vous demande pas tout cela, je veux des choses vraies comme le reste, quoi qu’inutiles.
K.
Vous avez raison, Monsieur, j’avais peur que mes Camarades ne m’estimassent point savant sans leur conter des choses surprenantes, mais puisque le Monde finira sitôt, je ne veux plus mentir. Le Métal peut mieux souffrir le Feu que moi, je ne ferai plus péter mes vaisseaux comme autrefois, quand j’avais fait une autre conclusion selon les Auteurs, ou que j’avais imaginé quelque addition : je renonce aux querelles que j’ai souvent fait naître pour avoir lieu de changer de gens, lors qu’ils ne me fournissaient pas assez.
X.
Je sais que la plus belle leçon qu’on peut donner à un ami, est de lui recommander de ne point mentir.
Z.
Pour moi, je ne veux plus arroser des Oignons de Fleurs, ni les racines d’herbes avec des dissolutions douces de Métaux, afin qu’ayant végétés avec leur suc, ils puissent congeler le Mercure en Or, si c’est de l’Or, etc. dont j’ai trompé et fait errer tant de Monde.
H.
Que cette bonne volonté vous accompagne toujours.
K.
Enfreignez-nous donc quelque chose pour passer cette misérable vie, car si nous étions riches nous ne dirions point de savoir tout pour avoir de l’Argent, nous n’irions point vendre les secrets qui sont encore à chercher ; nos Amis ne seraient pas Médecins Spagyriques, et pour de la fausse monnaie, on n’en parlerait jamais.
H.
Faut-il pour avoir plus de pain qu’il est nécessaire, et pour des superfluités, nous rendre criminels devant Dieu et les Hommes ? C’est un pauvre manger que de se nourrir de sa damnation.
K.
Point de digression, voilà le Manuscrit dont je vous ai parlé tantôt ; au moins expliquez-le moi si vous ne me voulez rien dire autre chose.
H.
Il m’est plus facile d’enseigner la vérité, que de la faire dire à un qui ne la sait pas.
X.
Je m’en vais donc le jeter au Feu avec cet autre, qu’on dit avoir été composé par un disciple d’Artéphius, surnommé le Saunier.
H.
La première partie de notre œuvre avance fort celui qui la possède, mais à la seconde on ne se sert point de Sel.
K.
Il y a donc quelque chose de bon ?
H.
Rien pour tout.
K.
Mais qui font donc les bons Auteurs ?
H.
Ceux qui disent qu’ils n’ont d’autre Soufre que l’Eau, d’autre Terre que le Mercure, et d’autre Sel ou Pierre, que les deux conjoints. Ceux-là aussi qui enseignent à introduire dans le Mercure une teinture sèche, et puis une liquide.
K.
Il me semble qu’il y a quelque chose de cela dans la copie des lettres qu’on  écrivit autrefois à Alexandre. Voilà encore un écrit qui enferme cette doctrine, ou je suis trompé, car il vient d’un bon Vieillard qui commandait aux Démons.
H.
Un Artisan dont le métier requiert beaucoup d’observations, n’a que faire de les mettre par écrit pour lui quand il les fait ; et vous voulez qu’une chose qui se trouve écrite jusque sur le front de la moindre insecte, s’y mette ?
Z.
Ce font donc les affronteurs ?
X.
Ce ne sont point des affronteurs, mais ce sont de gens qui étudient les Livres, et mettent à chaque fois leurs pensées sur le papier, puis il arrive que tout étant rédigé ils viennent à mourir, ainsi leurs successeurs n’ont autre chose à hériter que des imaginations, pendant quoi on dit qu’un Homme de cette sorte savait la Pierre philosophale. Si on oppose qu’il était pauvre, on répond qu’il feignait de l’être, crainte d’être connu, aimant mieux sa liberté qu’une vie captive.
K.
Pour celui-ci c’est un écrit qui vient d’un Homme, qui sans doute l’a laissé à fa Femme six ou sept lingots d’Or, gros et longs comme le bras, il n’y a point de raillerie, j’en suis témoin oculaire.
H.
De quoi parle-t-il ?
K.
Prenez de votre lunitif.
H.
Puisqu’il est énigmatique, vous aurez aussitôt fait de prendre le premier Livre imprimé qui vous viendra en main, moyennant qu’il soit d’un Philosophe, et non d’un pilleur d’Auteurs ou d’un amasseur de recettes.
H.
Mais voici un recipé qui vient d’un saint Religieux, dont la vie était irréprochable, je ne crois point qu’il voulut tromper.
X.
