ORSCHALL Sol Sine Veste (L'Or Nu) ou Trente expériences sur la couleur pourpre tirée de l'or.
SOL SINE VESTE
(LE SOLEIL SANS VÊTEMENT ou L'OR NU)
OU
TRENTE EXPÉRIENCES
Pour tirer la couleur pourpre de l’Or
Avec
Quelques conjectures sur le destruction de l'Or,
et une instruction pour faire dans la plus grande
perfection de faux Rubis ou du Verre rouge
Johann Christian ORSCHALL
1684
Traduit de l'allemand par le baron Holbach en 1752
(Traduction retranscrite avec l'orthographe du français moderne)
PRÉFACE
Je vais vous communiquer, cher lecteur, quelques expériences sur l’or qui pourront contribuer également à votre plaisir et à votre utilité ; elles ont pour objet la destruction de ce métal qu’on a tant cherchée de nos jours et qu’on cherchera vraisemblablement encore longtemps.
Si vous me demandez ce que je pense de cette opération, je vous répondrai que je ne la nie ni ne l’assure : je sais seulement qu’on ne tirera jamais d’un corps tous les avantages que l’on désire, sans sa Destruction qui ne peut être produite que par l’action du feu ; et ne serais point étonné qu’on admît la possibilité de cette destruction ; qu’on en reconnût le symbole dans le Phoenix des Anciens, qui, après avoir été réduit en cendres, revient de nouveau à la vie & se reproduit en plusieurs milliers de petits Phoenix ; qu’on imaginât que, si nous pouvions venir à bout de brûler ce beau Phoenix (ou l’or), nous parviendrions ensuite à la découverte tant désirée de la Pierre Philosophale ; qu’on ajoutât qu’il ne s’agit que de le réduire en cendres ; qu’il n’importe nullement de quelle manière l’opération se fasse : que, soit que ce fût par la voie humide ou sèche, soit que ce fût par la voie froide ou chaude, on pourrait se flatter d’avoir atteint le but qu’on se propose, si l’on avait une fois la solution radicale de l’or ; car on posséderait dès lors le vrai Mercure des Philosophes.
Je n’entreprendrai point ici l’énumération de tous les moyens sophistiques que j’ai vu employer pendant le cours de ma vie pour parvenir à la destruction de l’or ; (car j’ai été élevé dès ma plus tendre jeunesse dans les travaux de la Chimie, & je puis dire sans exagérer que j’ai fait des choses singulières en ce genre). Entre les charlatans que j’ai démasqués, l’un avait un dissolvant, l’autre une poudre ; mais examinait‑on la chose au grand jour, ce n’était qu’une dissolution de la nature de celles qu’on aurait pu obtenir avec l’eau régale, et que je désigne en général par le nom de Division, parce que ce n’est autre chose que l’or divisé en très petites parties ; opération qui toutefois exigerait plus de peine qu’on ne se l’imagine, si on se la proposait par la voie du Phoenix. Quand à celle des dissolvants, je regarde la multitude de ceux qu’on emploie sur l’or comme fort inutile, & je reviens, cher Lecteur, à l’allégorie du Phoenix. On trouve dans les anciens Poètes & Philosophes, que le Phoenix, après avoir ramassé une quantité de toutes sortes d’aromates, se place sur ce bûcher, que les matières en sont allumées par le Soleil, & qu’il se consume lui‑même; hiéroglyphes vides de sens, ou qui nous indiquent assez clairement, ce me semble, de ne point chercher dans les choses étrangères, ce qu’il faut tirer de la chose même ; instructions qu’ils ont encore enfermées dans cette espèce d’apophtegme, ne cherchez ni dans les plantes ni dans les animaux, ni dans la graisse, ni dans les métaux ni dans les sels ? Où faut‑il donc chercher ? Nulle part; car c’est de lui‑même ou de son .semblable, ou de ce qui lui est le plus proche qu’il faut l’emprunter.
Il est donc assez inutile de se tourmenter pour avoir des Dissolvants. Si ce que nous cherchons est invisible, & si nous le cherchons où il n’est pas, quelle utilité tirerons-nous de notre travail ? Je ne prétends pas donner à entendre par ce que je viens de dire, qu’il faille chercher la chose dans l’or ; ce n’est pas là ma pensée ; je veux seulement que nous fassions le possible pour trouver la manière de brûler le Phoenix par lui‑même ; & c’est ce dont je traiterai dans la suite plus amplement.
Pour ne pas m’étendre ici en discours superflus, je déclarerai d’abord qu’une destruction de l’or dont je ne fais aucun cas, c’est celle de laquelle on dit qu’après l’avoir obtenue, il n’est plus possible de remettre l’or en un corps. Un Italien qui s’était arrêté quelque temps à Nuremberg prétendait avoir ce secret, & se vantait de pouvoir tellement détruire l’or, qu’il n’était plus possible de le réduire. Un homme d’esprit lui demanda à quoi ce secret était bon. Un autre lui dit que la meilleure manière de travailler sur l’or était d’amasser force ducats dans sa bourse. Ce Virtuose estimait ce secret 1000 ducats ; mais personne n’en voulant à ce prix, ni à aucun autre, il l’aurait volontiers donné pour rien. Je ne fais donc aucun cas d’un secret qui détruit l’or au point qu’il n’y a plus moyen d’en refaire un corps, & je crois même que cela n’est pas possible. Qu’on me donne un corps détruit de cette sorte et on verra si je ne lui rendrai pas bientôt son existence. Je n’ai d’autre garant à offrir au Lecteur de ce que j’avance que la parole d’un homme qui a travaillé en Chimiste tant qu’il a vécu, & qui a réussi en beaucoup de choses. J’expliquerai ici la précipitation rouge de l’or : lorsque je la fis pour la première fois, je crus avoir pris, comme on dit, la pie‑au‑nid ; mais quand j’examinai mieux la chose, je me trouvai bien loin de compte.
Après ce préambule dont on se serait bien passé, je finis en assurant que ce qui m’a déterminé à rendre ce traité si court, c’est que je me propose, quand j’aurai plus de loisir, d’en écrire un très étendu, & de déduire plus au long ce que je ne fais ici qu’effleurer en passant. S’il se trouve des gens qui, par ignorance ou par un désir insatiable d’avoir tout à la fois, m’objectent que je pouvais me dispenser de me mettre à l’ouvrage pour si peu de choses, je leur fermerai la bouche avec la réponse du célèbre Sabinus. Ce savant homme, après avoir servi Dieu & éclairé le monde par sa science & son érudition en qualité de Professeur à Könisberg en Prusse, forma le dessein de laisser à la postérité un petit ouvrage, & à s’acquérir en même temps une gloire immortelle ; ses écrits étaient bons : mais un railleur entreprit de jeter du ridicule sur leur brièveté, & lui demanda, pourquoi il n’avait pas composé un grand et bel ouvrage à l’exemple d’Homère et de Virgile. Sabinus repoussa cette impertinente question, en observant que les Boeufs les Ânes, les Vaches & les Mulets, n’aimaient point à boire dans de petits ruisseaux, mais dans de grandes eaux troubles telles que celles du Danube, de l’Elbe, & du Rhin, qu’il en était autrement des gens d’esprit ; qu’ils aimaient à se désaltérer à de petites sources où l’eau est plus pure & plus délicate que dans ces grandes rivières, le réceptacle de toutes sortes d’immondices.
Si d’autres ajoutent qu’il n’y a point de lucre à tirer de cet écrit, je leur dirai, apprenez, (ô avares insatiables) que vous êtes des aveugles & que vous méritez le sort de Midas, puisque vous préférez la richesse à la science que l’on acquiert par l’étude de la nature, semblables à ce Roi ignorant qui préférait le flageolet de Pan au luth d’Apollon.
Au reste, qu’on loue ou qu’on blâme cet Ouvrage, cela m’est égal. Le jugement que chacun en portera fera connaître sa façon de penser, sans rien changer à la mienne.
Quant à vous, Lecteur, qui aimez les Sciences & les Arts, à peine aurez vous lu ce traité que vous en aurez la suite. J’ai pris pour devise, ce que l’on dit aux enfants à l’école, que celui qui méprise les petites choses ne mérite pas celles qui sont les plus importantes Si cet ouvrage vous est agréable, je vous en promets un plus considérable & je ne tarderai pas à vous tenir parole.
VALE, VIVE ET JUDICA BENE.
Quaelibet res nihil praestare potest
praeter id quod in se est ε continet.
(Geber)
SOL SINE VESTE
(L'OR NU)
OU
TRENTE EXPÉRIENCES
Pour tirer la couleur pourpre de l’Or.
Nous pourrions commencer par discourir sur l’origine de l’or, sur sa formation et sa perfection ; mais comme tous les Livres qui parlent des minéraux sont remplis de ces sortes de dissertations, j’y renvoie le Lecteur. Il y trouvera les éclaircissements que l’on peut espérer sur cette matière. Je n’entreprends donc point ici d’éclaircir la nature de l’or, et je ne veux entrer en dispute avec personne sur l’essence de ce métal, car quot capita, tot sententiae.
II est certain, ainsi que la plupart des Auteurs l’assurent, que ce corps précieux a été formé du soufre le plus pur et d’un mercure bien cuit, à l’aide du sel le plus subtil ; il est encore certain que l’or, le vin et l’homme sont les plus nobles créatures du monde, qu’ils ont tous trois leur reine et qu’il y a sympathie surprenante entre eux. J. Becher les range dans son Arbre de la manière suivante : il met l’or dans le règne minéral, le vin dans le règne végétal, le serpent dans le règne animal et l'homme, sicut microcosmus, comme étant un petit monde, contient en lui‑même tout ce qui se trouve dans ces trois acteurs différents.
