Le rôle joué par la rosée, au sein de l'oeuvre alchimique, apparaît de façon évidente dans nombre de traités hermétiques dès le 17ème siècle et semble clairement rattaché au courant rosicrucien. Une planche provenant d'un rare manuscrit, édité sous le titre "les symboles secrets des Rosicruciens" (1) accorde une place importante à la précieuse rosée :
"Je suis l'humidité qui conserve tout dans la nature et le fait vivre, je passe du plan supérieur au plan inférieur ; je suis la rosée céleste et je fertilise la terre ; rien ne pourrait vivre sans moi dans le temps ; oui, je suis proche de toutes choses, dans et à travers toutes choses, et cependant inconnue."(2)
"cette humidité doit être saisie de peur qu 'elle ne se change en vapeur ou en fumée"(3)
" La prima materia puise son existence dans le Fiat, le Verbe de la Création. Et ce verbe vient du Père qui est le créateur de toutes choses, et l'Esprit rayonne des deux : C'est la vie de Dieu donnant l'air. Alors, aussi, l'air donne la vie partout dans les éléments. Le feu réchauffe toutes choses, l'eau rafraîchit, enchante et sature toutes choses ; l'air naquit du feu et à son tour fait brûler le feu, afin qu'il vive, mais l'air sous la forme de l'eau est une nourriture pour le feu, et le feu brûle dans cet élément : l'Eau et la rosée du sol, l'onctueuse rosée grasse du sol, c'est la terre en tant que gardienne du sel nitreux qui la nourrit. Car le sein de la terre c'est le sel, la seule bonne chose que Dieu a créé dans ce monde visible."(4)
Un autre traité d'Alchimie du 17ème siècle, le "Testament d'Or "(5), que B. Husson rattache également au courant rosicrucien, cette fraternité dont "faisait partie Salomon et les Prophètes de l'ancien Testament", fait référence à la précieuse Rosée.
"La croix donne encore un dissolvant et une médecine toute extraordinaire, par deux sujets très universels, que la nature nous met devant les yeux ; à savoir par l'eau de mer inférieure coagulée, et coagulante ; et par l'eau de mer supérieure, libre et dissolvante, ou la rosée."
D'ailleurs, comme le fait justement remarquer E. Canseliet, les frères de la Rose-Croix constituaient en fait la fraternité de la Rosée-Cuite. Dans nombre de traités d'alchimie, la Rosée nous apparaît comme le véhicule du "Spiritus Mundi", nourri par le rayonnement cosmique, auquel participe celui du soleil et de la lune. C'est lui qui préside à l'éclosion de la vie sur Terre et permet d'ennoblir l'indispensable fondant salin en l'enrichissant de son "isomère céleste", comme aimait à le rappeler le bon maître de Savignie :
"Sous l'effet de la chaleur appliquée avec sagesse, grâce à son nitre subtil, la rosée élève et ennoblit tout sel que ce soit et, préférablement ceux que la nature a réservés pour le Grand OEuvre."(6)
Ainsi sans l'apport du Spiritus Mundi, rien ne différencie, pour E. Canceliet, la chimie de l'alchimie car c'est : "…l'abondante aspersion d'esprit céleste - intense bombardement fluidique - qui participe à l'opération chimique ou, plus exactement, métallurgique et lui confère son véritable caractère d'alchimie."(7)
Dans sa Nouvelle Lumière Chymique, le célèbre Cosmopolite, qui n'est autre qu'Alexandre Sethon, met lui aussi en avant l'importance de la rosée comme étant l'agent indispensable pour la fabrication du feu secret :
"En effet, tu dois prendre ce qui est, mais qui ne se voit pas, jusqu'à ce qu'il plaise à l'artiste ; c'est l'eau de notre rosée, de laquelle se tire le salpêtre des philosophes, par laquelle toutes choses croissent et se nourrissent."(8)
Dans son Triomphe Hermétique, Limojon de Saint Didier, à son tour et dans la même filiation, défend l'idée selon laquelle, l'alchimiste doit nécessairement recourir à un artifice livré par la nature pour mener à terme l'oeuvre alchimique que celle-ci n'a pu, elle-même, accomplir :
