GLAUBER Traité de la médecine universelle ou le vrai or potable (1659).
Jean-Rodolphe Glauber
TRAITÉ DE LA MÉDECINE UNIVERSELLE,
OU
LE VRAI OR POTABLE.
C’est à dire une exacte description de la vraie Médecine universelle, & de l’admirable vertu qu’elle exerce sur les végétaux, animaux & minéraux.
Pour servir de clair flambeau au monde aveugle, lui enseignant le moyen de discerner le mensonge d’avec la vérité ; & de secourir les pauvres malades abandonnés.
PAR JEAN RUDOLPHE GLAUBER.
Et mis en Français par le Sieur Du TEIL.
A PARIS,
Chez THOMAS JOLLY, Libraire juré, rue Saint-Jacques, au coin de la rue de la Parcheminerie, aux Armes d’Hollande.
MDCLIX
AVEC PRIVILÈGE DU ROI.
LECTEUR.
Ami Lecteur, je t’avertis, que cette traduction touchant la Médecine universelle, ou Or potable, devait être ajoutée au Livre intitulé, La Continuation du Miracle du Monde, & que l’Imprimeur ne l’a pu faire à cause du peu de temps & de certains empêchements, même de la foire de Francfort ; de sorte qu’il n’a pu mettre en lumière que ces trois Livres, dont le premier enseigne aux Laboureurs & aux Vignerons, d’engraisser leurs terres sans fumier : Le second enseigne aux Marchands de faire profiter sûrement leur argent dans leurs maisons sans usure, & sans incommodité de leur prochain: Le troisième enseigne aux fidèles Médecins, la façon d’avoir aisément & à peu de frais des médicaments, par le moyen desquels, à la façon du Samaritain, ils puissent remédier aux maladies.
Il a mis au jour ces trois procédés. Pour le quatrième que j’ai dédié aux personnes de qualité, pour conserver & recouvrer la santé, il ne l’a pu faire pour les raisons susdites. J’ai cru que j’obligerais le public en le lui donnant, que si je ne m étends pas assez sur cet usage de cette Médecine universelle, on le trouvera plus, au long dans le Livre, que Dieu aidant, je mettrai en lumière au premier jour sur ce sujet.
La Médecine universelle, ou le vrai Or potable.
APRÈS avoir décrit trois excellents procédés dans la Continuation du miracle du monde, & facilité le moyen à beaucoup de personnes de gagner leur subsistance; j’ai voulu faire un présent aux personnes de qualité pour se maintenir heureusement dans une parfaite santé, & pour la recouvrer aussi en cas qu’ils l’eussent perdue. Car il importe aux hommes, élevés en autorité & puissance, de jouir d’une parfaite santé afin de pouvoir mieux agir & commander à ceux qui en dépendent, pour défendre les gens de bien, & punir les méchants. Or il est constant qu’après la grâce divine, la sagesse consiste dans le bon tempérament, qui vient de la bonne disposition du cœur & du cerveau. Il n’est donc pas possible que les affaires soient bien gouvernées sans la santé.
Or le bon état des Royaumes & des Républiques, consistant en la prudence & en la conduite des Ministres & des Magistrats, il est nécessaire de travailler à ce que ces personnes se portent bien, afin qu’elles soient propres à l’administration. C’est ce qui, m’a obligé à donner au public cette Médecine universelle, la santé est absolument nécessaire à la félicité de l’homme, sans elle tout les trésors & toutes les richesses sont inutiles ; & celui là seul est heureux qui possède la santé & les richesses ; la maladie & la pauvreté étant pires que la mort.
Nous voyons souvent que de bons Magistrats & Gouverneurs, sont emportés, par de petites maladies ; & qu’ils eussent longtemps gouverné leurs sujets, s’ils eussent eu de bons remèdes pour les secourir.
Main il y a beaucoup de gens qui sont de cette humeur, qu’ils préfèrent les richesses à la santé, & la santé au salut éternel. D’où vient qu’il y en a quelques-uns lesquels recherchant les bons médicaments passent leur vie en sûreté jusqu’à ce que la mort les saisit. Lors ils connaissent que la santé est un don incomparable de Dieu, & que la maladie est la peine du péché. Mais il arrive souvent qu’on s’avise trop tard de songer au rétablissement de la santé, & qu’on est contraint de céder à la mort.
Il est donc raisonnable que les jeunes gens dans la fleur de leur l’âge songent à la maladie, à la vieillesse, & qu’ils recherchent les remèdes que Dieu a ordonné, pour adoucir les douleurs, & pour chasser les maladies. De même qu’un oiseau enfermé dans la cage, peut aisément être gardé ; mais s’il est une fois échappé, il ne peut être recouvert qu’avec peine ; ainsi la santé peut aisément être conservée, mais étant une fois perdue, elle ne peut être recouvrée que difficilement : on s’avise trop tard d’épargner, quand on est venu au fond. Il ne faut pourtant pas perdre courage, mais s’adresser à Dieu lui demander pardon, puis user légitimement des moyens que sa divine libéralité nous a fournis. Car si on prie bien Dieu, & qu’on se serve de bons remèdes, il est impossible que la maladie ne cède à leur puissance. Sans le secours divin il est certain que toutes nos actions sont impuissantes, & quelles ne réussissent jamais : rien ne se fait sans la permission divine, soit bien ou mal ; aux gens de bien toutes choses sont bonnes, quoique les ignorants ne le croient pas ainsi : & au contraire aux méchants toutes choses sont méchantes, quoique ce ne soit pas le sentiment du monde aveugle. La fortune & la prospérité mondaine n’est que fumée, il n’y a que la vertu & piété de solide : tout le reste est vain & caduc. Il n’y a donc personne, riche ou pauvre, grand ou petit, qui doive avoir plus de soin d’autre chose que de la vertu & de sa santé. Le Vieil & Nouveau Testament enseignent à servir Dieu sans fallace & sans hypocrisie ; & ce petit Livre enseigne conserver sa santé, & à la recouvrer quand on l’a perdue.
LA MÉDECINE UNIVERSELLE,
OU
VRAI OR POTABLE.
Le remède qui est honoré du titre de Médecine universelle doit être tel, qu’il exerce sa vertu sur les trois règnes des végétaux, animaux & minéraux, & qu’il les puisse secourir dans leurs besoins, s’il n’a pas cette vertu il ne mérite pas le nom de Médecine universelle.
C’est pourquoi traitant de cette Médecine universelle, je suis obligé de montrer qu’elle mérite ce nom, & qu’elle en possède les propriétés. Et il n’est pas seulement nécessaire qu’elle exerce ces vertus sur les trois règnes en général, mais encore en particulier, sans addition d’aucune chose étrangère, & que sans beaucoup de peine, ni de dépense, elle puisse secourir le pauvre & le riche également. Ceux-là donc se trompent lourdement qui s’imaginent que cette Médecine universelle doit être tirée d’ici, & de là en certaines régions, avec grand peine & grand dépense. Cette opinion est tout à fait éloignée de celle des véritables Philosophes, lesquels avouent que la matière de cette médecine, se trouve en tous lieux, & qu’elle peut secourir soute sorte de gens. Mais le monde qui fait l’entendu par son orgueil, & dans les ténèbres, ne peut se persuader qu’il y ait rien de bon dans les choses viles & abjectes ; & laissant les marguerites qui sont devant leurs yeux, s’attachent à des écorces. C’est pourquoi les véritables Philosophes ont raison de dire, que personne n’en ferait état, si on l’appelait par son propre nom. Ce qui est cause qu’ils l’ont enveloppée sous tant d’énigmes, & n’ont pas voulu que leurs écrits aient été pris au pied, de la lettre. Sendivogius dit qu’il a souvent révélé l’art mot à mot à quelques-uns, qui néanmoins sont incrédules, & présomptueux, ne pouvant pas s’imaginer qu’une chose si précieuse soit cachée dans un sujet si méprisable. Il ajoute même que l’art & la matière universelle peuvent plutôt être, touchées que, comprises par l’entendement. Et moi j’assure que cet art est connu de tout le monde, & qu’il n’y a personne qui n’en use : je dis bien plus, qu’un enfant nouveau né ne peut pas vivre sans cette matière universelle. Dans beaucoup de mes écrits, j’ai déjà montré que le nitre se trouvait non seulement dans les végétaux, animaux & minéraux, mais même dans les éléments, & que par conséquent on le peut justement appeler Médecine universelle. Car sans les éléments personne ne peut vivre. Le croira qui voudra. Voilà quant à la matière universelle.
Pour la préparation je l’ai montrée en plusieurs de mes traités, particulièrement dans le Miracle du Monde, & autres qui appartiennent à cet Ouvrage; c’est pourquoi je n’en dirai pas autre chose.
Ici néanmoins j’ajouterai qu’encore que j’aie préparé cette médecine universelle diverses fois, je confesse qu’elle n’a pas toujours répondu à mes souhaits, & que jamais je ne l’ai conduite jusqu’à sa dernière fixation & perfection ; pour ce que le temps, l’occasion, & autres choses m’ont manqué. Or je veux consacrer à l’éternelle mémoire de la postérité les progrès que j’y ai faits, qui sont tels qu’en trois jours je la puis achever ; mon dessein ne tendant à autre chose qu’à la gloire du Tout-puissant, & au soulagement d’une infinité de malades par un secours très présent & très efficace, & n’ayant pas voulu ensevelir avec moi un talent que Dieu m’a donné.
Que personne ne s’imagine d’attraper de moi cette préparation par de belles paroles par des promesses de montagnes d’or, afin de s’en servir par après à vivre dans la volupté & dans l’orgueil, le veux qu’il sache qu’il n’est pas en ma puissance de révéler ce don de Dieu à tout le monde, & que j’aimerais mieux mourir que de le prostituer en le communiquant aux impies. Et quoique j’appelle cette médecine universelle, il ne faut pas pour cela que l’on s’imagine qu’elle serve à la transmutation des métaux imparfaits en or, & que par son moyen on puisse amasser de grands trésors, comme les Philosophes attribuant à leur médecine universelle. Car je ne sais point une telle médecine, ni ne songe à la savoir, rendant grâces à Dieu seul de cette médecine que je tiens de sa bonté pou secourir les pauvres malades. J’avoue même ingénument qu’elle n’a encore servi de rien pour amélioration des métaux, & que pour moi je me contente de trouver ma subsistance pour le vivre & le vêtement. Je ne souhaite point l’abondance des richesses, & je ne demande à Dieu que de n’être pas accablé de pauvreté, ni aussi trop rempli, de peur que l’orgueil ne m’emporte, & que je ne vienne à dire : Qui est le Seigneur ? & quand même je croirais pouvoir tirer un grand profit de cette médecine dans les choses métalliques, néanmoins je n’en ferais rien ; & n’emploierais pas aux biens temporels, ce don de Dieu pour en priver les pauvres malades, en faveur desquels il m’a été donné.