Le Chapelet n’est pas trompeur, mais on s’en sert fort pour tromper.
K.
Ce n’est point à vous que je parle ?
H.
Point de querelle : holla, de quoi se sert-il ce Moine ?
K.
Il bat des Pierres à Fusils, et en reçoit dans une bouteille le feu, qu’il appelle son Soufre, puis le met cuire, il enseigne encore à faire un feu philosophique, entre autres une huile de Soufre et de Mars qui est toujours chaude, puis une autre de charbon pilé, mêle avec deux parties de terre, moyennant un peu d’eau pour le mettre en pelotes ou boulettes , qui étant sèches brûlent et chauffent grandement.  Il fait aussi un feu d’eau de vie et de terre grasse.  On y trouve la manière de faire un Feu potentiel avec de la farine, ou des écorces d’arbrisseaux, puis il enseigne à faire des huiles incombustibles pour mettre dans des lampes.
H.
Comme peuvent-elles être incombustibles, puisqu’elles sont combustibles ?
Z.
Par circulation et rechute de l’huile qui a monté.
K.
Il enseigne encore des admirables secrets pour la Médecine suivant les écrits des Philosophes, qui disent que la Nature s’éjouit de sa Nature ; que la Nature s’amende en sa Nature, et que Nature surmonte les effets ordinaires de Nature. Le cœur d’un vieux Corbeau sert contre l’hydropisie, la cervelle d’un Hibou contre la mélancolie, le sang des Limaçons contre la fièvre quarte, et la peau de Lézard contre la goutte, les uns par sympathie, les autres par antipathie.  Voilà ce que j’ai de plus rare, qui a été jusqu’ici le Trésor de mes espérances, et je connais présentement que ce sont des folies. O que l’Homme est chimérique. Je confesse que le premier jour auquel je me suis embarqué sur cette Mer périlleuse, je croyais en savoir assez pour braver les plus grands et les plus doctes, je ne pouvais manquer, me semblait-il, mais c’était de faillir : j’ai cru être le mignon du temps, le favori de la fortune, et présentement je vois que mon bonheur est entre vos mains, j’admire la bonté que vous avez eu, Monsieur, de me dessiller les yeux, pendant que la confusion m’a fait ressouvenir du temps qui s’est passé.
Z.
Notre Père, vous pouvez nous délivrer du mal, commandez, vous serez obéi, nous sommes prêts à faire tout ce que vous voudrez, fiez-vous à nous, comme à des gens qui viennent de se dépouiller de tout vice.
X.
Faites-nous travailler, et ne vous souciez pas du reste : un Homme comme vous connaît bien les cœurs, si j’ai trompé quelqu’un je l’ai été moi-même le premier, on ne peut pas me reprocher comme aux autres que ma première matière a été l’Argent.
K.
Ne faisons pas comme ceux qui font les choses sans intérêt corporel, pour mieux établir celui de l’Esprit. Que faut-il faire ? quelle Matière vous plaît-il ?
H.
Avez-vous un peu d’Or de coupelle ?
K.
Non.
H.
Faites donc fondre du Plomb, et puis quand il sera bien rouge jetez sur trois livres un quart de grain de cette poudre enveloppé d’un peu de cire.
K.
Hélas! Monsieur, le Creuset est percé par le bas, je crois que la Matière coule.
H.
Ne savez-vous pas que pour être transmué en Or, de huit parties de grosseur, elle doit se resserrer, et appetisser de plus de cinq ?
K.
Je croyais que cela aurait fait un bruit, ainsi que disent ceux qui ont vu faire la projection: Ah ! les fourbes, qu’ils me viennent conter désormais qu’ils ont vu projeter un poids sur mille, sur cent, etc. Ne peut-on pas projeter sur le Métal d’une autre façon ?
H.
Oui, quand la poudre est trop forte, on en laisse tremper un grain dans une pinte d’eau l’espace de deux ou trois minutes, puis on le retire sans être diminué, ou s’il l’est, c’est incompréhensiblement à cause de sa petite quantité, comme un grain de Musc qui donne son odeur dans toute une Salle sans qu’on s’aperçoive de la diminution, ainsi ce grain peut resservir toujours et être remis dans de nouvelle eau quand elle aura fait son effet, qui est de dissoudre les Corps que l’on y met, d’en séparer le Soufre terrestre, qu’elle pousse à la superficie en forme d’écume jusqu’à ce que le pur demeure au fond, qu’il faut remettre en corps.