Quelques‑uns ont tenté d’en tirer la pierre Philosophale tant souhaitée et tant recherchée, mais jusqu’à présent, je n’ai encore vu personne qui ait obtenu de ces substances quelque chose d’utile, malgré toutes les combinaisons et les épreuves qu’on en a faites et principalement du vin. A cette occasion, je ne veux pas passer sous silence ce qui m'a été raconté un jour par le défunt Prélat ou Abbé du monastère de St. Florian; je laisse à chacun la liberté d'en croire ce qu'il jugera à propos ; mais ce prélat jurait la vérité du fait qui suit.
Dans un Monastère célèbre, un Religieux commit un crime pour lequel il fut condamné à mort. Le Prélat de ce temps, qui était un curieux, promit au coupable de lui accorder la vie, s’il pouvait se résoudre à souffrir tout ce que l’on entreprendrait sur lui ; ce misérable ayant plus de peur de la mort que de tous les tourments qu’il s’exposait à endurer, accepta d’autant plus volontiers la proposition, qu’elle lui laissait espérance d’échapper ; on l’enferma ; on eût soin de le bien garder ; on ne lui donna rien à boire ni à manger, et on l’obligea pour toute nourriture de boire son urine aussitôt qu’il l’avait lâchée, ce qu’il fit jusqu’à vingt fois. Une diète aussi rigoureuse réduisit ce misérable dans un état à faire pitié ; car l’urine sortant à la fin avec douleur le brûlait vivement et vint la dernière fois tout à fait rouge. Cet homme, qui auparavant était d’une bonne construction, qui avait de belles couleurs et beaucoup d’esprit, perdit non seulement tout son embonpoint, mais devint si maigre qu’il n’était plus reconnaissable ; son visage était défiguré comme celui d’un mort ; il avait l’esprit égaré, et il mourut le quatrième jour. Le prélat tenta des expériences sur cette urine et lui trouva la propriété d’un dissolvant universel ; après avoir dissout l’or radicalement, elle le faisait monter au haut du chapiteau dans la distillation. Je laisse à chacun la liberté d’en croire ce qu’il voudra ; mais je dois observer en même temps, qu’il n’est pas difficile de faire monter l’or au haut du chapiteau par la distillation ; car quelque fixe et solide que soit ce métal de sa nature, il s’élève néanmoins très facilement, lorsque des sels acides et pénétrants l’entraînent avec eux.
J’ai vu quelque chose de semblable à Freysingen chez un Artiste fort prévenu de son mérite ; il me montra un chapiteau et des récipients dans lesquels l’or avait monté ; mais quand l'on venait à examiner la chose, on s’apercevait aisément que ce n’était que de l’or dissout dans l’eau régale qui en avait été tirée par l’alambic ; l’on avait donné un feu assez violent pour rendre rouges tous les vaisseaux, ce qui avait fait élever l’or ; mais il n’y avait rien à tirer de ce phénomène. Il me donna seulement occasion de tenter l’expérience suivante.
Ière Expérience.
Par ordre des Maîtres que je servais alors, je fis dissoudre un jour de l’or dans de l’esprit de sel. J’employai pour cela de l’or en feuilles très minces, tel que celui que l’on achète chez les batteurs d’or et dont on se sert pour dorer ; après avoir fait digérer cette dissolution pendant huit jours à une chaleur modérée, je la mis à distiller par la cornue, et j’en retirai doucement l’esprit de sel ; il resta au fond une chaux d’un jaune obscur qu’il fût aisé de réduire en un corps, mais qui ne fulmina pas. J’édulcorai cette chaux autant qu’il me fut possible ; je la mêlai ensuite avec des fleurs de soufre ; et après l’avoir fait rougir au feu, je retirai un beau pourpre d’or pareil à celui que les Orfèvres emploient, après qu’ils l’ont broyé en poudre très fine et mêlé avec trois parties de beau verre blanc de Venise ; en sorte que j’en fus extrêmement surpris. Nous ne négligeâmes rien pour porter nos recherches sur cette couleur aussi loin qu’il nous fût possible ; nous versâmes sur cette matière de nouvel esprit de sel ; et après l’avoir laissé digérer pendant quelque temps, nous le retirâmes de nouveau par la distillation, sans jamais cependant pousser l’extraction jusqu’à siccité ; nous réitérâmes ce travail jusqu’à huit différentes reprises ; et lorsqu’à la huitième fois nous voulûmes pousser l’opération jusqu’à siccité, nous vîmes au plus fort degré du feu paraître au col de la cornue, quelque gouttes rouges qui à cause de leur trop grande pesanteur ne montaient qu’avec difficulté, nous reversâmes dessus tout ce qui avoir passé à la distillation ; nous le laissâmes en digestion beaucoup plus longtemps qu’auparavant, et nous tirâmes enfin tous l’esprit de sel à un feu si violent qu’il était capable de fondre et de rompre tous les vaisseaux. II s’éleva, mais en petite quantité, quelques gouttes rouges semblables à un beurre d’antimoine, lesquelles cependant se laissèrent dissoudre très facilement dans l’esprit de sel qui avait passé. Nous répétâmes souvent la même chose jusqu’à ce que nous eussions une certaine quantité de beurre d’or ; nous crûmes que le caput mortuum qui était resté devait être blanc ; mais nous nous trompâmes ; il redevînt or, quoiqu’avec bien de la peine ; il est vrai qu’il était fort pâle : nous conservâmes notre beurre pour d’autres opérations ; mais avant que d’en donner la description, je veux raconter l’histoire suivante afin qu’on ne m’accuse pas de fausseté, si cette Expérience ne réussit pas d’abord à tout le monde.
Comme j’étais un jour chez un chimiste fameux et très expérimenté dont j’omets le nom, on vint à parler de la dissolution de l’or, et on dit entre autres choses qu’elle se faisait dans l’esprit de sel. Ce chimiste ne voulant pas le croire, je lui soutins la chose sans faire réflexion que, lorsque j’avais exécuté cette expérience, j’avais employé un esprit de sel que j’avais acheté tout préparé et tout rectifié. Nous voulûmes recommencer ; et nous prîmes de l’esprit de sel que nous mîmes dans un vase avec des feuillettes d’or ; mais il ne se fit point de dissolution, et l’or resta tel qu’il était. II faut donc remarquer que l’esprit de sel simple ne dissout pas l’or.
IIème Expérience
Nous n’eûmes pas plutôt mêlé du nitre dans le mélange dont on vient de parler, que la dissolution de l’or se fit. Si à la place de l’or en feuilles, on emploie de l’or en chaux, l’esprit de sel simple l’attaque et le dissout très bien : mais pour revenir à notre beurre d’or, nous crûmes que, si nous en faisions la dissolution dans l’eau, il y aurait une précipitation rouge, de même que dans la préparation du mercurius vitae ; mais il s’en fit une blanche (Le mercure de vie est une poudre blanche qui se trouve précipitée, après qu’on a versé de l’eau sur du beurre d’antimoine). Quoique nous estimassions que l’esprit de sel devait se séparer, il ne se fit aucune précipitation, jusqu’à ce que nous eussions exposé le mélange au feu ; après quoi nous ne trouvâmes dans le fond aucune chose rouge comme nous l’avions cru ; mais seulement une poudre jaune : tout le rouge avait disparu, ce qui nous mortifia beaucoup.
IIIème Expérience.
Nous pensâmes que la dissolution se faisant dans l’eau ; elle ne manquerait pas de réussir aussi dans l’esprit de vin ; nous donnâmes presque dans l’opinion de Fr. Basile qui en parlant du sel dans ses vers s’exprime ainsi :
L’esprit de vin me nuit ;
Il produit l’or potable.
Je me souviens à ce propos d’une merveille que j’ai souvent entendu raconter à mon père ; il savait avec de l’esprit de sel doux, tirer d’un ducat d’or un quart de ducat ; le reste de l’or demeurait blanc comme de l’argent. II mettait de l’antimoine sur le quart de ducat qu’il avait extrait ; et avec ce mélange, il teignait trois quarts de ducat du plus fin argent qui devenait de l’or parfait. J’ai voulu refaire cette opération, mais elle ne m’a pas réussi, ainsi que je l'avais espéré ; cependant comme le procédé en est curieux et plaisant, je vais vous le mettre ici.
IVème Expérience.
Je fis un or fulminant à la manière ordinaire, c’est à dire, qu’après que j’eus dissous de l’or dans de l’eau‑régale, je précipitai avec l’huile de tartre par défaillance ; je versai sur cet or fulminant de l’esprit de sel doux ; mais il ne voulut mordre dessus, que quand je l’eus mis à un degré de chaleur médiocre ; je parvins pour lors à le dissoudre tout‑à‑fait. Mon esprit de sel doux devint d’un beau jaune semblable à celui de la plus belle dissolution d’or dans l’eau régale ; ce qui me fit croire qu’il était très bien dissout. J’en fis évaporer l’esprit de sel, et je m’attendais à trouver dans ma chaux d’or quelque chose de rare ; mais il arriva ce dont je ne me serais jamais douté, c’est à dire que la force élastique y demeura encore cachée, comme l’expérience me le fit bientôt connaître ; cette chaux commença à se sécher tout doucement ; mais lorsque toutes les vapeurs et humidités en furent sorties, j’entendis dans mon appartement un bruit si terrible, qu’on aurait crû qu’on y avait tiré un des plus gros canons ; il n’y avait cependant qu’une petite quantité de matière : on peut conclure de là que le sel de tartre s’y insinue de façon qu’il n’est presque pas possible de l’en tirer par les lotions. Cela m’apprit aussi que cet esprit de sel l’attire à lui ; mais je laisse à chacun la liberté d’en juger.