Il pourrait bien arriver peut-être que par la diligence des studieux ma médecine fut poussée à ce point, que d’exercer sa puissance sur les bas métaux, en les perfectionnant & corrigeant avec utilité, mais, Dieu s’est réservé cela, & c’est de lui que devons attendre sa grâce avec patience. Cependant il nous est permis d’user de cette excellente médecine, laquelle montre évidemment la grandeur de l’art, fermant la bouche aux ignorants, & brisant leurs dents médisantes.
Toutefois quelqu’un de ces ignorants pourrait jeter son venin, & demander par quel droit je puis donner le nom d’Universelle à ma Médecine, vu que je confesse qu’elle n’est capable de m’apporter aucun profit des métaux, & quelle remédie seulement aux maladies, & que les Philosophes assurent que la médecine universelle a la vertu de transmuer les métaux en or, avec une grande utilité. A cela je réponds que j’ai déjà déclaré que je n’ai pas eu tout ce qu’il me fallait pour faire la fixation. Mais qui peut savoir ce que le temps nous apportera avec l’aide de Dieu ? On ne reprochera pas à un enfant qui ne vient que de naître, de n’avoir assez d’esprit ou de jugement, pour entreprendre quelque chose de grand. Il faut attendre qu’il soit devenu homme, & qu’il ait la taille & la force convenable, pour engendrer. Ma médecine est tout à fait semblable à cet enfant ; de sorte que si on la cultive philosophiquement, il n’y a point de doute qu’elle ne parvienne à une juste perfection ; les choses qu’elle fait déjà, montrent assez qu’on en peut attendre avec le temps d’autres plus considérables.
Or comme un bon père ne souhaite rien si ardemment, sinon que ses enfants deviennent grands pendant qu’il est en vie, qu’ils se marient heureusement, & qu ils conservent le nom & la race par des successeurs dont il puisse recevoir beaucoup de joie, & toutefois n’a point de certitude de vivre assez longtemps pour jouir de ce bonheur, tellement qu’il doit se confier à Dieu & attendre patiemment les ordres ; comme fit Moïse auquel il montra la terre promise, mais ne lui donna pas assez de vie pour jouir de sa possession : Pareillement Dieu m’a montré la terre promise, mais il n’y a que lui qui sache si je suis digne d’y parvenir pour jouir des fruits agréables qu’elle porte. Il est vrai que sa bonté miséricordieuse m’a donné en ma vieillesse un enfant philosophique dont je reçois beaucoup de contentement : mais je ne sais pas j’aurai assez de vie pour le voir en son âge viril. De même donc qu’un vieillard ayant reçu de la divine, bonté, un héritier pour la propagation de son nom, est ravi d’aise, quoiqu’il ne soit pas assuré de vivre assez pour le voir en sa virilité; je suis aussi ravi d’aise voyant ce mien nouvel enfant philosophique ; quoique peut-être ma vie ne dure pas assez pour le voir en sa perfection. Je ne doute pourtant en nulle façon que Dieu ne lui suscite d’autres pères nourriciers pour l’élever & le conduire jusqu’à la force virile pour la gloire de Dieu, & le soulagement d’une infinité de malades.
Quant au moyen de l’obtenir en sa perfection, je l’ai découvert ça & là, dans mes écrits ou l’occasion a été la plus commode. De sorte que j’estime qu’il serait superflu d’en traiter ici plus au long.
De la nature, forme, propriétés & vertus de mon vrai Or Potable.
Quant à la forme de cet enfant nouveau né, j’avertis le Lecteur gracieux, qu’il n’a pas d’éclat, & qu’il est simple à voir, mais qu’il contient toutes les couleurs du monde cachées en soi, & plus il vieillit, plus sont agréables les couleurs qu’il montre. Le feu lui fournit d’aliment le revêt de diverses couleurs, & le rend fort, superbe & puissant ; tellement qu’on le peut justement appeler son père. Comme il est né de la terre, il l’aime aussi, & s’en sert pour sa nourriture, jusqu’à ce qu’étant parvenu à la maturité de l’âge il devienne semblable à son père, abandonne sa mère, & comme un maître qu’il commande sur ses possessions héréditaires étant encore dans son enfance, il ne montre rien que d’enfantin ; mais bientôt il fera connaître quel homme il sera un jour.
Puis donc qu’un enfant nouvellement né est doué de si grande vertu, que ne ferait-il pas s’il avait atteint la maturité de l’âge ? Il faut voir & entendre ses opérations sur les végétaux, animaux, & minéraux. Parlons premièrement des végétaux.
Comment il faut faire l’épreuve pour connaître si cet Or Potable, ou eau de vie des Philosophes, est la souveraine Médecine des végétaux.
Personne n’ignore que les végétaux dont le propre est de naître & de multiplier, ne doivent aussi être nourris. Or leur nourriture, n’est autre chose qu’un sel soufré, soit qu’il tire, sa naissance des végétaux, animaux ou minéraux, car il n’importe aux végétaux pourvu qu’on leur donne de la nourriture pour croître & multiplier. Le Laboureur engraisse sa terre de fumier, afin que la semence qui est jetée sur cette terre, en puisse tirer le sel, & le convertir en son aliment ; & par ce moyen croître & augmenter. Il n’a point de connaissance d’autre moyen d’engraisser les champs que celui-là.
Mais le véritable Physicien se sert d’autres, excréments, & même des minéraux pour engraisser les terres, dont j’ai parlé ailleurs, & amplement dans mon Miracle du Monde. Vu donc que mon Or Potable est aussi un sel de soufre, mais beaucoup plus puissant & plus efficace, que celui qui est caché dans le fient du bétail, puis qu’il avance merveilleusement bien l’accroissement & la multiplication de tous les végétaux, j’ai cru qu’il était à propos de mettre ici son usage dans l’amélioration des végétaux pour montrer que mon or potable en est la souveraine médecine, laquelle ne fait que commencer dans le fient du bétail, & ensuite exerce ses vertus dans l’opération universelle : car si les fumiers des Chevaux, des vaches & des brebis apportaient aussi bien du remède aux hommes & aux métaux, comme ils font aux végétaux, ils devraient aussi être appelés, universels par cette raison. Mais d’autant qu’ils n’apportent remède qu’aux végétaux, & non aux minéraux, ni aux animaux, avec lesquels ils n’ont aucune affinité, on les met justement au nombre des médecines particulières qui ne sont propres, qu’aux végétaux. Toutefois le sel tiré de ces fumiers, & converti en salpêtre, ce qui est aisé, se laisse transmuer en médecine universelle; mais avant cette transmutation il ne passe pas l’ordre des transmutations particulières. Mais ce mien Or potable mérite le nom de Médecine universelle, vu qu’il est propre, non seulement aux végétaux, mais aux animaux & minéraux. Ce qui sera parfaitement bien montré comme s’ensuit.
Fais-toi faire certains vaisseaux de bonne forte terre, lesquels étant cuits deviennent pierreux. Les meilleures terres entre autres sont celle de Cologne, de Sibourg, Valdenbourg & semblables, fort serrées & ne prenant point d’eau. Si tu n’as pas de cette sorte de terre, tu peux faire tes vaisseaux de verre. Car la terre poreuse, quoique enduite de verre plombé, n’est nullement propre a cela.
C’est pourquoi il est absolument nécessaire d’avoir de bons vaisseaux, & qu’il prenne garde à cet avertissement sur toutes choses. Le vaisseau doit avoir un empan de longueur ou profondeur, & autant de largeur ; que le fond soit percé de quelques trous, comme sont les pots destinés à conserver des fleurs. Les vaisseaux ainsi préparés, & rempli jusqu’au bord du sable clair & maigre, il y faut jeter de trois ou quatre semences des herbes, qu’on a envie de semer, afin que si l’une venait à manquer, les autres puissent pousser. Les semences étant mises dans le sable comme nous avons dit, & arrosées de notre eau universelle, il faut exposer les vaisseaux au Soleil & à l’air, afin que les semences puissent pousser & croître, ce qu’elles feront en peu de jours aussi bien de ce sable que des autres terres, pourvu qu’elles ne soient, pas trop vieilles, ou gâtées. Or sitôt qu’elles se feront élevées de la longueur d’un doigt, il en faut laisser deux ou trois des plus grandes, & des plus fortes, & arracher les autres, de peur que l’une n’empêche de croître l’autre, & qu’elle n’ait pas l’espace requis dans le pot de terre.
Ce même vaisseau plein de terre & de semences doit être mis dans un autre pot fait de pareille sorte terre bien cuite, afin que si par hasard l’eau médicinale venait à pénétrer au travers du sable, elle ne se perde pas, mais qu’étant reçue elle soit remise dans le pot plein de sable. Surtout il faut bien prendre garde que cette eau médicinale ne soit emportée par la pluie, laquelle ôterait aux herbes leur nourriture. Le sable ne doit pas être par trop humecté, mais il le doit être toujours un peu, de crainte que s’il était entièrement sec, ou trop humide, tout le travail ne se gâte par l’excès ou par le défaut du tempérament. Si on observe dûment toutes les choses ordonnées, l’herbe étant née & crue en peu de temps portera des fleurs & des fruits plus prompts & meilleurs, que si elle était sortie d’une autre terre engraissée de fumier. Les couleurs en deviendront plus belles, l’odeur en sera plus forte, & les forces plus grandes, que ces herbes conserveront longtemps comme étant moins corruptibles que les autres. Après que toute l’humeur qu’on y a premièrement versée aura été entièrement consumée par l’air & par le Soleil ; il faut derechef verser sur le sable d’autre eau de pluie, dans laquelle ait dissout un peu d’or potables afin qu’on fournisse d’aliment à l’herbe tant qu’elle croîtra. Si le sable n’est arrosé que de l’eau de pluie seule il n’en sortira rien, ce qui a été connu de tout le monde.
