ETTEILLA Les Sept Nuances de l'Oeuvre Philosophique Hermétique (1786)
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Jean-Baptiste Alliette dit Etteilla (1738-1791)
(Ce portrait est présenté sur la Toile comme étant celui d'Etteilla... On constatera une étrange ressemblance avec les portraits connus du comte de Saint-Germain...Cette "confusion" aurait amusé ce bateleur et avisé homme d'affaires qu'était Etteilla, d'autant plus qu'il se disait volontiers disciple du fameux comte alchimiste... L.A.T. )
LES SEPT NUANCES DE L’ŒUVRE PHILOSOPHIQUE HERMÉTIQUE,
SUIVIES D’UN TRAITÉ SUR LA PERFECTION DES MÉTAUX,
Mis sous l’Avant-Titre
L. D. D. P.
SOYEZ AUSSI SIMPLE QUE LES ENFANTS, OU VOUS NE VERREZ PAS LE ROYAUME DE MON PERE.
Science & Sagesse de J. C.
La quatorzième année de mon frappant Pronostic, & dans la cinquième de son heureuse justification : Sous LA PREMIÈRE GÉNÉRATION, UNE ATTENTE NE SERA PAS INFRUCTUEUSE. Zodiaque Mystérieux, 1772, page 184, chez LEGAUT, Quai de Gêvres.
Ces deux petits Ouvrages réunis, & auxquels il faudrait joindre l’Aperçu sur la Cartomancie & sur son Auteur, peuvent tous trois ne rien coûter, ou coûter à son choix si peu de chose, (L. D, D. P.) que ce serait une injustice de les mettre sous clef.
Puissent à jamais les Livres être composés, imprimés & distribués aux dépens des Hommes riches de sagesse, de science & de fortune ! Dans cette vue, nous avons déjà arraché de plusieurs anciens Monuments divers matériaux, pour établir LA PHILOSOPHIE RENDUE FAMILIERS AU MENU PEUPLE.
Dont je vous prie de communiquer la lecture à vos Amis.
Lorsque DIEU, CREATEUR DIVIN, fut, pour parler figurément, arrivé au jour qu’il avait prédestiné pour créer la matière, il ordonna, & la matière fut créée.
La matière fut, afin, que les formes fussent compréhensibles, & les propriétés effectives, à des êtres que le Créateur ne devait pas créer comme lui, sans nombre, sans formes, sans poids [2] ni couleurs, & enfin-sans être composés.
Pour que la matière fût compréhensible aux êtres, il fallait qu’ils fussent aussi faits de la matière ; & pour que la matière leur fût utile, il était nécessaire qu’elle eût atteint en elle-même son premier degré de perfection, puisque les premières vertus ou propriétés de la matières & de tout ce qui en était déjà formé, devaient être le germe physique de l’embryon homme, comme le Créateur de l’âme, de esprit &de la matière, en était le Principe.
NUANCES de sept Temps de l’Œuvre, visible chez l’Auteur.
N°. 1.
Dieu créa la Première Matière, telle on la voit dans ce premier vase (a) : [3] telle, disent les Philosophes, elle dut être sortant de l’esprit du Seigneur telle il fallait qu’elle fût nécessairement le plus simple possible, renfermant en elle tout principe palpable de génération & toutes qualités & propriétés élémentaires.
Cette première matière me semble assez bien être cette légère mousse (*) qui croît avec le temps sur les vieux toits de chaume & sur les ruines des Edifices.
C’est en jetant, comme Observateur de ruines, & comme homme, de frivoles & de solides regards sur les ravages des siècles passés & du présent, que l’on se remémore d’avoir vu cette espèce de mousse, ou mieux [4] ce vrai minéral de Nature (b), vivant, mélangé de blanc & de jaune, & de vert, extrêmement spongieux, & mis dans ce vase sans aucun fluide, ayant attiré lui-même celui que vous y voyez à présent.
La base de cette petite partie de la Première Matière, avec laquelle, nous le répétons d’après tous les Philosophes, le Seigneur a formé l’Univers palpable est, nous le croyons, un assemblage de particules de la Magnétique universelle, qui à mesure qu’elles se sont reposé sur la pierre ou sur le chaume ont happé des particules élémentaires, au point de former un corps sensible & parfaitement ressemblant à cette mousse ci-dite. [5]
Cette petite partie de Première Matière est donc formée des atomes de l’Esprit universel, & corporifée par des atomes élémentaires.
Cet Esprit universel n’est pas, avec les insensés Matérialistes, l’Esprit Moteur ; mais, pour nous exprimer, son émanation devenue substance, humidité, coagulation, formant un esprit composé, pouvant avoir nom Matière Première.
C’est ainsi, avons-nous dit ailleurs, que la vapeur qui sort de l’homme n’est pas directement lui, mais une émanation qui ne peut être sans lui ; & c’est enfin, de l’homme à Dieu, sa sagesse, son entendement, sa volonté ; le souffle, l’humidité, la correspondance de l’homme fait, sain & pur, qui devient un agent universel pour la conservation de la vie de l’enfant, dans le moment où quelque influence maligne tend à éloigner de lui le principe vital ; miracle étonnant, perdu par la périclitation de l’homme insensé. [6]
Cet esprit, Matière Première, premier germe physique de la Nature entière, nage & transperce les éléments, leur donne l’être, les vivifie, les alimente & les corporifie.
Ces accumulations de particules magnétiques 1, & élémentaires 4, ont en elles, pour le nombre 2, 3 principes, sel, soufre & mercure ; mais soustrayant l’esprit 1, très pur de la matière, & mettant en aparté 2, qui est l’homme pour lequel tout a été rendu sensible, ce corps de nature palpable, que vous voyez dans ce vase, n’offrira réellement plus que le nombre 7.
Si 1 le principe, a en vue 2 l’homme, il faut que 2 touche 1, & que 3 soit le côté cherché & facilement trouvé.
C’est, je le proteste, en écoutant les nombres, qu’on peut développer la Nature ; mais sans nous étendre, disons que si 3 est plus près de 1 que 4, [7] que les trois Principes de la Nature, sel, soufre & mercure, donnent naissance & entretien, aux quatre éléments, comme 1 aux trois principes, &, tous ces nombres seront donc bien placés en cette forte, 4, 3, 2, 1, = 10.
Si néanmoins les hommes, tant Philosophes que Savants vulgaires, & même des Ignorants, ne sont pas d’accord sur le nombre des éléments, ces derniers ne suivant que les formes extérieures ; en place du 4, éléments, nous mettrons le 4 des points cardinaux de l’Univers palpable ; & au centre de 4 plaçant l’unité, les faux Savants en hautes sciences, qui écrivent de la sage Magie, ne diront plus, aussi injustement qu’ineptement, que 5 est un nombre abominable.
Oui, 5 est un nombre abominable lorsqu’il est pris en opposition du 5 sacré de tous les Philosophes & de la Nature même ; mais non le vrai 5 x 10 = 50, porte d’intelligence.
Quiconque voit 4, & ne se figure [8] pas le 1 rayonnant au milieu, voit premièrement la matière sans esprit & quiconque, après le quadrilatère des Hébreux ne voit pas le signe de vie en 5, est un ignorant en hautes Sciences.
5 est le premier sacré, ou nombre dit sacré, & celui qui le fait chanter par la loi physique pour le dépriser, est un Chaldéen, & non un Disciple des Premiers & sages Egyptiens.
Tout a sa loi d’écoulement & de correspondance du ciel en la terre, & de la terre aux cieux, jusqu’au plus haut ciel, chaque ciel ayant son exaltation, & c’est ce que la véritable route de l’Œuvre Hermétique vous représente.
Si je vous ai indiqué la matière première, & les deux lieux principaux où vous la pouvez trouver, parce qu’elle s’y amasse sans trouble, ressouvenez-vous qu’elle est encore infiniment plus pure en l’homme, comme l’a dit le bon & très Philosophe Morien au Roi Calide : Roi., tu as tout en toi, parce que l’œil de Dieu se plait sur toi, & [9] que son doigt te touche directement jusque dans les reins (c).
Enfants de l’Art Hermétique, que ces paroles, du vertueux Morien ne nous fourvoient pas ; son intention appuyée de la vérité, n’a pas été de nous jeter dans l’erreur.
Si vous employez autre chose que la chose unique, vous ne réussirez pas ; c’est le sentiment de tous les Adeptes.
Combien de balivernes disent ceux qui n’entendent pas Morien & autres Philosophes !
Combien cent mille fois plus égarés sont ceux qui avancent des idées noires tirées du gouffre infernal où leur esprit se plaît à voyager ! Ce ne sont pas des victimes d’une ignorance grossière ; ils n’ont pas non plus sucé le lait des pourceaux : mais pire, ce sont des monstres déjà liés sur le bûcher perpétuel.
Un de ces abominables hommes m’a fait frémir, &, faut-il dire, tomber [10] à la renverse : qu’eut-on dit si on l’eût puni de mort ? Il la méritait.
Il faisait couler le poison le plus subtil dans l’âme du faible, & par des vraisemblances perfides, affublé du manteau qu’il avait dérobé à la Vérité, il offrait le mensonge comme si c’eût été cette vertu, la Vérité, si chère et si sacrée pour tous les hommes, même aux brigands.
Le flos coelis, le vitriol, le sel commun, l’urine, la salive, la rosée, la cendre, le charbon, enfin nombre de choses dont a particulièrement parlé. le Philosophe inconnu (*) (pour se moquer d’une Assemblée de faux Philosophes, qui chacun dans leur sentiment, n’étaient que de vrais faux à l’égard de la chose unique,) ne sont pas à mépriser, parce que tout dans la Nature, et imprégné de cette divine chose.
Oui, avec tour, vous opérerez des choses surprenantes, si vous conduisez ce que vous emploierez avec intelligence ; [11] mais que vous trouviez en tout la Médecine universelle, & la Poudre de projection, cela est autre chose.
La matière n’est qu’une, c’est la Nature qui la donne ; & si Dieu ou, un Ami, ont dit les Philosophes, ne vous la découvre pas, vous perdrez votre temps, & aussi injustement votre argent, car cela ne coûte pas un sou (d).
Pourquoi six à sept mille Disciples du grand Hermès qui sont de présent à Paris, & dont mon Père (pour m’exprimer à la manière de ce sage) n’en regarde d’un œil bénin tout au plus que [12] mille, ne croiraient-ils point tous être dans la vraie route du triple Arcane ?
Nous passons tous sur le Pont qui le couvre ; chaque sujet que nous employons est teint de l’esprit universel, & nous voyons comme l’ont guidé les Sages ; mais nimium ne crede colori, ne vous en rapportez pas trop à la couleur : les Sages ont bien vu, & vous pouvez voir mal ; il faut plus que les apparences.
Ayant la Matière Première dans vos mains, il faut promptement la mettre [13] dans un petit vase & la sceller hermétiquement ; mais pour, que l’esprit universel ne s’échappe pas, posez votre mousse sur un aimant (*).
Cet aimant est aussi un mystère que je vais vous dévoiler.
Cet aimant n’est rien autre qu’un vinaigre doux comme lait ; & sans vouloir jouer du Philosophe, ni augmenter la somme des mots, c’est un petit aigrelet composé de soufre & de mercure, déjà unis & amis ; il en faut peu & ne coûte rien, car rien ne coûte que le vase, qui n’est pas de nécessité un œuf de verre, car au temps d’Hermès il n’y avait pas, de verre Anglais, & pas même d’Anglais de nom, non plus que de Français.
Ce soufre & ce mercure font accointance avec le soufre & le mercure de votre petite mousse, & alors l’esprit [14] universel ne s’aperçoit volontiers pas qu’il est changé de place (e).
En cet état, vous voyagez tranquillement-avec la chose unique, sans crainte des méchants (f) & demi-once pour un homme seul est bien suffisante pour mille ans ; ainsi jouez-vous donc de l’ignorant qui dit en avoir apporté de Londres cinquante livres pesant : elle est en tout lieu, & l’œuvre se fait en tout temps quoique le Solitaire préfère le Sagittaire & le Bélier, comme la Balance est préférée par le Cavalier.
Commençons l’Œuvre.
La Matière Première, mise dans un petit, vase, tel un gobelet, & bien [15] adaptée par un peu de mercure & de soufre unis, vous l’arrosez de soufre & de mercure non unis.
Le combat qui se passe alors, surpasse tout ce que l’on en peut écrire ; mais la paix naît du triomphe de l’un des deux, & ils sont amis en plus ou moins de temps, suivant l’habileté de l’Artiste, 7, 14, ou 21 jours.
