Chapitre Second
L'Ame ou teinture de Saturne est d'une qualité plus douceâtre que celle de Jupiter & on ne trouve quasi rien de si doux, si on fait la séparation des parties pures d'avec les impures, afin qu'on en fasse des opérations bien plus parfaites. De plus, cet Esprit ou teinture, appelée communément Sel de Saturne, est de Nature fort froide & sèche : c'est pourquoi je conseille aux personnes mariées de ne s'en pas beaucoup servir, car il refroidit trop la Nature humaine & empêche que leur semence ne puisse faire les opérations ordinaires : il n'est pas aussi utile pour la Rate & pour la Vessie, car il cause de soi beaucoup de phlegmes, ce qui engendre une grande mélancolie aux hommes : Car le Saturne est un Gouverneur extrêmement mélancolique, vu qu'il augmente grandement l'humeur atrabilaire en l'homme. Mais quand on se sert de son Esprit, alors un Esprit mélancolique attire l'autre, & l'homme est guéri de l'influence de sa mélancolie. Le Sel ou Ame de Saturne guérit extérieurement toutes plaies, qu'elles soient vieilles ou nouvelles & arrivées par coupures, blessures ou autres accidents Naturels, ce qu'aucun autre Métal ne saurait quasi faire. Il est aussi un grand réfrigératif pour les tumeurs chaudes des membres, & a cette propriété de manger la chair corrompue et pourrie : il sert d'un bon fondement pour guérir tous accidents et maladies intérieures, principalement d'origine chaude ou inflammatoire. Comme, au contraire, la noble Vénus fait des merveilles dans les autres maladies, parce qu'elle est de qualité chaude, au lieu que Saturne se trouve froid : il y a aussi de différentes qualités entre le Soleil & la Lune, parce que la Lune est plus petite que le Soleil, & elle ne comprend dans la mesure de son Cercle que la huitième partie seulement de la grandeur du Soleil : Si la Lune avec sa qualité froide excédait en grandeur le Soleil comme celui-ci l'excède, alors tous les fruits de la Terre se gâteraient, car il serait toujours un temps d'hiver & ne se trouverait aucun temps d'Eté. Mais Dieu, le Créateur, a mis de certaines bornes et limites à ses créatures, en sorte que le Soleil puisse luire & échauffer de jour, & la Lune éclairer et rafraîchir de nuit, & rendre service de cette façon aux Créatures de la Terre.
Ceux qui sont nés sous l'influence de Saturne sont d'ordinaire mélancoliques, & si la raison ou l'instruction qu'on leur doit donner ne les modérait, ils seraient portés d'inclination à être rigoureux & toujours en inquiétude, &, croissant en âge, ils deviendraient avaricieux : ils s'adonnent ordinairement à des entreprises hautes & difficiles, sont fort laborieux et grandement pensifs, se réjouissent rarement en compagnie, & ne portent pas grand amour à la beauté Naturelle du sexe féminin, mais aiment l'agréable divertissement de la Musique.
Enfin je vous dis que Saturne a pris naissance de peu de Soufre, de peu de Sel, & de beaucoup de Mercure grossier et peu mûr, lequel peut être comparé à l'écume surnageant sur l'Eau, en regard du Mercure de l'Or qui est d'un degré très chaud : Le Mercure de Saturne n'a pas une Vie aussi vigoureuse que celui de l'Or, parce qu'il se trouve une plus grande chaleur en celui-ci, qui est cause de cette vigueur, laquelle a été grandement augmentée par l'Archée dans ce monde inférieur & Soleil Terrestre, de la Vie & Esprit vif duquel se fait la transmutation & amélioration des Métaux.
Maintenant, voilà la description véritable des trois principes de Saturne, au regard de leur origine, qualité & complexion. Ainsi je vous donne avis qu'aucune transmutation de Métal ne se peut faire par le Saturne, à cause de sa grande froideur, excepté qu'il peut coaguler le Mercure vulgaire, d'autant que le Soufre froid de Saturne peut dominer sur l'Esprit chaud du vif argent vulgaire, si on y procède bien : C'est pourquoi on doit observer une telle méthode, que la Théorie réponde à la Pratique.
Vous ne devez mépriser le Saturne, parce que sa vertu & propriété est inconnue de beaucoup de monde : Car la Pierre des sages Philosophes tire le premier commencement & origine de sa Couleur Céleste & resplendissante procédant seulement de ce Métal, & moyennant l'influence des Planètes la Clé de fixité & permanence est donnée à Saturne par la putréfaction, parce que du Jaune ne peut venir aucun Rouge, s'il n'a été du Noir premièrement fait blanc.
