Le dessin de Julien Champagne pour "Le Mystère des Cathédrales" de Fulcanelli |
Dans son « Mystère des Cathédrales », au chapitre consacré à Bourges, Fulcanelli nous détaille les éléments alchimiques présents dans les décors sculptés de l’Hôtel Lallemant (n° 6 de la rue Bourbonnoux à Bourges - Erigé entre 1495 et 1518).
L’une des parties de cet hôtel, nommée oratoire ou chapelle, est surmontée d’un plafond constitué de 30 caissons emblématiques sculptés dans la pierre, tous reproduits ci-après.
L’analyse que livre Fulcanelli de ces emblèmes n’est que partielle, comme le montre son texte également reproduit ci-après. Par ailleurs, les quelques caissons qu’il entreprend d’expliquer sont passés en revue sans suivre l'ordre régulier des caissons.
Dans la première édition du « Mystère des Cathédrales » (1926), le dessin de Julien Champagne qui accompagne cette description ne nous montre que six caissons. La photo qui remplace le dessin de Champagne dans les éditions ultérieures, est également limitée à ces six caissons.
Plusieurs auteurs contemporains ont tenté d’approfondir l’analyse de Fulcanelli. Mais le relatif « mystère » de ces caissons n’a pu encore être percé définitivement.
Aurions-nous l’audace de proposer, comme clé d’interprétation, la lecture verticale de la colonne centrale de cet ensemble ? La Rose d’abord, puis la Colombe en feu, puis la Grenade et les trois R, puis l’Angelot qui lance des coquilles, etc. Sans pour autant ignorer l’importance des colonnes de gauche et de droite…
L.A.T.
Quittez le seuil de la chapelle et placez-vous en son milieu ; levez alors les yeux et vous pourrez admirer la plus merveilleuse collection d’emblèmes que l’on puisse rencontrer. Le plafond, composé de caissons disposés sur trois rangs longitudinaux, est soutenu, vers la moitié de sa portée, par deux piliers carrés accotés aux murs et creusés sur leur face de quatre cannelures.
(...)
Notre intention n’est point d’analyser par le menu toutes les images qui décorent les caissons de ce plafond unique en son genre. Le sujet, fort étendu, nécessiterait une étude spéciale et nous obligerait à de fréquentes redites. Nous nous bornerons donc à en donner une rapide description et à résumer ce qu’expriment les plus originaux. Parmi ceux-ci, nous signalerons tout d’abord le symbole du soufre et son extraction hors de la matière première, dont le graphique est fixé, ainsi que nous venons de l’apprendre, sur chacun des piliers engagés. C’est une sphère armillaire, posée sur un foyer ardent, et qui offre la plus grande ressemblance avec l’une des gravures du traité de l’Azoth. Ici, le brasier tient la place d’Atlas, et cette image de notre pratique, très instructive par elle-même, nous dispense de tout commentaire. Non loin de là, une ruche commune, en paille, est figurée entourée de ses abeilles, sujet fréquemment reproduit, particulièrement sur le poêle alchimique de Winthertur. Voici, – quel singulier motif pour une chapelle ! – un jeune enfant urinant à plein jet dans son sabot. Là, le même bambin, agenouillé près d’une pile de lingots plats, tient un livre ouvert, tandis qu’à ses pieds gît un serpent mort. – Devons-nous arrêter ou poursuivre ? – Nous hésitons. Un détail situé dans la pénombre des moulures, détermine le sens du petit bas-relief ; sur la plus haute pièce de l’amas figure le sceau étoilé du roi mage Salomon. En bas, le mercure ; en haut, l’Absolu. Procédé simple et complet qui ne comporte qu’une voie, n’exige qu’une matière, ne réclame qu’une opération. « Celui qui sait faire l’Œuvre par le seul mercure a trouvé tout ce qu’il y a de plus parfait. » Tel est du moins ce qu’affirment les plus célèbres auteurs. C’est l’union des deux triangles du feu et de l’eau, ou du soufre et du mercure assemblés en un seul corps, qui génère l’astre à six pointes, hiéroglyphe de l’Œuvre par excellence et de la pierre philosophale réalisée. À côté de cette image, une autre nous présente un avant-bras enflammé dont la main saisit de grosses châtaignes ou marrons ; plus loin le même hiéroglyphe, sortant du roc, tient une torche allumée ; ici, c’est la corne d’Amalthée, toute débordante de fleurs et de fruits, qui sert de perchoir à la géline ou perdrix, – l’oiseau en question étant peu caractérisé ; mais, que l’emblème soit la poule noire ou la perdrix rouge, cela ne change rien à la signification hermétique qu’il exprime. Voici maintenant un vase renversé, échappé, par rupture de lien, de la gueule d’un lion décoratif qui le tenait en équilibre : c’est une version originale du solve et coagula de Notre-Dame de Paris ; un second sujet, peu orthodoxe et assez irrévérencieux, suit de près : c’est un enfant essayant de briser un rosaire sur son genou ; plus loin, une large coquille, notre mérelle, montre une masse fixée sur elle et ligaturée au moyen de phylactères spiralés. Le fond du caisson qui porte cette image répète quinze fois le symbole graphique permettant l’identification exacte du contenu de la coquille. Le même signe, – substitué au nom de la matière, – apparaît dans le voisinage, en grand cette fois, et au centre d’une fournaise ardente. Dans une autre figure, nous retrouvons l’enfant, – qui nous paraît jouer le rôle de l’artiste, – les pieds posés dans la concavité de la fameuse mérelle, et jetant devant lui de minuscules coquilles issues, semble-t-il, de la grande. Nous remarquons aussi le livre ouvert, dévoré par le feu ; la colombe auréolée, radiante et flamboyante, emblème de l’Esprit ; le corbeau igné, juché sur le crâne qu’il becquète, figures assemblées de la mort et de la putréfaction ; l’ange « qui fait tourner le monde » à la façon d’une toupie, sujet repris et développé dans un petit livre intitulé : Typus Mundi, œuvre de quelques Pères Jésuites [Typus Mundi in quo ejus Calamitates et Pericula nec non Divini, humanique Amoris antipathia. Emblematice proponuntur a RR. C. S. I. A. Antuerpiæ. Apud Joan. Cnobbaert, 1627.] ; la calcination philosophique, symbolisée par une grenade soumise à l’action du feu dans un vase d’orfèvrerie ; au-dessus du corps calciné, on distingue le chiffre 3 suivi de la lettre R, qui indiquent à l’artiste la nécessité des trois réitérations du même procédé, sur laquelle nous avons déjà plusieurs fois insisté. Enfin, l’image suivante représente le ludus puerorum commenté dans la Toison d’or de Trismosin et figuré d’une manière identique : un enfant fait caracoler son cheval de bois, le fouet haut et la mine réjouie (pl. XLV).
Nous en avons fini avec la nomenclature des principaux emblèmes hermétiques sculptés sur le plafond de la chapelle.