Cependant je persistai dans le dessein de trouver le moyen de précipiter l’or dans une belle couleur rouge, ce que je ne pouvais venir à bout de faire. Mais un jour que j’avais entrepris un certain travail pour lequel j’avais besoin d’une dissolution d’or, je la fis dans l’eau‑régale et me servis pour cela d’un petit matras ; après l’opération faite, je voulus par hasard nettoyer ce matras ; pour cet effet je versai dedans une certaine quantité d’eau douce : je le rinçai bien, et ne trouvant pour cette fois sous ma main d’autre vaisseau pour verser l’eau, je la mis dans un vase d’étain qui était disposé de façon à laisser couler l’eau dans un autre vase, mais qui pour cette fois se trouvait bouché de manière que rien n’en pût sortir ; l’eau demeura donc dedans pendant le temps de mon dîner, après lequel étant rentré dans mon appartement pour me laver, je m’aperçus avec surprise que le vase d’étain était tout rouge. Je ne pus deviner d’abord ce qui en était la cause ; mais je ne tardais pas à m’en apercevoir.
Vème Expérience.
Le Docteur Cassius que je consultai, m’indiqua une autre route, mais comme la confusion de mes idées jetait de la langueur dans mon travail et que je ne savais comment m’y prendre, il me vint en pensée que, puisque l’esprit de sel dissout l’or après qu’on l’a rendu fulminant, il pourrait bien se faire que cet esprit de sel serait trop fort, ce qui me détermina à essayer ce qui suit.
VIème Expérience.
Je pris du sel commun tel que celui dont on se sert à table ; je le fis bien sécher et le pilai très subtilement ; je pris aussi des feuilles ou lames très minces de l’or le plus fin. Je plaçai ces feuilles d’or avec mon sel bien séché, stratum super stratum, ou lits ou couches de l’un sur l’autre, dans un vase capable de résister à l’action du feu ; je continuai cette cémentation pendant huit heures, le plus soigneusement qu’il me fut possible. Je m’étais imaginé que mes lames d’or, après avoir été rongées et réduites en petits morceaux, auraient communiqué au sel leur belle couleur jaune. Quoique après que le vaisseau fût refroidi et que je l’eus ouvert, je m’aperçusse bien que je n’avais pas réussi ; j’eus cependant lieu d’être content : je trouvais quelque chose de meilleur et de plus important, puisque le sel était teint en un si beau pourpre qu’il me fit un plaisir infini. Je crus donc encore avoir pris la pie‑au‑nid ; que je n’avais plus qu’à verser sur ce sel de l’esprit de vin, et que je ne manquerai pas d’en extraire la belle couleur rouge. Cela n’arriva cependant pas ainsi ; mon esprit de vin demeura blanc ; et quoiqu’il eût resté assez longtemps dessus, mon sel ne perdit en aucune façon sa brillante couleur rouge ; il en devint seulement plus éclatant et plus agréable à la vue ; il acquit par là une qualité et un brillant que je ne saurais décrire, et devint un remède très utile contre les palpitations de coeur, et un sudorifique excellent ; mais je n’en pus tirer aucun autre avantage.
Dans la pensée qui me vint de cémenter l’or avec le sel, je fis la dissolution de l’or sine strepitu ; je la placerai ici, quoiqu’elle soit connue d’ailleurs. Je fais d’autant moins de difficulté de la rapporter, qu’elle n’a réussi à personne de la manière que je vais la décrire.
VIIème Expérience.
On prend du salpêtre, de l’alun, du sel commun, de chacun égale quantité ; on broie le tout avec un poids de feuilles d’or égal à celui de chacune des matières susdites en particulier ; après avoir réduit le mélange en une poudre aussi subtile qu’il se peut, on verse le tout ensemble dans le matras, et l’on met par dessus de l’eau que l’on évapore ensuite en la faisant fortement bouillir, ce que l’on continue jusqu’à ce que le sel qui reste au fond demeure jaune ; sinon il faut de nouveau verser de l’eau dessus et faire évaporer jusqu’à ce que le signe susdit paraisse ; alors on verse sur ce sel jaune de l’esprit de vin, lequel en prendra la couleur dans le moment ; si on trempe un fer poli dans cet esprit de vin et qu’on le laisse sécher ensuite, il prend une belle couleur d’or.
On précipite cet esprit de vin avec de l’huile de tartre par défaillance, et pour lors on a un beau crocus d’or au fond du vase. Zwelfer en a fait mention fort au long. Un de mes amis voulut à Sulzbach réduire cette chaux, qu’on appelle autrement crocus d’or. Il s’imagina pouvoir la fondre avec un flux commun ou ordinaire ; mais lorsqu’il s’attendait à trouver un régule d’or, il ne trouva contre son espérance qu’un verre noir, d’un rouge foncé, cependant un peu transparent. On peut se rappeler ici le grand cas que les anciens faisaient de la vitrification de l’or, opération aujourd’hui très facile et très connue. Je sais qu’il y a environ seize ans, différentes personnes ont reçu des récompenses pour le procédé de vitrifier l’or que je viens d’indiquer. Quoique toutes les fois que j’ai communiqué ce procédé, j’aie averti qu’on n’en tirerait aucun profit, mes avertissements on été inutiles.
VIIIème Expérience.
Comme je m’appliquais beaucoup ci‑devant à la fonte des minéraux pour en pouvoir obtenir quelque utilité, je crus qu’il y aurait aussi de l’avantage à traiter ce que les Orfèvres appellent des ordures ; j’étais occupé de cette idée, lorsqu’il me tomba sous la main des raclures d’or qui ne sont autre chose que de la pierre ponce dont les Orfèvres se sont servis à frotter l’or pour le polir. Comme la pierre ponce dont on a frotté l’or en détache beaucoup, je comptais pouvoir faire fondre ces raclures avec de la litharge, mais je trouvai qu’il ne se formait point de scories ; je m’avisai de les traiter comme du verre, et je crus qu’il pourrait se former un régule ; pour cet effet je pris un flux composé de cendres gravelées, de nitre et de borax que je mêlai avec les raclures. Je fis bien fondre le tout ; mais je trouvai au lieu d’un régule quelques petits grains, et j’eus outre cela un beau verre rouge tout semblable à l’émail rouge transparent dont se servent ceux qui travaillent en or : ils étaient si ressemblant que, quoique j’en connusse la différence, j’avais de la peine à les distinguer. Voici la manière de procéder dans cette opération.
Prenez une lame d’or battu ; frottez‑la avec la pierre ponce ; rassemblez avec soin toute la raclure qui tombera dans un vase avec de l’eau ; séchez‑la ensuite ; prenez de cette raclure autant que vous en voudrez, etc. Procédez pour le reste comme il a été dit ci‑dessus. Les Anciens ont fait un grand cas de la vitrification de l’or ; mais je ne veux pas décider s’il s’y prenaient de la même manière que je m’y suis pris, et si le succès en était le même ; il me suffit que je sache vitrifier l’or : je voudrais seulement savoir le moyen de réduire ce verre d’or et d’en retirer l’or qui y est contenu. Cette vitrification me fit entreprendre un autre travail dans l’espérance de parvenir à faire des rubis, secret très désiré ; mais quelque peine que je prisse, tous mes efforts furent inutiles, je vis bien que sans une forte destruction de l’or, je ne pourrais réussir. Il arriva dans ces entrefaits, que le célèbre Docteur Cassius qui est en possession du secret de faire le verre rouge, entra en conversation avec moi ; il se vantait non seulement de précipiter l’or dans le plus grand rouge ; mais aussi de le détruire tellement qu’il n’était plus possible de le réduire. Lui ayant raconté à ce sujet ce qui m’était arrivé avec le vaisseau que j’avais lavé et la cuvette d’étain dont j’ai parlé ci‑dessus, il en fut étonné et me révéla tout de suite son secret que je crois devoir rapporter ici, d’autant plus que je l’ai souvent mis en pratique avec succès et que je m’en suis servi pour faire plusieurs expériences.
On prend trois quart d’eau‑forte dans laquelle on ait précipité de l’argent, et un quart d’eau salée ; on les mêle ensemble ; ce mélange prend une couleur laiteuse, c’est à dire que l’argent dont quelques parties sont encore demeurées dans l’eau‑forte après la précipitation, tombe au fond du vase. On laisse ce mélange dans cet état jusqu’à ce qu’il soit devenu clair ; il est alors d’une couleur d’aigue‑marine ; on le décante ensuite dans un autre vase pour le séparer de son sédiment, et on le filtre avec soin. Après cette préparation, on jette dans cette liqueur un peu de limaille d’étain ; on l’expose à une chaleur douce, et on laisse dissoudre peu à peu : Mais il ne faut jeter dans la liqueur qu’une petite pincée d’étain à chaque fois, c’est à dire, autant que l’on peut en prendre avec les deux premiers doigts ; il faut attendre qu’une pincée soit dissoute pour en remettre une autre ; on continue ce procédé jusqu’à ce que l’eau soit entièrement devenue d’un beau jaune, ce qui est la marque que la solution a été suffisante ; on filtre cette liqueur jaune de façon qu’elle soit très belle et très pure, et on la garde en cet état.
On fait ensuite une eau‑régale avec de l’eau‑forte et du sel ammoniac suivant la méthode connue de tout le monde ; on dissout de l’or dans cette eau. On fait tomber quelques gouttes de cette solution d’or dans un très grand verre plein d’eau de fontaine bien pure et bien nette ; on remue bien le tout ensemble, et ensuite on laisse tomber dans le même verre une ou deux gouttes de la solution d’étain préparée comme on l’a enseigné ci‑dessus ; sur le champ on voit toute la liqueur devenir rouge et d’une belle couleur de sang. C’est ici la
IXème Expérience.