Je pourrais encore décrire beaucoup de choses Naturelles & surnaturelles, & raconter leurs vertus admirables, outre ce que j'ai dit auparavant et prétends dire en la suite des Chapitres du reste des sept métaux ; mais à cause qu'un autre travail m'en empêche, je conclurai le plus brièvement qu'il me sera possible ce Chapitre, me réservant de déclarer le reste de la secrète science des Métaux et Minéraux au Livre que je mettrai bientôt au jour, contenant un traité de l'Antimoine, Vitriol, Soufre & Aimant des Philosophes, & des autres matières, qui, par préférence, tiennent enfermées dans leur intérieur la vraie Matière & substance de laquelle l'Or & l'Argent ont leur Commencement, milieu & Fin, avec leurs vraies transmutations particulières, quoique cette vertu en sa perfection soit dans une seule & unique Matière, dans laquelle la semence de tous les Métaux & Minéraux est invisiblement cachée, & cette Matière est visible aux yeux de tout le monde, mais parce que l'opération de sa vertu est profondément cachée & enfermée, & qu'elle est inconnue de plusieurs, c'est pourquoi cette digne Matière est estimée inutile & de nulle valeur & demeurera ainsi, si ce n'est qu'à l'exemple des disciples de notre Seigneur, qui allèrent en Emmaüs & reconnurent le Sauveur par la fraction du pain, les yeux soient quelque jour ouverts aux enfants de la Science, afin qu'ils voient la merveille de toutes les merveilles que le puissant Créateur de toutes choses a mis et enfermé dans une chétive Créature ou matière, dont le nom est Hermès, qui a dans ses Armes un Serpent volant & dont la femme est appelée Hermaphrodite, laquelle connaît tous les Coeurs des humains, & est pourtant une seule Matière, un seul Etre commun partout & connu de tous, & qu'un chacun manie; duquel même plusieurs se servent pour des choses basses & de peu d'importance. On fait grand cas d'une chose haute & élevée, & on néglige une chose basse, quoi qu'elle tienne enclose une autre chose de très haute considération, & qui n'est autre chose qu'une Eau & Feu desquels la Terre par le moyen de l'Air est engendrée, conservée & parfaite.
Grâce soit à l'Eternel pour ses dons, & que ceci suffise pour la déclaration que je me suis proposé de manifester en ce Chapitre.
Chapitre Troisième
De l'Esprit ou teinture de Vénus
La planète de Vénus ne peut être calculée que très difficilement, comme me l'avoueront les Mathématiciens & Astronomes : Car son cours se fait autrement que celui des six autres Planètes, c'est pourquoi sa naissance est aussi d'une autre sorte. Je dirai donc que la Naissance de Vénus possède le premier rang après Mercure, mais quoique Mercure ait cette propriété de pénétrer & de faire agir, il ne saurait rien faire néanmoins, si Vénus ne l'incite & pousse en ses opérations particulières auxquelles elle participe avec plaisir & beauté tout ensemble. Je ne me vante point ici d'être Astronome, ni de pouvoir calculer le Cours des Astres, parce que je dois passer mon temps en prières dans la Maison de Dieu: mais afin qu'après mes dévotions je ne perde point inutilement le temps que j'ai de reste, je m'adonne a la connaissance des choses Naturelles, en la recherche desquelles j'ai connu qu'il est assez facile de savoir d'où Vénus a pris son Origine & sa naissance ainsi que son accroissement : comme aussi ce qui peut être produit par sa grande & copieuse abondance, car elle est plus vêtue qu'elle n'en a besoin, & il lui manque seulement la fixité.
Sachez donc que Vénus est vêtue d'un Soufre Céleste qui est plus abondant en elle qu'au Soleil, duquel on en tire beaucoup moins que d'elle : mais afin que vous appreniez quelle est la Matière de ce Soufre, qui domine abondamment en cette Vénus & dont je fais si grand cas, sachez que c'est aussi un Esprit chaud & volatil qui peut pénétrer et décuire, ce que l'ignorant ne croit pas, & s'il demande comment l'Esprit de Vénus peut perfectionner les Métaux imparfaits, vu qu'il est lui-même imparfait & non fixe, je lui réponds, comme j'ai déjà dit, qu'encore que cet Esprit ne possède pas dans le Vénus un domicile fixe, et qu'aussitôt que ce domicile est brûlé par le Feu, celui qui y loge soit contraint de quitter avec regret l'Hôtellerie où il logeait comme passant: néanmoins, si ce même Esprit de Vénus étant extrait est joint au Corps fixe du Soleil, il est protégé, & personne ne peut le chasser de la, si ce n'est qu'un certain Juge donne son consentement pour cet effet: car il est mis dans ce fort domicile comme dans sa Terre Naturelle, où il est obstinément enraciné par ce Corps parfait & fixe.