Quand ils sont unis, mettez le sel, (il n’est vraiment point salé) alors le combat est cent fois plus violent ; mais chose admirable, l’esprit universel se plaît plus que jamais, & pour aider les combattants, il pompe le fluide qui avoisine le vase ; mais comme ce fluide élémentaire n’est point pur, (peut-être n’en est-ce pas là la raison) on ne voit en ce vase que choses hideuses, dont je parlerai à la seconde Nuance : enfin, le combat fini, tout est extenué de fatigue, & l’œuvre en cet état est ressemblant au mensonge des Ignorants, tant il est hideux a voir, mais meilleur à posséder ; car les nombres 4 & 3 sont déjà soustraits, [16] puisqu’il ne telle que, la plus parfaite unité.
Il y a plusieurs routes, oui, car je tire du jardin d’Eden le sel, le soufre & le mercure, & je ne vois plus le jardin ; mais suivez la route que j’indique, & ne dites pas que je cache quelque chose, puisque vous pouvez le justifier par l’aspect de mon Procédé.
Je ne cache rien, parce que dans le peu que je fais, j’aime à imiter notre illustre Cabaliste M. de S. Germain, (g) vrai & unique Auteur du Philalèthe. [17]
Le sel le soufre & le mercure se tirent de la matière première, ou le tirent de la Nature même par un aimant, & je vous ai nommé l’aimant littéralement, & cet aimant est en tout lieu.
Si vous ne mettez pas cette mousse en action, elle ne sera pas actuée comme elle est en vous ; mais, au nom de la vérité, sur plus de cent qui m’ont dit la connaître, je n’en ai rencontré qu’un seul qui a parlé vrai ; car je connaît la véritable matière, encore que je ne fois pas Adepte. [18]
N°. II.
Lorsque le combat est fini, au bout de 21 & 31 jours, ce qui fait 52 tout au plus, quel étonnement ! un chaos, un cloaque, noir, huileux, un privé jetant une exhalaison insupportable.
Oui, un liquide affreux que tu peux enfermer dans un oeuf de verre, ou mieux faire tomber, goutte à goutte sur un petit gril fait d’allumettes, élevé du fond de ton second vase sur quatre épingles.
Ta liqueur, ou ce monstre, se coagulera en tombant, & après plus ou moins de temps, (de six semaines jusqu’à sept mois) étant au noir, plus que noir, ton esprit de Pluton perdra la rage avec les forces, se dépouillera de sa peau, & fuira en esprit, emportant avec lui tout son venin.
Sa peau te restera, & elle servira d’aliment à des animaux de toute nature, & tous bien hideux.
Ils finiront tous mal, parce qu’ils [19] sont nés de la chair, & non de l’esprit ; alors ton oeuvre s’offrira à toi tel tu le vois, noir, sillonné de couleur roux de bois, & teint de gros vert.
Laisse reposer ton œuvre, qui, ayant bien souffert, demande du repos : tu le croiras bien portant quand il pompera, le fluide, & qu’il tombera de son ventre une liqueur verte.
C’est ici le temps de lui couper les ailes, car il se dessécherait par ses larmes.
Change-le de vase sans dessus-dessous sur un nouveau gril.
N°. III.
A l’instant mémé il prendra le blanc & le vert, & le vert sera permanent, & ton oeuvre s’épanouira.
N°. IV.
Quand tu le verras changer de nuance, quitter le vert de pré pour prendre le blanc, le vert-de-gris & le jaune, tu seras ravi ; car alors tu reconnaîtras [20] les grandes vérités des Philosophes.
Oui, cela te semblera un phénomène, & c’en sera un grand pour toi.
N°. V.
Depuis le N°. III, jusque & y compris le N°. VI, ne change point de vase. Ici commence la Nature à être parfaite en ton œuvre ; c’est le plus bel avenir que tu aies vu de tes jours, je te dis dans l’imitation de la Nature.
La fraîcheur, les couleurs, le mouvement alternatif, tout se prépare à te montrer les quatre Saisons d’un climat parfaitement situé.
N°. VI.
En ce sixième vase est le tour entier du Zodiaque ; dix volumes ne suffiraient pas pour tracer tout ce qui s’y passe l’attention même qu’il faudrait avoir pour rendre l’ordre des opérations de la Nature, demanderait du temps, de la patience, & une autre plume : je dirai donc simplement que dans ces quatre [21] Saisons, on y voit la Nature se développer pas à pas avec le même ordre & le même rapport de temps, c’est-à-dire d’un à quatre : on y voit :
Le Soleil, la Lune, les étoiles, les nuées, le tonnerre, la pluie, la rosée, les frimas, la glace, la neige, les montagnes, les antres, les volcans, les vallées, les forêts, les vergers, les campagnes, les pâturages, les mers, les sources, les fleuves, les lacs, les rivières, les arbres, les fleurs, les fruits, les métaux, les minéraux, les pierres fines, les animaux ; les poissons y nagent, les oiseaux y volent, & l’esprit de l’homme en couvre la surface : oh ! homme, tu ne sais pas qui tu es.
N°. VII.
Véritablement, dans un nouveau vase, tu as dû, après la fin de l’hiver de ton oeuvre, prendre ta matière, qui n’est plus qu’un chaos, dans un parfait repos ; tu as dû la rouler légèrement de figure cylindrique de 1 sur 2, [22] telle tu la vois à sec & plongée dans un bain s où elle est rafraîchie, humectée sans être trempée ni suffoquée.
Elle prend, comme tu le vois, un manteau royal, nuancé de toutes les plus vives couleurs, & par suite elle se dépouillera de son manteau.
Alors elle est pierre grise-blanche, & est si solide, que ton poids, ni la force de tes doigts, ne peut la faire changer de forme.
Alors tu prends le feu des Sages, & d’autres disent leur double mercure ; mais, supposé, en celui-ci, ta pierre devient, molle, & par suite se dissout, dit-on, & devient une huile transparente, odoriférante, & au fond de ton vase se trouve ton corps, qui est une poudre au blanc, & que, ensuite, tu conduis au rouge.
Je viens de dire, dit-on, parce que je, n’ai pas encore été plus loin que la pierre au gris-blanc, qui, sans autre préparation, teint le fer en cuivre, &, assure-t-on, est du cuivre réel. Ainsi finit la septième Nuance. [23]
J’ai dit, dans la vérité, la route que je tiens ; je la crois vraie, mais non la seule : il n’en est pas de même de la première matière, il ne peut y en avoir deux, & sans en faire mystère, je la montre à quiconque est & sera curieux de la voir, autant de temps que je serai à la poursuite de l’Œuvre (h).
Afin que tu saches si tu possèdes véritablement la mousse que je t’ai indiquée, je te dirai, qu’une fois ôtée du lieu où elle a pris naissance, & l’ayant fixée dans ton premier vase couvert d’un verre plane, elle attirera de l’humidité à la quantité de son poids.
Secondement, dans tous tes vases ; [24] elle attirera de l’humidité, qui plus, qui moins, jusqu’à quart de poisson, mesure de Paris.
En troisième ; dans ton sixième vase, l’eau qui y sera ne te mouillera pas les doigts, mais fera juste l’effet du mercure lorsque tu y touches.
Et en quatrième, l’hiver de ton sixième vase sera total lorsque ta matière sera sans humidité, & tu en seras averti au moment que ta matière faisant un dernier effort, pompera plus de fluide qu’elle n’a encore fait. Reste peu de choses à te dire.
Beaucoup de personnes fraîches émoulues de la levure des Philosophes, diront que si je les ai lus, je me soumets bien peu à leur, langage. Je réponds, qu’ayant vu cent bons ouvrages sur la Philosophie Hermétique, & surtout le Livre de Thot, le Pymandre d’Hermès ; le Cosmopolite de Philalèthe, je n’ai point attaché ma mémoire à des mots ni à des routes diverses qui conduisent au même but. [25]
J’avance sans orgueil que pas un des grands Hommes, ne peuvent montrer plus que moi, dans leurs oeuvres (i), les mouvements & les effets perpétuels, annuels & journaliers de la Nature, non en fictions, comme beaucoup de jeunes Disciples, mais en réalité, c’est-à-dire, que la Nature s’agite, que les volcans s’entre ouvrent, que les arbres sortent de terre & demeurent jusqu’à ce qu’on les abatte ; ainsi de tout ce que j’ai dit N°. VI. [26]
On peut de même être certain que j’ai délaissé dans ce N°. VI, & dans les autres plus de mille & mille beautés qui émerveillent tous ceux qui venant journellement chez moi, voient les nuances éphémères de mon Œuvre.
Si pourtant, dirai-je, zélé Amateur de nos Sciences, j’échoue au Port (k), ce que je ne pense pas, n’en [27] prends jamais occasion de parler contre cette sublime branche de la sage Cabale ; car tu passerais, avec plus de raison que moi, dans l’inverse, pour un indiscret vis-à-vis des hommes instruits, & de ceux qui méritent de l’être.
Il en est de l’Etude de la Philosophique Hermétique, comme de la Divination, toujours en tant que science naturelle ; car je n’entends jamais vouloir parler de ce qui est au-dessus ni au-dessous de l’esprit ni du cœur humain.
L’Etude généralement de toutes sciences, n’est pas la possession d’elles, mais de premières lumières plus ou moins fortes, jusqu’à ce qu’on soit arrivé au point de les posséder, & alors de les cultiver en Maître, c’est-à-dire sans aucun autre besoin.
Ce n’est pas en Maître que j’écris sur les Hautes Sciences, c’est en Disciple, mais en Disciple formé, qui enseigne les premières routes précises [28] pour arriver a des opérations cabalistiques, & qui, pour en assurer la preuve, opère publiquement, tantôt dans une branche, tantôt dans l’autre : on voulait des faits ; j’en donne perpétuellement.
Enfin trente ans d’études, & bientôt je pourrais dire quarante, m’ayant rendu Possesseur des premières clefs de la Magie Pratique & Théorique des Premiers Egyptiens, je les donne avec plaisir dans les Ouvrages que voici.
La Philosophie des Hautes Sciences, 5 vol. avec figures, 7 liv. 10 sols.
Le Livre de Thot qui va avec, en soixante & dix huit figures 3 liv. 12 sols..
La Cartomancie Françaises ou l’Art de tirer les Cartes, troisième édition, 3 liv.
Le jeu de Cartes qui facilite à entendre cet Ouvrage, 1 liv. 10 sols.
L’Indicateur du Chemin de la Fortune (l), 1 liv. 4 sols. [29]
Aperçu sur la Cartomancie, par un Eve de l’Auteur, rien.
Ce petit Cahier, rien. [30]
Il est plusieurs autres ouvrages, comme le Zodiaque Mystérieux l772, mais épuisés & vraiment rares ; je ne [31] les mets point dans le fonds que je possède, & dont plusieurs tirent à leur fin.
Par mes Ouvrages, la Société est [32] assez instruite des sortes d’occupations & d’études que j’ai suivies & suis pour l’aider, comme un de les Membres, à [33] partager ses fatigues, & lui offrir des délassements ; ainsi persuadée par mes faibles écrits, que j’ai pris sur moi [34] depuis ma naissance, avec autant de zèle que de travaux, ma part, du poids étonnant, dont pour son propre [35] bonheur elle s’est chargée & engagée librement de porter, elle ne sera pas fâchée de me voir retracer ici le second [36] contrat de mes revenus, hypothéqués sur ceux de ses Membres curieux de goûter librement le fruit des Hautes Sciences. [37]
Sans vouloir chercher aujourd’hui quelque Distique dans des Auteurs Grecs ou Latins, qui prouverait qu’il [38] est permis à un Homme de Science de vendre son temps, comme à un Marchand des Six Corps son drap, je dirai sans tournure forcée, non valeur non compris.
=> Lorsqu’on veut m’écrire ou me parler de vive voix Hautes Sciences, il me faut pour le temps que je dois donner a répondre, 3 liv.
Si on veut avoir des leçons de sage Magie-pratique, notez qu’il n’est pas question de jouer des gobelets, parce que ce n’est pas mon métier, mais bien de scruter la Nature dans son intelligence, 3 liv.
Pour l’Horoscope (m), 50 liv. [39]
Pour tirer les Cartes (n), 24 liv.
Pour me consulter après l’Horoscope ou après avoir tiré les Cartes, 3 liv.