J’avoue que lorsque je fis cette expérience pour la première fois elle me causa un très grand plaisir ; car je pensais avec le Docteur Cassius que ce précipité rouge ne pouvait se réduire. II me parût d’abord que cela était ainsi ; mais à la fin je trouvai le moyen de le réduire et d’en tirer de très bon or, comme je le dirais plus bas.
Je mis à part cette eau rouge teinte par les gouttes de la dissolution de l’or et de celles de l’étain que j’avais versées dessus. Pendant la nuit il se précipita un beau crocus d’or au fond du vaisseau. Ce crocus fournit aux Orfèvres un beau pourpre d’or très proche à être employé dans leurs émaux.
Je m’appliquai sans perdre de temps à faire des expériences sur cette admirable eau rouge ; je sentais que plus j’y travaillais, plus mon zèle augmentait. Je crus d’abord qu’avant que cette matière rouge se précipitât, je pouvais la distiller par la cornue dont je me servais de préférence à un alambic, afin que la matière ne fût pas obligée de monter si haut ; mais cette expérience ne répondit point à mon attente.
Xème Expérience.
Aussi tôt que l’eau susdite se fut colorée, je la mis dans une petite cornue de verre, à l’embouchure de laquelle j’ajoutai un petit récipient que je lutai le plus exactement que je pus. Je donnai d’abord une chaleur douce ; mais plus je voulus pousser la distillation, moins il vint de gouttes rouges ; je crus à la fin devoir augmenter le feu pour obtenir quelque chose : mais je ne pus même avoir un résidu rouge ; il n’était que d’un jaune pâle : je versai dessus de l’esprit de vin qui prit sur le champ une couleur aussi jaune qu’une solution d’or ; mais il resta en arrière une petite quantité d’une chaux blanche que je regardai comme provenant de l’étain qui était entré dans le mélange.
Cet esprit de vin coloré en jaune ne me parut pas différent de la solution d’or sine strepitu ; j’y trempai un fer poli : non seulement ce fer ne se dora point ; mais il ne s’y fit pas même la moindre tache jaune, sans que j’en pusse pénétrer la raison. Cet événement me fit concevoir une autre espérance. Je crus que l’or qui était dans cet esprit de vin n’était point si corporel ou si sensible que dans la solution d’or sine strepitu, et que pourvu qu’il passât par la cornue, il était égal qu’il fût jaune ou rouge ou de quelque couleur que ce fût ; mais j’éprouvai qu’il me donnait un produit tout différent, comme on va le voir dans la suite.
XIème Expérience.
Je pris l’esprit de vin ci‑dessus qui était d’un beau jaune ; je le mis dans une petite cornue à digérer pendant quelques temps, afin qu’il pût devenir suffisamment délié ; quand je crus que le temps d’en faire usage était venu, je l’exposai d’abord à un degré de chaleur, très modéré. Mais cela fut inutile, car mon esprit de vin passa tout blanc ; et après que la distillation fût faite jusqu’à siccité, je trouvai dans le fond de la cornue de petites étoiles d’or. C’est ainsi que cet or que le Docteur Cassius avait fait passer pour irréductible se réduit sans peine en or, mais ce qui m’étonna le plus, ce fut que, de quelque manière que je m’y prisse, je ne pus presque pas réduire la chaux, lorsqu’elle se fut déposée au fond ; ce qui me donna occasion de tenter encore quelque chose et de faire l’opération suivante.
XIIème Expérience.
Après avoir précipité une certaine quantité d’or de la manière expliquée ci‑dessus, je mis l’eau rouge à évaporer, car il me parut qu’il était assez indifférent de la faire distiller ou de la faire évaporer. Il arriva cependant que, lorsque l’évaporation était presque sur sa fin, le matras de verre qui contenait la matière se fendit. Je le retirai du feu, afin qu’il ne se brisât pas entièrement ; je laissai refroidir la matière qui était gluante et avoir pris la consistance d’un onguent, et je versai ensuite de l’esprit de vin par dessus, qui devint à la vérité jaune, mais un peu trouble. Je versai dans un autre petit verre cet esprit de vin ainsi coloré ; je le laissai découvert et j’allai dîner. Lorsque je revins pour voir si cet esprit de vin coloré ne s’était pas clarifié, je trouvai qu’il était devenu de la couleur d’un beau rouge de rubis ; ce qui me causa beaucoup de joie, comme on peut se l’imaginer. J’avoue que j’ignore quelle est la cause particulière de ce phénomène, et qu’ayant réitéré cette expérience à plusieurs reprises différentes, je n’ai pu y réussir en tout que deux fois en comptant cette première. Je n’ai jamais imaginé quelle était la subtile et singulière manipulation qui se dérobait ici ; ce qu’il y a de plus admirable c’est que la teinture n’était pas d’un rouge simple comme les autres, mais d’un Rouge de rubis qui tirait sur le pourpre.
Ce qui restait au fond du verre était tout blanc. Je le laissai sans y faire attention ; il me fournit cependant l’occasion de faire l’expérience suivante.
XIIIème Expérience.
Le verre qui contenait le résidu de l’expérience précédente étant resté assez longtemps sur une fenêtre, parce que je n’en faisais aucun cas ; il se trouva par hasard que je voulus nettoyer et débarrasser cette place ; ce vase tomba sous ma main et j'aperçus que de ce résidu ou de ce marc blanc il s’était formé une matière rouge et sèche qui tenait très fortement au verre ; les sel contenus dans cette matière s’étaient élevés et poussés en haut sous forme de poils ou de cheveux d’une manière fort jolie ; je crus qu’en présentant ce mélange à la lumière, il paraîtrait encore plus beau ; je trouvai qu’il n’était pas rouge, mais violet, en le tenant dans l’obscurité ; et lorsque la lumière donnait dessus, il paraissait de même que s’il avait été doré par le meilleur peintre. Cette opération m’a réussi plusieurs fois ; mais il faut que la matière ait été longtemps exposée à l’air. Continuant toujours à faire des expériences sur cette matière, je cherchai les différentes façons dont on peut mêler ou combiner les liqueurs susdites les unes avec les autres.
XIVème Expérience.
J’ai trouvé qu’il y avait une très grande différence à verser la solution d’étain dans la solution d’or, ou à verser la solution d’or dans la solution d’étain, quoique les matières fussent en même poids et en même proportion. Si je prends un petit verre rempli de solution d’or et que je verse dedans un peu de solution d’étain, ce mélange devient noir comme du charbon ou de l’encre, en sorte qu’on peut s’en servir pour écrire ; mais si je prends un petit verre plein de la solution d’étain et que je verse dedans de la solution d’or, la liqueur devient à la vérité dans l’instant couleur de charbon, mais le mélange se met à travailler et redevient clair en peu de temps ; si on y reverse de nouvelle solution d’or, il arrivera la même chose que dans le premier mélange, et ce dernier phénomène pourra bien passer pour une chose très singulière ; il nous a fourni l’expérience suivante.
XVème Expérience.
On peut faire la même chose en mettant deux fois plus de la solution d’or que de celle d’étain, et il en résultera encore un phénomène singulier. Je crus d’abord que le mélange me donnerait du rouge ; si, de même que dans l’autre solution d’or, je versais des gouttes, et si je mettais par dessus de nouvelle solution d’étain, attendu qu’il y avait plus d’or que d’étain ; mais cela n’arriva point. Je pris donc de ce dernier mélange de solution d’étain et d’or ; j’en laissai tomber quelques gouttes dans un grand verre plein d’eau ; j’y mis aussi quelques gouttes de la solution d’étain.
XVIème Expérience.
J’observai que ce mélange ne devenait pas rouge, mais d’un beau violet qui se précipita ensuite au fond du vase ; ce qui prouve que le beau rouge ne vient que de l’or : Je ne puis me dispenser d’exposer ici comment il faut s’y prendre pour faire la dissolution d’étain, de façon que l’on puisse réussir dans ces expériences.
Si l’on veut se dispenser de l’embarras de la précipitation de l’eau‑forte et de la seconde précipitation avec l’eau salée, dont on a parlé dans la VIIIème expérience vers le milieu, on prendra seulement de l’eau‑régale, c’est à dire, de l’eau‑forte dans laquelle on aura fait dissoudre du sel ammoniac, et on y dissoudra de l’étain ; cela produira le même effet que ce que j’ai dit ci‑dessus ; mais pour s’exempter de toute cette peine, on pourra procéder de la manière suivante.
XVIIème Expérience.
On prendra un grand verre plein d’eau de fontaine, bien propre ; on mettra dedans quelques gouttes de solution d’or faite comme il a été dit ; on y mettra ensuite un morceau d’étain d’Angleterre bien pur et bien nettoyé ; et après qu’on l’y aura laissé tremper quelque temps, on verra que l’eau qui paraîtra d’abord entièrement noire, après avoir été quelques heures dans cet état, commencera à se colorer en rouge. Quand elle aura acquis la plus vive rougeur, on en retirera le morceau d’étain.
Cette opération produira les mêmes effets que ceux qu’on a produits ci‑dessus par le moyen de la solution d’étain, et on pourra faire avec ce rouge toutes les expériences qui ont été rapportées. La solution préparée de la manière suivante produit aussi le même effet.
XVIIIème Expérience.
On fait un amalgame de mercure et d’étain avec lequel on mêle une égale portion de sublimé ; on met ce mélange sur un plateau de verre et non de fer, que l’on porte ensuite à la cave ou dans un lieu humide, pour qu’il se résolve en une liqueur. On peut se servir de cette liqueur d’étain pour produire les mêmes effets que par la solution d’étain dont on a parlé ci‑dessus : Il y a une autre liqueur ou solution d’étain que le Docteur Cassius m’a apprise, qui est encore beaucoup plus curieuse ; ce n’est qu’un esprit fumant ; et certes cet esprit a quelque chose de merveilleux ; comme il m’est arrivé très souvent de faire cette opération, je veux la mettre ici.
