L’Oeuvre Royale
de Charles VI, Roi de France
Charles par la grâce de Dieu, Roi de France, Seigneur des Seigneur, Disciple de Philosophie, et Secrétaire de souveraine divinité, de cœur bien veillant, comme de Père bien vrai, sans feintise découvrirai à vous mes très cher enfants, lesquels allez médisant et fourvoyant par les déserts, les profonds secrets de mon cœur, lesquels la grâce de Dieu notre Seigneur m’a révélé, non pas pour mon mérite, mais par sa grâce : Lesquels secrets ont été obscurés et scellés, car les Philosophes les ont toujours couverts et occultés comme leurs propres péchés, et lesquels hommes notre Père a laissé à ses successeurs obscurs et ténébreux ; par paroles étranges, métaphores, et semblables diversités ; Et moi-même ouvrant et étudiant en la plus grande Philosophie, trouvais toutes ces écritures si étranges et syncopées, qu’en nulle manière ne pouvait apercevoir ni extraire leur intention : puisque aucuns d’eux aient aucune fois dit paroles de la perfection du grand Magistère, lesquelles sont vraie : Toutefois ils les ont dites si disjointes l’une de l’autre, l’une çà, l’autre là, et dessous si nébuleuses couvertures, aucune fois négligentemment, autrefois obscurément, et décevant les auditeurs par diverses manières de semblables, qu’à peine peut nul parvenir à entendre les secret des Philosophes : c’est à savoir des secrets de Nature, de l’apparaissance du Soleil et de la Lune ; Pour laquelle chose je fis par mes Clercs, Maîtres et Philosophes assembler toutes les écritures, toutes les sciences, et toutes les investigations faites par divers ouvrages, au devant dit Magistère et investigation ; ou longues, ou brèves, ou de grand coût, ou de peu de prix, et toutes les trouvais vaines, vides et étranges de mon entente, ainsi comme si ce fussent songes.
Après tout ce advint une nuit que je vis une merveilleuse vision, de laquelle je fus maintes fois travaillé, car je me vis près de la porte du souverain Ciel et un homme de grand étage s’apparut à moi, lequel me mena droit à un fenêtrage par où je vis toutes les choses qui étaient dedans le Ciel, et vis entre les autres choses, neuf ordres d’Anges, lesquels avaient un Prince pour Seigneur, lequel ils adorait, et attendu que les Anges, Archanges, Vertus, Principautés, Puissances, Dominations, Trônes, Chérubin, et Séraphins et moi qui moult désirais savoir et entendre le Magistère des choses sues, élu un Ange en chacun ordre, et m’accointais de lui, à celle fin que j’eusse réponse des choses que je voulais enquérir. Et élu du premier ordre le premier, le second du second, du tiers le dernier, du quart le cinquième, du cinquième le quatrième, du sixième le troisième, du septième le huitième, le sixième du neuvième, qui est le dernier du septième, et eurent conseil ensemble : et je leur demandai le nom du grand Prince leur Seigneur, et ils me répondirent par accord selon l’ordre du susdit : Ne doute pas du nom du Prince, si tu apprends une chose ; à savoir : Il me fut advis que ce fut truffe ou fantôme : car j’ai su une chose, à savoir un seigneur avec sa bataille, et si su le Soleil et la Lune, avec les autres choses du Ciel : Ainsi je su une chose, et si en su plusieurs : et non pourtant je ne su pas le nom du Prince, et parce que je ne les entendais point : parquoi, j’ai comme simple, et non sachant, pris des Anges le septième, le huitième, le sixième, le cinquième, et leur priais humblement qu’il m’accomplissent mon désir en langage Latin, Français ou Anglais, si que je puisse savoir le nom du grand Prince dessus dit, et ils prirent avec eux le second, le premier, le trois, et le neuvième, et le quart, et firent conseil entre-eux général, et me dirent par une voix commune Numera sic, c’est-à-dire, compte depuis un jusqu’à cent : mais rien ne trouvai de ce que je désirais : et lors je me tenais pour déçu et trahi, m’en voulais aller comme forcené : mais le vieillard me tenais fort la main, et appela le premier Ange, et lui demanda son nom , et il répondit j’ai nom Blanc : puis appela le second, et il dit, j’ai nom Rouge : et le tiers avait nom Paillereux : le cinquième appelé Or volant, le septième était appelé Noir : Saturne et le dernier s’appelait Invincible : c’est-à-dire qu’on ne peut le vaincre : le quatrième dit qu’il avait nom Célestiau ; le prochain dit au neuvième qu’il avait nom Vert : et en la fin appela le sixième, et il répondit qu’il avait nom moult de couleurs : et moi qui tout ceci entendis les noms dessus dits, mais le nom du Prince que je désirais savoir ne l’entendis point. Lors me dis le Vieillard : Beau ami, sachez de certain que le chef est Prince de tous ; et ce dit je m’éveillais soudainement, et commençai à penser quelle chose peut-être le Chef. L’une fois s’apparut au Soleil, l’autre à la Lune, l’autre au Ciel, l’autre à la Terre, l’autre à aucune des Planètes ou ès autre substances, et n’y trouvai rien de certain et vérité, de quoi je fus moult iré ; Si me pensai d’aller par le monde, pour découvrir et savoir les secrets et perfections vraie de la vision et des merveilleuses choses dessus dites.