Pour me donner à résoudre quelques questions sans m’avoir fait primitivement travailler (o), 6 liv.
Pour avoir le nom de son Génie, sa nature, ses qualités, sa puissance relative à la Vie de l’homme, de quel élément il est, quelle Région il est obliger de soigner, &c 12 liv.
Pour expliquer un Songe, 6 liv. [40]
Pour faire faire un Talisman, & avoir en écrit les propriétés, ainsi que son génie, &c. depuis huit jusqu’à dix louis, suivant les propriétés qu’on lui veut, & les difficultés du travail.
Pour être le Médecin d’esprit d’une personne, c’est-à-dire, sans remède moral ni physique, le conduire à un plein repos, ou, ce qui est le même, être son Devin perpétuel, par mois (p) 30 liv.
Tous ces Prix ne sont ni nouveaux ni enflés ; depuis mon premier Ouvragé 1757, on y voit ceux que je prends, & ainsi à mesure que j’ai augmenté en science, j’ai augmenté le nombre de mes Prix, mais jamais mes Prix : ouvrez donc mes Ouvrages, & vous les trouverez de côté & d’autre, tels [41] j’ai cru devoir les rassembler ici. Il nous reste la dernière touche de Maître.
Faire marcher, voler en l’air ce Cahier, n’est pas du ressort des Hautes Sciences qui n’ont point en vue la Magie blanche ni la Magie noire, mais l’étude de la Nature.
La Magie blanche appartient à celui qui veut séduire & à celui qui veut être séduit sans être réellement trompé, puisqu’il n’est question que de tours de Gibecière non faits pour amuser un homme toute sa vie, mais pour le récréer de temps à autre, & surtout dans sa première jeunesse.
La Magie noire, (vraie ou fausse, je la dis véritable, aussi improprement nommée Magie que l’autre, si on s’en rapporte au vrai terme) n’est pas non-plus la Magie qui constitue la qualité de Mage, Magus, Magi. C’est donc celle-ci à laquelle il nous faut tenir, & la seule à laquelle je me suis entièrement livré depuis l’âge de quatorze ans, & je pourrais dire depuis celui de [42] onze, excepté que n’en connaissance pas la route, mon mauvais génie me faisait souvent pencher à droite & à gauche dans les soi-disantes Magies blanche & noire.
La Magie que je fuis, n’est pas non plus la marche qu’a suivi Swedenborg, homme très savant & très sage, mais qui, faute d’être bien conçue, fait naître de beaucoup de ses Lecteurs, des Extatiques qui, dans l’excès de leur Vertu, ont toujours à la bouche une révolution générale du Globe, une révélation nouvelle, sans penser qu’es tombent dans le piège de plusieurs Prophètes Hébreux qui, pour avoir prédit ce que Dieu ne leur avait pas ordonné, ont vu ces parties de leur Prophétie générale sans accomplissement.
Je veux deviner, je vois de quelle manière les évènements de la vie humaine sont comme nécessités à se suivre, suivant le temps, le lieu, & les gens.
Je veux devenir Philosophe Herméticien, je cherche à développer dans la [43] Nature ce qui est sans mélange, & dans son état primitif, &c, &c, &c.
Celui qui témoigne que les Sciences, appelées Hautes Sciences, sont des chimères, est à cet égard un fieffé ignorant qui arrête la progression de nos connaissances, Qui ne cherche pas vaincre pour jamais les faux préjugés, Qui n’a nulles idées que les Sciences vulgaires sont le fruit des recherches des Hautes Sciences, Qui veut que l’homme soit enferré dans la sphère de ses lumières, & enfin c’est un ignorant qui, contre le plus grand Axiome Philosophique, veut que ce qu’il ne sait pas ni ne conçoit pas, soit réputé zéro.
Je prie, la Société de réfléchir que malgré le préjugé, & jadis la persécution il a toujours existé des Hommes Devins qui, comme dans routes les Sciences & les Arts, ont été plus ou moins savants.
Je la prie de même d’examiner que [44] les temps où les Peuples ont fait la guerre au génie de l’homme & aux Sciences abstraites, sont marqués par les Historiens, chez les Romains, comme l’époque de la décadence de leur Empire, chez presque tous les Européens comme celle de la plus crasse ignorance sous toutes ses formes les plus monstrueuses.
Il est aujourd’hui comme produit de la raison, de laisser épanouir le Génie qui nous a formé, mais en même temps de traiter tout ce qui n’est par aussi palpable qu’une Citadelle, de chimères, & les hommes d’enthousiastes.
Pour que la Divination soit regardée comme chimérique, il faut démontrer qu’il est impossible qu’elle soit une Science, & prouver qu’aucun pronostic ne s’est jamais justifié; mais ce qui n’est pas démontré anti-axiome, ne peut pas être réputé impossible ; donc la Divination peut être une Science toute naturelle qui se réduit aux quatre premières règles numériques & à quelques équations. [45]
Avant d’avoir répudié les Philosophes Devins, il eût fallu que la Société indiquât à ses Membres d’autres Médecins d’esprit, & il faut, disons nous aujourd’hui, que ceux qui ont appris à leurs dépens qu’il est peu de véritables amis, sachent où existe un homme Devin pouvant les conseiller & les consoler à prix d’argent : « Seul chez moi, livré à moi-même, rempli de souci, accablé de chagrins, roulant le désespoir ou la vengeance, m’ôterez-vous la consolation de demander conseil à l’homme qui, malgré vos mépris contre sa science & contre lui, est avoué de mille & mille personnes pour ramener le calme & dissiper ce noir affreux qui veux me submerger ? Société, soyez impartiale : Membre de votre Corps, je demande pour l’Homme unique plus de liberté, plus d’aisance, & qu’il fasse des Elèves pour nos Descendants. »
C’est en ne confondant pas l’Homme [46] vertueux & savant avec, le vicieux & l’ignorant, que l’on sera porté à croire que la Société a perpétuellement besoin d’un Homme Devin pour adoucir & calmer les chagrins de l’un de, ses Membres maltraité par la fortune, mou lesté par ses passions, trahi par ses semblables, & enfin ayant perpétuellement un esprit chagrin qui, s’il n’est remis en son assiette, se montera jusqu’à passer au suicide. Lisez page 156, tome second de là Philosophie des Hautes Sciences.
Ceux qui parlent contre la Divination aussi lestement que d’autres, ou, eux-mêmes, fredonnent, sifflent & pirouettent dans la maison d’autrui, ne peuvent se figurer qu’ils attaquent l’esprit de la prévoyance ; que lui livrant, combat, ils laissent un passage à la soi-disante Prédestinée, & enfin qu’ils donnent imperceptiblement accès au Matérialisme.
Autant de temps que les hommes se cacheront de la Société lorsqu’ils voudront consulter un Philosophe Devin, [47] ou un Médecin, d’esprit, autant de temps nous serons portée à croire que la Société n’a pas une juste idée de la rareté des Sorciers & de la Sorcellerie, puisque la crainte que quelques-uns de ses Membres ont d’être vus entrer chez Etteilla, marque encore ce reste de l’ignorance de nos Pères, & de plus la nôtre, en refusant à certains hommes plus de moyens que nous n’en soupçonnons pour lire tout bonnement les résultats d’après les causes & les effets.
Aux différents prix que je requiers, suivant le travail qui m’est donné, le Curieux doit encore admettre la possibilité que je ne réussisse pas.
Le Peintre de Portrait ayant la Nature sous les yeux, manque la ressemblance ; à plus forte raison, celui qui n’a que la mémoire d’avoir vu une galerie où les tableaux sont les uns sur les autres, & qui pour le guider est obligé de faire cent règles Algébriques, peut quelquefois être à plus de mille lieues de son sujet, mais il faut revenir à la charge [48] au lieu de médire des Hautes Sciences, qui ne sont pas garantes des faiblesses de leurs Professeurs.
La Divination, Science naturelle, objet de réflexions, de combinaisons, & de calculs, ne peut ni ne doit être appréhendée, parce qu’on ne peut être Devin sans être Savant, & il n’est pas possible d’être vraiment Savant sans être Sage.
Je terminerai presque toujours par dire à tous les hommes, qu’en des plus grands malheurs pour chacun d’eux est d’être forcé de prononcer en dernier ressort.
J’ai un peu abrégé la Description de mon Œuvre Hermétique, parce qu’il est possible de le voir chez moi, (Hôtel de Crillon rue de la Verrerie, en face de celle de la Poterie) & que je voulais faire suivre le petit Ouvrage ayant pour titre : LE DENIER DU PAUVRE. [i]
J’ai dit dans le Cahier précédent, que j’avais lu cent Ouvrages sur la Philosophie Hermétique ; il faut croire qu’ils n’ont pas tous été infiniment longs, & que souvent je n’ai fait que les parcourir : en voici deux preuves.
La première, la brièveté du Livret qui suit ; & en second nul ressouvenir de l’avoir jamais lu ailleurs ; ce qui n’annonce pas qu’il ne soit ni connu, ni imprimé.
Que ce petit Ouvrage soi ou ne soit pas imprimé, j’en fais offrande à l’Auteur, que je ne connais aucunement, & suis & serai toujours prêt, à lui en remettre le tribut effectif, & à [ii] son défaut, d’en donner scrupuleusement la recette aux Pauvres.
Que l’Amateur entrevoie en tout ceci, combien je fais cas de ce petit Livret, qui pourtant paraît discordant à ce que j’ai dit dans le précédent Cahier.
Non, rien n’est en discorde, & je laisse à celui qui commencera seulement à épeler, la satisfaction d’entendre la juste analogie du Chemin Royal Chimique avec la grande Route Alchimique.
Le profit de ce petit Cahier étant celui du Pauvre (I) soyer du nombre [iii] des Donataires ; ou si vous ne le pouvez pas, &,que vous soyez même dans la détresse, occasionnée par la cherche de cet Art, venez avec assurance la caisse sera vidée sur le champ pour vous.
Où mieux placer quelque obo1e, en l’absence des Sages, qui vont assistants les Pauvres, & rendant la santé aux malades ?
ETTEILLA.
On engage beaucoup MM. les Libraires à être intermédiaires entre tel donataires & nos respectables Victimes de la recherche des Hautes Sciences. [iv]
Ils le peuvent d’autant plus, que ce petit Ouvrage leur sera délivré gratuitement ; ainsi pourront-ils le nommer LE DENIER DU PAUVRE; & s’ils ne connaissent pas de nos pauvres, ils pourront donner par eux-mêmes a tous vrais Pauvres qu’ils jugeront à propos, le prix qu’ils en retireront. Et ainsi soit jusqu’à l’extinction de ce Livre.
[5]
L.D.D.D.P.
LA PERFECTION DES MÉTAUX.
Cette question n’est pas aisée à décider, vu la diversité des opinions de tant de siècles, de sorte que la plupart des hommes ne veulent pas croire la vérité qui a été publiée par les Philosophes. La principale raison est que de cent, à peine s’en trouve-t-il un qui ne se trouve réduit à la pauvreté par ce travail. C’est pourquoi on ne saurait blâmer les Incrédules là où il n’y a pas apparence de vérité (a). [6]
L’expérience néanmoins prouve la possibilité par le moyen de l’Art & de la Nature, quoique les exemples soient fort rares ; mais quelle absurdité serait-ce de nier le Ciel & l’Enfer, pour ne les avoir jamais vus ? Nous dira-t-on : il le faut croire, parce que les Prophètes & les Apôtres noues l’ont révélé, & qu’il n’en est pas de même de la tradition des Philosophes ?
Je réponds à cela que tous les Philosophes n’ont pas été Païens,. & que beaucoup de Chrétiens ont écrit touchant cet Art, outre que parmi les Païens il y en eut de fort Gens de bien, qui eussent cru à l’Evangile s’il leur eût été annoncé, & qui ne sont pas si blâmables, que nous qui, faisant profession du Christianisme par nos paroles, le nions par nos œuvres. Pourquoi eussent-ils voulu nous abuser par [7] des mensonges & par des sottises dont ils ne pouvaient espérer aucun profit vu que même, la plupart ont été des Princes fort puissants ?
Parmi les Chrétiens, il y en a plusieurs qui ont assuré la vérité de cet Art fort religieusement, tels qu’ont été de grands Prélats, comme S. Thomas, d’Aquin, Albert le Grand, Lulle, Arnaud, Roger Bacon, Basile, &c. Comment se peut il faire que des hommes pieux eussent voulu abuser & jeter dans l’erreur la Postérité ? Quand même les Ecrits de ces illustres Personnages ne seraient pas en lumière, il y aurait des témoignages vivants pour la confirmation de cette vérité, & je ne doute point qu’il n’y ait des gens qui possèdent la connaissance de l’Art sans le publier ; car qui, serait l’Insensé qui se voudrait découvrir au monde, pour n’en avoir autre récompense que de l’envie ?