XIXème Expérience.
Quoique cette opération ne se fasse point avec de l’or, elle peut cependant être utile : en voici le procédé. Premièrement, on fait à la manière ordinaire un amalgame de trois parties d’étain d’Angleterre avec cinq parties de mercure vif ; on triture cet amalgame autant qu’il est possible avec un poids égal de mercure sublimé ; on incorpore bien ces matières, après quoi on met ce mélange dans une cornue de verre au bain de sable, et on l’expose au feu, après y avoir très étroitement luté un récipient dont on tient le ventre dans de l’eau froide. On commence par donner un feu doux ; on le rend ensuite plus fort ; alors il passe une liqueur claire ; cette liqueur est bientôt suivie de certains esprits qui s’élèvent avec tant de violence qu’il y a lieu d’en être étonné : lorsqu’on s’aperçoit qu’il commence à se sublimer quelque chose du sel, on cesse le feu et on laisse refroidir le tout.
Lorsque tout est refroidi, on délute le récipient et l’on vide promptement l’esprit qui se trouve dedans, dans un vase très bien bouché. Lorsque cet esprit est exposé à l’air, il commence à fumer fortement et ne cesse pas jusqu’à ce qu’il soit entièrement évaporé. Quand on prépare cet esprit fumant, il faut bien faire attention qu’on ne doit pas se servir de vase ou d’instrument de métal ; il faut que tout se fasse avec des vaisseaux de terre ou de grès ; faute d’avoir pris cette précaution, l’opération m’a manqué plusieurs fois ; et je voulais y renoncer, lorsque je me rappelai que j’avais fait mon amalgame dans une cuillère de fer, ce qui paraît de peu de conséquence ; cela fût pourtant la cause de ce que je ne réussis pas ; je me servis une autre fois d’un vaisseau de terre, tout alla bien, et ne manqua jamais de réussir depuis.
Cet esprit fumant précipite l’or dans la plus belle et la plus vive rougeur, quand on s’en sert suivant le procédé que j’ai dit ci‑dessus, au lieu de la solution d’étain. Le Docteur Cassius m’a dit là‑dessus, que si on mêle cet esprit fumant avec une chaux d’or, et qu’on le retire ensuite par la distillation, l’or passe aussi sous la forme d’une belle résine rouge comme du sang, qui aussitôt qu’on l’expose à la chaleur, devient liquide comme de l’huile, mais se durcit au froid comme les autres résines ; et que si j’en mettais seulement quelques gouttes dans un verre plein d’eau, l’eau se changerait en une pierre semblable au cristal ; mais je n’ai pas encore porté mes recherches aussi loin, j’ai seulement éprouvé ce qui suit.
XXème Expérience.
Une personne me pria de lui apprendre à préparer de l’esprit fumant ; je n’avais pas trop d’envie de lui montrer ce secret ; je voulais l’en dégoûter sous prétexte de la dépense qu’il fallait faire pour y réussir ; comme elle me pressait toujours et que je ne pouvais pas refuser ; je joignis pour la valeur de deux ducats d’or en feuilles avec quatre once du mélange susdit ; je crus que cela ne nuirait pas à l’opération, mais au lieu de l’esprit fumant que je m’attendais à avoir, je n’obtins absolument rien ; personne n’en fût plus fâché que moi qui ne pouvais deviner la cause de cette perte; je remarquai cependant, après avoir cassé la cornue, qu’il s’était attaché au col par‑ci par‑là, quelques belles fleurs couleur de pourpre, et je trouvai un peu de sublimé de la même couleur au‑dessus du caput mortuum : j’étais alors en voyage, et l’opération s’étant faite dans un autre laboratoire que le mien, je ne pus pas pousser l’expérience plus loin ; je fus donc obligé d’abandonner à quelque autre le soin de continuer l’examen de la chose. Quand à ce qui concerne ce que le Docteur Cassius m’avait dit de la coagulation de l’eau, je ne regarde pas la chose comme impossible, car il m’est arrivé ce que je vais raconter.
XXIème Expérience.
Je m’étais sérieusement appliqué ci‑devant à chercher le moyen de pouvoir nourrir les perles, maturatio perlarum, et j’avais imaginé que l’esprit fumant pouvoir y contribuer beaucoup : je fis donc avec un de mes meilleurs amis de l’esprit fumant, et nous voulions mettre dedans une perle non‑mûre. Comme nous n’avions point dans ce moment une bouteille nettoyée et propre ; pour épargner le temps, nous ne voulûmes point en envoyer chercher, et nous en fîmes rincer une ; il resta, comme il a toujours coutume d’arriver, quelques petites gouttes d’eau attachées ça et là aux parois du verre ; nous lavâmes aussi la perle, et il y resta quelque humidité ; enfin nous jetâmes la perle dans la liqueur ; nous vîmes dans le fond du verre quelques parties d’eau qui s’y étaient déposées ; nous n’y fîmes point attention ; et sans rien craindre, nous versâmes dessus de l’esprit fumant ; nous l’y laissâmes un peu de temps, c’est à dire presque une heure, après avoir bien fermé le vaisseau ; et nous nous en allâmes. Nous voulûmes après cela remuer la bouteille ; mais notre perle s’était attachée fortement et ne remuait pas ; nous nous regardâmes l’un l’autre, ne sachant ce que cela vouloir dire. Je pris enfin une plume avec laquelle je crus pouvoir détacher la perle, mais cela fut inutile ; dans la mauvaise humeur où j’étais, je pris un outil de fer qui se trouvait sous ma main, et je voulus m’en servir ; il arriva que la perle en peu de temps s’était si fortement attachée, que je fus obligé de casser le verre avant d’en avoir pu venir à bout, et notre esprit fumant fut répandu sans que nous pussions le ramasser à cause de la promptitude avec laquelle il s’évapora. Je me resouvins alors de ce qu’un de mes amis d’Hambourg m’avait écrit, il y avait environ douze ans. Le voici : Une compagnie de gens respectables se trouva assemblée dans une auberge ; c’étaient tous gens curieux. Ils conversaient ensemble sur différents sujets, lorsqu’il arriva un homme inconnu qui se joignit à eux et fit la conversation ; un moment après, il demanda un verre plein d’eau de fontaine fraîche qu’on lui apporta. Il déboutonna son habit ; il ouvrit la fente de sa chemise ; on remarqua qu’il portait sur la peau une espèce de large ceinture à laquelle étaient attachées plusieurs petites bourses ; il en ouvrit une ; il en tira un peu d’une drogue et la jeta dans le verre ; il s’en alla ensuite sans qu’on s’en aperçût, et on ne put savoir ce qu’il était devenu : on examina ce qui était dans le verre, et on trouva que c’était du cristal et si dur qu’on en fut étonné. On n’a jamais pu savoir quel était cet homme et ce qu’il était devenu : pour moi, je ne doute pas que l’esprit fumant ne puisse coaguler l’eau ; et voici sur cela ce que je puis attester avoir vu de mes yeux.
XXIIème Expérience.
Un garçon qui travaillait dans mon laboratoire et que j’avais chargé de nettoyer le récipient dans lequel j’avais fait distiller de l’esprit fumant, jeta dans ce récipient une assez grande quantité d’eau, dans le dessein de le rincer ; mais il revint à moi dans le moment pour me montrer ce qui était arrivé, et se plaindre que l’eau qu’il avait versée dans le récipient était devenue une espèce de sel coagulé ; d’où je conclus que ce n’est pas une chose si difficile de coaguler l’eau ; il y aurait plusieurs expériences à faire pour cela ; mais il ne faut pas trop nous éloigner de notre sujet.
XXIIIème Expérience.
On prend de l’esprit de vitriol bien rectifié ; on verse dessus, une quantité égale d’eau salée ; on fait ensuite évaporer ce mélange ; il reste au fond du vase un gâteau, blanc, aigre salé qui tombe très facilement en deliquium ; on prend ensuite du crocus d’or qui s’est déposé au fond de l’eau rouge dont nous avons parlé plus haut ; on le triture avec ce sel duplicatum tant et si longtemps que l’on peut ; enfin, jusqu’à ce que ce sel, qui par lui‑même est blanc, acquière une couleur violette ; on le met ensuite à chauffer dans un vase de terre qui puisse résister au feu, et il se liquéfie très promptement ; quand il est liquéfié, on le décante ; alors il a une si belle couleur rouge incarnate qu’elle fait plaisir à voir, on pile ce sel ainsi coloré dans un mortier de verre, et on verse dessus un esprit de vin tartarisé, on le laisse un peu de temps en digestion, et on en extrait par là un beau rouge couleur de sang ; les sels restent blancs au fond.
Je fis cette expérience en procédant comme je viens de le dire, excepté qu’au lieu de sel duplicatum j’employai du sel admirabile de Glauber ; mais je remarquai, après l’avoir fondu, qu’il n’était pas si beau qu’en se servant du sel duplicatum ; il était d’une couleur noirâtre et ne promettait point un heureux succès. Effectivement, j’éprouvai que l’esprit de vin dont je l’arrosai, ne voulait point agir dessus ; ce qui rendit le travail inutile.
Je veux mettre ici un procédé du Docteur Cassius par lequel on apprendra à faire usage d’une dissolution d’argent avec de l’eau‑forte ou de l’esprit de nitre ; il veut qu’on l’évapore jusqu’à pellicule ; qu’après l’avoir fait cristalliser, on dissolve les cristaux dans le vinaigre distillé ; qu’on cristallise de nouveau ; qu’on mêle ces cristaux avec l’extraction d’or rapportée ci‑dessus ; enfin qu’on tienne le tout en digestion ; ce qui donnera, dit‑il, un bon produit via particulari ; mais j’ai peine à prendre confiance en cette opération.