On se sert encore de cette Pierre, lorsqu’elle est en huile, ce qui se fait en lui donnant de son propre humide, tant quelle ne se puisse plus congeler, ensuite on fait chauffer quelque pot ou chaudron si grand qu’il soit, puis on en met une goutte avec un petit bouton de verre, et aussitôt elle s’étend par tout.

Quand notre Médecine n’est assez fondante, et que nous n’avons pas le temps de l’humecter, nous la sublimons avec des Minéraux volatils, puis nous nous en servons.

Nous en pouvons aussi corriger les Miniers, en en jetant un peu dans les Eaux qui les environnent.
Nous la rendons quelquefois si pénétrante, qu’elle transmue l’Argent-vif en Or dans le creux de la main, mais quand elle n’est pas assez pénétrante ou multipliée, nous nous servons des Soufres parfaits qui se trouvent dans les Métaux, dont nous venons à bout en faisant fondre du Cuivre, du Fer et du Plomb ensemble, puis on y projette un grain de Poudre, et ainsi la Médecine est multipliée en vertu.

Les Philosophes se divertissent encore à faire voir des réalités par le mélange des Métaux, un poids sur douze, sur trois, sur quatre, sur deux etc. tant au blanc qu’au rouge ; insinuant un peu de leur Poudre qu’ils tiennent secrètement au bout du doigt, dont ils frottent par avance quelque morceau de Métal ou d’Argent-vif, puis quand les Artistes viennent à les cimenter, calciner et fondre, ils trouvent avoir de bel Or ou Argent, qu’ils présument faire encore d’autres fois recommençant l’opération, pendant quoi l’Auteur n’y étant plus, ils travaillent en vain. On ne fait point cela pour tromper, mais pour faire voir aux ignorants présomptueux que la transformation métallique cest véritable.
K.
Monsieur, ôterai-je le Creuset du feu?
H.
Oui, versez.
X.
O le bel Or! il est plus d’à vingt-trois carats.
H.
Coupez-en une dragme et partagez le reste entre vous.
Z.
Voilà qui est fait ; qu’en faut-il faire ?
H.
Faites que ce gros ne pèse plus rien par le moyen du C et le mêlez avec deux parties de L, ou A. C, ensuite dissolvez-le en eau y mettant du P. M. une quatrième partie de toute la dissolution que ferez évaporer, alors mettez le tout au feu, et il sera transmué. Après quoi vous mêlez-en une partie avec quatre d’Argent-vif extrait du Nitre rouge, si vous voulez terminer en sept mois : ou avec six parts, fi vous voulez finir en neuf ; ou avec dix si voulez achever en douze : car plus vous mettrez d’humide, plus longtemps faudra-t-il pour sécher le tout par le feu : En premier lieu, l’Eau traverse les pores naturels du grain, et l’esprit qui s’y rencontre y étant plus libre, parce qu’elle est liquide, que dans un corps sec, s’en veut envoler ; mais comme l’Eau est par son moyen étendue de toutes ses parties, elle le fuit, et des deux se fait un corps moyen qui paraît enfle, à cause que les parties de la Terre sont divisées.