Cet Esprit ou teinture de Vénus se trouve aussi dans le Mars & y est encore plus parfaite : Car Mars est le Mâle & Vénus la femelle, dont j'ai fait mention en un autre lieu : Cette teinture se trouve aussi dans la couperose & dans le Vitriol qui est un Minéral duquel je pourrais écrire un Livre entier ; & en ces choses se trouve un Soufre qui brûle & un autre qui ne brûle point, ce qui est une chose merveilleuse ; l'un est blanc en son extraction, & l'autre est rouge, celui qui ne brûle point est le vrai & légitime Soufre, & en lui est enfermé un pur Esprit, dont se fait une huile permanente au Feu, & c'est de ce même Esprit qu'a été fait le Soufre du Soleil, étant d'une même racine.
Je manifeste ici plusieurs secrets que je ne devrais pas déclarer : mais que ferai-je ? il n'est pas expédient de tout cacher; car la médiocrité est bonne en toutes choses, comme vous verrez dans ma protestation.
Ce Soufre de Vénus peut bien être appelé & nommé le Soufre des Sages, car toute sagesse et bonheur se trouvent en lui, si une fois il est conjoint par une union spirituelle avec le Sel de Mars & l'Esprit de Mercure, afin que de ces trois se fasse un par une même Opération. Et ce Soufre spirituel vient d'en haut, ainsi que l'Esprit de Mercure: mais avec différence, car les Astres produisent diversement les choses fixes & non fixes, les colorées & non colorées.
La teinture consiste en la vertu de l'Esprit de Vénus, & principalement dans celui de Mars son mâle, & cet Esprit est une fumée puante & malodorante au commencement, laquelle doit être résoute en manière de liqueur; afin que l'huile puante & incombustible en puisse être faite, qui tire son origine de Mars ; cette huile s'unit facilement avec l'Esprit de Mercure & attire à soi tous les Corps des Métaux, quand ils sont auparavant bien préparés, Selon la méthode de mes Clefs.
Je n'observe pas ici l'Ordre des Planètes pour cause ; car je décris seulement le rang de leur naissance : Vénus donc ayant beaucoup de Soufre a été plutôt décuite avec Mars que les autres Métaux. Mais Mercure les a fort aidés; il n'a pu toutefois améliorer leurs Corps imparfaits, ni les fixer, faute d'un lieu propre, apte et convenable pour opérer en eux à cette fin.
Je vous révélerai ici ce secret, qui est que le Soleil, Vénus & Mars ont une même teinture de semblable substance & couleur, & la substance de cette teinture est un Esprit & une fumée, comme j'ai déjà dit, qui pénètre tous Corps Métalliques : Si le pouvez rendre plus aigu par l'Esprit du Sel de Mars & le conjoindre avec l'Esprit de Mercure, Selon le poids nécessaire, les purifiant de toutes impuretés afin qu'il s'en fasse un Corps doux sans corrosion, vous aurez une Médecine, laquelle ne peut être comparée a aucune du monde : Mais si vous la fermentez avec le Soleil resplendissant, vous posséderez tout à fait le secret pour transmuer les Métaux.
O Sapience éternelle ! Comment vous rendra-t-on assez de grâces pour un secret que le monde ne considère point & que la plupart néglige de connaître ? Il est caché dans la Nature, tout le monde le voit devant ses yeux & ne le connaît point ; chacun l'a dans ses mains & ne le comprend pas; on le manie souvent sans y prendre garde & sans savoir ce que l'on touche; cet aveuglement ne tient qu'à ce que son intérieur leur est caché.
En vérité, je vous révélerai encore pour l'Amour de Dieu un grand Mystère, savoir que la Racine du Soufre des Philosophes, qui est un Esprit Céleste, comme aussi la Racine ou Origine de cet Esprit spirituel & surnaturel de Mercure, & ,même le commencement ou source du Sel spirituel, est en une seule chose, & se trouve en une seule & même Matière de laquelle se fait la Pierre des Philosophes & non en plusieurs choses, quoique les Philosophes allèguent le Mercure par soi, le Soufre par soi, & le Sel par soi : mais je dis que par cela ils entendent les impuretés qui se trouvent en chacun d'eux. On peut toutefois faire par plusieurs voies une Médecine particulière pour une transmutation médiocre & limitée des Métaux.