Pareillement toute forte d’herbes & de plantes, peuvent être rendues propres à germer & à croître au milieu de l’Hiver, par le moyen de cette médecine universelle, pourvu que les racines soient arrosées de cette liqueur ainsi dissoute. Les fleurs & les fruits étant plutôt crûs & beaucoup plus excellents que par le moyen du fumier ordinaire. La Médecine universelle a donc cette efficace de soi-même ; mais elle en aura une plus grande si on y ajoute un certain ferment métallique par le moyen duquel les herbes ont plus de vertu. Si on leur ajoute un ferment d’or, les herbes n’auront, pas seulement les vertus de l’or, mais leurs feuilles seront marquées comme de petites taches d’or, qui seront très agréables à voir. Si le ferment est d’argent les herbes en auront les vertus, & seront bigarrées de petites marques d’argent. Par ce moyen les herbes soulageront merveilleusement le coeur & le cerveau, leur communiquant les vertus desdits ferments, savoir d’or & d’argent. Si les personnes puissantes prenaient soin d’élever & de cultiver de telles herbes dans leurs jardins, il est assuré qu’ils en recevraient de grandes commodités pour leur santé. Car sans parler de leur admirable beauté qui réjouit la vue, & de leurs vertus particulières, elles ont cet avantage qu’on s’en peut servir au lieu de mon or potable, dont quelques personnes de qualité pourraient avoir conçu quelque horreur, à la persuasion de leurs Médecins ignorants, lesquels sont si stupides qu’ils condamnent les vertus de ces remèdes illustres, & tâchent par leur médisance d’en détourner leurs maîtres. S’ils usaient donc de ces herbes au lieu de mon or potable, ils seraient exempts d’inquiétude, & par le moyen de ces végétaux jouiraient de la merveilleuse efficace de l’or potable pour la conservation & recouvrement de leur santé.
Non seulement avec l’aide des végétaux, mais encore des animaux le susdit or potable peut être mis en usage très utilement pour le soulagement du genre humain. Ce qui s’exécutera en a manière suivante. Il faut nourrir quelque temps les poules d’avoine, orge, froment ou autre grain macéré dans la liqueur de cette médecine universelle, étant ainsi nourris elles convertiront en leur substance, ces vertus médicinale, & la chair en sera beaucoup meilleure que celle des autres. Si on a soin d’en amasser la fiente & de la mêler avec le sable pour y semer des herbes, elles en deviennent meilleures, d’autant qu’elles s’approprient & convertissent en leur suc, les restes de la liqueur que les poules n’avaient pas consumées, & converties en leur substance. De sorte qu’il ne se perd rien de cette liqueur, mais tout y est grandement utile. En vérité cette transplantation de la médecine universelle, en végétaux, minéraux & animaux, est tout à fait admirable, & les personnes de qualité les plus délicates, s’en peuvent servir en toute sûreté : car voyant que cette médecine loin de nuire aux herbes & aux poules ou poulets, leur communique plus d’efficace, ils croiront sans doute qu’elle doit être aussi profitable aux hommes les plus délicats. Si cette médecine est douée d’une si grande vertu, qu’elle est capable de transmuer dans l’espace de quelques heures un minéral vénéneux tel que le mercure, comme nous verrons bientôt ; certes il faut qu’elle soit tout à fait exempte de venin ; vu que la malignité d’une chose ne corrige point celle de l’autre, mais plutôt la gâte & la rend pire. D’où l’on voit aussi clair que le jour que cet or potable, loin de participer de quelque malignité, est une très salutaire médecine pour toutes choses. S’il se trouve quelqu’un qui n’en veuille rien croire, ou qui ne le puisse pas comprendre, je ne saurais pas lui donner d’autre lumière, ayant proposé ceci avec sincérité. S’il y a quelque chose de mieux, qu’il le débite sans mépriser ce qu’il n’entend pas, afin de ne pas prostituer sa renommée, avec l’imposteur Farnel, & de s’exposer à la risée publique. Je suis bien aise que les autres sachent plus que moi, & je n’ai point de honte d’apprendre quelque chose d’autrui : mais, j’estime être semblable à Farnel le Menteur un ignorant lequel censure mes écrits par envie, sans pouvoir rien mettre au jour, qui vaille mieux. Je ne crois pas que les compagnons de son ignorance veuillent désormais facilement montrer leurs oreilles d’âne, d’autant que leur porte-enseigne a été si malmené, qu’il commerce à s’abstenir de telles folles & malicieuses entreprises.
Si ce n’est que peut-être il sortit des ténèbres quelque nouveau Farnel ou Erostrate lequel veuille s’acquérir de la réputation par ses crimes; mais j’espère qu’il aura la même récompense que les autres, à savoir la honte & le malheur. Ils doivent être comparés à ce ver qui a tant de pieds dont j’ai fait mention dans la seconde partie de ma Pharmacopée Spagyrique.
Ce verre vit pas comme les autres de terre, ou d’herbes, mais il cherche les autres vers gras dans la terre, il s’attache à eux en les mordant, & par le trou qu’il leur fait il suce toute leur graisse, & dont il devient si gras qu’à peine peut il ramper, quoiqu’il ait quantité de pieds. Au Printemps on le voit fort maigre ; l’Été il s’engraisse du suc qu’il tire des autres vers sans pied, & ne sort jamais de-dessous la terre, si ce n’est que quelqu’un de ces vers sans pied ait la force de le sortir, & de lui faire voir le jour afin de ce dépêtrer de lui & de sa morsure. Car quoique ce ver qui n’a point de pied soit dix fois plus grand que l’autre, celui-ci néanmoins lui est si fortement attaché par sa morsure que jamais il ne le quitte, sinon quand il est attiré sur terre. Car d’abord qu’il paraît au jour, & qu’il voit quelqu’un, il lâche le ver, & se remet sous terre, où il cherche un autre ver pour le tourmenter, & lui sucer le sang. Le premier étant délivré & presque partagé de la morsure, se recache sous la terre, & se remet par sa propre force. J’ai souvent remarqué de mes propres yeux le combat de ces insectes, & ayant pris ce ver cruel méchant je l’ai écrasé. Mais j’ai dit, jamais cette forte de vermine ne voit la lumière, s’ils ne sont tirés par les vers auxquels ils s’attachent en les mordant,
Si donc cette vermine à plusieurs pieds se nourrissait de terre comme les autres, & laissait en paix les vers, qui n’ont point de pied, jamais elle ne serait connue, & personne n’en ferait mention. Mais blessant les vers par sa morsure elle manifeste sa malice, & s’acquiert une fort mauvaise réputation. On lui donne le nom de sangsue, qui serait très convenable à Farnel : car comme ce ver avide de sang sans avoir été attaqué par l’autre, le tourmente sous terre jusqu’à ce qu’il le contraigne de sortir au jour : De même Farnel m’a provoqué. S’il se fut contenté de substituer honnêtement, il ne m’aurait pas sucé le sang par sa morsure, venimeuse & je n’aurais pas été contraint de le produire au jour avec ses méchantes actions. Qui aurait jamais connu Farnel s’il ne m’avait attaqué par une horrible perfidie, s’il ne m’avait chargé de mille Calomnies, s’il ne m’avait ôté de la tranquillité où j’étais pour me jeter dans l’inquiétude, & me faire un dommage très considérable ? Comme donc ce ver qui suce le sang fait voir sa cruauté ; comme aussi la propriété des autres vers innocents se manifeste : de même les noires actions de Farnel montrent sa malice extraordinaire. Qui aurait jamais pensé que le ver eut un suc si salutaire, s’il n’avait su qu’ayant été blessé par l’autre, il a la propriété de se remettre par son propre suc ? Si Farnel n’eut pas témoigné d’en vouloir à ma personne & à mes biens, s’il m’eut laissé en repos, sa malice & sa bonté n’auraient pas été connues de tout le monde. Personne n’eut su que c’était un perfide, un voleur, un assassin. Et d’ailleurs personne ne m’eut demandé tant & de si rares secrets que Farnel m’a contraint de révéler par ses calomnies. Ainsi il n’y a rien au monde de si méchant & de si pervers qui ne serve à quelque bien. Si le ver dont nous avons souvent parlé, n’attaquait pas l’autre ver innocent, il ne ferait pas en sorte que la nature d’icelui qui est très salutaire. Farnel m’a attaqué & m’a injurié : il m’a donné occasion de lui répondre & de me défendre, dont beaucoup de secrets ont été mis en lumière. Jamais je n’eusse manifesté la connaissance que j’ai des choses naturelles, & me serais tenu caché comme, le ver, si Farnel qui est une vraie sangsue, ne m’eût ôté de mon repos par sa morsure venimeuse. Que personne ne prenne en mauvaise part cette comparaison qui est convenable à mon propos ; & je ne doute point que plusieurs ne s’étonnent que je parle si clairement de choses si importantes. Il a fallu que je me sois manifesté, autrement le peuple grossier & ignorant, se serait imaginé que Farnel eut été victorieux au lieu qu’il s’est taché d’une infamie éternelle. Tellement qu’un chacun connaîtra sa malice & sa perfidie abominable qui l’ont porté à se moquer de mes écrits, & qu’au contraire j’ai travaillé pour mon prochain. Je n’ai pas voulu passer ces choses sous silence, j’ai cru les devoir découvrir à tout le monde.
Quant à mon Or potable, j’espère qu’il servira de médecine à beaucoup de gens de bien, qu’il me donnera beaucoup de force, & qu’il servira de poison à tous mes ennemis & diaboliques Farnéliens. Car de même que la Cigogne tue les crapauds, serpents & autres insectes venimeux; ainsi cette médecine détruira tellement la race des Farnéliens, qu’il n’en restera pas un seul vestige.
Or afin que personne ne s’étonne ou ne juge absurde de ce que j’écris que mon Or potable donne une nature d’or aux herbes naissantes, je trouve à propos de le confirmer par de véritables Histoires. On lit dans les Chroniques d’Hongrie & de Transylvanie que la terre de ces régions ayant partout dans les montagnes une nature d’or, dont les Mineurs ont tiré une grande quantité depuis mille ans en çà, lequel a été fondu & monnayé, il s’y est souvent trouvé des vignes, desquelles non seulement les feuilles, mais les raisins étaient comme si on les avait dorés.
Ce n’est point un conte de vieille, mais une chose très véritable, au rapport de plusieurs personnes qui demeurent en ces pays-là. Il y a plus de six ans qu’habitant dans la Franconie il m’arriva qu’une vigne aux racines de laquelle j’avais mis de l’or réduit en son premier être, porta des pépins dorés. Ce que j’ai raconté plus au long dans le traité de la Consolation des Navigants. Dernièrement un Gentilhomme de Hongrie, m’assura que proche de Cremnis ville des montagnes d’Hongrie, un villageois trouva un morceau d’or corporel plus long qu’une aulne, lequel était né d’une pierre & était alentour d’icelle. Et ce Gentilhomme m’en donna un petit morceau par curiosité. Mais quand ces histoires ne seraient pas véritables, comme elles sont, néanmoins ce que j’ai attribué à mon or potable, est la pure vérité.
Je ne puis donner d’autre raison touchant ces, feuilles & ces raisins dorés, sinon qu’en ces régions la terre est imprégnée de vapeurs d’or ou du premier être de l’or, n’étant pas encore endurci & coagulé, & que cette pluie d’or étant, menée avec la pluie s’insinue & pénètre dans les racines de la vigne, desquelles elle monte dans les branches & dans les raisins, où elle se rend visible.