Je la regarde avec raison comme une teinture d’or : et je croirai facilement que cette teinture est très déliée et meilleure que celle que l’on fait avec la solution d’or sine strepitu, si l’on verse dessus de l’esprit de vin, et qu’il se teigne en jaune aussitôt. Mais l’or y est encore trop corporel ; cependant j’admettrai sans peine un fait qui m’a été raconté à Vienne par une personne du premier ordre ; il était arrivé à un Comte.
"Ce Seigneur n’avait eu pendant tonte sa vie que fort peu de santé, et personne n’en savait la raison et ne connaissait sa maladie. Un Chimiste qui prétendait n’ignorer de rien, .s’offrit à rétablir entièrement le pauvre malade avec l’aide de Dieu et par le moyen d’une teinture d’or, qu’il disait être le fruit de .ton habileté dans l’Art. Avec cette teinture, (qui n’était autre chose qu’un esprit de vin coloré, semblable à celui dont nous venons de parler), peut‑être aurait‑il réussi, si le remède avait été aussi excellent que la foi et la confiance du malade étaient grandes. Ce mauvais Chimiste donna de sa prétendue teinture d’or ; sans considérer le mal qu’elle pouvait causer au malade, qui en mourut en peu de jours. Les parents furent curieux de savoir quelle avait été la cause d’une maladie assez opiniâtre pour résister à l’admirable or potable ; après avoir tenu conseil, ils firent ouvrir le corps du défunt ; et comme entre autres parties, on visitait aussi l’estomac, on y trouva un petit morceau d’or qui, (comme on peut le conjecturer) n’était pas d’une couleur aussi vive que l’or ordinaire ; quoiqu’il ne fut pas douteux que ce n’en fût : mais ce qui est bien surprenant, c’est qu’il paraissait comme s’il eût été fondu et réuni ; on eût alors des preuves de la vertu tant vantée de l’or potable."
Je pourrais rapporter plusieurs traits semblables, si je ne craignais d’abuser d’un temps précieux ; il est donc plus difficile qu’on ne se l’imagine d’obtenir une vraie teinture d’or. Les Anciens croient impossible de l’obtenir sans un dissolvant universel ; je suis de leur opinion sur ce point. J’ajoute seulement que l’or est un corps dur qui ne peut être dissout par aucun esprit sans le secours soit du sel ammoniac, soit du sel animal, soit du sel commun. Le célèbre Docteur Volkamer, Médecin et Physicien de Nuremberg et Membre de l’Académie des Curieux de la Nature, a trouvé une manière singulière de décomposer le nitre et d’en séparer l’esprit, l’eau, le sel et un terre blanche comme la neige ; cet esprit de nitre, après avoir été préparé et aiguisé de cette manière par son sel, est en état de dissoudre l’or ; je l’ai vu moi même et l’ai éprouvé plusieurs fois. Mais pour ne pas allonger davantage cette digression, je remets à traiter cette matière en son lieu, et je retourne à ma précipitation d’or.
XXIVème Expérience.
Je pris un verre plein d’esprit de vin ; je mis dedans quelques gouttes de cet esprit de vin jaune que donne la solution d’or dont on a tant de fois parlé ci‑dessus ; après avoir bien mêlé le tout, j’y ajoutai un morceau d’étain que j’y laissai jusqu’à ce que la liqueur devînt d’un beau rouge ; le tout resta dans cet état encore une fois aussi longtemps ; il ne se précipita rien, et le mélange demeura toujours d’un beau rouge, à l’exception de quelques peu de sédiment noir qui tombaient au fond. Ayant observé que plus je laissais cet esprit, plus il devenait beau, j’en eus beaucoup de joie, je le laissai longtemps, parce que je fis un voyage ; et quoique mon absence dût être d’un mois, j’étais persuadé que je le retrouverais rouge ; mais à mon retour, lorsque je vins à jeter les yeux dessus, je vis qu’il était devenu clair et que le rouge s’était déposé au fond de l’esprit de vin, comme il avait fait dans l’eau ; j’eus encore lieu d’observer que la couleur rouge qui s’était déposée au fond de l’eau en forme de chaux, s’était déposée dans l’esprit de vin sous celle d’un mucilage. Il est certain que plus longtemps on veut laisser cette couleur dans l’esprit de vin, plus il faut que cet esprit soit rectifié. Une personne de ma connaissance qui avait fait avec moi ces recherches, m’a raconté que l’eau dans laquelle la couleur rouge, s’était une fois déposée, redevenait d’elle‑même toute rouge avec le temps. Il ne m’est jamais arrivé de voir ce phénomène, et l’eau m’est restée toujours blanche.
XXVème Expérience.
Ayant un jour fait une bonne provision d’eau‑forte précipitée deux fois, la première par l’argent, la seconde, par de l’eau de sel, ou pour parler plus juste, ayant préparé de l’eau régale ; je fis dissoudre toutes sortes de métaux dans cette eau, du moins tous ceux qui pouvaient s’y dissoudre ; je m’en servis pour la dissolution de l’étain, comme pour celle de l’or ; mais je ne pus rien en tirer qui en valût la peine, Jusqu’à ce que l’ayant employée sur le mercure, je trouvai que, lorsqu’il est dissous et mis en usage de la même manière que la solution d’étain, il précipite l’or dans la plus vive couleur rouge et la rend plus belle, plus éclatante et plus parfaite que l’étain ne le fait : je m’imagine donc qu’à ce rouge précipité par le mercure, il se joint quelque chose d’un autre rouge qui est particulier au mercure ; car j’ai observé qu’en trempant une plume, un morceau de bois ou quelqu’autre chose dans la solution de mercure, tout prend en séchant un aussi beau rouge que si on l’avait trempé dans la solution de l’or ; ce qui ne me laisse aucun doute, comme je l’ai déjà dit, que, dans l’opération dont il s’agit, il n’y ait un peu du rouge qui vienne au mercure. Chacun en croira ce qu’il voudra ; de certain, c’est que ce crocus d’or forme un très beau pourpre comme je l’ai dit ci dessus. Mais on ne peut le faire passer à la distillation comme le crocus d’or dont j’ai parlé plus haut ; il faut pour cela le mêler avec du flux, ce qui en concentre la couleur. Mon plus grand amusement était autrefois de m’occuper de la couleur pourpre ; en voici une que je veux mettre ici.
XXVIème Expérience.
Je préparai un sel de tartre extemporaneum, comme à l’ordinaire, en faisant allumer et détonner ensemble dans un creuset le nitre et le sel de tartre en égale portion ; je les portai ensuite à la cave pour faire tomber le mélange en deliquium. Je me servis de cette liqueur pour précipiter une solution d’or, au lieu d’y employer de l’huile de tartre ; la précipitation se fit fort bien ; ayant mêlé le précipité avec des fleurs de Soufre et fait rougir le tout au feu, j’obtins une chaux qui donna un si beau pourpre d’or pour peindre, que j’en suis encore tout émerveillé. Le liquor cristallorum produit la même chose ; mais la couleur de l’un est plus belle que celle de l’autre.