Quelqu’un me demandera peut-être pourquoi, je prends le parti de [8] cet Art avec tant de chaleur, comme si j’avais vu ou fait quelque chose ? Il est vrai que je n’en suis jamais venu à la projection, & que je n’ai point vu de transmutation ; toutefois je suis certain de la vérité, d’autant que par le moyen du feu j’ai souvent tiré de l’or de l’argent des métaux, qui ne laissent aucun or ni argent dans la coupelle. Ce n’est pas que par-là je veuille entendre qu’un métal perfectionne l’autre, ou le change en or ou argent ; mais voici mon sentiment.
Comme dans le règne des végétaux l’eau mondifie l’eau ou le suc par la cuisson, ce qui arrive dans la purification du miel & du sucre ou autre suc végétable, avec de l’eau commune des blancs d’œufs ; il faut avoir la même opinion des sucs minéraux ou des métaux, desquels, si nous connaissons l’eau & le blanc d’œuf propres & convenables à les purger, nous pourrions sans doute ôter leur impureté, & réduire, de puissance en acte, leur or & [9] leur argent qui est caché en eux comme dans des cosses noires ; ce qui ne serait pas une transmutation de métaux, mais feulement une extraction d’or & d’argent de parmi les ordures.
On demandera comment l’or & l’argent se peuvent tirer du cuivre, fer, étain & plomb par le moyen de ce lavement, vu qu’il ne s’y en trouve point par l’épreuve des coupelles.
Nous avons ci-dessus répondu que l’épreuve des coupelles n’est pas suffisante pour toutes sortes de métaux ; c’est pourquoi je renvoie le Lecteur au Livre de Paracelse de la vexation des Alchimistes, où il trouvera un autre lavement, & purification des métaux, laquelle n’a pas été connue des anciens Mineurs. Exemple.
Le Mineur, trouvant une mine de cuivre, se sert de la méthode qu’il tient des Anciens, & suivant icelle, il la purifie & la réduit en métal il la brise premièrement en morceaux, & la brûle pour en ôter le soufre superflu ; puis, [10] par la force de la fonte, il la réduit en pierre qu’il met derechef au feu, & par l’addition du plomb la prive de son or & argent ; ce qui étant fait, il la noircit, puis enfin la rougit & réduit en cuivre, & par son dernier travail la rend malléable & propre au débit. Ensuite le Chimiste tente une autre séparation par le moyen de laquelle il en tire l’or & l’argent ; ce que peu de gens savent pratiquer.
Le même Paracelse dit au même endroit, que Dieu a donné à certaines personnes une voie plus facile & plus prompte de séparer l’or & l’argent des métaux imparfaits, sans la culture des mines, par le moyen de l’Art, laquelle il n’enseigna pas ouvertement ; mais il assure qu’il l’a suffisamment montrée dans les sept règles du Livre auquel il traite de la nature & propriété des métaux où on la peut aussi trouver.
Cette purification des métaux imparfaits me semble la plus aisée, laquelle j’ai souvent éprouvée en petite [11] quantité, & le ne doute point que Dieu n’ait encore montré d’autres voies à d’autres Artistes par le moyen de la Nature. Par exemple :
Si quelqu’un, purgeait quelque fruit de la terre de ses fèces par la distillation, de sorte qu’étant dépouillé de ses impuretés, il parût au jour avec un, corps nouveau & transparent ; comme si quelqu’un distillait par la retorte l’ambre noir, & impur, il se ferait par le feu une séparation de l’eau, de l’huile, de l’empyreume du Sage, du sel volatil, la tête morte restant au fond de la retorte, & par ce moyen en peu de temps, sans beaucoup de frais, l’ambre serait notablement altéré & corrigé ; quoique l’huile soit impure & fétide.
Si on la distille derechef avec quel qu’eau mondifiante, comme l’esprit de sel dans une retorte de verre neuve & bien nette, il se fera une nouvelle séparation, & l’huile en sortira beaucoup plus claire, les fèces demeurant au fond de la retorte avec la puanteur ; [12] & l’on peut derechef par deux ou trois fois la rectifier avec de nouvel esprit de sel, tant qu’elle parvienne à la clarté de l’eau & à une odeur agréable pareille à celle du musc & de l’ambre.
Cette transmutation d’une chose dure, en fait une molle, liquide & oléagineuse, laquelle toutefois peut derechef être coagulée & reprendre sa première forme en la manière suivante.
On prend de l’huile susdite parfaitement purifiée, on y ajoute de nouvel esprit de sel, on la met en digestion, elle attire assez de sel pour sa coagulation, & pour acquérir la dureté de l’ambre d’une couleur excellente & diaphane, dont demi-once sera plus précieuse que, des livres entières de l’ambre noir, dont à peine dans la purification a-t-il resté la huitième ou dixième partie, les impuretés superflues en étant ôtées.
C’est ainsi qu’il faut procéder à la purification & correction des métaux, pourvu qu’on ait connaissance de la manière de les purifier, par la distillation, [13] sublimation, & recoagulation. Mais, dira-t-on, les métaux ne peuvent pas être purifiés par la distillation de même que les végétaux.
Je ne veux opposer à cela que notre premier fourneau, qui n’a pas été inventé pour les rustiques, mais bien pour les Chimistes qui travaillent à la purification des métaux. Et-comme le moyen de les perfectionner a été prouvé par deux exemples, ainsi on montre qu’on les peut aussi perfectionner par la fermentation. Car comme le ferment nouveau peut fermenter les sucs végétables qui sont purgés de leurs fèces, comme il se voit dans le vin, bière & autres liqueurs dont la perfection ne se fait que par la fermentation sans laquelle ils ne pourraient pas durer longtemps, comme ils sont par après durant quelques années :
Pareillement si nous savions les fermentations propres des métaux, certes nous pourrions les purger & perfectionner, de sorte qu’ils ne seraient [14] plus sujets à la rouille, & résisteraient au feu & à l’eau, étant nourris & élevés dans le feu & dans l’eau. Aussi le Monde qui périt autrefois par l’eau, doit périr par le feu, & il faut que nos corps se pourrissent & soient clarifiés par le feu avant que de venir devant Dieu.
Voilà pour la fermentation des métaux, lesquels sont aussi purifiés & corrigés à la façon du lait exposé à la chaleur dont la meilleure partie qui est la crème dont se fait le beurre, est séparée en haut de la sérosité du fromage ; & plus le lieu est chaud, plus la séparation est hâtée.
Il en est de même de celle des métaux, lesquels étant mis dans un lieu de chaleur convenable, (je suppose qu’ils aient été auparavant réduits en substance de lait) sont séparés d’eux-mêmes sans addition d’aucune chose étrangère, & par succession de temps, les parties les plus nobles se séparant des moins nobles, [15] découvrent un grand trésor. Et comme en hiver, faute de chaleur, le lait ne se sépare qu’avec difficulté, il en en de même des métaux, s’ils ne sont pas aidés par le feu.
Cela se voit dans le fer, lequel à la longue se convertit en or sous la terre, sans l’assistance de l’Art ; car on trouve souvent des mines de fer remplies de petites veines d’or très agréables à la vue, lesquelles ont été séparées d’un soufre grossier, terrestre & inmûr, par la force de la chaleur centrale ; & dans ces mines ordinairement il ne se trouve point de vitriol du tout, qui soit séparé de ton contraire & perfectionné.
Or il faut un longtemps pour faire cette séparation souterraine, laquelle l’Art peut faire en peu de temps, comme nous faisons le beurre durant l’hiver, exposant le lait à la chaleur pour en séparer plus promptement la crème, ce que nous avançons par la précipitation faire avec des acides mortifiant le sel urineux du lait ; & par ce moyen tous les principes [16] sont séparés chacun à part, savoir le beurre, le fromage & la sérosité. Ainsi en peu d’heures se peut faire la séparation, laquelle autrement & sans les acides, ne se ferait qu’en l’espace de plusieurs semaines.
Si cela est possible dans les végétaux & dans les animaux, pourquoi ne le sera-t-il pas dans les minéraux ? Pourquoi dans le fer, dans le plomb, dans le cuivre & dans l’étain, ne se trouvera-t-il pas de l’or & de l’argent, quoiqu’ils ne paraissent pas ? Pourquoi veut-on ôter toute sorte de bonté aux métaux imparfaits, puisqu’on l’accorde aux végétaux & aux animaux qui ne les égalent pas en durée ?
La Nature cherche toujours la perfection de ses ouvrages ; or les bas métaux étant imparfaits pourquoi l’Art n’aidera-t-il pas la Nature pour les perfectionner ? Mais -il faut particulièrement remarquer le lien des parties métalliques, lequel étant rompu, les parties sont séparées.
Le sel urineux est le lien des parties [17] qui composent le lait, lequel doit être mortifié par l’acide qui est fort contraire, pour la séparation. Or les parties du fer sont liées par le sel vitriolé, lequel doit être mortifié par son contraire, qui est le sel urineux ou nitreux, pour la séparation.
Celui donc qui saura ôter le sel superflu du fer, soit par la voie humide, ou par la sèche, aura sans doute un fer qui ne sera pas aisément sujet à la rouille.
Le feu aussi a une puissance incroyable dans la transmutation des métaux. L’acier ne se fait-il pas du fer par le moyen du feu ; & le fer, de l’acier, par un procédé différent ? L’expérience journalière nous apprend les diverses transmutations & corrections par le moyen du feu. Pourquoi le Chimiste expérimenté n’en fera-t-il pas autant ?
Qui aurait jamais cru qu’il y eût un oiseau vivant caché dans un œuf ; & dans le grain, une herbe qui dût a avoir [18] des feuilles, des fleurs & de l’odeur ? Pourquoi donc les métaux embryonnés qui n’ont pas encore atteint leur perfection, ne pourront-ils pas l’atteindre par l’assistance de l’Art ?
Une pomme verte, & non encore mûre, n’est-elle pas mûrie par la chaleur du soleil ? C’est à quoi des Esprits curieux ayant pris garde, ils ont imité la Nature, & trouvé que certains métaux qui n’étaient pas encore détruits par la violence du feu, sont devenus plus riches & plus, précieux par une douce chaleur, de sorte qu’étant fondus après la digestion, ils ont donné le poids double d’or & d’argent.
Moi-même j’ai vu une mine de plomb commune mise en digestion par la manière susdite, laquelle n’en devint pas seulement plus riche en argent, mais encore il se trouva qu’elle contenait de l’or, qu’auparavant on ne lui avait point trouvé dans l’examen ordinaire. Et ce travail peut-être fait même en grande quantité ; ce qui [19] apporterait indubitablement beaucoup de profit à ceux qui possèdent des mines de plomb. Or toute mine de plomb ne devient pas riche d’or par ce moyen ; mais l’expérience nous fait voir qu’elle est toujours riche d’argent.
Il y a mille autres secrets qui paraissent incroyables aux ignorants. Si nous étions plus curieux à feuilleter le Lire de la Nature que Dieu même a écrit de sa main propre dans les pages réglées des Astres & dans les qualités des quatre Eléments, nous découvririons beaucoup d’autres merveilles ; mais les Arts & les richesses ne s’acquièrent pas par l’oisiveté, au contraire par le travail & l’industrie.
Les métaux se perfectionnent aussi par le moyen de la graduation semblable au germe ; car il est évident qu’une greffe d’un bon arbre, mis sur un sauvageon, fait qu’il porte ensuite des fruits non sauvages, mais excellents, convenables à l’espèce de l’arbre dont le greffe [20] a été pris ; comme l’on voit dans le fer qui a été dissous dans un esprit acide, fermenté par Vénus & transmué en cuivre ; & par ce moyen le cuivre serait transmuable en argent, l’argent en or, si l’on connaissait bien la manière d’approprier la fermentation ; ce que l’on sent par même raison de la chaleur naturelle qui change dans l’estomac la nourriture par la digestion, en l’être ou d’un homme, ou d’un cheval, & de tout autre animal, faisant à chacun de la chair, &c. de ce qu’ils ont mangé.