Souvenez-vous de l’humecter quand il sera sec, et de le sécher lors qu’il sera trop humide moyennant le sec, qui se peut engendrer de la chaleur, et être adapté par apposition.
K.
Voilà de belles choses, voyons si je m’en souviens bien. Nous avons pris le Mercure de l’Argent-vif, la Lune de l’Argent et le Soleil de l’Or, en apposant au Volatil un corps fixe, afin qu’il soit semblable au fixe : Et avant de conjoindre le noir avec le blanc, nous l’avons premièrement blanchi.
Z.
Croirait-on qu’une chose si aisée fut si difficile à trouver ?
X.
N’est-ce pas presque comme j’avais dit ?
H.
Dites-en chacun votre sentiment par Paraboles, et les donnez au Public.
X.Z.K.
Commencez donc le premier, aussi bien n’avons nous rien à faire, pendant que notre Matière cuit.

PREMIERE PARABOLE
du Grand Œuvre.

H.
Lors que j’étais en la Province de Pentapolis, située entre l’Arabie et la Palestine, ou j’étais allé pour voir les vestiges d’un si beau Pays, qui autrefois était plus plantureux que celui de Promission, et le serait encore, n’eut été l’horrible péché des habitants de quelques-unes de ces Villes, je me promenais de côté et d’autre pour trouver quelque Eau qui ne fut point infectée de leur abîme, pour subvenir à ma soif, pendant quoi j’aperçut des Pommes, dont la beauté attrayante me promettait l’aide de leur suc, mais quand j’eus mordu dedans, je les trouvai pleines de Poudre fumeuse qu’elles tiennent encore de la malédiction du terroir, dont l’ire de Dieu bannit autrefois les substances par un embrasement entier.

Comme cette altération violente me pressait de plus en plus, j’avisai d’une éminence ou j’étais monté, comme un petit Etant réfléchissant la figure d’une Femme à cheveux longs, qui changeait agréablement de place de fois à autre. Je fus longtemps à contempler si ce n’était point une figure nageante, et je l’eusse crû, si la tranquillité de l’eau ne m’eut détrompé. Etant sur le bord de cet Etang, je voyait toujours la même chose hormis qu’elle paraissait plus belle que de loin ; une peur surprit ma curiosité, et la confiance que j’avais à mon bonheur me faisait chercher aux environs l’original de cette aimable Image. Après que ma peine m’eut mis hors d’espérance de satisfaction, je me baissai et bus de l’Eau qui était fort bonne. Aussitôt que j’en eus pris, les yeux de mon intellect furent ouverts ; car je vis en me retournant le sujet de ce beau portrait que l’Air avoir représenté dans l’Eau. Elle prévint mes civilités me montrant un très petit animal en partie semblable à un Homme, qui avait les jambes et les pieds autant de fois plus grands que la tête, qu’il y avait de choses différentes au Monde.  Il est bâtard de Saturne, me dit-elle, avorton de Vénus, quand il combat contre Mars, il n’a d’autre aide que l’humide congelé par la terre ; sur ces entrefaites Vulcain envoie une étoile au secours, et Mercure le sépare par la prière de Vénus qui moyennant un peu de lie de la Mer le déguise en eau pour cacher Mars à sa fureur, puis cette Eau se met avec l’eau congelée, jusqu’à ce que la chaleur du Soleil les enlève tous deux, et que la Lune les fasse amis par le voyage à force de promener, alors on fait étendre Phoebus par Pallas, et quand il est blanchi, on le sépare de ses superfluités, en le frottant d’huile de feu, afin que la neige ne lui puisse faire mal, jusqu’au Soleil levant. XaLIo, parlez à votre tour ?
Z.
Permettez que ce soit moi, Monsieur.
H.
Dites donc.