Il en arrive de même à mon or potable, lequel étant semblable à quelque or spirituel, s’il est dissout par de l’eau commune de pluie, & mené avec elle, comme le sable où l’on sème des végétaux, s’il est humecté de cette liqueur, il est attiré par les végétaux lesquels tirent leur nourriture du sable, & en étant attiré il les rend participantes de la nature de l’or ; ce qui se voit par expérience.
De ce peu que je viens de dire chacun pourra aisément comprendre que mon or potable est la souveraine médecine des végétaux ; qu’il soit aussi celle des minéraux nous le montrerons en peu de preuves, mais qui sont claires & évidentes.
De l’usage de mon Or potable en la correction des minéraux.
Premièrement il faut savoir, que ledit or potable étant conduit à la perfection qui m’est connue, est semblable à l’eau claire & nette, qu’il pique la langue d’une saveur chaude ignée, & qu’il exhale une odeur soufreuse, mais agréable.
Quelqu’un dira qu’une eau claire de cette sorte ne peut pas avoir beaucoup de force, & demandera pourquoi on l’appelle, or potable, vu qu’il devrait plutôt être rouge ou jaune ? Je réponds que la rougeur ne se voit pas étant cachée dans la blancheur durant sa tendre jeunesse, mais qu’elle se manifeste avec lui parvenant à un plus grand âge par le moyen du feu, & qu’elle fait voir sa beauté avec plus de force, d’efficace : Car voici comme parlent les Philosophes : Si vous ne blanchissez pas notre or, vous ne le pourrez pas rougir, & en autre lieu, si quelqu’un sait détruire l’or, lequel ne soit plus or, celui-là sera parvenu à un grand secret ; & derechef ailleurs, Notre or n’est pas un or vulgaire, mais un or en puissance, non en forme. Toute la troupe des Philosophes est pleine de telles paroles, par où l’on démontre exactement que le vrai or potable ne doit pas être rouge à la vue d’abord, mais qu’il en mérite le nom, pourvu que cette force & efficace rouge soit cachée dans son principe intérieur. Car si la blancheur ne couvrait pas la rougeur, jamais il ne deviendrait rouge. Mon or potable étant coagulé & réduit en stabilité par le feu, se change en pierre de couleur de feu, & ne rend pas l’or corporel dans la fonte, sinon qu’on lui ajoute un corps métallique, il se retire en or spirituel & philosophique, afin qu’i1 devienne corporel.
Mon or potable est un lait virginal, lequel est coagulé par une petite chaleur. Etant coagulé il passe en sang de dragon, lequel étant coagulé doit faire une constante salamandre. Je ne l’ai vraiment jamais encore préparée, ni n’en ai trouvé l’occasion ; mais me contentant de mon lait virginal comme d’une très bonne médecine universelle, j’attends avec patience ce que la bonté divine m’accordera pour l’avenir.
Pour montrer donc que mon or potable est aussi le remède des minéraux, qu’il les corrige & les perfectionne en or, je mettrai ici quelque façons de l’exécuter, tant par la voie sèche, que par la voie humide.
La manière d’éprouver par la voie humide, si mon Or Potable est le vrai or volatil philosophique.
Prends de mon or potable une once. Souviens-toi que le verre doit être rond dans le fond, soit que ce soit une par celle de quelque petit matras ou fiole, afin que le mercure se puisse assembler en un globe au fond, puis mets dans le sable le verre avec l’or potable & le vif-argent jusqu’à la hauteur de la liqueur, fais-le chauffer l’espace d’une heure, tant que le phlegme étant exhalé l’or potable se réduise en sel blanc. Cela fait jette derechef sur ce sel blanc autant d’eau de pluie, qu’il a perdu en cuisant ; ou bien rempli le verre d’eau de pluie jusqu’où il était plein d’or potable, afin que se reposant un peu sur ce sel, ce sel étant dissout elle se convertisse en cet or potable ; ayant les mêmes couleur, saveur & autres qualités & versez dessus qu’il avait auparavant. L’or potable étant versé, le mercure se trouve dur & fixe dans le fond comme de bon or, de la même grandeur qu’il a été mis dans le verre. Remarque bien que si par erreur le vif-argent n’a pas été assez teint, ni conduit au degré qu’il faut, & qu’il soit devenu aucunement noir, il le faut ôter du verre, le mettre dans un petit creuset, & le bien faire rougir au charbon, afin qu’il reçoive la couleur convenable de l’or, répondant au meilleur or des Ducats, lequel sera constant dans les examens. Quant à cet or potable qu’on a employé pour la coagulation du mercure, il peut être souvent employé au même usage, avec cette précaution toutefois, qu’il faut toujours prendre moins de vif argent la seconde fois que la première ; d’autant que l’or potable ayant été mis en usage par ces travaux successif perd peu à peu sa force & sa vigueur.
Cette manière de coaguler le mercure petit être pratiquée aussi dans la coagulation des autres minéraux & métaux, pourvu qu’ils soient réduits en feuilles très déliées, car étant trop épais ils ne peuvent pas entièrement être digérés par l’or potable en si peu de temps pour atteindre un juste degré de perfection ; mais ils demeurent crus au-dedans, & c’est à quoi il faut bien prendre garde. Si ce travail est dûment exécuté, les métaux sont transmués en vrai or, selon la grandeur, la figure & la forme qu’ils auront été mis, l’un toutefois plutôt & plus commodément que l’autre, selon qu’il a plus d’affinité avec l’or : N. B. si le métal n’étant pas bien traité, était encore noir quand on l’a ôté de l’or potable, il le faut bien rougir au feu, afin qu’il prenne la couleur d’or. Celui qui doutera, le doit mettre dans le plomb & le purger par la coupelle, afin qu’il soit certain d’avoir de bon or, & qu’il soit délivré de tout scrupule. Car le saturne & l’antimoine n’ôteront rien à un tel or, ce que l’examen fera voir clairement
La manière de faire l’épreuve par la voie sèche, comment les métaux imparfaits sont transmués par mon Or Potable.
Prenez une once de mon or potable ou lait virginal, & l’ayant mis dans un vaisseau de verre, & dans du sable chaud, fais-en évaporer toute l’humidité, tant qu’il reste demie once de sel blanc. Mets ce sel dans un creuset avec 3j ou 3b d’argent mis en lame, ou de cuivre, ou de fer : Pour l’étain & le plomb, ils n’ont pas besoin d’être mis en lame. Mets le creuset avec le sel & le métal dans les charbons : Le sel étant promptement fondu comme de la cire, pénétrera bientôt tout le métal, & le changera en or, ce qui se fait en un quart ou pour le plus en demie heure. Le sel étant versé hors du creuset, on y trouve la lame du métal, avec la même figure &quantité qu’elle avait quand elle y a été mise, & entièrement changée en pur or, L’étain & le plomb comme étant de facile fonte sont fondus en grains qui ont la nature du pur or. Si le creuset est trop échauffé par l’excessive véhémence du feu, il se peut faire aussi, que l’argent, le cuivre, & le fer s’en aillent en grains ; ce que je n’ai pas voulu céder aux studieux & amateurs de l’Art.
Voila les deux façons d’examiner mon or potable par la voie sèche & par la voie humide, desquelles si tu te sais bien acquitter, tu ne seras point trompé dans ton dessein. Or je n’assure pas que cette transmutation soit lucrative, & j’ai ci-devant ajouté que je ne révélais tout ceci que pour montrer la possibilité de l’art. Car quoique cet or soit véritable & qu’il souffre tous les examens accoutumés, néanmoins il n’apporte aucune utilité, d’autant que l’or potable avant qu’il acquière ce degré de vertu susdite, coûte plus que ne vaut l’or qui a été fait par son moyen.
Et même quand cela apporterait quelque utilité, celui-là toutefois ferait mal qui emploierait une médecine si royale pour avoir si peu d’or, puisqu’on en peut avoir d’ailleurs, ce serait un péché honteux de consumer un remède si excellent pour un peu d’argent qu’on en tirerait; aussi ne l’ai-je pas enseigné à ce dessein, afin qu’on s’en serve à faire de l’or mais pour faire connaître visiblement à tout le monde qu’il se rencontre encore aujourd’hui des hommes, auxquels Dieu a donné l’industrie de préparer d’excellents médicaments. Je ne porte point envie aux autres, s’ils apprennent quelque chose de mes écrits, & s’ils trouvaient occasion de pousser l’ouvrage : Mais je ne veux pas que l’impie s’imagine qu’il a trouvé ici un moyen d’exercer sa méchanceté. Dieu sait bien ce qu’il doit faire en cette rencontre, & non pas à notre fantaisie. Pour la vérité que j’écris, je suis en pouvoir d’en faire la démonstration à toute heure, à quoi je m’arrête.
Je puis bien conjecturer aisément que mes écrits seront censurés par divers jugements, mais je ne le puis empêcher, ni ne m’en soucie, ayant cette consolation d’avoir écrit la vérité, & de la pouvoir défendre en présence de tout le monde. Je sais bien aussi qu’on me pourra objecter que mon or potable n’est qu’une simple solution de l’or commun, laquelle étant jointe aux autres métaux rend l’or qui a été précipité par lesdits métaux, & qui retourne en son premier corps ; de sorte que ce n’est pas un vrai or potable, ni cette transmutation. une véritable transmutation de l’or. Pour réfuter cette objection, je demande ; si l’or corporel commun peut être dissout sans quelque corrosif ? Car ce mien or potable n’a point de corrosion, & c’est une eau ignée tout à fait contraire aux corrosifs, vu que ce n’est autre chose que du nitre fixé, ou du sel sulfureux, avec lesquels l’or commun n’a aucune familiarité, & ils n’ont point assez de, force pour le dissoudre. Si même il se pouvait faire que le corps de l’or commun fut dissout par ces sels fixes, & que mon or potable fut dissout dans une telle solution, il faudrait nécessairement que cette solution d’or prit une couleur jaune ou rouge. Mais il n’en est pas de même de mon or potable, vu qu’il est si clair & net qu’il passe l’eau de fontaine en splendeur & transparence. Joint que la solution de l’or corporel teint les ongles, les mains & les cheveux de couleur noire, ce que ne fait pas mon or potable, & partant il mérite le nom d’or philosophique. Car tous les Philosophes qui ont été les véritables possesseurs de la médecine universelle confessent en termes exprès : Que ni leur or, ni la solution d’icelui, ne teignent les mains d’aucune couleur. Et c’est par cette marque qu’ils distinguent l’or vulgaire d’avec l’or philosophique. De là il s’ensuit nécessairement que mon or potable a été préparé avec l’or philosophique, puisqu’il ne teint les mains d’aucune couleur.