Les meilleures parties peuvent aussi être séparées des plus viles par la vertu attractive des semblables, comme il se voit dans un métal abondant en soufre, auquel, si on ajoute du fer dans la fonte, le soufre quitte son métal qui est rendu plus pur par ce moyen, & s’associe avec le fer avec lequel il a une plus grande affinité & familiarité qu’avec son propre métal.
Par exemple, si on ajoute du fer dans le flux d’une mine de plomb [21] abondant en soufre, le métal fondu est rendu malléable, lequel autrement fût sorti de la mine, noir & friable. Et si nous avions encore connaissance de quelque autre chose pour ajouter à la fonte des métaux malléables, pour en ôter le soufre superflu, immûr & combustible, sans doute on les rendrait encore plus.
Faute de cette connaissance, les métaux demeurent dans leur impureté naturelle. Et certes Dieu a bien fait de nous le cacher, comme il a toujours bienfait dans le reste de ses œuvres ; car si les Avares en savaient le secret, ils achèteraient tout le plomb, étain, cuivre & fer pour en séparer l’or & l’argent, tellement que les pauvres Gens rustiques trouveraient à peine des instruments métalliques qui leur font nécessaires : ainsi Dieu n’a pas voulu que tous les métaux fussent changés es or.
Après avoir donné la similitude d’ôter le soufre superflu de certains métaux dans la fonte, pour conserver les [22] parties les plus pures, on donne une autre manière de séparer les parties pures d’avec les impures, par la force attractive des semblables, les parties impures & hétérogènes étant rejetées, ce qui peut être démontré tant par la voie humide que par la voie sèche. Exemple de la voie humide.
Si on ajoute du mercure vif à de l’or ou à de l’argent impur dissous dans son propre menstrue, ce mercure attire à soi l’or & l’argent invisible mêlé dans l’impureté, & s’associe celui qui est le plus pur. Cette séparation se fait fort promptement.
Le mercure en fait de même dans la voit sèche, lorsqu’une terre contenant de l’or ou de l’argent, est humectée par une eau acide, & sont broyés ensemble tant que le mercure ait attiré la meilleure partie.
Cela étant fait, il faut laver avec de l’eau commune la terre morte qui [23] reste, & après avoir séché le mercure, le séparer de l’or & de l’argent qu’il avait attirés, en le passant au travers d’un cuir. Or le mercure n’attire de la terre pour une fois qu’un métal, voir le meilleur, lequel étant réparé, il en attire un autre la seconde fois. Par exemple :
S’il y avait dans une terre de l’or, de l’argent, du cuivre & du fer cachés, le mercure attirerait l’or la première fois, la seconde, l’argent, le cuivre & le fer difficilement, à cause des impuretés, l’étain & le plomb facilement ; mais l’or plus facilement que tous les autres, à cause que l’or par sa pureté est très semblable au mercure.
Autre Démonstration par la voie sèche.
Il faut mettre une coupelle sous la tuile avec du plomb auquel on ajoute un grain de très pur or pesé exactement, il faut faire fulminer l’or dans la coupelle, dans laquelle le plomb entrera, [24] laissant l’or pâle dans la coupelle, la cause de cette couleur pâle n’étant autre que le mélange de l’argent attiré du plomb par l’or.
Mais, dira-t-on, on sait bien que l’or fulminé avec le plomb, est rendu plus pâle & plus pesant, à cause de l’argent qui était dans le plomb, & qui a été laissé avec l’or dans l’examen, augmentant son poids & le faisant pâlir.
Je réponds à cela qu’encore que le plomb laisse quelque peu d’argent dans l’examen à la coupelle, se mêlant avec l’or qui lui a été ajouté, augmentant le poids de l’or & altérant sa couleur, il se prouve toutefois par le poids que le plomb mêlé avec l’or, en laisse plus que dans l’or.
Par ceci on voit donc que l’or attire des autres métaux fort semblables, qui augmente son poids.
L’or fait aussi ce même effet dans la voie humide ; car s’il est dissous dans un menstrue convenable, avec le cuivre, & mis en digestion, il attire l’or [25] séparé du cuivre. Quoique ce travail ne se fasse pas avec profit, il marque néanmoins la possibilité. Mais si on connaissait un menstrue qui augmentait la force attractive de l’or, & diminuât la rétentrice du cuivre, sans doute on en pourrait attendre quelque profit ; & certes davantage, si l’or & le cuivre, étaient fondus ensemble avec un menstrue minéral sec.
Par cette manière, le poids de l’or serait augmenté, selon Paracelse, qui dit que les métaux étant fondus ensemble à feu violent continué quelque temps, les imparfaits s’évanouissent, & les parfaits demeurent en leur place (b).
Ce travail étant dûment fait, n’est pas sans profit ; car j’avoue ingénument que j’ai quelquefois essayé de vouloir rendre la Lune compacte par le moyen de Mars, & dans cette rencontre, l’or m’a donné, par le moyen de Mars, un accroissement considérable [26] de bon or, au lieu de la Lune fixe que je cherchais.
De cette manière, il arrivera souvent aux Artistes quelque chose d’inopiné lorsqu’ils n’examineront pas bien la chose. C’est pourquoi quand on travaille sur les métaux, il faut prendre bien garde, quand on trouvera quelque augmentation, pour en rechercher l’origine ; car plusieurs s’imaginent, travaillant longtemps sur la Lune & sur Mars avec la pierre sanguine, l’aimant, l’émeri, la pierre calamine, le talc rouge, les grenats, l’antimoine, l’orpiment, le soufre, les pierres à feu, &c. qui contiennent de l’or mûr & immûr, volatil & fixe, trouvant de bon or dans l’examen, que cet or a été fait par le moyen de la Lune & des minéraux susdits ; ce qui est faux, car la Lune a attiré de ces minéraux l’or volatil qui y était caché.
Je ne veux pas néanmoins nier la possibilité de la transmutation de la Lune, comme étant intrinsèquement [27] très semblable à l’or ; mais non pas par le moyen du ciment avec les minéraux susdits, d’autant que cet or ne provient point de la Lune, mais des minéraux desquels il est attiré par la Lune.
Ce travail est comparé à la semence jetée dans une bonne terres dans laquelle pourrissant, elle attire son semblable par sa propre force, dont elle multiplie au centuple. Or dans cette opération, il faut humecter la terre métallique, d’eaux métalliques appropriées, ce qui s’appelle incération, autrement la terre serait stérile.
Il faut que ces eaux soient amies de la terre, afin qu’étant unies, elles composent une certaine graisse : comme il se voit dans une terre sèche & sablonneuse, étant arrosée de la pluie, laquelle ne peut pas produire des fruits convenables à la semence, d’autant que la chaleur du Soleil consume le peu d’humeurs qu’elle a & brûle la semence ; mais si on y mêle du fumier, elle retient l’humidité, en telle sorte qu’elle n’est [28] pas si aisément consumée par la chaleur du Soleil
Par la même raison, il faut que cette terre & cette eau soient unies, de peur que la semence ne soit brûlée. Si le travail est bien exécuté, il ne sera pas inutile, ayant besoin d’une extrême diligence pour entretenir la terre de la chaleur & de l’humeur nécessaires ; car par la trop grande humidité, la terre est submergée ; & si elle en manque, l’augmentation est empêchée.
Cette opération est une des meilleures par lesquelles se tire l’or & l’argent des métaux les plus vils, étant nécessaire d’avoir des vaisseaux qui retiennent la semence avec la terre & l’eau dans une chaleur convenable. Je ne doute point que ce travail ne se puisse faire en grande quantité, croyant fermement que les métaux imparfaits, particulièrement le Saturne, peuvent être mis en or & en argent, & même en une bonne Médecine.
Le Chimiste doit se servir prudemment [29] de ce don de Dieu qui lui est un grand soulagement. Dieu ne veut pas que tous ses dons soient communs car il m’est arrivé qu’ayant inventé quelque chose de rare, & le voulant communiquer à un de mes amis, non seulement je ne lui pus jamais enseigner, mais encore je ne l’ai pu depuis exécuter pour moi-même. C’est pourquoi ce n’est pas sans raison que les autres sont si circonspects à écrire des choses hautes, d’autant qu’il y en a plusieurs qui tâchent d’attraper les secrets par toutes sortes de voies.
Il et donc plus sur da se taire, & d’obliger le monde à chercher & expérimenter les peines & les frais qui sont nécessaires pour les choses hautes & difficiles. Cela est cause que je prie tous les hommes, de quelque condition qu’ils soient, de ne me plus accabler de demandes, comme si j’étais possesseur de montagnes d’or.
Je n’ai jamais fait d’essai en grande quantité ; j’ai seulement voulu chercher [30] la vérité & montrer la possibilité. Un autre pourra faire l’essai en grande quantité, en, ayant l’occasion favorable. Pour moi qui ne l’ai pas encore fait, j’attends le secours divin pour recueillir le fruit de mes travaux.
Les métaux sont aussi altérés par une autre voie, savoir par le moyen d’un esprit teignant & métallique, comme il le voit en l’or fulminant, étant par diverses fois allumé sur une lame de métal nette & polie, lui imprimant, sans l’endommager, une teinture d’or très profondément, en sorte qu’une aiguille en peut faire l’épreuve.
Il en arrive de même dans la voie humide, lorsque les métaux en lames étant mis sur un esprit graduatoire fait de nitre & de certains minéraux, & étant pénétrés par ledit esprit, acquièrent une autre espèce qui lui est convenable.
Si quelqu’un doute de la graduation métallique faite avec l’or fulminant, il en sera assuré en allumant souvent [31] l’or fulminant récent sur une même lame ; car il verra que ce n’est pas une apparence de métal doré extérieurement, mais teint & perfectionné profondément. D’où on voit clairement l’action & la passion mutuelle des métaux subtilisés; car la puissance des esprits est grande, & incroyable à celui qui n’est pas expérimenté.
Cette graduation des métaux intérieurs n’est pas seulement confirmée par les Philosophes anciens & modernes, mais encore par les Mineurs qui savent par expérience que les vapeurs minérales transforment les métaux vils imparfaits en meilleurs ; témoin Lazare Freker, qui assure, que dans les eaux vertes salées, le fer le change en cuivre naturel & bon ; & qu’il a vu une fosse dans laquelle les clous de fer, & autre chose qu’on y jetait, se convertissaient en bon cuivre par la pénétration de l’esprit de cuivre.
Je confesse que les solutions métalliques [32] précipitées sur les lames de certains métaux s’attachent à elles, & leur donnent la teinture de l’or & de l’argent ou du cuivre, car il est évident que le fer jeté dans de l’eau vitriolaire, ne se change pas en cuivre, mais attire le cuivre de l’eau ; de quoi nous ne traitons pas ici, Autant la possibilité de la transmutation métallique par l’esprit teignant & pénétrant.
Cependant j’assure derechef que les esprits métalliques ont une grande vertu. N’est-il pas vrai que les Provinces entières sont quelquefois détruites par l’inondation qui emporte les Villes entières ? L’air ne peut-il pas aussi faire d’étranges ravages, lorsque étant enclos dans la terre, il excite des tremblements à quelques milles à l’entour, emportant les Villes & les montagnes avec la ruine d’une infinité d’hommes, ce qui se fait naturellement ?
Le vent qui est artificiellement excité par le nitre, fait bien d’autres effets. Quoique les éléments corporels [33] aient une si grande puissance, ils ne sauraient toutefois pénétrer les métaux sans lésion, non plus que les pierres & le verre qui sont facilement pénétrés par le feu dont la force est ouverte & non cachée. Pourquoi donc aussi les métaux compacts ne seront-ils pas pénétrés par un esprit métallique, par le secours du feu, & transformés en une autre espèce, comme il a été dit de l’or fulminant & de l’eau graduatoire ? C’est pourquoi il ne faut pas douter de la vertu de l’esprit teignant & transmuant les métaux imparfaits en plus nobles & plus précieux.
Les métaux peuvent aussi être purifiés par le même moyen que le tartre, le vitriol & les autres sels, savoir par le moyen d’une eau copieuse ; car il est constant que le vitriol est purgé par le mélange du fer & du cuivre, après qu’il a été dissous dans une grande quantité d’eau, & après coagulé, tellement qu’il devient blanc comme l’alun, laquelle purification n’est que la [34] séparation du métal d’avec le sel, faite par la quantité d’eau qui débilite le sel, tellement qu’il ne peut plus retenir le métal mêlé, lequel est précipité comme une chose limoneuse, laquelle n’est pas inutile, étant la principale partie du vitriol, d’où vient la verdeur, le cuivre, le fer & le soufre.