SECONDE  PARABOLE.

Z.
J’étais autrefois fort en peine sur ce qu’on disait que le Soleil n’était plus élevé selon les degrés marqués par les écrits des anciens Astrologues, puisque les modernes le trouvaient beaucoup plus bas qu’eux; mais présentement je connais que cela procède de l’abondance de l’Eau qui est raréfiée dans l’Air, ainsi qu’Hermès m’a enseigné. Et l’expérience fait voir que les Corps paraissent plus gros dans l’Eau qu’ailleurs ; le Soleil étant sur notre horizon, nous semble beaucoup plus grand que lorsqu’il est à notre Zénith, cela procède de l’humide grossier, et de la Terre qui l’éloigne de nous moitié de sa grandeur.

Si l’on ne mesurait plus un Corps lumineux comme un obscur, qui n’aide pas à se faire voir ; si l’on faisait que le pénultième de sept en descendant, fut celui du milieu, en montant et en décalant ; puisque l’on fit que le pénultième en montant fut le troisième en descendant : on serait détrompe de ceux qui disent que le Soleil est plus grand que la Terre et de beaucoup d’autres choses, car on arriverait facilement au commencement du quatrième qui est le milieu, où on trouverait que la moitié de la composition doit être réellement selon les principes mercurielles métalliques, et que le reste est imaginaire.
X.
Voilà qui eu trop clair.
H.
Et vous XaLIo, dites aussi quelque mot.

TROISIEME PARABOLE.

X.
Le Zodiaque est partagé en douze figues, les quatre premiers correspondent aux Végétaux; les quatre autres aux Animaux, et les quatre derniers aux Minéraux: et selon l’ordre des Eléments il se rencontre toujours un signe de Terre après un de Feu, et une maison d’Eau après une d’Air ; mais qui voudra rendre ce cercle carré, qu’il le fasse après le premier cinq.

Que ceci vous apprenne à connaître l’Eau, car puisque toutes les générations se font par extension des parties ; considérez combien elle doit être resserrée, étant encore près du centre de la Terre, vu que l’Or est si pétant.
H.
C’est fort bien parl2 pour ceux qui connaissent la Nature.
K.
Comment découvrir ce qu’elle cache, si l’on n’a ni argent ni crédit ?
Z.
Il faudrait ajouter quelque procédé particulier pour aider les pauvres Artistes, afin qu’ils pussent s’employer sans autre soin que d’étudier continuellement, et par ce moyen parvenir à la fin désirée, aussi bien que ceux, qui peuvent donner quelque chose à leurs divertissements.
X.
Cela serait bon si nos écrits étant divulgués, ne parvenaient qu’entre les mains des gens, qui ont déjà presque fini leurs jours à tourner les charbons infectes de la fumée d’une infinité de drogues qu’ils ont sacrifiées à l’Air, ou de ceux qui se sont ruinés pour avoir été du sentiment des Imaginaires : Au contraire les insensés flatteurs des ignorants, qui ont toujours méprisé et décrie ce divin Œuvre, ne considéreraient nos libéralités, que selon le lucre qui en peut arriver, pour faire les beaux et les braves. Je ne me soucie pas du secret, me disait un Badin l’un de ces Jours, faites-moi seulement de l’Or et de l’Argent, nous nous mettrons en belle passe. Comme si l’Homme qui est devenu sage pour avoir quitté les superfluités, faisait grand cas de devenir fou, par la séduction d’un sot.

Hermès concluait, comme j’étais las d’écouter que la faiblesse des simples causait souvent plus de mal, que la malignité des méchants.  Cependant je laissai les Alchimistes, prétendus réformés, cuisants leur Pierre, pour vous en dire des nouvelles, lorsqu’elle sera achevée.


FIN

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