Je crois que le nitre, particulièrement lorsqu’il est fixé, contribue à cet effet et que la couleur en est rehaussée ; mais j’abandonne cela au jugement de chacun. Je me souviens cependant d’avoir vu un phosphore qui était tout‑à‑fait mucilagineux ; et (comme j’ai raison de le croire à présent que j’en connais la préparation) ce mucilage devait être assez fort pour changer l’or lui même en un corps mucilagineux d’un beau rouge ; mais y avait‑il là du nitre ? N’est‑on pas obligé de dire qu’il n’y en avait point ; et ne peut‑on pas mettre ici en question, si la propriété de diviser l’or, qu’a le sel ammoniac, lorsqu’il est dissout dans l’eau‑forte, ne vient point uniquement d’un sel urineux qu’il contient ? Je ne doute pas qu’on prenne l’affirmative là‑dessus, et qu’on ne puisse trouver dans l’urine un semblable dissolvant ; car c’est pour ainsi dire du sel commun changé en sel ammoniac : il est libre à chacun de le croire ou non ; je parle ici sur mes expériences, et je ne veux disputer avec personne ; car je sais que les hommes ne se trompent en rien aussi aisément que dans la préparation de la teinture de l’or : plusieurs tiennent un dissolvant coloré et un aurum putabile, un or prétendu, pour un aurum potabile, de l’or potable ; combien n’y a‑t‑il pas de gens qui font l’extrait de la chaux d’or avec de l’esprit de miel et qui disent que, lorsque cet esprit de miel a resté longtemps dans cet état, il se change de lui même en un beau rouge ? J’ai connu un Brûleur de charbon, dont je ne veux pas dire le nom, qui vendait un dissolvant fort cher, assurant que c’était le vrai dissolvant universel. Aussitôt qu’il en versait des gouttes sur quelque chose que ce fût, cette chose en peu de temps devenait d’un beau rouge ; il n’importait sur quelle chose il les versât ; l’effet ne manquait jamais. Ce qui me donna du soupçon sur son opération, ce fut de voir que tant de teintures différentes ne communiquassent jamais au dissolvant que la même couleur : car je pensais que l’une aurait dû faire du rouge, l’autre du vert, l’autre du bleu, etc. Je dis à ce Charlatan que peut‑être son prétendu dissolvant s’était ainsi coloré lui‑même : il me répondit que les soufres dissous (car les soufres disait‑il, étaient aussi des teintures) étaient tous de même nature avant que de prendre une forme, et que par conséquent ils devaient par le moyen de son excellente et véritable extraction, n’avoir qu’une seule et même couleur. Mais après avoir bien examiné, je découvris que ce dissolvant universel tant vanté n’était qu’un pur et vrai esprit de suie, spiritus fuliginis, qui devenait rouge de lui‑même, peu de temps après avoir été en repos. J’ai éprouvé que tous les esprits acides, quels qu’ils soient, comme les esprits des bois, de la manne, de la rosée de mai et de l’eau de pluie produisaient le même effet. C’est pourquoi il est à propos de bien examiner, avant que d’entreprendre quelque chose d’utile, le dissolvant dont on se sert. Mais pour éviter la prolixité et finir promptement ce discours, je chercherai en peu de mots s’il est certain que le beau rouge soit produit particulièrement par l’or, ou si les sels ne pourraient pas y contribuer en quelque chose. Ce pourpre d’or dont j’ai souvent parlé et dont les orfèvres ont coutume de se servir pour peindre en émail, m’engage dans cet examen ; on en connaît assez la préparation ; il n’est pas nécessaire de la répéter ici : cependant il est bon de dire que c’est un or fulminant, lorsque après avoir été dissout par l’eau régale, on l’a précipité avec l’huile de tartre par défaillance : chacun sait quelle détonation épouvantable il produit, quand il est mis sur le feu. Mais j’eus moi‑même lieu d’être bien surpris un jour : avant précipité une assez grande quantité d’or, c’est à dire, à peu près pour la valeur de huit ducats, dans le dessein de faire plusieurs expériences, je sortis après avoir mis cet or dans un mortier de jaspe seulement sur un poêle, pour le faire sécher : quand je revins à la maison, je trouvai que la matière était encore toute ensemble et en grumeaux : ne croyant pas qu’elle dût jamais fulminer, je l’ôtai de dessus le poêle, et je travaillai avec un pilon de jaspe, à en écraser les grumeaux ; quel coup ne fit‑elle pas entendre ? On aurait crû que toute la maison était renversée de fond en comble : le mortier qui m’avait coûté très cher, fût brisé en tant de morceaux qu’on ne pouvoir les compter : l’or fulminant me sauta dans les yeux, et j’eus la même sensation que si l’on m’avait tiré au visage un fusil chargé de sable, sans cependant être blessé. Je conclus que l’agitation seule suffisait pour allumer cet or. On peut voir un autre exemple de ce phénomène dans les observations sur les expériences de R. Lulle ; je me dispense de le rapporter pour abréger. Pour revenir à mon propos qui est de savoir si les sels contribuent à la couleur rouge, voici les observations que j’ai faites.
XXVIIème Expérience.
Quand je veux savoir si mon pourpre d’or sera beau j’en prends un peu, et avant de le mêler à des fondants, je l’approche d’une lumière ou d’une bougie plus il fait de bruit en fulminant avec éclat et plus je juge qu’il deviendra beau ; on ne peut donc pas disconvenir qu’il n’y ait quelques parties de sel ? Je voudrais pourtant m’en convaincre encore mieux ; mais comment faire pour cela : je crois en attendant, que la couleur intérieure de l’or doit être rouge ; car si cela n’était pas, il s’ensuivrait nécessairement que lorsque je dissous du cuivre ou un autre métal dans l’eau‑régale, (cette eau les attaque tous volontiers) elle devrait non seulement teindre sur le champ cette dissolution, mais encore donner du rouge, de même qu’elle en donne, lorsque je fais ce procédé avec l’or et la dissolution d’étain.
Mais afin de ne pas être trop long, j’abandonne ces discussions, pour rapporter les expériences que j’ai tentées pour contrefaire des rubis, avec tout ce qui concerne leur préparation.
Les anciens regardaient comme un secret fort rare la manière de colorer le verre en beau rouge ; ils croyaient impossible d’y parvenir sans une solution radicale de l’or ; je ne veux point rapporter toutes les folies et toutes les opérations extravagantes auxquelles cette idée a donné lieu ; il vaut mieux se taire que de perdre le temps à raconter ce qu’il est inutile de savoir ; apprenons plutôt à chacun la manière de faire un verre rouge et des rubis factices. D’abord il est vrai que la magnésie sublimée plusieurs fois avec du sel ammoniac bien édulcorée ensuite et mêlée avec une fritte de cristal donne un verre rouge. Pareillement, lorsqu’on a précipité avec le mercure une extraction d’émeril rouge (suivant Béguin) et qu’on l’a mêlée avec une fritte, on obtient un verre rouge ; mais ce rouge est aussi différent de celui du rubis que l’écarlate l’est du cramoisi.
On ne peut nier, car c’est un fait connu de tout le monde, que le Docteur Cassius n’ait obtenu un beau rubis par le procédé que nous venons d’exposer, et qu’il n’ait communiqué plusieurs fois cette méthode pour de l’argent. On peut voir de ses rubis en plusieurs endroits et entre autres à Freysingen où il en a distribué quantité ; mais il tenait son secret fort caché. J’en ai fait moi‑même plusieurs de la même manière ; elle m’a quelque fois réussi, et mes pierres sont venues fort belles ; d’autres fois je les ai manquées. J’ai tenté différentes expériences sur cette matière, que je ne ferai pas difficulté de rapporter ici.
Est‑il bien vrai, comme les anciens l’ont prétendu, que, sans une vraie destruction de l’or par la dissolution, on ne puisse donner au verre une couleur semblable à celle du rubis ? Si cela est ainsi, je suis sûr de posséder le secret de la solution radicale de l’or, car je sais par le moyen de cette dissolution faire des rubis, et l’on ne peut me le disputer. Il est très certain que sans l’or il est impossible de contrefaire les rubis ou de donner au verre la vraie couleur pourpre ; ceux qui sont dans le cas de peindre le verre ou de forcer des couleurs dans les émaux, n’ont point d’autre pourpre que celui qui se tire de l’or ; aussi ne réussit‑on point dans ces talents qu’on ne sache bien la manière de travailler l’or. Le savant Artiste en verre Jean Kunckel se vante du contraire ; il assure qu’il a la méthode de préparer un beau verre rouge, couleur de rubis, sans employer l’or. Je ne veux pas le contredire ; mais je ne peux m’imaginer que ce verre soit d’un beau rouge et véritablement pourpre ; et si je n’étais persuadé que Kunckel sait parfaitement distinguer les couleurs, je ne pourrais le croire. Je ne veux pas le contredire ; peut‑être son pourpre ne vient‑il pas d’un or corporel, mais seulement d’un soufre doré, etc. Je laisse la chose pour ce qu’elle est, et j’espère qu’au plutôt j’aurai un peu de ce verre ; car j’avoue que je meurs d’envie d’en voir ; mon impatience est d’autant plus grande, que je sais que Kunckel est homme très versé dans l’Art de faire des verres. Mais sans m’arrêter plus longtemps sur ceci ; je vais passer à quelque chose de merveilleux qui me vient d’un certain lieu comme une grande expérience, et je veux en faire juge Kunckel qui entend si bien la manière de préparer des verres et des rubis : car je ne doute pas que ce petit traité ne lui tombe entre les mains.
Voici ce que l’on m’a mandé.
Le Professeur Kirchmayer (je ne le connais pas, mais j’ai vu un Traité avec un Baron de Ratisbonne signé de son nom et muni de son cachet) communiqua à ce Baron le procédé suivant, pour lui apprendre à faire un vin d’Espagne, d’un vin commun de Bavière.
1). On prend du caillou ou un beau cristal bien pur ; on le fait rougir au feu ; on l’éteint dans l’eau, et on réitère la même chose, jusqu’à ce qu’il soit devenu friable ; on le réduit ensuite en une poudre très subtile ; on prend de ce cristal et du sel de tartre bien pur autant de l’un que de l’autre ; on fait fondre le tout, et on le porte à la cave pour qu’il tombe en deliquium.
2). On prend d’antimoine une partie, de doux de fer une partie, de salpêtre et de tartre autant de l’un que de l’autre ad pondus omnium, on fait fondre ce mélange pour avoir un régule ; on sépare ce régule de ses scories ; on résout ce régule avec du nitre trois fois de suite, c’est à dire, à trois différentes reprises ; alors il est tout préparé.
3). On dissout de l’or dans l’eau‑régale ; on le précipite avec le liquor silicium ou cristallorum mentionné ci‑dessus, et on édulcore la chaux.
On fait ensuite liquéfier le régule d’antimoine qu’on vient de préparer, et on y met un peu de chaux d’or ; on prétend que le mélange devient rouge et assez transparent ; alors la teinture est toute faite, et le rubis soluble (comme il l’appelle) est préparé. On le mêle avec du verre, et il lui donne une belle couleur de rubis, etc.
J’ai rapporté ceci en peu de mots, cependant sans rien omettre du procédé.
Je ne puis m’imaginer qu’un homme, pour peu qu’il soit versé dans les travaux Chimiques, croie que la chose puisse réussir ; car prescrire ce procédé est‑ce dire autre chose que ce qui suit ? Qu’on prenne de l’or fulminant et qu’on le mêle avec du régule d’antimoine bien purifié, etc. Ce procédé donnera une poudre rouge, etc. Qui est‑ce qui ne rirait pas ? Qui est‑ce qui croira que l’or fulminant puisse être fait avec le liquor cristallorum. Dites‑moi, de quoi le liquor cristallorum est‑il particulièrement composé ; de quoi participe‑t’il le plus ? N’est‑ce pas du sel de tartre ? Oui certes. Si on avait fait un liquor cristallorum avec le nitre, je pourrais bien croire que le nitre fixé aurait donné un précipité ou une chaux d’une autre couleur, telle que la couleur d’ocre, car je l’ai éprouvé. J’avais un jour laissé tomber en deliquium dans la cave un sel de tartre extemporaneum (comme on le nomme) pour en composer une liqueur ; c’est à dire que j’avais fait détonner parties égales de nitre et de tartre ; je mis ensuite sur une partie de la solution d’or, trois fois autant d’eau, et j’en fis la précipitation avec cette liqueur, parce que je n’avais point d’huile de tartre sous la main ; il tomba au fond une chaux d’un beau violet qui me servit très bien pour un pourpre d’or. Cependant je ne pus point l’employer à colorer le verre, avec quelque adresse et quelque précaution que je m’y prisse. Que ceci soit dit pour répondre au premier chef.