"Comme le sage entreprend de faire par nostre art une chose, qui est au-dessus des forces ordinaires de la nature, comme amolir une pierre, & de faire vegeter un germe métallique, il se trouve indispensablement obligé d'entrer par une profonde méditation dans le plus secret intérieur de la nature, & de faire prévaloir des moyens simples, mais efficace qu'elle luy en fournit ; or vous ne devés pas ignorer que la nature dez le commencement du Printemps, pour se renouveller, & mettre toutes les semences, qui sont au sein de la terre, dans le mouvement qui est propre à la végétation, imprègne tout l'air qui environne la terre, d'un esprit mobile & fermentatif, qui tire son origine du pere de la nature ; c'est proprement un nitre subtil, qui fait la fécondité de la terre dont il est l'ame, & que le Cosmopolite appelle le sel-petre des philosophes."(9)
Si le rôle joué au sein de l'alchimie par la rosée élève la science d'Hermès au rang d'une véritable philosophie vitaliste de la Nature, E. Canseliet va jusqu'à conférer à la céleste liqueur un caractère divin, en la rapprochant de la Manne céleste évoquée dans la Bible:
"Et quand la Rosée descendait sur le camp pendant la nuit, la manne y tombait semblablement."(10)
D'autres philosophes, ont toujours nié le rôle de la rosée. Pernety, qui n'est pas considéré comme un alchimiste à proprement parler, certes, déclarait, près d'un siècle plutôt :
"…mais quand on médite sérieusement sur les textes des vrais Philosophes, dans lesquels ils parlent de Rosée, on est bientôt convaincu qu'ils n'en parlent que par similitude, & que la leur est une rosée proprement métallique, c'est-à-dire, leur eau mercurielle sublimée en vapeurs dans le vase, & qui retombe au fond en forme de rosée ou de petite pluie…"(11)
C'est d'ailleurs ce qu'exprime Philalète dans ses Expériences sur la préparation du Mercure des Sages :
"…dans celui -ci, tu apprêteras une chaleur de sable au premier grade, dans lequel la rosée de notre composé est élevée et circulée sans cesse, hors du composé, de jour et de nuit sans qu'il n'y ait interruption…"(12)
Le même sens est donné à la rosée philosophique par le commentateur anonyme du traité "l'Or potable des Anciens " :
"Les Philosophes ont considéré ce mouvement ascendant et descendant et l'on appelé sublimation parce qu'en cette action les choses subtiles sont faites épaisses et les massives et corporelles sont faites légères et subtiles ; ainsi donc ces esprits diffèrent en naturel et après s'être fait longtemps la guerre l'un à l'autre, s'accordent avec le temps et se font amis, se joignant intimement ensemble, volant en l'air et puis descendant ensemble en terre par laquelle descente s'engendre le mercure ou rosée philosophique laquelle nourrit notre terre et la fait germer et porter double fruit…"(13)
En dépit de la contradiction envieuse véhiculée par certains philosophes, comme nous venons de le voir, le travail sur la Rosée nocturne, fut l'objet d'un secret philosophique, transmis au sein de groupuscules d'authentiques alchimistes, véritables Rose-Croix. Le secret dont il est question, permet l'obtention du sel de Rosée. Celui dont les planches du Mutus Liber, éclairés par les charitables propos d'Eugène Canseliet, puis plus tard par ceux de Patrick Rivière, décrivent le modus operandi sans lequel il ne peut être isolé. Ce sel mérite notre attention en raison des propriétés médicinales dont il serait porteur, notamment dans le domaine cardio-vasculaire, selon E. Canselliet s'exprimant à l'occasion d'une célèbre interview radiophonique.