Mais cette Médecine ou Transmutation Universelle, qui est le grand Trésor de la Sapience Terrestre, faite des trois Principes, se trouve & se tire seulement d'une seule & unique Matière, qui réduit tous les Métaux à un Principe & première Matière, & est le vrai Esprit de Mercure, l'Ame du Soufre, & le Corps spirituel du Sel, unis & enfermés corporellement & spirituellement ensemble dans une Matrice Céleste & de même Nature qu'eux, & est le Dragon & l'Aigle ; le Roi & le Lion ; l'Esprit & le Corps ; laquelle Médecine teint le Corps du Soleil d'une teinture si exubérante & d'une puissance si abondante, qu'il a une vertu présente : celle de teindre & fixer ses compagnons parfaitement.
O Benoîte Médecine donnée de Dieu le Créateur ! O Aimant Céleste, dont la force a des attraits de douceur & d'Amour ! O substance dorée des Métaux ! Combien grande est ta force ? Combien est incompréhensible ta vertu ? & combien courageuse est ta constance ? Bienheureux est celui sur Terre qui connaît ta lumière par vérité : car il ne sentira aucune pauvreté ni maladie & aucun mal ne l'incommodera jusqu'à sa mort, déterminée par l'arrêt de son Roi céleste. Il est impossible que toutes les langues des hommes puissent déclarer la Sagesse qui est cachée dans ce trésor, & tous les éloquents seront contraints de se taire & s'étonner & admirer avec un grand ravissement d'Esprit lorsqu'ils verront cette gloire surnaturelle. Mais j'appréhende d'en avoir trop déclaré ; J'espère toutefois prier Dieu, afin qu'il ne m'impute pas cela à péché puisque j'ai commencé cette oeuvre en sa crainte & l'ai révélée pour sa gloire. O sainte & éternelle Trinité ! Je te loue & honore de coeur & de bouche, de ce que tu m'as révélé la grande sagesse de ce monde Terrestre, comme aussi ta divine Parole, dont je connais la toute puissante vertu & les merveilles surnaturelles qu'elle a produites, lesquelles l'homme ne veut pas reconnaître. Je te supplie d'affection, donne-moi dorénavant raison & sagesse, afin que je puisse jouir de ce trésor de merveilles avec action de grâces pour l'utilité de mon prochain & pour le salut spirituel de mon Ame & la santé de mon Corps ; & que ton nom en soit glorifié & honoré par toutes créatures au Ciel & en la Terre, & que mes ennemis puissent connaître que tu es un Seigneur plein d'infinies merveilles, & qu'à la fin ils viennent à repentance de leurs crimes & se convertissent à toi pour éviter la punition qui est préparée aux méchants dans les ténèbres inférieures : C'est pourquoi aide-nous par ta divine grâce, O Père, Fils & Saint-Esprit, Mon Dieu qui es élevé sur toutes choses dans ton Trône de gloire & de puissance, duquel la sagesse n'a point de commencement ni de fin ; devant qui il faut que toutes les créatures célestes, Terrestres & infernales tremblent avec respect, & que tu sois loué des siècles des siècles, ainsi soit-il.
O Chérubin ! O Séraphin ! O Combien sont grandes les merveilles de mon Seigneur & Dieu ! Priez-le qu'il lui plaise me regarder comme étant chétive créature & serviteur très abject, & d'apaiser son courroux envers moi de ce que je donne & publie cette présente Révélation des mystères les plus cachés de la Nature.
Après, il faut que le lecteur sache & observe la naissance de Vénus, à savoir que Vénus est engendrée de beaucoup de Soufre, que son Mercure & Soufre sont en même poids, parce qu'on n'y trouve pas plus de l'un que de l'autre : mais d'autant que le Soufre surpasse en abondance de teinture le Mercure & le Sel, il en sort une grande Rougeur teingente, laquelle a pris possession de ce Métal & a empêché le Mercure d'achever la fixité.