Or je veux bien que la solution de l’or vulgaire n’ait pas été faite par le moyen de quelque menstrue corrosif, comme la mienne ne l’est pas. Toutefois dans la digestion elle ne teindrait pas & ne transmuerait pas les métaux imparfaits & le vif-argent du commun ; mais, à la façon de toutes les autres solutions, elle couvrirait seulement la superficie d’iceux de la couleur de l’or précipité ; telle que se peut préparer une poudre avec l’or commun, dont j’ai décrit la manière. Lorsque l’argent en est couvert, il est aussi bien doré, que s’il l’avait été avec du vif-argent commun & avec de l’or : Il n’y a donc que la superficie qui est dorée, mais l’argent ne se change point & demeure en son premier état. Ainsi l’or étant dissout dans l’esprit de sel dore la superficie de quelque fer que ce soit avec l’assistance du vitriol de Vénus ; mais le fer retient sa nature & sa propriété. Si on verse abondamment de l’eau dans cette solution, & qu’on y mette de l’étain, du plomb, du fer ou du bismuth, l’or étant précipité par une eau corrosive a accoutumé de d’attacher au métal comme à une éponge poreuse. Et aussitôt que vous remuez l’eau, l’or précipite qui ressemble à du limon trouble & grossier se disperse dans l’eau, & le métal qui a été mis reste comme il était auparavant sans aucune transmutation.
Il est constant que si le corps entier des métaux imparfaits prenait la teinture par le moyen de la solution de l’or commun, ce qui est impossible, certainement si on frottait la superficie des métaux & principalement de la Lune, de cette solution, l’extérieur en paraîtrait doré ; ce que ne fait point mon or potable ; mais si on en frotte de l’argent, il le varie d’autant de couleurs qu’il en parait dans la queue d’un Paon ; tellement qu’on ne les peut effacer qu’avec difficulté, ce qui est une preuve indubitable de l’excellence de mon or potable, qui est le vrai or des Philosophes.
Si on me faisait d’autres objections je les pourrais aisément détruire, mais je ne crois point qu’il y ait personne si téméraire qui se veuille opposer à des choses généralement approuvées, à moins que de pouvoir apporter quelque chose de mieux. Que s’il se trouve quelqu’un qui apporte quelque chose de mieux, il aura aussi connaissance de ce que je dis, & ne le méprisera pas. L’ignorant ne fait aucun discernement des bonnes choses. Témoin Farnel dont sous avons parlé jusqu’à nous dégoûter; Quiconque doutera de ceci qu’il en faite l’expérience ; que s’il refuse de la faire, qu’il s’abstienne de porter jugement de moi, de peur d’être soumis aux jugements des autres qui le déclareront un vrai sot & ignorant. C’est assez pour les sages ; les fols ne profitent jamais de la doctrine.
Que les ignorants donc disputent & jugent mal tant qu’ils voudront de mon or potable, je leur répète toujours cette même chanson : si vous avez quelque chose de meilleur, produisez-le, & le soumettez aux examens requis, sinon tairez-vous, & ne méprisez pas ce que votre entendement grossier ne saurait comprendre.
De l’usage de mon Or Potable en la Médecine.
Quel besoin est-il que je publie les admirables vertus de mon or potable dans la médecine ? Je ne pense qu’il soit nécessaire d’en composer un grand volume : car cela nuit plutôt que cela ne profite. Et l’on a une telle maladie d’écrire, qu’ on attribue quelquefois à un méchant vin brûlé les vertus qu’a peine attribuerait-on à l’or potable. Il est fort assuré, que parfois dans une chose vile & abjecte, il y a plus de vertu cachée que dans les choses les plus précieuses ; mais comme chacun ne fait pas discerner le vrai d’avec le faux & qu’il est contraint d’ajouter foi à ce qu’il entend dire, il est impossible qu’il ne se trompe souvent, & qu’il ne prenne le bien pour le mal ; à quoi l’examen sert de remède, pour la recherche de la vérité.
Si je voulais décrire soigneusement les forces de mon or potable, il me faudrait composer un grand volume, ce que je ne dois pas faire en ce lieu, mais bientôt je mettrai en lumière un Livre où j’en traiterai, & de plusieurs autres de mes médicaments, sous le titre de la Pharmacopée de Glauber. Ici je dirai brièvement l’usage de mon or potable.
Puis donc que mon or potable, comme je l’ai souvent répété, est un feu concentré, réduit en forme liquide ; & que toute fois essence est semblable à un feu tendre, pénétrant, sans, flamme, chacun, peut aisément conjecturer à quoi il est propre dans la médecine.
De tous les éléments le plus pur, le plus subtil, le plus pénétrant & le plus, efficace est le feu, c’est ce que tout le monde avoue. Car la force du feu, qui est la chaleur, pénètre les corps les plus épais comme sont les métaux & le verre ; Il n’y a rien qui lui puisse fermer le passage, l’eau, la terre, & l’air, sont facilement repoussés. Dieu tout puissant est comparé au feu, de qui toutes choses reçoivent l’esprit & la vie, sans qui rien ne peut vivre ni se mouvoir, toutes choses étant dures, mortes & froides sans lui, comme il se voit par les corps des hommes & des autres animaux, lesquels pendant qu’ils sont en vie, sont toujours chauds, & quand ils sont morts, ils sont plus froids que la glace.
Pendant que cette étincelle de vie est entretenue par les aliments convenables, elle dure en sa vigueur dans les animaux ; mais aussitôt qu’elle commence à manquer de nourriture, elle fait comme une lampe qui s’éteint à faute d’huile. Puis donc que la vie de l’homme n’étant qu’un vrai feu se soutient par le boire, & par le manger, comme la lampe, laquelle sans l’huile & sans l’air qui est nécessaire à l’entretien du feu & de la vie, ne peut conserver sa lumière. Quelqu’un pourrait demander pourquoi les hommes sont si aisément attaqués de maladies, vu qu’ils ne manquent pas de bonne nourriture ? Je réponds à cela, que les humeurs grossières, crues, & tenaces, bouchent les, passages aux esprits & à la chaleur de vie ; tellement que cette pourriture lui manquant il faut qu’elle en soit dépouillée. Pour nous servir toujours de la comparaison de la lampe allumée, oui voit que la mécher ou lumignon étant environné des fèces d’une huile impure, ne reçoit rien qui la puisse faire brûler, au contraire il est cause qu’elle se meurt quoiqu’il y ait assez d’huile. Ainsi quoiqu’on mette au pied d’un vieil arbre beaucoup de fumier, la végétation n’est pas perpétuelle ; mais enfin toutes choses meurent. Les humeurs crues, grossières, & tenaces qui se mêlent dans les racines & leur ôtent le passage de la pourriture, sont cause de la mort aux plantes, comme aux hommes & aux lampes, en la manière susdite.
Dieu a voulu donner un tel ordre à toutes choses qu’ayant leurs causes naturelles, elles tendissent toutes à leur fin, & courussent à leur destruction, afin qu’il n’y eut rien de stable & de consistant que l’éternité.
L’eau la plus claire passant par des canaux & par des conduits de bois les remplit enfin de limon par succession de temps, les rétrécit, & se bouche elle, même le passage. C’est ce que fait l’eau claire & froide des fontaines. Pour la chaude elle va bien encore plus vite, comme il se voit aux bains sulfureux, où il faut très souvent ouvrir & nettoyer les canaux & aqueducs, afin que l’eau puisse librement couler, mais cela arrive encore plus vite en ces eaux chaudes, lesquelles venant à se refroidir laissent des fèces dans les vaisseaux & les bouchent. Il en arrive le même dans les vaisseaux ouverts, lorsqu’une eau claire est souvent échauffée, & autant de fois refroidie : car enfin aux parties intérieures du vaisseau s’attache un limon tenace, lequel par longueur, de temps se convertit en une dure pierre. Si l’eau de fontaine la plus claire & transparente fait ce que nous venons de dire, que pensez-vous que doivent faire celle qui est trouble, grossière & limoneuse de sa nature ? C’est par cette raison que non seulement les vins nouveaux envoient au fond du tonneau leurs fèces, & attachent leur tartre aux côtés, mais encore les vins vieux en font de même, quoique non pas en si grande quantité.
Aussi lorsque les hommes boivent des liqueurs troubles, il arrive nécessairement que leurs parties internes étant remplies des fèces leur ôtent la nourriture de la vie, comme l’huile grossière ôte celle de la lumière à la lampe. Car tout ce que les hommes mangent & boivent tous les jours, bouche enfin par succession de temps les passages des viscères & privent le feu vital de sa nourriture. Plutôt donc cette nourriture de vie est-elle ôtée, & plutôt s’éteint la lumière ou feu vital, & plutôt s’approche & se rend maîtresse la mort froide & ténébreuse. Ce qui a donné lieu aux vieux proverbes : Mange choses cuites, bois choses claires, & dis la vérité pour vivre longuement. Quelqu’un dira : j’éviterai donc les boissons troubles, je ne mangerai rien qui ne soit bien cuit & bien apprêté, afin de jouir heureusement d’une longue vie. Cela va fort bien, vu que pour la conservation de la santé, il n’y a rien de meilleur que de vivre sobrement, & d’éviter les viandes & boissons crues & grossières : mais il ne s’ensuit pas pour cela qu’on ne soit enfin sujet aux maladies & à la mort. Car il n’y a point de viande si bien cuite, ni de boisson si claire, qui n’apporte avec soi les fèces cachées, dont par longueur de temps les vaisseaux intérieurs ne soient remplis & bouchés, d’où viennent les maladies, comme nous avons montré par l’exemple de l’eau de fontaine la plus claire & la plus nette. De même les arbres qui sont au sommet des montagnes les plus hautes, quoiqu’ils se nourrissent d’eau de pluie très claire, sont néanmoins contraints de mourir ; la nourriture leur étant ôtée parce que les passages des racines sont bouchés.