Le travail est long et fastidieux, mais il débouche immanquablement sur la réussite si l'opérateur a bien respecté le processus de fabrication. Le sel philosophique se manifeste en infime quantité, de couleur blanc rosée une fois desséché par les rayons du soleil. Son utilisation provoque la manifestation de l'émail vert ou vitriol philosophique au terme du premier Oeuvre. Or la coloration verte est curieusement (et symboliquement) la manifestation du Spiritus Mundi, c'est à dire, de la vie dans la matière comme nous le rappelle E. Canseliet :
"C'est bien ce que l'artiste vérifie- pour peu que les conditions extérieures soient respectées - au cours des réitérations du premier oeuvre, dans le bel émail vert olive qu'il recueille et qui lui révèle également que le rayonnement cosmique est pesant et odoriférant. Cette matière subtile possède en vérité, la pondérabilité du Christ incarné, sa couleur verte et son odeur qui est celle de la fumée de l'encens."(14)
Cette caractéristique physique du vitriol (anagramme de "l'or y vit ") que constitue sa couleur verte, n'est pas sans rapport avec les propriétés médicinales de ce dernier, soulignées par Le Breton dans son opuscule Les clefs de la Philosophie spagyrique (15) :
"Les vertus du vitriol pur sont merveilleuses ; son esprit rend le mercure vulgaire une espèce de panacée, et on peut en faire par son moyen une vraie médecine contre toute maladie, si l'on sait de quel vitriol j'entends parler, et de quel mercure."
Basile Valentin nous confirme lui aussi que :
"…le sel extrait de la cendre se montre le plus fort et qu'en lui se cachent de nombreuses vertus."(16)
La cendre dont il est ici question, correspond au caput mortuum ou féces c'est-à-dire aux scories issues de la séparation-purification du minerai, achevant le premier oeuvre. C'est aussi ce qu'exprime - sous la forme de vers traduits du latin en français par A. Savoret - un philosophe inconnu cité par E. Canseliet, dans ses commentaires à l'ouvrage précédemment cité du moine d'Erfurt (17 ):
"O surprise ! d'un tronc d'arbre calciné se tire le Sel (18) : Du sel purifié, une eau spirituelle. Que les eaux soient cuites par le feu, il en sera fait un sel régénéré : Il sera d'un grand secours médical pour les malades. Une force impérissable réside dans les sels : Il est démontré par l'Art, Que les arcanes du sel ont quelque chose de divin…"
Il semble possible de tirer de ce vert émaillé, à en croire les philosophes, une médecine souveraine, après que l'humidité de l'air ait rempli son office et que le produit de cette lente maturation ait été traité par le vinaigre philosophique, avant d'être repris par l'esprit de vin. La teinture qui résulte de ces opérations successives est d'un rouge rubis et constitue une évocation de la transformation, par voie humide, du lion vert en lion rouge, laquelle transformation s'opère habituellement par voie sèche, au cours du second oeuvre. Mais revenons, après ces nécessaires digressions, à l'élaboration du sel de rosée. Le recueil de la rosée constitue la tâche la plus fastidieuse et rebutera les moins courageux. E. Canseliet procède "en promenant sur les céréales en vert, sur les trèfles les luzernes et les sainfoins, une toile de lin, auparavant plusieurs fois lavée et rincée dans l'eau de pluie."(19) Et le maître de préciser :
"De même devra t-on craindre que le végétal porteur n'ait été malencontreusement saupoudré ou aspergé d'engrais quelconques." (20 )
Il ne reste alors qu'à tordre les linges pour en extraire la précieuse rosée, à l'image du couple du Mutus Liber. Celui-ci a installé ces pièces de linge sur des piquets, ce qui permettrait d'accroître la quantité de rosée recueillie. Ce procédé, également choisi par l'auteur du Testament d'Or, à la différence près que ce dernier utilise des plaques de verre au lieu du tissu de lin, nous paraît, tout de même, moins productif que le premier. Ceci se comprend aisément au regard de l'étendue de surface que le premier procédé permet de traiter, à l'inverse du second .
Le recueil de la rosée directement sur le végétal altère sa pureté, c'est pourquoi celle-ci doit faire l'objet d'une minutieuse filtration. Cependant rien ne prouve que la présence, au sein du liquide précieux, de particules organiques, pollen et autres débris d'origine végétale, puisse nuire à la qualité du sel obtenu.
Nous aurions même tendance à penser le contraire!