Sachez donc que le Corps de Vénus est justement comme un arbre qui a beaucoup de résine ainsi qu'est le sapin ou autre semblable, laquelle Résine est le Soufre de l'arbre résineux qui jette par son côté la Résine en abondance. Un tel Arbre ainsi abondant en teinture & Soufre de Nature, & décuit par les Eléments, brûle facilement & n'est pas aussi durable ni pesant que le Chêne & autres semblables, qui sont denses & compacts, n'ayant pas leurs pores aussi ouverts que les Bois légers es quels le Soufre domine abondamment. C'est pourquoi les autres ont plus de Mercure & de bien meilleur Sel que le Sapin & ils ne surnagent pas aussi sur l'Eau aussi aisément que lui, car leurs pores sont si étroitement resserres que l'Air ne pouvant pas y entrer pour les supporter, ils demeurent ainsi pesants. C'est ici la vraie pensée de ce qu'il faut croire des Métaux & principalement de l'Or, qui a acquis un Corps invincible, fort fixe, & resserré par l'abondance de son Mercure fixe & bien cuit, auquel ne peuvent nuire aucunement le Feu, ni l'eau, ni la Terre, ni l'air, ni aucune putréfaction, parce que ses pores sont étroitement clos & serrés, afin que la nuisance & destructive puissance des Eléments ne lui puisse faire aucun tort, laquelle compacité & fixité donnent un témoignage assuré de la pesanteur que l'Or doit à bon droit avoir plus que les autres Métaux; ce qui se vérifie facilement dans des balances & aussi par le moyen du vif-argent, sur cent livres duquel, si vous mettez un scrupule d'Or, il ira incontinent au fond par sa pesanteur, comme aussi les autres Métaux étant plus légers surnagent au-dessus, parce que leurs pores sont plus ouverts, & l'Air & le vent les pénètrent davantage.
Vous devez encore observer que l'Esprit de Vénus fait de grands effets en la Médecine : car on sait par expérience que sa vertu est très utile, non seulement celle qui vient de cet Esprit, tiré de son premier être ou origine ; mais aussi la vertu qui se trouve en ce même Esprit, tiré & extrait de sa dernière matière.
Enfin cet Esprit de Vénus est un Médicament & remède fort louable, car il guérit la suffocation de matrice, l'épilepsie, l'hydropisie, le noli me tangere, les vieilles plaies, les apostèmes, tant internes qu'externes ; il préserve le sang de putréfaction, excite la digestion, rompt la pierre, de quelque façon qu'elle soit & fait de merveilleux effets, tant au-dedans qu'au-dehors du Corps humain. Vous devez encore observer ceci de l'Esprit de Vénus, que c'est un Esprit chaud, & pénétrant, cherchant & consumant toute la mauvaise humidité & phlegme superflu, tant ès hommes qu'aux Métaux, qui peut avec raison être mis au rang des plus excellents remèdes. Il est igné & aigu, & toutefois incombustible, spirituel & sans forme: c'est pourquoi il peut aussi comme un Esprit sans forme donner ignéité, cuire & mûrir, & si vous êtes un vrai naturaliste, ayez-le en recommandation, car il ne vous délaissera point sans la santé, ni sans les richesses, moyennant que vous le connaissiez & sachiez bien vous en servir.
J'espère que mes écrits, joints à ma bonne volonté, auront quelque crédit envers ceux qui sont observateurs de la Nature, & qui sondent & pratiquent ses secrets. C'est pourquoi ils aiguiseront leurs sens & ouvriront leurs yeux & leurs oreilles, afin qu'ils puissent apprendre de moi ce qu'on n'a jamais observé ni appris : à savoir ce qui se trouve dans cet Esprit sulfureux de Vénus, mais celui qui n'observe & n'entend mes écrits ne fera ici aucun profit. Personne donc ne saura user utilement de cet Esprit s'il ne fouille & cherche dans le Vénus par son exacte Anatomie, les secrètes & intérieures, vertus qui sont en lui, ainsi que j'ai fait : Si quelqu'un peut m'en apprendre quelque chose que je ne sache pas encore, je le prie avec affection de ne m'en être pas ingrat ; il en sera récompensé par mille remerciements avec usure, & ainsi je vous recommande au très haut Créateur.
Chapitre Quatrième
De l'Esprit ou teinture de Mars
Mars & Vénus ont une teinture toute de même comme l'Or & comme aussi tous les Métaux, en quelque petite quantité qu'elle puisse se trouver en eux.