Et comme, par la séparation, les métaux qui sont plus parfaits que les sels, sont tirés des sels du vitriol, il en faut dire autant des métaux, lorsque la partie plus noble est séparée par la précipitation.
Quand au tartre, il est vrai qu’il est purifié par l’addition de quantité d’eau ; mais sa principale partie n’est pas précipitée comme dans le vitriol, au contraire, c’est la partie la plus vile par sa noirceur & par ses fèces.
Que l’on remarque cet exemple ; le tartre commun est rendu très pur & très blanc par une fréquente solution faite avec suffisante quantité d’eau, & par la coagulation, d’autant qu’en chaque [35] solution faite avec de l’eau claire & nette, il devient toujours plus pur ; par ce moyen, non seulement le tartre blanc, mais le rouge & féculent, est réduit en cristaux transparents, & même fort promptement, par le moyen de certaine précipitation, sa limosité n’étant qu’une chose insipide, morte, inefficace, mêlée avec le tartre dans la coagulation faite dans les tonneaux, puis séparée derechef par la force de la solution.
Ces exemples des deux sels, du vitriol & du tartre, ne sont pas ici rapporté sans cause, parce qu’ils montrent la différence de la précipitation, en d’autres la partie la plus noble, selon le prédomination de l’une ou de l’autre.
Dans le vitriol, sa partie la plus noble (le cuivre & le fer) est la plus petite portion, laquelle est précipitée & séparée par sa partie la plus vile & la plus copieuse, qui est le sel. [36]
Dans le tartre, sa partie la plus vile & la plus petite est précipitée & séparée par la partie la plus grande & la plus noble, étant clarifiée. Il en arrive de même dans les métaux ; & partant, chacun doit bien considérer, en faisant sa séparation, laquelle partie du métal, la plus noble ou la plus vile, doit être précipitée ; sans quoi personne ne se doit mêler de ce travail.
Que l’Artiste aussi qui attend quelque utilité, se donne bien garde des eaux corrosives, comme eau forte, eau régale, esprit de sel, de vitriol, d’alun, de vinaigre, &c. dans la solution, d’autant que les choses susdites gâtent & détruisent tout, ajoutant foi à ces paroles : les métaux, par les métaux ; car avec les métaux, les métaux sont perfectionnés ; ils le sont aussi par le nitre qui brûle le soufre superflu combustible.
Toutes les susdites perfections des métaux sont particulières ; car toute Médecine, tant humaine que métallique, [37] purge, sépare & perfectionne, en ôtant le superflu. Mais la Médecine universelle opère ses perfections & améliorations par la fortification & multiplication de l’humide radical, tant animal que métallique, lequel chasse après son ennemi par sa force naturelle.
Mais, dira-t-on, je propose de beaux exemples, & non la manière d’opérer.
Je réponds que je me suis assez étendu dans mes explications, & que je n’y ai recherché que l’utilité de mon prochain. Cela doit suffire, suivant mon expérience, touchant les particulières améliorations des métaux.
Quant à cette Médecine universelle dont on a tant parlé, je n’en puis juger comme d’une chose connue, mais j’en soutiens seulement la possibilité.
Il faut se contenter de la science que Dieu nous donne, & il vaut quelquefois mieux savoir peu que d’être orgueilleux. [38]
ACCESSOIRESAU CAHIER DES SEPT NUANCES.
Arrivé au point de conduire le Grand-Œuvre à la pierre grise-blanche dans l’espace de 18 mois, je pourrais offrir aux Curieux 550 nuances distinctives ; mais encore que la Chose unique soit vile, ou mieux commune, en un mot qu’elle soit partout, (c) il eût été ridicule de leur représenter [39] un si grand, nombre de vases ; & celui de sept que j’ai adopté, excéder de six l’ordre des Sages.
Quoique je n’offre que sept nuances qui par le temps doivent être éloignées entre elles de 66 degrés ou jours, ainsi qu’il est indiqué par le nombre des 66 lames qui forment ensemble les trois derniers Tomes du Livre de Thot, (d) il arrive pourtant, quoique rarement, qu’entre deux numéros, la distinction des opérations extérieures de l’Œuvre n’est qu’imperceptible, parce qu’il se trouve dans ce cas qu’à la superficie un numéro va plus ou moins rapidement ; mais cela n’empêche pas que le numéro le plus ancien arrive toujours avant celui qui est plus nouveau, aux Numéros VI & VII.
Rien dans ce bas Univers ne plaisant également à tous les hommes, il n’est pas étonnant que sur cent Opérateurs, [40] il y en ait dix qui n’estiment pas mon œuvre être le vrai Hermétique.
Je réponds à ces personnes : si vous m’offrez plus sensiblement les opérations de la grande Nature, & que votre œuvre se rapporte plus que le mien aux ouvrages imprimés & manuscrits des Philosophes, je me soumettrai à votre langage ; sans quoi permettez-moi de dire qu’il y a en vous jalousie ou au moins prévention pour la route que vous tenez, & dans laquelle, vous êtes forcé de le dire, vous ne voyez seulement pas l’imitation de la Nature dans ses actes simples & journaliers.
Les beautés que l’Œuvre Hermétique démontre dans sa route ne pouvant être décrites, tenons-nous en toujours à quelque fait particulier.
L’Œuvre découvre que la terre est d’un ovale un peu aplati, peu uni ; nageant dans un fluide attiré au centre, lequel est repoussé perpétuellement à la circonférence. [41]
Que la terre est comprimée par un chaos subtil nommé Atmosphère.
Que l’Atmosphère et non seulement attiré vers la masse, & ainsi au centre de la terre ; mais qu’il est borné par une substance qui tient un peu de l’homogénéité d’un esprit universel épars dans l’étendue.
L’Œuvre démontre, qu’il y a une loi de mouvement inaltérable du centre de la terre à sa circonférence.
Qu’en quelque lieu de la surface de l’œuvre que les arbres soient placés, ils tirent juste leur direction du centre.
Les arbres ne paraissent que dans le sixième vase ; ce qui indique un temps déterminé. Ils ne poussent jamais que lorsque la terre est absolument pure ou adamique, c’est-à-dire rouge, telle elle dut être au moment qu’elle fut créée; c’est le sentiment des Philosophes.
Les germes sortent blancs ; ils jaunissent en se corporifiant ; les branchages sortent du tronc qui prend la couleur [42] du corps de l’arbre chêne, & ensuite du rouge aurore lorsque les feuilles & sans doute les fleurs & les fruits couronnent l’arbre.
Ces Arbres, vraie nature de chênes, sur lesquels se recueille aussi cette précieuse mousse, ne sont pas ici des figures, mais des arbres réels & effectifs, en un mot palpables ; enfin une partie des racines de ces arbres, serpentent visiblement sous une pellicule générale qui couvre l’œuvre, quoique cette pellicule soit différente en sa couleur, suivant les sols intérieurs qui, varient à l’infini.
Le plus long de l’œuvre, pour celui qui n’est pas plus instruit que moi, est un hiver glacial, & c’est dans ce long passage qu’on voir :
« Les gros arbres, que la terre y avait poussés jusqu’aux nues, y étaient embarrassés de plantes rampantes qui en interdisaient l’approche. C. T. » Raynat, Histoire des deux Indes.
De l’avis de plusieurs Disciples Herméticiens voyageurs, on ne voit qu’à [43] Naples & à Paris, ( chez moi,) la même genre d’œuvre hermétique ; mais je dois dire que je connais à Paris cinq personnes qui ont le même genre d’œuvre, dont une, que j’ai nommée dans mon, Fragment sur les Hautes-Sciences, est plus savante que moi.
Mon Œuvre ne fait pas partie des curiosités qui entraînent la foule : un petit nombre de vrais Amateurs par raisons de sciences quelconques, de même d’autres Savants, quoique Antagonistes des Hautes-Sciences, est tout ce que je souhaite voir dans mon Cabinet.
Comme tous les Amateurs de la Philosophie Hermétique, qui voient quelques jours de suite mon Œuvre, & par conséquent avec quelle précision il suit les opérations de la Nature, enfin tout ce qu’ils lisent dans les Philosophes, sont envieux de posséder un de mes vases, je vais dire tout naturellement le prix que j’y mets, non en raison de leur valeur qui n’est sincèrement [44] qu’un objet de curiosité, mais par compensation du peu de science que j’ai, à la fortune des curieux, qui ne peut leur avoir coûté plus de fatigues, de temps & d’argent qu’à moi : que les fortunes se subdivisent, que les sciences se répandent & pénètrent tous les hommes ; un Peuple de Sages couvrira la terre.
Pour avoir un de mes vases (e) je ne [45] requiers pas seulement le prix que j’y mets, vingt-cinq louis ; mais il est de vérité que je veux être autant certain qu’il est possible, que cette somme ne peut rien prendre sur l’honnête aisance du curieux ; & que quand bien même il serait plus que fortuné en, raison de cette dépense, il faut encore que je découvre en lui les qualités de l’honnête homme & du Citoyen ; en un mot, la volonté d’être utile aux autres s’il a le bonheur de parachever l’Œuvre.
Quant au mystère de la Science, je ne lui en demande pas le secret, parce que je ne le lui donnerai pas, & que le trouvant lui-même, un Empire ne le lui ferait pas divulguer. [46]
Comme un tel Curieux, moins sans doute avancé que moi, ne pourra pas seul conduire son vase, il me le remettra de fois à autre pendant quinze à dix huit mois, & je le conduirai jusqu’au N°. VI. mais pas plus loin.
S’il ouvre ou laisse tomber son Vase, l’esprit universel est attiré par la masse de l’esprit universel, & l’Œuvre meurt, & dans ce cas la perte est pour lui.
Seconde offre.
Il est des Amateurs que leurs occupations détournent de la pratique de l’œuvre ; il en est qui ayant déjà passé dix & vingt ans à sa recherche, ne savent réellement rien : (f) enfin il est [47] des hommes, & en très grand nombre, ainsi que des femmes, qui ne jugeant ni pour ni contre l’Œuvre Hermétique, demanderaient à faire un léger sacrifice pour avoir quelque prétention à la réussire. Avant d’acquiescer à leur désir, rendons en deux mots quelque compte exact à la Société, qui répond de tous les Membres, & de leur conduite.
Trouver une Médecine qui sans nul égard aux maladies, tend à empêcher que le corps n’en soit atteint, me paraît si vraisemblable & si simple, que je, me dis, il faut que l’ignorance soit bien outrée pour prôner que cela est impossible ! [48]
Trouver un remède qui guérit à la fois deux maladies, est, si commun, que je me dis, il est impossible qu’il ne soit pas un remède qui en guérisse trois, & alors je suis forcé de convenir qu’il est dans la Nature une Médecine universelle.
Quant à la perfection des bas métaux, enfin à leur nutrition, pourquoi, si je connais les Agents de la Nature propices à leur perfection & à leur maturité, ne les rendrais-je pas parfaits, c’est-à-dire, de plomb en or ? Cela me parait encore si vraisemblable, que je cherche comment l’ignorance s’y est prise pour surprendre des hommes qui d’ailleurs étaient vraiment instruits.
Il n’est volontiers plus permis de douter de la vérité d’une Médecine qui détournant de toutes Maladies, qui les guérissant toutes, allonge les jours.
Il n’est de même plus volontiers permis de mettre en doute que l’on puisse transmuer les bas métaux en métaux parfaits ; car que l’un & l’autre ne [49] soient pas journellement publics, est purement un traité fait avec la Science & la Sagesse, & non la certitude d’un pacte avec l’ignorance.
Si je possédais l’Œuvre, je n’aurais besoin que de sacs pour mettre mon or : ne le possédant pas, j’ouvre une caisse de chance à courir avec moi, dont les actions sont depuis un louis jusqu’à douze.
Outre le plus de certitude que l’on a d’un bon Pilote sur un faible, on peut encore, en ne s’occupant pas soi-même d’un voyage de long cours, vaquer au bien de la Société, & se préserver de placer sur quelque Capitaine, aujourd’hui Corsaire, & demain Forban, lors, dis-je, que le Pilote est avoué de ses Confrères pour être Voyageur, & de plus Citoyen.