Une fois filtrée, dans toute sa fraîcheur, la rosée doit être enrichie, comme nous l'enseigne Sulat, par le rayonnement des astres, ainsi que par celui de la Lune et du Soleil à son lever. Cette exposition s'opère dans de larges vasques, toute la durée de la lune montante. Il importe auparavant, d'ajouter au liquide, l'indispensable aimant, sans lequel la rosée ne pourrait livrer son sel, à savoir cette boue noire et épaisse
qu'évoque E. Canseliet dans ses commentaires du Mutus Liber. Sans aucun doute, l'aimant du spiritus mundi dont parle, De Grimaldi :
"En convenant que tout ce que les Philosophes disent de sublime au sujet du Nitre est vrai, il faut en même temps convenir qu'ils entendent parler d'un Nitre aérien, qui est attiré en sel plus blanc que la neige, par la force des rayons du Soleil et de la Lune, par un aimant qui attire l'esprit invisible ; c'est là la magnésie des Philosophes…"
L'auteur du Testament d'Or (21) nous apporte une précieuse indication :
"Rx au nom de Dieu du plus pur et net sel de mer, comme il est cuit par le soleil ; il vient d'Espagne par mer. Le mien estoit de St. Uby. Faites le bien sécher dans quelque lieu chaud, pillez-le bien subtilement en poudre dans un mortier en poudre afin qu'il puisse dissoudre plus facilement en eau de rosée dans le moi de may ou de juin quand la lune est à son plein…"
Si le chlorure de sodium ne joue aucun rôle dans l'oeuvre alchimique, l'origine géographique de ce sel mystérieux ne constitue pas, comme le signale fort justement B. Husson une vaine confidence. Au terme de 2 semaines d'exposition nocturne, la rosée est désormais prête à livrer son Nitre Aérien qui ne se révèlera qu'au terme d'une succession de délicates opérations, dont la première est la distillation. Celle-ci se réalise exactement selon les modalités techniques figurées par le Mutus Liber. La liqueur aigre issue de la distillation doit être cohobée durant 40 jours à une douce chaleur "de la poule couvant ses oeufs " dans l'obscurité complète. C'est au terme de cette période de maturation que l'esprit de la rosée, concentré et présent dans le distillat, se révèle par un lent processus d'oxydation, et se manifeste sous la forme de filaments cotonneux, ainsi qu'en parle le Docteur Gosset, dans ses expériences sur la rosée (22). La réussite de cette opération repose sur le strict respect du mode opératoire. Il importe, notamment, que les pots au sein desquels la liqueur distillée est mise en incubation, ne soient remplis qu'à moitié et hermétiquement clos. A ce stade, le sel de rosée ne s'est pas encore révélé. L'eau mère, dans laquelle il se trouve en devenir, doit faire préalablement l'objet d'une seconde distillation-concentration. Mais le processus de concentration ne doit pas être mené dans la cornue jusqu'à son terme. Il doit être parachevé sous l'action des rayons du soleil, véritable catalyseur, agissant à la manière de la lumière qui fait précipiter les sels d'argent de la pellicule de photographie. Montfaucon de Villars nous donne, de façon imagée, une idée du phénomène (23):
"Il n'y a qu'à concentrer le feu du monde par des miroirs concaves, dans un globe de verre ; c'est ici l'artifice que tous les Anciens ont caché religieusement, et que le divin Théophraste a découvert. Il se forme dans ce globe une poudre solaire, laquelle s'étant purifiée d'elle-même, du mélange des autres Eléments ; et étant préparée selon l'art, devient en fort peu de temps souverainement propre à exalter le feu qui est en nous."
Le médecin allemand Jean-Henri Pott (24) nous apporte d'intéressantes indications quant à la nature nitreuse du sel de rosée enfin isolé, au décours des subséquentes opérations, sans en mentionner la dernière.