Il est véritable & connu d'un chacun qu'il y a des hommes différents en leur humeur, & dont les opinions sont fort diverses ; lesquels néanmoins prennent leur origine & sont engendrés d'une même semence & matière. Cette diversité qui est en eux provient principalement de l'influence que les Astres impriment, tant en leurs Corps qu'en leurs Esprits & en tous leurs sens ; & comme ces Influences Célestes sont variables & changeantes, Selon leurs différents aspects : ainsi les inclinations des hommes, prenant & empruntant leur force ou leur faiblesse de ces influences, sont, par conséquent, grandement différentes entre elles. Par exemple, un homme est enclin aux études des Mathématiques ; un autre affectionné à la Théologie ; un autre à la Jurisprudence ; un autre à la Médecine ; un autre à la Philosophie. Il y a plusieurs Esprits affectionnés aux Arts & métiers : Car l'un devient Peintre, l'autre Imprimeur ; celui-ci un Cordonnier, celui-là un Tailleur, & ainsi des autres. Tout ceci vient des Influences des Astres ; ensemble aussi de l'imagination particulière d'un chacun, confirmée surnaturellement par les vertus célestes. Ainsi il se voit que tout ce que l'homme s'est une fois fortement proposé & imprimé dans son Esprit, y demeure attaché de telle sorte qu'il est presque impossible de lui ôter hors de la fantaisie, si ce n'est par de fortes raisons & grande longueur de temps, ou par une puissante résolution de faire le contraire ; ou si ce n'est qu'en un instant la Mort survienne, qui met fin à toutes choses.
Ainsi en est-il des hommes qui s'adonnent sérieusement à la Noble & légitime curiosité de la vraie Chimie & à la recherche des plus profonds secrets de la Nature, lesquels pour l'Ordinaire n'abandonnent point cet excellent exercice qu'ils ne l'aient pratiqué & fondé par toutes les voies qu'ils ont jugé raisonnables en leur Esprit, quoi que cela ne se fasse pas trop aisément.
La même chose peut se dire des Métaux : Car Selon que les influences & imaginations des Astres influent sur les Minéraux & Métaux, leur différence se fait, & comme tous les hommes sont tous hommes, mais différents comme j'ai déjà dit, ainsi tous les Métaux sont appelés Métaux, comme aussi le sont-ils. Toutefois, quoiqu'ils soient tous engendrés d'une même semence & matière, ils ne laissent toutefois d'être divers en leur Nature particulière : car l'un est chaud & sec, l'autre froid & humide; d'aucuns sont d'une complexion simple, les autres d'une qui est composée.
Mais pour revenir à parler particulièrement du Mars, vous saurez qu'il a en sa composition & degré un Sel plus grossier que les autres Métaux; d'où vient par conséquent que son Corps est plus dur grossier & solide, & moins malléable que tous ses compagnons - ce, par l'Ordre de la Nature. En lui se trouve peu de Mercure, plus de Soufre & beaucoup de Sel; de cette mixtion & addition des Eléments, est procréé son Etre Naturel : il contient en soi un Esprit qui, en ses opérations & vertus est tout semblable aux autres : Mais si vous connaissez le véritable Esprit de Mars, je vous dis ingénument qu'un grain de cet Esprit ou Quint-Essence prise avec de l'Esprit devin fortifie le coeur de l'homme, de telle sorte qu'il n'a aucune peur de ses ennemis, excitant en lui un coeur magnanime de Lion, & même l'échauffant pour le rendre capable d'emporter une Victoire contre Vénus. Ainsi, quand la conjonction de Mars & Vénus se rencontre dans les constellations, alors ils ont fortune & victoire dans leur bon & malheur, & demeurent unanimement ensemble, même ayant pour ennemis tout le monde. Mais à cause que je suis Religieux dans un Monastère occupé au service de Dieu, je suivrai ses saints commandements, qui me prépareront le chemin dans le Ciel ; tâchant par une foi vivifiante & par une fervente invocation de son aide de me tenir ferme en la grâce de notre Médiateur & patron Jésus-Christ, & j'abandonnerai les affections déréglées & désirs impertinents de la chair & du monde dressant mes intentions purement a la gloire de mon Dieu & au soulagement de mon prochain, en faveur duquel je laisse au monde ces miens écrits en considération de la charité que je lui porte.