Je ne veux pas dire qu’un chêne ou autre arbre sauvage qui n’est nourri que de l’eau de pluie & des feuilles, qui tombent tous les ans ne dure plus longtemps, qu’un arbre fruitier lequel dans les vergers est cultivé avec grand soin. Car on sait que souvent un chêne dure jusqu’à mille ans, là où un arbre bien cultivé à peine durera-il cent ans. Ce qui doit être attribué à la différence de nourriture. Les cerfs vivants dans les forêts & les corbeaux dans l’air, peuvent vivre au-delà de cent ans ; mais s’ils sont privés, quoique parfaitement bien nourris, ils ne passeront pas cinquante ans. Il est très constant & manifeste que si les hommes ne vivaient que de pain & d’eau, ils allongeraient leur vie de beaucoup d’années, au lieu de vivre délicatement ; personne néanmoins ne s’en soucie, & l’on aime mieux vivre délicieusement, ce qui charge la nature, cause des obstructions dans les entrailles ; & par conséquent les maladies. Un arbre qui est trop engraissé de fumier, attire une humeur qui bouche les racines, les empêche d’envoyer de la nourriture au tronc & aux branches, ce qui cause la mort. Mais direz-vous que faut-il donc faire ? Si les obstructions causent les maladies, n’y a-il point de remède pour les prévenir ou pour les ôter ? Je dis que l’un & l’autre sont possibles, qu’on les peut prévenir, & les ôter entièrement, par des remèdes amis de la nature, & contraires aux choses qui engendrent les obstructions. Car les humeurs froides, impures & tenaces, doive n’être atténués, incisées, ouvertes par des remèdes chauds, pénétrants, & ignées, ce que l’expérience nous a enseigné il y a très longtemps. Les plus assurés & les plus efficaces de tous ces remèdes sont l’esprit volatil de sel commun, ou de vitriol qui ne soit pas corrosif, l’esprit volatil de tartre cru ; l’esprit de nitre & de sel armoniac, & autres semblables esprits ignées qui sont très propres à chasser ces obstructions.
Or d’autant qu’ordinairement ces esprits volatils n’attaquent & ne résolvent que les obstructions récentes & qui ne sont pas encore confirmées, mais ils n’ont pas assez de force pour vaincre chasser celles qui sont invétérées, lesquelles désirent des médicaments qui leur ressemblent & qui soient fixes. C’est de quoi tous les experts Médecins tombent d’accord, & toute la finesse de la Médecine consiste à pouvoir chasser non seulement les nouvelles, mais les vieilles obstructions. Les herbes & choses semblables n’en peuvent point venir à bout, vu que personne n’en peut être guéri. Car après que le malade s’est longtemps servi de remèdes palliatifs, après avoir avalé beaucoup de potions, la mort vient enfin l’enlever, laquelle il eût néanmoins évité par quelque bon remède. Comment se pourrait-il faire qu’une médecine froide, grossière, crue, & mal préparée, pût emporter des humeurs froides, grossières, & les pût avoir, échauffées incisées & ramollies ? Ce serait la même chose que si quelqu’un voulait faire fondre un morceau de glace avec un autre morceau de la même glace, au lieu de se servir de quelque chose de chaud. C’est pourquoi pour échauffer, exténuer & emporter ces froides & tenaces obstructions, il faut user de quelque médicament ignée, vif & pénétrant, & bannir les sirops, conserves & juleps comme choses froides, mortes & aqueuses.
Je ne puis considérer sans étonnement que les hommes fassent si peu d’état de la vie par une pure ignorance. Mais cet aveuglement se trouve surtout en ces pauvres idiots qui sont obligés de croire tout ce qu’ils entendent dire, & s’abandonnent entièrement au temps & au hasard. A quoi Dieu peut-être remédiera un jour par sa bonté.
Nous concluons donc, & nous arrêtons que la principale cause de la mort sont les humeurs grossières, visqueuses, lesquelles occupent peu à peu les viscères, les bouchent, & ôtent sa nourriture à l’humide radical, & enfin après avoir débilité le feu vital, l’éteignent entièrement.
Pour les ôter & les dissiper, il n’y a point d’autre remède que de tenir ouverts & nets, les passages & conduits des viscères internes, ou de les ouvrir s’ils sont déjà bouchés.
C’est à quoi est propre mon or potable, & il n’y a point de médecine qui le puisse mieux faire. Car c’est une essence subtile, ignée & pénétrante de sa nature, échauffant les choses froides, atténuant les grossières, incisant les visqueuses, consumant & desséchant toutes les humeurs ; de sorte qu’étant mises en usage elle empêche & prévient toute sorte d’obstructions, ramollit & incise celles qui sont déjà formées. Joint qu’elle surpasse tous les autres remèdes à fortifier l’esprit vital, & à le conserver en son entier, & par conséquent digne d’être, estimée & appelée le centre concentré de tous les médicaments. Car toutes les vertus qui sont éparses dans les végétaux, animaux, & minéraux, se trouvent concentrées en cette médecine & lui acquièrent justement le titre de Médecine universelle, laquelle ne surpasse pas seulement les autres en promptitude d’opération quant à la guérison du corps humain, mais encore quant à la correction & amélioration des végétaux & des minéraux.
Que si elle n’avait, ces excellentes vertus que pour les maladies des hommes, & qu’elle ne fit rien sur les végétaux & minéraux, elle ne pourrait pas mériter le nom de Médecine universelle, & ne serait mise qu’au rang des remèdes particuliers comme n’étant capable que de remédier aux maladies des animaux seulement.
Il est vrai que les Philosophes attribuent à leur Médecine universelle la guérison de toutes les maladies du genre humain, & la correction des métaux imparfaits, & même la puissance de les transmuer en or parfait ; mais quant aux végétaux, ils n’en disent mot. Je ne sais pas pourquoi, & je ne crois pas nécessaire d’en déclarer la cause, vu qu’il me suffit de dire que la mienne passe plus outre & qu’elle fait le même effet sur les végétaux.
Je veux toutefois qu’un chacun prenne bien le sens de mes paroles, & qu’il ne m’estime pas si simple, que je fasse comparaison de mon or potable, avec la grande pierre des Philosophes, laquelle convertit en pur or une grande quantité de métaux imparfaits, par le moyen de la projection. Car je n’attribue pas de si grandes vertus à ma médecine, je ne voudrais pas pourtant assurer, qu’avec le temps il ne s’en puisse tirer quelque chose de mieux. je n’ai pas encore atteint jusque là, & peut-être n’y parviendrai-je jamais. Cela n’est pas en ma puissance, mais en celle de Dieu qui le peut accorder à qui bon lui semble. Cependant je rends grâces au Père céleste pour ce grand don que je tiens de lui, moi qui suis indigne de ce royal enfant qu’il m’a donné. Or je ne sais pas si ce même Père divin voudra étendre sa grâce sur moi, afin de conduire cet enfant jusqu’à l’âge viril, & lui mettre la couronne d’honneur & de gloire. Cela dépend de lui qui peut tout donner & tout ôter selon sa volonté.
Tout ce que j’ai mis ici par écrit est conforme à la pure vérité, & n’a d’autre fin que la gloire & l’honneur de Dieu, avec la manifestation de ses œuvres admirables. Puis ensuite la santé des hommes, afin que le talent que Dieu m’a confié produise des fruits convenables, & soit employé à l’avantage de mon prochain.
Or les Philosophes attribuent à leur médecine la puissance de faire de toute sorte de pierres à feu des pierres précieuses de toutes couleurs ressemblant aux Naturelles. Quelqu’un en demandera autant de mon or potable, auquel je réponds derechef, que mon or potable est encore imparfait & dans son enfance, lequel étant parvenu à la perfection par le moyen du feu, sera peut-être un jour capable de faire le même effet. Dans l’état où il est à présent par mon industrie, dans un creuset couvert en trois heures de temps il se change en une pierre transparente rouge comme sang, & semblable à un rubis, duquel si l’on en jette un petit morceau dans du verre fondu, il le rend vert, jaune, bleu, ou noir, selon qu’il est jeté en plu grande ou moindre quantité, ou qu’il est plus longtemps conservé dans le flux. Que si il fait ce n’étant pas encore fixe ni mûr, on peut aisément conjecturer, ce qu’il fera lorsqu’il sera porté à une parfaite constance dans le feu.
Au reste il teint de diverses couleurs en peu d’heures quelques espèces de cailloux blancs dans le feu, & change même le soufre en très bon or, c’est une vérité, laquelle me ravit en admiration sur tout ce que j’ai jamais ouï dire.
Et je crois être à propos de déclarer comment cela est venu à ma connaissance. J’avais mis sur le sable quelques onces de mon or potable, lesquelles étaient dans de la porcelaine, afin que le phlegme étant évaporé, Je le pusse réduire en sel. La chaleur du feu s’étant trop augmentée en mon absence, une bonne partie de la liqueur sortit de la porcelaine par ébullition, & se répandit dans le sable. M’approchant pour voir ce qui était, je trouvai que la liqueur répandue s’était cachée dans le sable chaud. Ayant ôté le sable qui s’était assemblé en un corps avec l’or potable, & l’ayant mis dans un verre, j’y versai de l’eau de pluie, & je mis le verre sur le sable chaud. Je versais par après avec un entonnoir, l’eau qui avait attiré le sel ; & par ce moyen filtrant la liqueur qui était imprégnée du sel, & qui sans changer de couleur ni de saveur, était passée claire transparente, je la séparai du sable. Or je fus bien surpris d’étonnement, quand je vis que ce sable, lequel était blanc auparavant, était devenu comme rouge, pour ce que l’or potable teignait même le sable. L’ayant mis à examen dans la coupelle, il me rendit de l’or tout pur, ce qui me surprit encore davantage, car c’est une transmutation merveilleuse, dont je n’ai jamais ouï parler. Cela me persuade qu’un morceau de, cristal pourrait être digéré dans cet or potable en pierre précieuse, quoique je n’en aie jamais fait l’essai, que je ferai néanmoins, si Dieu me conserve la vie.
Après le susdit essai je conjecturai que le sable où j’avais semé des herbes, & que j’avais arrosé de mon or potable, n’avait pas entièrement communiqué aux herbes les vertus & les qualités de l’or, mais qu’il en avait retenu la principale partie pour sa correction, & qu’il n’en avait donné aux herbes que la moindre. Cette conjecture ne me trompa pas; car me servant de l’occasion je trouvai la chose véritable. C’est pourquoi dorénavant je ne me suis plus servi de sable pour donner aux herbes les vertus & les propriétés de l’or, mais en sa place je me suis servi des raclures de bois, dans lesquelles j’ai commencé à semer des herbes. Car le bois n’a pas la même force que le sable, pour tirer également l’essence de l’or potable. Ainsi donc un bois pourri, où les raclures du bois seront plus, propres à cette sorte de production, que le sable même, lequel s’attire les principales vertus de l’or potable, s’en sert pour se corriger, & laisse le peu qui en reste aux végétaux, faisant à l’ordinaire des hommes, dont chacun est le-plus proche à soi-même. Si je n’eusse pris garde à cela par hasard, le sable m’eût ôté beaucoup de profit, n’eut laissé que fort peu aux végétaux, & eut pris le meilleur pour soi.