"Il a ôté au sel marin des côtes d'Espagne toute sa saveur, en le faisant digérer ou putréfier au moins pendant quarante jours dans l'esprit le plus subtile de rosée ; ce qui lui a produit un sel tout différent, fusible comme de la cire à la simple chaleur d'une lampe ; d'une saveur à peu près amère, qui paroissait approcher la saveur du nitre, sans cependant avoir la forme cubique ni prismatique ; les crystaux étoient amoncelés sous la forme de petites lames si transparentes, qu'il ne les aperçut qu'après avoir décanté sa liqueur."
La suite des opérations décrites par le Mutus Liber débouche sur l'obtention du second fondant de l'oeuvre par voie sèche, lequel sel n'est pas, à proprement parler, le sel de rosée. Il ne présente, à l'inverse du premier, guère d'intérêt sur le plan médicinal. Le mystère du Vulcain lunatique qui entoure la fabrication de ce second sel a agité le sommeil de plus d'un étudiant. C'est à lui que doit être exposé le coagulum retiré de la cucurbite délicatement à la cuillère. L'enfant inanimé désigne ce même coagulum appelé à se nourrir des rayons lunaires et à revêtir, à terme, les propriétés du vulcain lunatique, c'est à dire celle du feu secret des philosophes. L'épithète de lunatique figure la qualité "froide" de ce feu puisque comme le décrit Limojon de Saint Didier (25), il ne brûle pas les mains mais révèle toute son efficience sous l'action du feu vulgaire.
"Tout ce que vous pouvez raisonnablement attendre de moi, c'est de vous dire que le feu naturel, dont parle ce Philosophe, est un feu en puissance, qui ne brûle pas les mains ; mais qui fait paraître son efficacité pour peu qu'il soit excité par le feu extérieur. C'est donc un feu véritablement secret que cet Auteur nomme Vulcain Lunatique dans le titre de son récit."
L'écrémage du second sel représenté par la septième planche est quant à lui suffisamment explicite pour que nous ayons à rajouter quelque commentaire, à ceux déjà très charitables du bon maître de Savignie.
Rappelons simplement que pour ce dernier, le second sel constitue l'artifice, c'est à dire le truc, du grec Truks qui désigne la lie de vin, laquelle est la source du sel vierge (…) permettant d'opérer la séparation initiale.(26)
Notre propos n'est pas d'aller plus loin dans l'étude du Mutus Liber très riche d'enseignement pour la totalité du Grand Oeuvre. Le procédé d'obtention du sel de rosée, décrit par Sulat et par tant d'autres Philosophes, nous semble digne d'intérêt à bien des égards. Tout d'abord il démontre que le précieux sel n'est pas une chimère, quoiqu'en disent ses détracteurs, mais repose sur un secret de fabrication qui s'est transmis jusqu'à nos jours, grâce à la bienveillance de tant de Philosophes. Par ailleurs, il ne résiste pas à une approche bien conduite du mystère et ne procède nullement d'un phénomène surnaturel.
C'est à partir des principes mis en oeuvre dans ce processus et transposés dans le domaine spagyrique, que nous sommes parvenus, voilà maintenant près d'une dizaine d'années, à extraire une quintessence de Gui extrêmement odoriférante. Nous avions, par chance, un soir d'hiver, échappé, de quelques minutes, à une forte explosion de la cornue au visage, eu égard à la présence de nitre et autres composants, dont la complexion, sous l'effet de la chaleur, s'était avérée redoutable, trahissant par-là un manque de vigilance de notre part. Fort heureusement, le distillat ne fut pas perdu, et nous pûmes en apprécier la forte et curieuse odeur de romarin qui se dégageait, la joie de cette réussite compensant la perte d'un précieux et coûteux matériel de verre. Le caractère très odoriférant du distillat est, pour nous, une illustration parfaitement conforme de l'adage hermétique que nous rappelle B. Valentin dans ses douze clefs et qui veut que : "toute vie se dégage et naît de la putréfaction"(27) puisque, rappelons le, la distillation de notre composé de gui esthérifié était le fruit d'une longue phase de putréfaction de plus de 40 jours .
Citons encore, après Eugène Canceliet (28), Tollius qui déclare dans son traité Sapientia Insaniens sive Promissa Chemica que : "l'odeur suave (qui) est de la pureté chez les chimistes".