Donc, par cet Esprit de Mars sont admirablement bien guéries toutes maladies Martiales, comme la Dysenterie, les maladies des femmes appelées Menstrues, tous flux de ventre & plaies ouvertes internes & externes de tout le Corps, causées par le Mars sanguinaire, qu'il serait trop long de citer par leurs noms, lesquelles sont connues des Médecins savants. Si l'Esprit de Mars est bien connu, on trouvera qu'il a une secrète affinité avec l'Esprit de Vénus & que ces deux Esprits étant convenablement réunis & faits une Matière d'une même substance, forme, essence & vertus, ils peuvent guérir les susdites maladies & transmuer les Métaux avec profit.
Mais on doit remarquer la propriété & vertu que Mars possède en sa forme corporelle & Corps Terrestre utile a plusieurs choses : car il arrête le sang des plaies extérieures & ôte intérieurement les obstructions du Corps; il gradue & augmente la teinture à la Lune, & fait plusieurs autres beaux effets, quoique cela n'arrive pas toujours heureusement pour le Corps de l'homme, ni des Métaux, parce que par lui seul, Selon son Corps grossier, on ne peut faire grand profit, si ce n'est qu'on sache les secrètes vertus que la Nature a mis en lui. Il faut que je dise encore ceci, que la Pierre d'Aimant & le vrai Mars ont de mêmes vertus dans les maladies du Corps humain & sont tous deux d'une même Nature. Mais en ce qui concerne l'intelligence céleste spirituelle & Elémentale entre le Corps son Ame & son Chaos dont l'Ame & l'Esprit sont sortis, je dis que le Corps s'est trouvé le dernier dans cette composition.
Mais que fera-t-on si les grossiers ne comprennent pas ceci, & si ceux à demi sages n'y prennent pas garde, ou si ceux qui sont extraordinairement sages examinent trop ce que j'ai ici écrit ? Je voudrais que ces derniers fussent portés d'affection envers mes écrits, & qu'ils les expliquassent simplement & sagement, car ils portent avec soi leur Sentence & conclusion si clairement que les intelligents ne manqueront jamais à les entendre d'eux-mêmes, & d'en tirer la résolution de ce qu'ils auront à pratiquer. Pour conclusion de ce chapitre, sachez que les gens mariés ne peuvent pas longtemps vivre d'accord en leur ménage si l'un tourne le chariot d'icelui vers l'Orient, & l'autre vers l'Occident, parce qu'ils sont différents en intentions & actions, ce qui cause entre eux de grands désordres : Mais s'ils veulent vivre paisiblement & longuement en amitié, il faut qu'ils soient d'un même Esprit, pensée, opinion & vertu pour accomplir ce que leur coeur désire, & ainsi l'Amour & la fidélité régneront parmi eux; aussi je dis que, si les trois Principes ne sont par une due proportion & purification philosophique, joints & unis ensemblement, ils ne produiront pas l'effet de la fin désirée, à cause du discord & de la disconvenance qui seraient parmi eux : Car le Mercure est de soi trop craintif & manque de constance & fixité; le Soufre ne peut pas échauffer le Corps avec amour à cause de sa petite quantité de chaleur ; le Sel n'a pas aussi une qualité propre & Naturelle à cause de sa grande abondance, faisant une coagulation trop forte & trop dure. Mais après qu'ils seront bien préparés & purifiés, ils donneront par leur triple union & digestion parfaite, une chose en UN, qui cause tant de merveilles.
Je crois que vous prendrez en bonne part cet exemple, puis que Syrach loue la fidélité & la malice d'une femme, mais en diverses façons, & ainsi je prends congé de Mars, ajoutant ceci : que personne ne peut juger la différence d'une ou plusieurs choses, s'il ne les a considérées auparavant, & appris, connu & bien fondé leur Nature & leurs propriétés.
Chapitre Cinquième
De l'Esprit ou teinture du Soleil
La lumière que j'ai reçue du Ciel m'oblige de révéler par écrit une chose qui est le vrai symbole du courage & de la constance, parce que le Soleil est un Feu ardent & consumant, chaud & sec, qui contient la plus grande force & vertu des choses naturelles : la vertu, dis-je, de ce Soleil cause les trois choses plus considérables parmi les hommes : savoir, le bon entendement, la santé & les richesses. Je n'ai pas peu de peine en moi-même, & mon Esprit n'est qu'en crainte d'entreprendre le dessin de révéler des choses qui ont toujours été tenues dans le secret ; mais quand je rentre en moi-même & que je rappelle les pensées & motifs qui m'incitent à continuer ce dessein, il n'est pas en mon pouvoir de m'en distraire, & je trouve qu'il ne me reste qu'à user de discrétion & de quelques précautions dans ma façon d'écrire, afin que je ne sois cause d'aucun mal; mais plutôt qu'on aie sujet de me remercier de l'utilité qui en pourrait provenir, en quoi suivant l'occurrence, je me servirai de la même méthode que les autres Philosophes qui m'ont précédé. Observez donc en premier lieu qu'il faut bannir toutes choses étranges & qui ne sont utiles à la spéculation Philosophique, mais qui peuvent plutôt être cause que vous perdiez l'occasion de jouir de ce qu'il vous faut chercher ; or sachez que si vous êtes épris d'affection à posséder cet Aimant doré, vous devez premièrement adresser vos voeux & prières à Dieu avec zèle, contrition & humilité, afin que puissiez parvenir à la connaissance scientifique des trois divers Mondes qui sont à la raison humaine les curieux objets d'admiration.