Il ne faut pas faire ici une chose digne d’être sue ; c’est que les herbes qui naissent par le secours de mon or potable sont toujours plus fortes & plus grandes, que les herbes communes, & les surpassent en couleur, saveur, odeur, & autres vertus. La raison est d’autant que la susdite Médecine universelle, n’est qu’un feu, lequel communique sa vigueur ignée aux végétaux, & aux minéraux. Car c’est une chose assez connue que plus les régions sont chaudes, plus sont efficaces les herbes qu’elles produisent. Les herbes qui naissent dans les régions les plus humides de la Flandre, ne sont pas comparables en odeur, ni en saveur, ni en force à celles qui croissent dans la haute Allemagne dont le sol est plus chaud & plus sec. La haute Allemagne ne produit pas des herbes de si grande vertu, que la France dont l’air est plus chaud & plus sec que celui de l’Allemagne ; ou à peine le romarin peut-il être exempt des injures de l’Hiver ; dans les déserts de la France, il croît en telle abondance qu’il devient grand comme un arbre, & met a l’abri de la pluie, ceux qui se mettent dessous. On porte en Allemagne, en Flandre, & autres pays d’excellent miel de Marseille, où les Abeilles le forment du suc des fleurs de romarin, pour en faire de bon vin miellé, ou des confitures de fruits & de fleurs. Pour le miel que les Abeilles ramassent dans les prairies humides & marécageuses de Hollande, & de Frise, il n’a presque point d’odeur, mais il surpasse en bonté celui qu’elles composent des fleurs des arbres sauvages & de celles qui se trouvent dans les déserts.
Ce qui montre clairement que les vertus des herbes sont bien différentes, & que ceux-là se trompent bien, lesquels mettant indifféremment toutes les herbes de l’Europe en même catégorie, attribuent les mêmes vertus aux herbes, des pays Septentrionaux, comme Danemark, Norvège, Suède & Pologne, que les anciens Médecins ont attribué aux leurs. Les nouveaux Galénistes en font autant, lesquels assurent que les herbes humides dans ces froides régions égalent en vertu celles dont les anciens Médecins ont fait mention. Or l’expérience fait voir les abus qu’ils commettent dans l’usage de leurs herbes,
Avicenne, Averroès, Æginete, dont Galien a été le compilateur, n’ont pas été Allemands, Suédois, ni Polonais, ayant été habitants de ces chaudes régions, dans lesquelles le sel étant échauffé jour & nuit des rayons du Soleil, doué des propriétés de l’or communique une merveilleuse vertu aux herbes. C’est donc une erreur grossière, que d’attribuer les mêmes qualités aux herbes de nos Froides régions., Or par le moyen de l’art, il se peut faire que les herbes des pays les plus froids aient les mêmes vertus que ces Arabes attribuent aux leurs. Tous les Philosophes disent que l’art commence, où la nature finit. Et sur tout Hermès qui en est comme le père, dit clairement, en sa Table Emeraudine : C’est une vérité très certaine, ce qui est supérieur, est comme ce qui est si inférieur, & du rebours pour exécuter les miracles d’une seule chose.
Quoique ces paroles se puissent expliquer diversement ; toutefois leur sens général ne regarde que le Soleil supérieur & inférieur, qui engendre & perfectionne toutes choses. Nous ne pouvons en aucune manière attirer à nous le Soleil supérieur, & moins lui commander de rendre nos terres susceptibles de la chaleur de ses rayons, & de remplir les herbes qu’elles produisent des mêmes, vertus, que possèdent celles d’Arabie. Il ne nous connaît point, mais il continue sa course ordinaire, & fait la fonction que Dieu lui a ordonnée. Si nous voulons. corriger les dons de la nature, il faut s’adresser à l’art qui en est l’imitateur, & savoir, s’il nous voudra prêter son assistance. Ce qu’il fera aisément, c’est-à-dire, que la terre d’Europe produise des herbes aussi, efficaces, que celle d’Arabie, & même à peu de frais ; de sorte qu’il n’est pas besoin d’y employer mon or potable qui coûte davantage. Car l’eau sulfureuse salée & fluide, fera le même effet, vu que dans le sel & dans le soufre, se trouvent les rayons solaires pleinement concentrés & coagulés. C’est notre Soleil terrestre, par 1a vertu duquel toutes choses sont animées ; que si nous savions l’appliquer dûment aux végétaux, nous ferions avec le secours de l’art la même chose que fait le Soleil supérieur & naturel dans les herbes. Celui qui n’entend pas ces paroles ne doit pas être mis au rang des Philosophes, il suit des Docteurs aveugles, & entraîne avec soi dans les ténèbres du précipice. Le Soleil qui fait sa course dans le Ciel ne peut être rendu ni plus grand, ni plus petit. Pour le Soleil inférieur, nous le tenons entre nos mains, & nous le pouvons accommoder aux herbes selon notre fantaisie.
D’où vient que l’art surpasse la nature, si nous en savons bien user. Mais cette dissertation s’étend plus avant que je ne pensais, & sa longueur m’avertit de m’arrêter. Les longues oreilles d’un âne ne deviennent pas plus courtes par un long discours, & un Ethiopien ne devient pas plus blanc pour être incessamment lavé.
Toutefois afin que chacun voie que je n’ai déclaré que là vérité, & que je l’explique encore plus clairement il faut encore découvrir d’autres choses pour en faire l’essai si on veut. Coagule mon or potable en sel rouge, & en jette 3, 4, 5, 6, 8, ou 12 grains, plus ou moins sur demie once de verre de cristal fondu dans un creuset, afin de fondre ce qui sera sur la superficie; cela étant fait, le verre attirera bientôt une teinture, & se couvrira d’une couleur de jacinthe si belle, qu’elle ne cédera en rien à la couleur naturelle dudit jacinthe. N. B. si on prête la fusion par un feu plus long, le verre se teindra de couleur d’or, verte, bleue, & enfin noire, si on le laisse trop longtemps dans le feu. Celui qui voudra faire un rubis, qu’il mette dans un creuset net & couvert de l’or potable coagulé seul sans addition d’aucune chose, qu’il le laisse dans la fusion l’espace de quelques heures & il aura un verre de couleur de sang, lequel sera si beau, qu’à le voir seulement il sera capable de remettre & réjouir un homme accablé d’affaires & de soucis.
Chacun peut aisément conjecturer en quel état se trouve celui lequel après plusieurs travaux, & après avoir attendu la bénédiction de Dieu, voit enfin la possibilité de la chose qu’il a recherchée avec tant de soin. Moïse fut ravi de voir seulement la Terre promise, quoi qu’il n’y entra pas. Quelle fut la joie de ce saint vieillard Simon, lorsque étant entré dans le Temple par une inspiration divine, il prit le petit Jésus entre ses bras, & dit : Seigneur, laissez maintenant aller votre serviteur en paix, d’autant que mes yeux ont vu mon Sauveur. Je crois que personne ne se scandalisera de cette comparaison. Car mon enfant c’est la boue. Or comme l’enfant Jésus n’étant pas encore en âge de pouvoir parler, prêcher, ni de faire des miracles, était néanmoins semblable aux autres enfants quant à l’extérieur, & personne ne savait ce qu’il devait un jour devenir, jusqu’à ce qu’étant parvenu à l’âgé viril il fit de grands miracles, & ce par la raison que l’essence divine étant cachée en lui de toute éternité, se manifesta par succession de temps. Aussi personne ne sait-il quelles couleurs & quelle figure doit avoir la plante qui est à naître de quelque semence, enfin en naissant elle manifeste ce qu’elle cachait en elle-même.
De même le véritable premier être de l’or caché dans mon or potable, n’est pas visible aux yeux, & moins encore ce que l’art en peut faire, avant qu’il ait acquis sa fixation par le moyen du feu. Il faut donc attendre patiemment que cet enfant soit crû, & qu’étant parvenu à l’âge viril, il fasse des actions viriles. Qui est-ce qui croirait que toute l’essence d’un oiseau avec les plumes, & tout ce qui lui appartient, fut cachée dans un œuf, si la chose n’était connue de tout le monde? Si on boit trop grande quantité de moût, il nuit à l’estomac, & excite la colique ; mais quand il est changé en vin fort & clair, il fortifie l’estomac, & produit les forces qu’il tenait cachées auparavant. Celui qui connaît la semence végétable, l’œuf animal, & le premier être minéral, celui-là sait que de la semence doit naître l’herbe, de l’œuf l’oiseau, & du premier être des minéraux, la médecine universelle. Or celui qui n’est pas capable de ce raisonnement, & qui méprise la semence, l’œuf & le premier être des minéraux, qui font le sel, & le soufre, celui-là sans y penser rejette aussi l’herbe qui est cachée, l’oiseau, & la médecine universelle. C’est pourquoi personne ne doit mépriser ce qu’il n’entend pas. Afin de donner l’intelligence de l’affaire, je dis que le premier être de l’or cache la médecine universelle, laquelle le temps, l’art & la nature, produisent en lumière réellement. Par ainsi on ne doit pas se moquer de mon or potable, pour être encore dans son enfance, & ressembler à de l’eau salée commune ; mais au contraire on doit s’imaginer qu’étant semblable au blanc d’œuf, il contient dans son intérieur le jaune qui produira un jour un bel oiseau.
C’est assez parlé de la nature & des propriétés de mon or potable ; Bientôt je ferai imprimer l’usage d’icelui entre mes principaux remèdes. Cependant quiconque s’en voudra servir, il le pourra faire en toute sûreté, vu qu’il ne fait aucun effet qui ne profite au corps humain, en fortifiant l’humide radical, dont la vie de l’homme est entretenue, comme nous avons montré en l’exemple de la lampe. Mais il en faut user avec précaution ; car comme c’est un feu tout pur, on le doit employer avec mesure. Au commencement il en faut donner au malade une ou deux gouttes dans du vin, de la bière, ou autre boisson, & surtout très utilement dans l’esprit de vin : le jour ensuivant, il faudra ajouter une gouttelette, & une autre les jours d’après, tant qu’elle purge par les urines & par les sueurs, & quelquefois aussi légèrement par les selles. Cette opération étant faite, il faut diminuer aussi les doses tous les jours, tant que la maladie étant emportée, on ne veuille plus user du remède. Toutes choses étant dûment faites, on verra qu’il n’y a point de mal qui ne soit chassé & comme consumé par cette médecine, comme, le bois l’est par le feu ardent ; de sorte que tout est réduit en rien, à la réserve du sel fixe. Car comme nous avons montré ci-devant, toutes des maladies tirent leur origine des humeurs, auxquelles rien ne peut remédier plus commodément, & sûrement, que cet or potable qui les ouvre, incise, consume & chasse, de même que le Soleil consume & fait évaporer l’eau dans un vaisseau. Tellement qu’elle guérit & prévient la lèpre, la vérole, la fièvre quarte, & autres, le scorbut, l’épilepsie, l’apoplexie, la mélancolie hypocondriaque, le calcul des reins & de la vessie, la goutte, & toutes les maladies de la matrice tant connues qu’inconnues, & même aussi la peste. Il n’y a que le phlegme excessif qui s’en va en pourriture. Ainsi on voit qu’une personne sanguine d’un tempérament un peu sec, se porte mieux qu’un flegmatique. Le sucre étant, sec dure beaucoup d’années, s’il est humecté il devient aigre & moisi quoiqu’on y mette du sel pour le conserver.