Remarques sur l’œuvre Royale
La Montagne, est le four ci-devant dit : le devant dit Livre est parti en trois parties principales par vie de percherie, et dure jusqu’au cinquième. Après tout ce advint une nuit, et là commence la seconde partie, en laquelle le vaillant Roi démontra son songe, et dure jusqu’au troisième : en la parfin je passai par Inde la Majeure, et là commence la troisième partie, en laquelle il déclare son opération par vision du Dragon et sa femme preignante et grosse, et du serpent rouge leur père, et dure jusqu’à la fin. En la première partie fait trois choses. Premièrement démontre la bonne affection qu’il a envers les enfants de Philosophie. Secondement, démontre la grande difficulté de l’Art. Tiercement, démontre la grande peine qu’il eut de faire corriger diverses écritures, et de les mettre en pratique, et en la fin, les trouver vaines.
La seconde partie principale qui est moult obscure : il me semble qu’elle enseigne à naturellement connaître, tant les minéraux, que les métaux, par voie de Naturaliste, et nomme la matière et les couleurs. En la troisième partie principale, le Roi vertueux par très gracieuse fixion déclare quatre choses. Premièrement la matière là où il dit qu’il passa par Inde la Majeure, c’est par le Mercure des Philosophes en l’œuvre Majeure, qui est de couleur Inde ou bleue, s’il est bien fait ; et là où il dit, que par la divine inspiration il vit les rays du Soleil levant, et de la Lune resplendissante, quia in istis duobus, selon les Philosophes, sunt radij tingentes, et la Majeure part des Philosophes s’accordent avec très clair Roi plein de grande Philosophie ; et ce qui troublait la vue du Roi, c’est à savoir nubles et bruines, était la liqueur Inde, en quoi étaient dissous : et toute chose liqueuse est humidité, comme l’hiver est vaporeux, si que le Soleil et la Lune qui étaient là, en liqueur faite, ne pouvaient montrer leurs rays jusqu’au beau temps, qui est quand la liqueur se dessèche : car lors se démontraient les couleurs, ainsi qu’il met au texte ; et c’est quant à la matière. Secondement démontre les instruments : car la montagne où entra le Dragon qui portait sa femme grosse, c’est le four qui s’appelle Athanor, et la pierre qu’il ôta de sa souveraine partie de la montagne est le couvercle dudit four, la maison du Dragon est la supérieure concavité dudit four, et la chambre du Dragon est le couvercle de deux pièces du verre, lequel est le nid où le Dragon voulait attendre la nativité de son fils, lequel était au ventre de sa femme la Dragonnesse : ainsi le Roi s’accordant au dit des Philosophes, qui disent que Mercure qui est Dragon, In triplici vase est coquendus in vitro secundo corpulo terreo. j. Camera. et domo. j. superiori, in tertio se transformat. Athanoricae quae dicitur mons. Et le serpent rouge qui se met en la caverne dessous est le feu, lequel les avait engendrés et nourris, lequel se doit administrer en la caverne dessous la Platine de Mars, qui est le lieu où se fait le feu à nourrir les choses dedans l’Athanor. Tiercement, démontre comment on doit ouvrer de la matière avec les instruments. Là où il dit, que le Dragon qui s’envola en haut, quand il sentit le venin du serpent rouge, c’est le Soufre qui se fixe, montant et descendant par la vertu du venin du serpent rouge, c’est par la vertu du feu, par réitération de mutations sur les pieds de son père et de sa mère, qui sont substances fixes, et les couleurs le montrent avant la blancheur, et quand est devenu blanc, une part jetée sur mille d’air, c’est du Mercure qui est l’air, le convertit en très fine Lune resplendissante, lors le serpent rouge sentant qu’ils sont mus, plein d’ire et fort enflés jette plus fort venin, c’est force de feu continuel, le fait tourner en sang vermeil. Quartement enseigne le temps qui n’est pas long du premier Janvier jusqu’à Pâques qui font trois mois, et audit temps enseigne le Liliateur et non plus, et me semble que demeurant est clair, et assez entendible, ainsi qu’en cette troisième partie récapitulant en bref aurez quatre choses, déclaration de matière, d’instruments, d’opération, et le temps.
La montagne est le four d’Athanor avec tous ses instruments et couvercles.
La maison est la partie supérieure de l’Athanor.
La chambre est le couvercle du verre.
Le nid est le vaisseau du verre où est le Dragon et sa femme.
Le Dragon est le Soleil résolu en humidité, et la Lune est sa femme preignante du Soleil.
Le fils est le Soufre blanc et rouge.
Le serpent rouge est le feu qui est leur père, qui est faible et fort selon la volonté de l’artiste.
La caverne est son habitation.
L’Inde Orientale est l’argent-vif, qui est de couleur d’Inde.
FIN