L’Œuvre Hermétique est une science naturelle qui tient du Divin, c’est pourquoi il est nommé Science Divine. Il tient de la Nature, c’est pourquoi il est nommé Art Sacré. Il est pour [50] l’homme juste & vraiment laborieux ; car le don du plus grand, trésor mis dans la Nature, ne peut être le lot du méchant ni du paresseux. Courir la chance d’un louis, c’est avoir espérance sur sa santé perpétuelle, sur une année de vie de plus sur mille livres, somme raisonnable pour vivre pendant un an. Ainsi voilà la progression des chances.
1 x 1 = 1 ans & mille livres. 2 x 2 = 4. 6 x 6 = 36. 12 x 12 = 144. La souscription totale est totale est infiniment bornée, parce que la Pierre Philosophale n’est pas encore le propre de tous les hommes, & surtout de eux qui auront l’ineptie de nous dire que c’est bien là le comble de la folie, lorsqu’ils seront eux-mêmes bien loin du Temple de la Sagesse.
Je cherche à pénétrer de tout mon savoir quelques vrais studieux, & je réussis ; Hisler, Prussien mon intime Ami, en est la preuve ; il en est encore d’autres. [51]
Outre ce que nous avons dit dans la Philosophie des Hautes Sciences, désirant donner à nos Maîtres éloignés de nous, & dont beaucoup ignorent notre existence, un témoignage que nous sommes dans la véritable route, & en même temps donner à tous jeunes Disciples présents & à venir un sage avis, nous disons :
Dans les deux voies, sèche & humide, le plus à appréhender est, dans la première, dessèchement des eaux ; & dans la seconde, la suffocation des eaux : l’une brûle ou dessèche, & l’autre noie ou pourrit ; & dans les deux cas, la Nature au lieu de rendre le sujet proposé, en offre un autre qui n’est plus l’Œuvre.
Si dans un de vos passages vous voyez votre terre couverte de neige, & teinte de rouge, ou plus vrai, d’un rose rendre, quoique imperceptible, réjouissez-vous, & continuez avec prudence ; c’est le soleil de votre Œuvre qui veut monter à l’horizon. [52]
Celui qui ne possède point l’Œuvre parfait, n’est pas plus riche en Philosophie Hermétique qu’un homme qui n’en a jamais entendu parler ; mais il est de vérité que plus le Disciple travaille juste, plus il est instruit que cette sublime science n’est pas une fiction, comme l’ont dit ceux qui en cherchant l’Œuvre où il n’était pas, se sont dégoûtés, & ont fini par ne plus le croire véritable.
La couleur du pavot arrive dans l’Automne du VIe Vase, & ne disparaît que dans la macération du VIIIe Vase, où alors reparaît cette couleur avec toutes les autres sur le manteau royal de la Pierre des Sages, ou du Roi dans son bain.
Au préjugé de consulter Etteilla, qu’il faut regarder purement comme l’Avocat & le Conseiller en la chaîne de la vie, vient dans d’autres personnes la crainte aussi peu raisonnable d’apprendre de fâcheux événements pour l’avenir ; n’est-ce pas vouloir n’être pas averti encore â temps pour en empêcher ? [53]
Nous avons aujourd’hui dans les opérations de pure Chimie, quelque route plus ouverte que celle du petit Ouvrage ci-dessus; c’est la récompense bien honorable des fatigues des Chimistes de nos jours.
Un homme qui parle contre les Fautes-Sciences, est d’un esprit chagrin, & nous l’avons justifié, qui ne craint pas de condamner ses propres amis fins les entendre.
Le Minéral indéterminé empêche l’anéantissement total des Etres primitifs.
L’Amateur qui vient voir mes vases, ne doit pas négliger celui qui ne flatte pas encore ses yeux.
On passe sans injustice pour un ignorant, lorsqu’on ne démontre pas qu’on est plus savant que celui qu’on critique.
J’espère avoir réussi dans deux ans ; mais qui peut répondre de cela ? Ce ne sont pas les Ecrits des Philosophes, où je suis arrêté tout court : ce ne sont pas les Philosophes, qui comme le cocher [54] encourage ses chevaux, sans tirer lui-même la voiture : ce ne sont pas mes Amis ni mes Elèves qui voudraient savoir ce que je sais.
Si j’étais seulement Amateur, croyant à la Science du grand Hermès, aurais-je quelque confiance en celle d’Etteilla ? Je ne le crois pas. Quel mélange, que de faiblesse, que de forces ! Qui conçoit l’homme simple & de bon entendement.
J’ai déjà adressé la parole aux Francs-Maçons, page 81, second Cahier des Tarots, ou mieux, tome troisième de la Philosophie des Hautes Sciences, & quoique je ne sois point reçu Membre d’aucune Loge, j’ai pour tout ce qui est de vraie Maçonnerie, autant de respect que puisse en avoir un frère qui en connaît l’origine & en conçoit le but, la Sagesse & les Hautes Sciences.
Toutes les petites dénominations de Loges & de grades, annoncent plus la folie que la sagesse, & tous les simulacres extérieurs annoncent plus l’ignorance que la science. [55]
Ce que je dis n’est pas par esprit de critique, mais par la sévérité que doit avoir un vrai Disciple de la Haute Maçonnerie.
L’origine de la Maçonnerie date du moment où le premier homme fut né mis en puissance de Sciences & de Sagesse.
Dans les enfants de Noé ce fut Cham & ses premiers descendants qui en firent un objet réglé ; car pour Sem & Japhet ils la nourrirent purement dans leur cœur, & leurs premiers descendants ne s’en occupèrent plus.
Les révolutions éloignèrent l’esprit pur de la Maçonnerie, & le coup de marteau fut seul conservé, parce qu’il rappelait sous les ailes de quelques Vénérables épars, les Disciples effrayés & éplorés.
A la vérité vint se mêler la Fable, & bientôt on osa frapper ce marteau sacré pour la perfidie.
La vérité intérieure de la Maçonnerie rappela tous les hommes, c’est [56] où ils en sont ; mais il fallait à beaucoup d’eux ce vil dehors extérieur, qui bientôt amena tout ce superficiel étranger à la vraie Maçonnerie, superficiel qui éloigna les hommes faits, & ne donna assez généralement dans les Loges que des Vénérables instruits des simulacres, & mettant en usage les imaginations toujours renaissantes des Frères prétendus plus savants que les autres.
« Si la vraie Maçonnerie eût subsisté, les Frères auraient parlé tout haut, & le Mystère n’aurait existé que dans l’Œuvre. »
C’est ce que les Egyptiens avaient parfaitement rendu sur le quinzième feuillet du Livre de Thot, pages 24 & suivantes du même Tome ou quatrième Livre (g). [57]
« Sur une table ou autel, à hauteur de la poitrine des Mages, étaient d’un côté un Livre ou une suite de feuillets ou lames d’or (le Livre de Thot) & de l’autre côté un vase plein d’une liqueur Céleste Astrale, composée d’un tiers de miel sauvage, d’une part d’eau terrestre & d’une part d’eau céleste, .... »
« Le Secret, le Mystère était donc dans le vase & dans la science de lire les sublimes Hiéroglyphes, tracés sur les soixante & dix-huit lames qui renferment la Science de l’Univers entier, de Gébelin, » en son huitième volume, Discours sur le Tarot.
J’entends donc dire que répudiant en Loge tout ce qui s’appelle épreuves, il ne soit que celles d’interpréter le Livre de Thot, où est toutes sciences humaines, & en second mettre un vase vide sur l’autel, ou si l’on veut, la table, jusqu’à ce que les Frères aient mis dedans la chose unique & l’aient conduite à son plus haut degré de perfection. [58]
Si ce sage avis est mis en pratique, & que la Science & la Sagesse favorisent la Loge, en quel coin de l’Univers sera celle qui n’enviera pas son bonheur ? & si pour y arriver il faut purement entrer en Loge, & y étant, penser & réfléchir, rien autre, en restera-t-il encore une seule ayant son Frère Terrible, lorsque la Sagesse & la Science sont si douces : & que pour arriver à leur Temple, il faille des fatigues réelles, & par elles la vertu de n’être jamais indiscret ?
Traduction libre du Latin qui est sur le Tableau original peint il y a plus d’un siècle, appartenant à Etteila ; Tableau qui l’a beaucoup aidé à entendre quelques parties du Livre de Thot dans la Philosophie Hermétique.
Voyez l’Estampe qui est à la tête du premier Livre.
Ha ! Voilà le grand trésor qui n’a jamais été divulgué. [59]
1. Heureux celui qui me découvrira.
2. Préparation de la Matière.
3. Je suis cette Vierge qui vous nourrir.
4. Ne vous en rapportez point trop à la couleur.
5. Il a moins donné de la rosée aux liens, mais il les a payés.
6. Je les guide, & réponds par l’égalité, à l’empire qui leur a été donné sur les Eléments.
7. C’est ainsi de la matière.
8. Je rendurcis par mon humidité, & je fonds par ma chaleur.
9. Je raffermis & je colore.
10. Lorsque j’aurai été exaltée par les douze Signes, je changerai tout, & je guérirai les Malades.
Cette Allégorie du Sanctuaire de la Nature, & en même temps la preuve des immenses travaux que les Philosophes ont essuyés pour parvenir à la perfection du Grand Oeuvre, est posée sur un parallélépipède, ou cube quarré long, [60] emblème, d’un repos afflué où se voit peint l’Image de notre AUGUSTE MONARQUE, & ses armes, qui ensemble forment le cachet de la Patrie.
Ces objets, précieux à tous les Compatriotes, sont environnés de branches d’Olivier, emblème de la Paix, & de la douceur commune à l’olive lors de sa maturité.
De branches de Laurier, symbole du triomphe sur les calamités de la Guerre ; & enfin d’un Palmier, allégorie de l’égalité dans le poids, & de la Justice ; suivant ces paroles du PSALMISTE : Le Juste germera comme la Palme. Tout sera bon en lui, & rien venant de lui ne pourra s’altérer.
Les Ouvrages d’Etteilla, aussi diffus qu’abstraits, demandent à être lus plusieurs fois, & surtout dans les moments de récréation.
(a) Aucun changement n’est dans les principes ; telle a été la Première Matière, telle elle doit être aujourd’hui ; & ce n’est pas un orgueil de dire la voici dans ce vase, mais un témoignage de la stabilité des principes primitifs, & des lumières de la Philosophie qui ne permet pas qu’on cherche Dieu en lui, mais dans ses Œuvres.
(*) Une Preuve. Dans ce premier vase on y voit naître & vivre la première Famille de la matière ; le Scarabée élémentaire, successivement simple, -am-tri-quarto-phibié.
(b) C’est le minéral ou germe de l’or qu’il faut travailler, & non l’or, parce que l’or à maturité ne peut pas donner ce qu’il a pris, & il n’a pas pris plus qu’il ne lui suffisais.
(c) Cette vérité est applicable à tous les hommes.
(*) Chez d’Houry, Librairie Imprimeur, rue Haute feuille.
(d) Dans le mois de Juin dernier, M. le Comte de…, Seigneur Italien, vint voir mon Œuvre ; & sur ce qu’il vit, il n’hésita pas de me confier un procédé, qui lui coûtait déjà 40 mille livres ; plus, pour le lendemain, deux mille écus. Je lui prouvai clair comme le jour que son Conducteur le menait vers sa ruine ; je lui prouvai que le procédé ne conduirait qu’a une explosion du vase, fût-il cent fois plus dur & plus tenace que l’acier ; que son opérateur n’était pas dans la bonne foi, mais un rusé fripon, & que lui-même méritait d’être trompé, n’aspirant qu’à nager dans la santé & dans l’or. Je le rendis sage, mais en même temps ingrat, ne me tenant seulement pas compte de l’heure que je sacrifiai pour lui conserver sa réputation & sa fortune : 3 liv. était le prix de mon temps, j’eus la force ou la faiblesse de ne pas les lui demander.
(*) Il est plusieurs aimants, & ils sont souvent pris pour la Première matière. On peut employer beaucoup de ferment ; mais la Matière n’est qu’une. J’ai vu des ferments qui m’ont émerveillé, & d’autres qui m’ont trompé.
(e) Dans un vase, le fluide que pompe la matière s’amasse au fond jusqu’au même poids de la matière.
(f) J’ai vu un brave Pèlerin qui, en me la montrant, me dit que c’était de l’herbette qu’il avait prise sur le tombeau d’un Saint : je lui dis : dites sur la couche d’une Sainte.
(g) M. le Comte de S. Germain, le vrai Cabaliste, n’est point mort, mais bien M. S. Germain, Chimiste. Lisez mes Ouvrages, & surtout l’Epître que j’ai adressée à feu M. de Gébelin de son vivant, premier Janvier 1784.