L’humidité superflue ouvre donc la porte à la mort, pour attaquer la vie ; & au contraire une sécheresse chaude & tempérée, conserve toutes choses en bon état, & empêche la corruption. Quoiqu’une maison soit belle & magnifique, le toit étant entrouvert & fendu il reçoit la pluie de tous côtés qui le corrompt & le pourrit ; que si on ferme les trous par lesquels la pluie est entrée, & qu’on en ouvre d’autres par lesquels l’air chaud puisse entrer pour dessécher l’humidité, la maison pourra, être conservée. Les hommes qui vivent dans des lieux humides & marécageux, & dont le boire & le manger sont aqueux, ne font pas ordinairement de bon tempérament, étant tourmenté de fluxions & de scorbut. Au contraire ceux qui habitent les montagnes & lieux élevés, jouissent d’un air plus pur & plus sec, se nourrissent de viandes plus propres à la santé, ne savent que c’est de ces maladies qui proviennent d’humidité, sont robustes & ont la chair dure & épaisse. Cette différence ne s’aperçoit pas seulement aux hommes ; mais encore, toutes les autres choses. Car non seulement le pain, la chair, le fruit & autres aliments, se moisissent & corrompent beaucoup plutôt dans les lieux humides, mais aussi les métaux mêmes, fer, cuivre, étain, & autres semblables n’évitent pas la corruption, de l’air humide, & sont couverts de rouille ce qui ne leur arrive pas si aisément dans l’air sec. Voila ce que j’ai voulu brièvement dire de mon or potable, j’en dirai davantage dans l’usage de mes principaux médicaments, qui suivra bientôt ce traité,
Quoique j’aie souvent fait mention çà & là dans mes écrits de la préparation de mon or potable clairement, & à la façon des Philosophes sans aucun recipe, comme dans le Miracle du monde, dans l’explication, & dans la continuation d’icelui ; Toutefois pour satisfaire pleinement tout le monde, j’avertis un chacun de ne se pas imaginer que le sujet doive être tiré des pays étrangers avec grande dépense : Car la matière de mon or potable s’offre en tous lieux gratuitement, aussi bien au pauvre qu’au riche ; & peut être menée à la perfection en trois jours : j’entends parler de cette perfection que peut requérir son enfance, à savoir pour être lait virginal, ou eau claire, universelle & médicinale, que j’appelle or potable, dans lequel est caché le précieux sang de Dragon, pour être transmué en certain temps limité en une constante Salamandre : ce que je n’ai pas encore obtenu. Et partant j’en demeure là, ne faisant point de doute que mon or potable ne puisse venir au ajout de la confiance & fixation par la voie sèche & par la voie humide.
Au reste je ne nie point qu’il ne puisse être fait de toutes les choses du monde ; mais plus aisément plus promptement d’un sujet que de l’autre. L’enfant le plus pauvre qui vienne au monde, jouit nécessairement de ce sujet, sans lequel il ne saurait respirer. C’est pourquoi quelques anciens Philosophes ont écrit, qu’Adam & Eve, avaient la même matière dans le Paradis, quoiqu’ils n’aient pas été vêtus, s’étant couvert de feuilles les parties honteuses, après qu’ils connurent leur nudité. Car ce fut hors du Paradis, que Dieu leur fit des habits.
Le vieux Hermite Morienus discourant du sujet universel avec le Roi Calid, lequel lui en demandait l’explication, lui répondit : Toi-même, ô Roi, tu as ce sujet en ta puissance. Ayant achevé l’œuvre, il écrivit ces mots sur un vaisseau qui contenait la pierre : Qui porte tout avec soi n’a besoin du secours d’autrui : par lesquels il donne à connaître qu’il pouvait en tous lieux derechef recouvrer la matière universelle, & qu’il n’avait besoin de personne pour cela. Marie Prophétesse sœur de Moïse, appelle l’œuvre de trois heures ; un autre l’œuvre Philosophique de sept jours: Et moi Glauber novice, disciple d’Hermès, assure en vérité, que mon or potable dont il s’agit, peut être fait en trois heures, & même des sujets qui se trouvent partout, & dont tout le monde se sert, & ne peut se passer dans la vie. C’est la pire vérité sans être enveloppée des nuages des similitudes ou paroles obscures. Et afin que personne ne doute du sens littéral de cet écrit, j’assure pour la troisième fois que l’or potable peut être fait de toute sorte de végétable, animal, ou minéral, mais plutôt de l’un que de l’autre. Car quoique chacun le puisse faire de toute pièce de bois, de pain, de chair, d’herbe, de feuille, toutefois il est plus facile de le faire du sel qui et le centre concentré de tous les végétaux & animaux ; ce que je laisse comme une vérité infaillible. Or je veux que chacun sache que je ne parle ici d’autre sel que de celui qui se trouve en toutes choses.
Et afin que l’on comprenne mieux le sens de mes paroles, j’ajouterai un bref discours, mais fondamental. Ce n’est pas assez pour celui qui est curieux de l’art, & qui a un ardent désir de réussir, de lire tel ou tel Philosophe, pour se persuader ensuite d’entendre clairement la doctrine qui lui a été enseignée; mais il doit soigneusement examiner quelle est la nature & l’origine de ce qu’il cherche, & par quelle voie il la peut trouver. Car si nous recherchons exactement les choses, & que nous allions jusque au fond, nous trouverons que Dieu a été seul jusqu’au terme qu’il prit plaisir de créer les choses visibles pour sa gloire. Il ne prononça que soit fait, ce qui donna naissance aux éléments dont est sorti tout ce que nous voyons, sans lesquels la nature ne peut subsister. Que si on veut faire quelque chose de meilleur & de plus pur, que la nature, il faut avoir recours à l’art, lequel surpasse & va plus loin, & commencer par où elle a fini. Car lors on en vient jusqu’à la quintessence, laquelle surpassant la nature d‘un degré, ne saurait passer plus outre. Que si on voulait encore avoir quelque chose de plus parfait que la quintessence, il faudrait avoir procédé par quelque autre voie, vu que l’art ne passe pas au-delà de la quintessence. Ainsi il faut nécessairement revenir au centre, d’où les éléments ont tiré leur origine. Ce centre est ce divin fiat, ou sel universel hermaphroditique, participant des deux natures, lequel étant un vrai premier mobile, contient en soi deux contraires cachés, & ces contraires agissant l’un contre l’autre réciproquement, engendrent les trois principes des trois règnes, végétaux, animaux, minéraux, les nourrissent & multiplient par les quatre éléments ; voilà le cours ordinaire de la nature. Mais l’art va beaucoup plus avant, il réduit la circonférence au centre, & ne permet pas à ce centre ou premier mobile, que ces deux contraires agissant l’un contre l’autre, le patient soit vaincu par l’agent, & qu’il passe par les trois règnes susdits, comme par ses circonférences ; il surmonte & apaise ce premier mobile, afin qu’if ne divise pas ses forces, & qu’il ne les étende pas trop dans un grand circuit ; mais qu’il les absorbe & engloutisse en quelque forte en lui-même. De même comme le dragon s’emporte la queue venimeuse par la morsure, & s’en nourrit, lors qu’il n’a pas d’autre aliment, & par ce moyen il devient une souveraine médecine. C’est pourquoi Hermès a dit très sagement : notre dragon, ne meurt que par F. & S. Il faut qu’un feu vainque l’autre, & le transmue en une plus noble essence. Tel feu est mon secret Alcaest ou véritable or potable, par le moyen duquel il se peut faire des merveilles. L’eau est claire & transparente, dans laquelle est caché le feu, la couleur & la forme. Or ce feu interne se manifeste aisément, & devient visible par un double feu, sec & humide. La voie sèche s’exécute par le feu & par la chaleur des charbons communs de bois. Pour la voie humide, il se faut servir d’esprit de vin bien rectifié, & délivré de tout son phlegme.
Prends une once de feu sec & concentré, mets là sur trois onces de feu humide ou esprit de vin, lequel boira le sec en peu de temps. L’un & l’autre étant digéré l’espace de quelques heures dans une fiole à long col par une chaleur convenable, prendra la couleur de sang, & manifestera ses vertus concentrées. Car tout ce qui était retiré au-dedans, sort & se rend visible & perceptible aux feux extérieurs. Ainsi le petit enfant qui était revêtu d’une couleur blanche, devient éloquent, fort, & prudent comme un homme fait, & le lait virginal se change en un sang de dragon très efficace. C’est la véritable eau de vie, & le véritable vin de santé, duquel si on prend journellement quelques gouttes elles conservent & allongent la vie. Plusieurs honnêtes gens ont vu chez moi, l’admirable & prompte vertu de ce remède.
S’il se trouve quelque malade qui ne puisse point avoir de soulagement par les remèdes communs des Galénistes, & qu’il veuille avoir recours à mon or potable, je lui en donnerai charitablement autant qu’il en faut pour guérir : Et ce d’autant plus volontiers, afin qu’en ces derniers siècles où le monde à entièrement perverti, les merveilles de la divine providence soient connues, & que la bouche soit fermée aux ennemis de cet art noble & excellent, qui méprisent & accusent les Philosophes de mensonge par une pure envie & ignorance.
Je ne doute nullement qu’il s’en trouvera plusieurs qui suivront mes traces pour composer le vrai or potable, & tacheront de le porter à une plus haute perfection par succession de temps, auxquels je n’envie point un heureux succès ; si Dieu leur daigne accorder un si grand don. Personne ne tirera de moi autre chose que ce que j’ai dit çà & là dans mes écrits touchant cet or potable. Que chacun le contente de trouver chez moi la médecine préparée. Ce que de cent un n’offrirait pas s’il en était possesseur. J’ai déjà assez amplement déclaré la cause qui m’a poussé à la divulguer, & à l’offrir aux malade pour leur consolation & rétablissement.
Pour conclusion je proteste derechef que tout ce que j’en ai dit est véritable. Que personne ne soit si téméraire que de s’en moquer comme d’une chose vaine & impossible.
Chacun est libre d’en faire l’épreuve. Tant que je vivrai on trouvera chez moi cette médecine préparée. Voire même j’en montrerai à l’œil l’usage aux amis pour la correction des végétaux, animaux & minéraux, afin que les merveilles de Dieu & la possibilité de l’art soient mises en évidence.
AVIS AU LECTEUR.
Toutes ces vertus lui ont acquis le nom de Médecine universelle; ce que je n’ai pas voulu sceller aux curieux de l’art, & admirateurs de la divine bonté.
FIN.