Secondement, le Professeur Kirchmayer enseigne à faire un régule d’antimoine qui est même un régule martial qu’il a soin de purifier ensuite plusieurs fois avec le nitre ; il met dans ce régule une chaux qu’il a précipitée par le liquor silicum ; après avoir donné le procédé, il ajoute que le mélange deviendra rouge, et qu’il se dissoudra d’abord à l’air ; que c’est pour cela qu’il faut bien le garder, et il l’appelle par la même raison rubis soluble. L’auteur de ce procédé devrait bien me dire pourquoi ce mélange se dissout aussi aisément à l’air que les sels, et s’il a jamais fait l’opération de fondre et purifier l’or par l’antimoine ? S’il prétendait cela, ne se moquerait‑on pas de lui, et n’aurait‑il pas lieu lui même de s’étonner de sa simplicité ? Où a‑t‑on jamais vu qu’un métal se dissolve à l’air ? qu’est‑ce autre chose que tout ce produit, sinon un régule d’or ? quand même on y mettrait encore une fois plus de chaux d’or, et qu’on mêlerait bien exactement le tout ensemble ; l’antimoine ne ferait autre chose qu’absorber l’or et s’en emparer ; car si on en sépare l’antimoine, il laisse l’or en un corps. Le régule d’antimoine est‑il autre chose que le plus pur et le plus bel antimoine ? et quand il aurait été mêlé avec du fer, il quitterait le fer dès qu’on le pousserait au feu. Je crois que ce procédé a été copié de Glauber, et que le Docteur Kirchmayer y a seulement changé quelque chose.
Glauber en enseignant (si je m’en souviens bien) la méthode de faire un régule simple d’antimoine, dit qu’il faut le fondre plus d’une fois avec la chaux d’or, et qu’alors on obtiendra une couleur rouge ; je le croirai sans peine, mais ce sera après le succès. Je répondrais bien qu’il n’aura lieu que sous une de ces constellations favorables aux Charlatans et à leurs procédés mensongers. C’est pourquoi, mon cher Professeur, soyez mieux sur vos gardes une autre fois ; ne croyez pas tout ce que l’on vous prescrit, et soyez plus réservé à le communiquer à d’autres comme quelque chose de certain, afin qu’il ne vous arrive pas ce qui est arrivé dans une cour à une personne connue et que vous connaissez bien, à l’occasion d’un phosphore.
Je n’ai pas voulu laisser passer ce fait sous silence, afin que l’on sache à quoi s’en tenir, et que l’on connaisse ceux à qui l’on peut ajouter foi ; mais il serait inutile de s’arrêter là‑dessus plus longtemps ; et pour revenir à la brièveté que j’ai affectée dans ce petit Traité, je vais exposer en peu de mots ce qui m’est arrivé dans la préparation des rubis, en suivant mon procédé accoutumé et ce à quoi il faut donner attention ; j’ai ci‑devant traité assez au long de la précipitation rouge de l’or, et exposé assez clairement les expériences qui la concernent, je crois donc inutile d’y revenir ici.
XXVIIIème Expérience.
Je prend une partie de cailloux bien calcinés, un quart de salpêtre, du sel de tartre et du borax autant que de salpêtre ; je réduis le tout ensemble en une poudre la plus subtile qu’il est possible ; je jette ce mélange dans l’eau rouge où s’est faite la précipitation de l’or ; je laisse le tout sur le feu l’un avec l’autre. jusqu’à ce qu’il soit entièrement évaporé ; je broie le résidu tout au plus menu, et je le tiens bien enfermé dans une bouteille. Ceci est une teinture bien différente de celle de Monsieur Kirchmayer ; et il y a lieu de craindre qu’elle ne tombe en deliquium à l’air.
Lorsque je veux faire le flux, c’est à dire former les rubis, je prends deux petits creusets ; je mets la matière rouge susdite dans l’un, et dans l’autre une belle fritte de cristal, en un fourneau propre à cela ; quand tous deux sont bien entrés en fusion, j’observe d’abord dans quel creuset est le rouge, et j’en retire un peu ; je le mets à l’air et le laisse refroidir ; alors il paraît blanc ; je remet à rougir, et j’examine quelle est sa couleur ; si elle est trop vive ou trop faible, si elle est trop rouge, je remets derechef dedans un peu du cristal fondu. Je laisse ce mélange se fondre, et se lier exactement ; après quoi j’en fais l’épreuve comme auparavant, ce que je continue jusqu’à ce que je sois content de la couleur.
Lorsque je tentai cette opération pour la première fois, le Docteur Cassius ne m’ayant point dit que d’abord la matière rouge serait blanche, je fus désespéré, et je crus avoir perdu toutes mes peines. J’abandonnai cette recherche, et je fus longtemps sans y travailler ; pendant ce temps je m’exerçai à la préparation des beaux verres, en façon de porcelaine. J’observai cependant que quand je les regardais au sortir du premier feu, ils étaient de la couleur du cristal ; mais qu’aussitôt qu’on les avait chauffés derechef (ce que les faiseurs de verre appellent recuire) ils prenaient la couleur désirée ; je voulus éprouver s’il n’en serait pas de même du rubis factice ; plus j’avais été affligé d’avoir manqué au premier essai, plus je fus réjoui de réussir dans celui‑ci ; je m’assurai toutefois que la chose ne réussissait pas toujours, et j’observai que les sels qui étaient dans l’eau où s’est faite la précipitation y contribuaient beaucoup. Quelquefois le verre prenait un enduit jaunâtre et quelquefois une croûte ou peau bleuâtre ; et je pensai pouvoir en conclure que les sels étaient la cause de tous ces changements, comme je l’ai déjà dit. Je laissai donc l’eau se clarifier et ne me déterminai à me servir du précipité ou du crocus d’or qu’après que les sels en seraient édulcorés.
XXIXème Expérience.
Après avoir conduit ainsi mon opération, j’estimai qu’il ne devait plus rester de parties de sel ; et après avoir mêlé le tout exactement, je n’eus aucune inquiétude qu’il me revint autre chose qu’un rubis factice plutôt trop vif en couleur que trop faible ; je fis bon feu dans un bon fourneau à vent, et comme je remarquais que tout entrait bien en fusion, je fus curieux de voir ce que c’était, et je trouvai à la vérité un beau verre de cristal ; je le laissai refroidir, et je le fis de nouveau chauffer jusqu’à ce qu’il devînt rouge, comme j’avais procédé auparavant ; mais il ne prit point cette couleur. Je ne savais plus comment je devais m’y prendre, lorsque je remarquai que mon or s’était réduit au fond du creuset, c’est à dire, avait repris sa première forme ; quel ne fût pas mon étonnement ! Car l’or est d’ordinairement très réfractaire et très difficile à réduire. J’accusai donc encore les sels de cet effet, et j’édulcorai encore une fois du mieux que je pus, sans que le verre prit pour cela la couleur du rubis ; Dieu sait combien de manipulations différentes je mis en usage ; je n’en pouvais assez imaginer et essayer de nouvelles pour réussir dans mon entreprise, jusqu’à ce qu’enfin j’entrepris une chose singulière que je vais expliquer ici.
XXXème et dernière Expérience.
Je fis le raisonnement suivant. Le crocus d’or donne un beau pourpre d’or pour peindre en émail ; l’or fulminant même produit cet effet ; quand on l’a mêlé dans le fondant et qu’on l’a pilé le plus menu qu’il est possible, il ne se réduit pas ; mais il demeure sous la forme d’une chaux de couleur pourpre. Veux‑t‑on le pousser trop fortement, il se dissipe dans le feu et l’on n'obtient rien ; il arrive la même chose, lorsqu’on emploie une portion d’or fulminant qui soit presque tout or, avec trois ou quatre portions du flux ou fondant. Que devient l’or ? Et d’où naît cette facilité de s’échapper et de dissiper ? Ce qu’on y ajoute n’est autre chose que du verre de Venise, (J’ai coutume de m’en servir aussi) et la préparation consiste à le piler très subtilement ; ceci doit y contribuer.
Je prends le crocus d’or qui a été précipité par l’étain ; je le mêle avec six parties de verre de Venise et le fais piler très‑fin dans un mortier d’Agathe, comme on le pratique pour le pourpre d’or à émailler ; je mêle le tout avec ma fritte, et qui est‑ce qui a de plus beaux rubis que moi ? Je me sers de cette méthode, quand l’occasion et le temps me le permettent, et je trouve que c’est la meilleure manière ; car avec l’eau, ils ne viennent pas toujours beaux.
Conclusion
On peut voir par ce petit ouvrage, que l'excellent artiste Langelot possède une belle invention dans son Tritic. En continuant ces expériences qui peut être produiront dans la suite quelque chose de mieux, je pourrai communiquer au public des choses curieuses, surtout si je remarque que celles-cu soient agréables; mais pour cette fois je m'en tiens à ces XXX expériences, ne doutant pas que chacun ne les emploie à son plus grand profit; du moins telle a été mon intention.
VALETE