Pourquoi, dirai-je, croiriez-vous plus un Journaliste sur cet objet, que Etteilla, vrai disciple de M. de S. Germain depuis près de vingt ans ?
Lorsque j’ai dit, premier de Janvier 1784, dans l’Epître à M. de Gébelin, que mon Maître serait à Paris du 20 au 21 Juillet, on a dit : Bon ! il est mort ; & lorsque le Journaliste a dit qu’il venait de mourir : Ah ! ah ! a-t-on dit, il n’était donc pas mort ! Non, & il ne l’ai pas, & doit être à Paris en 1787. Ou 88, au plus tard ; & pour le reconnaître, voyez son Portrait très frappant, gravé par M Thomas, & dédié à feu M. le Comte de Milly.
(h) Les vrais Curieux du grand Œuvre, ainsi qu’il envient chez moi pour suivre les variations, du mien, au lieu de donner journellement 3 liv. préfèrent à tenir le rang de mes Pensionnaires, 30 liv. par mois : ce qui les facilite d’amener tantôt un Savant, & tantôt un Amateur.
(i) Je ne sais si c’est par un don, ou purement à l’appui de ma faible science, que je juge juste de l’homme qui cherche en vain, & de celui qui peut espérer. Vous qui me lisez, devenez comme moi. Si l’Homme qui vous parle hautes sciences, vous peint la vertu sans les œuvres, protestez qu’il re réussira jamais. Si au contraire il peint les œuvres de la vertu pour vous représenter cette émanation de la Sagesse, soyez pour le moins porté à croire qu’en frappant on lui ouvrira.
(k) L’envie de vitre longtemps & d’avoir beaucoup d’or, disent les Ignorants, fait toute la crédulité des uns & l’effronterie des autres.
Il y a, il est vrai des hommes crédules qui, quoiqu’ils ont été & sont encore vicieux, se persuadent qu’ils trouveront, ou que l’on leur donnera la Médecine Universelle, & tout plein d’or ; ils sont dans l’erreur, & les fripons seuls peuvent bercer leurs espérances de ces belles promesses ; mais il n’en est pas moins vrai que la sage Pierre n’est pas une chimère, & que quand bien même je mourrais sans la posséder, son existence n’en serait pas moins certaine.
(l) Tout doit être intéressant pour les hommes, au moment où la Nature, dans l’une de ses effervescences périodiques millénaires, paraît les aider à étendre les bornes de leurs connaissances.
Nous allons donc, pour mettre au jour les objets mêmes les plus imperceptibles, copier mot à mot la Lettre que nous avons écrite dans les premiers jours de Novembre 1785, remise au net, datée & expédiée le 12 à MM. Les Auteurs & Rédacteurs du Journal de Paris ; Lettre que nous avions prévu, comme on va le voir, ne pouvoir pas entrer dans le Journal par son genre, & plus par son étendue.
Nous pouvions ici corriger plusieurs choses mais MM. les Rédacteurs du Journal seront garants que nous avons laissé subsister entièrement toutes les faiblesses que leur jugement & leur consommation d’écouter en lisant, peuvent leur avoir découvertes, & surtout, le répétant de bonne foi nous-mêmes, n’étant ni Grammairien ni Puriste.
Il nous reste à dire, que nous croyons qu’il manque un Journal qui n’embrasserait que la partie des Hautes Sciences ; (le Journal de Paris N°. 342, 8 Décembre 1785, offre deux sujets lui appuient notre idée) : s’il existait, je crois que tous ceux qui s’occupent d’elles fourniraient des faits particuliers & aussi utiles aux Arts & aux Sciences, qu’à, l’humanité ; &, pour je le persuader, il n’y aurait qu’à jeter les yeux sur les découvertes de nos Philosophes, & sur celles qui flottent encore aujourd’hui dans les ouvrages de ceux qui écrivent des Hautes Sciences.
Il est vrai, dirons-nous en même temps, qu’il ne faudrait pas que les Auteurs d’un pareil Journal fussent simplement des Hommes de Lettres, ni mime et que nous nommons des Savants universels ; il faudrait qu’à ces belles qualités d’hommes d’esprit, de génie & de Sciences, ils joignissent au moins quelques clefs de la Sage Cabale, soit celle de la Science des Nombres, de la Divination, de Hermétique, des Talismans, des Génies, &c.
LETTRE.
Messieurs
Votre Journal a pour but l’utile, je le sais, mais je découvre en même temps que vous n’en excluez point l’agréable.
J’ai eu l’honneur de vous écrire, (je crois, vers la fin de Février dernier qu’en suivant les anneaux de la vie de diverses personnes, j’avais donné, dans les deux Tirages qui précédaient ma Lettre, à trois d’entre elles, à l’une un Ambe, à l’autre un Terne, & à l’autre un Quaterne.
Que ne connaissant point ces personnes, qu’en supposant qu’elles eussent profité de mes combinaisons numériques cabalistiques, je les priais par votre moyen, (dans l’un de vos journaux) de donner aux Octogénaires ce que leur bonne volonté & leur reconnaissance auraient intention de faire pour moi.
Il n’est pas, MESSIEURS, en moi de Vous prier de donner du ton aux Hautes Sciences ; je dirai plus, supposant comme de coutume, que vous mettiez ma Lettre au rebut avec les quatre précédentes que je vous ai envoyées depuis plusieurs années parce que sans doute j’ai toujours en vue les Hautes Sciences, que je regarde mes Lettres entre vos mains comme tracées dans vos Journaux.
Le 10 Septembre dernier, prêt à mettre au jour mon Indicateur du Chemin de la Fortune, je l’envoyai, suivant la loi & mon zèle, successivement les 12, 13, 14 & 15, aux Personnes qui président à l’examen des Ouvrages de Littérature, ensuite chez dix Bienfaiteurs, Amateurs & Amis, & enfin pour être vu du Public, chez dix Marchands d’Estampes étalant sur les Boulevards & sur les Quais.
Mon Indicateur porte, Messieurs, que j’offre le moyen de trouver les nombres de chances, à sortir, & pour le prouver, je donne la règle, & j’en tire la preuve avant & après le tirage par le troisième côté cherché puisque ayant donné six nombres, 76, 64, 15, 12, 81, 47, j’ai pour connu les deux côtés 76, & 64 ; dont le troisième côté qui ferme le triangle est 15, & pour seconde opération, ayant pour côté connu 12 & 81 donne de nécessité absolue 47, ce qui a été réalité par le tirage qui a suivi (*).
(*) N. B. Le Public a entrevu ma combinaison ; car le jour du Tirage & les jours suivants, je vendis près de cent Exemplaires.
Plus fort en plus fort……Nic.
Voici, MESSIEURs, un trait aussi frappant que la Chaîne des Hasard vient de faire naître, & si je n’ai pas de témoins particuliers aussi respectables à citer, ne pouvant offrir que les noms de quelques Amis & Elèves, pour répondre à ce manques je vous offre la Société en générale.
En 1785 mois de Mars, j’ai donné pour la suite des Tirages de l’Année, les Nombres, 1, 51, 14, 59, 75, 60, 10 qui, suivant les Principes des premiers Egyptiens, doivent dans les hasards se lier amoureusement ; & en 1785, le premier Tirage de Novembre, 1, 75, 60, & 30, sont sortis ; ce qui fait un beau Quatrain, ou un beau Quaterne, dans sept nombres ; ce que je vous prie, MESSIEURS, de justifier page 35, quatrième Cahier des Tarots, ou cinquième tome de la Philosophie des Hautes Sciences ; à Paris, chez l’Auteur, & chez les Libraires nous parlerons bientôt du Quine.
Je, joue aussi, MESSIEURS, un peu de l’Adepte dans ce même ouvrage (cela m’est bien permis, après 33 ans d’études, & tout bonnement d’état Magicien) c’est qu’en vérité je suis dans la bonne foi de croire que je ne mourrai pas, sans prouver à toute l’Europe que la Médecine Universelle, ainsi que la transmutation du cuivre en or, &c. ne sont pas des chimères pour les hommes sensés. J’en ai, MESSIEURs, un tant soit peu plus que la demi preuve chez moi, & vous prie de la venir voir, comme de me croire avec respect,
MESSIEURS,
Votre très humble & très obéissant Serviteur,
Le bon crédule ETTEILLA.
RÉFLEXIONS PRÉSENTES SUR MA LETTRE.
Je n’ai point hasardé ni ne hasarde pas mes paroles, en disant que j’ai voulu trouver des Nombres à sortir, & qu’effectivement j’ai réussi, parce qu’il n’est pas d’homme qui ne puisse dire, avec raison, que si j’avais ce talent, il serait inutile que je remplisse l’état d’Astrologue.
Non, je n’ai pas le talent de trouver les Nombres de chances à sortir, & si je l’avait, je suis assez fait & assez Citoyen, pour ne pas déranger aucun ordre ; mais qu’il me soit permis de dire que ce qui parois impossible à beaucoup de personnes, ne semble que difficile à un petit nombre, c’est où j’en suis.
J’ai donné l’indicateur, &en le donnant plusieurs jours avant le Tirage, j’ai cru devoir prouver qu’il n’était pas fabriqué comme sont les Combinaisons imprimées dans de petits Almanachs, & j’ai réussi.
Si vous n’avez pas sous les yeux les Ouvrages dont je parle, vous ne pouvez que vous en rapporter à ce que je dis, & cela ne suffit pas pour opérer aussi juste que moi.
(m n) Sans qu’il soit nécessaire que je vous voie, avec l’argent envoyez-moi, 1°. le jour de votre naissance & l’année : 2°. Les premières lettres des noms que vous ont donnés votre Parain ou votre Marraine : 3°. Le nombre que vous aimez & 4°. La couleur pour laquelle vous avez le plus de goût. Je dirai alors quand il faudra envoyer chercher mon travail.
(o) La même chose, mais de plus écrivez ou dites de vive voix vos questions.
(p) Plusieurs de mes Malades qui ont la démangeaison de ne me faire passer que 24 liv. sont prévenus que leurs héritiers ne me tiendront pas compte du surplus.
(I) Qui n’a pas son Pauvre & son Riche, dis-je un jour à mon plus proche parent, qui ne me concevait pas trop, quoiqu’il eût infiniment besoin de l’un & de l’autre, ne peut pas se dire parfaitement heureux.
(a) Lisez l’existence de la Pierre merveilleuse des Philosophes ; vous y verrez plus que des apparences, y ayant des authenticités irréfutables.
(c) Partout & en tout lieu vous trouverez cette mousse, ou ce vrai minéral indéterminé, qui possède en lui les trois règnes que vous devez voir passer dans votre œuvre, sans quoi vous avez manquer au travaux de l’Artiste, ou vous n’avez point cueilli la vraie mousse, mais bien la fausse qui m’a souvent trompé. On compte aux environs de Paris 137 espèces ou variétés dans les Mousses. M. Vaillant, Dictionnaire de M. de Bomare.
(d) C’est-à-dire le Livre parlant de Dieu, des hommes & de la Nature.
(e) Je proteste qu’un homme puissamment riche déjà instruit, vient, dans ce mois-ci Décembre 1785, de m’offrir dix mille livres en espèces sonnantes, pour avoir un de mes Vases, & lui dire littéralement ce que je sais. Ce grand prix, lui ai je répondu, n’est pas exorbitant en raison de la fortune que j’ai dépensée, surtout dans 22 ans de voyages, & plus de 30 ans d’études ; & continuai je, outre que ce que je fais de et Mystère Philosophique est tout mon avoir, & qu’il ne veut me rester, qu’au tant que je saurai le garder, vous n’auriez pas en vous confiant mon bien, plus de satisfaction que vous n’en avez, puisque la récolte n’est qu’à l’œuvre parfait que, je ne possède pas, mais uniquement la Matière première, le, Grand Ferment & les premières Voies.
(f) Il est de présent à Paris une Dame Allemande qui en présence de Mademoiselle sa fille, m’a témoigné que feu son Epoux avait, par l’explosion de son Vase, perdu en une minute le travail de plusieurs années & vint mille écus. Je lui ai répondu que l’Œuvre en lui-même ne coûte rien, le Pauvre & le Riche peuvent faire le chef-d’œuvre de l’homme, il devient un amusement de femme & un jeu d’enfant.
(g) Il faut entendre que cet Ouvrage, qui a pour titre Philosophie des Hautes Sciences, est en dix Livres contenus dans cinq Tomes. Prix 7 l. 10 s.