Le premier est le Monde céleste ou Archétypique, dans lequel l'Ame immortelle doit avoir sa résidence, duquel vient son premier Etre qui fut après la Création divine de l'Univers. Ce monde sur-céleste est, après Dieu, la première imperceptibilité mouvante ou la première Ame mouvante imperceptible, par laquelle la Vie Naturelle opère sur-Naturellement, & cette Ame ou Esprit est la première Racine & source de vie de toutes les créatures, & ce que l'on peut véritablement appeler PRIMUM MOBILE, duquel les Sages & doctes ont tant écrit & disputé.
Le Second Monde est le Céleste ou Ectypique, dont devez ensuite considérer les observations: Car c'est en lui qu'habitent & règnent les Planètes & les Astres, & où ils ont leur cours, force & vertu, y accomplissant leur devoir, Selon le décret de la Providence Divine, causant ainsi la génération des Métaux & Minéraux par leurs spirituelles influences.
Le troisième est le Monde Elémentaire ou Typique, dans lequel sont tous les Eléments & les créatures sublunaires, parmi lesquelles sont les Métaux & Minéraux qui tirent leur origine des spirituelles influences de ces deux premiers Mondes, lesquels impriment incessamment leurs vertus dans ce Monde Elémentaire.
C'est du Monde Surcéleste que la source de la Vie & de l'Ame de toutes choses tire son origine ; & du Monde Céleste provient la lumière de l'Esprit. Mais c'est du troisième, savoir du Monde Elémentaire que procède le Feu imperceptible, tout divin & invincible par lequel les choses palpables & de solidité corporelle sont décuites ; ces trois substances ou matières sont les véritables Principes de la Génération & forme des Métaux, entre lesquels l'Or est le plus excellent & de beaucoup préférable à tous les autres, parce que, par les opérations des Astres & des Eléments, le Mercure de ce Métal a été décuit jusques à la perfection.
De même la vertu séminale des Animaux qui sont du sexe mâle, qui est l'Agent, se rencontrant dans les Matrices de l'autre sexe, qui est le Patient, cette même semence se trouve être contiguë à la matière Menstruelle, qui est la Terre, & étant ainsi sortie de l'Agent & reçue par le Patient, elle est travaillée par les Astres & Eléments, afin que ces deux semences puissent être unies & nourries dans leur Terre Matrice pour leur naissance & production.
Le même aussi doit-on observer de l'Ame des Métaux, qui a été conçue par une composition imperceptible, invisible, incompréhensible, occulte & surnaturelle, & comme d'Eau & d'Air, formée du Chaos, & ensuite décuite par le Feu & la lumière céleste ou Elémentale du Soleil supérieur, duquel les Astres reçoivent leurs forces, quand sa chaleur pénètre dans l'intérieur de la Terre comme dans sa Matrice, & y porte la propriété opérative des Astres supérieurs qui fait que la Terre devient ouverte, afin que l'Esprit inclus en icelle puisse donner nourriture & produire les Métaux, Herbes, Arbres & Animaux, Selon la semence multiplicative prolifique d'un chacun, comme j'ai déjà dit que les hommes sont spirituellement & divinement conçus, les facultés de leur Ame & Esprit étant formellement perfectionnées par la nourriture de la Terre Matrice, leur Mère-nourrice. Ce que l'on peut observer pareillement en tous les Métaux & Minéraux, & ceci est le plus grand secret de l'Or, de montrer & faire entendre, par exemple & similitude où la Nature a caché ce grand Mystère. Il y a moyen de prouver que la lumière céleste du Soleil est d'une propriété ignée que le Créateur du Ciel & de la Terre a mis en elle, par le moyen d'un Esprit Sulphureux, Céleste, fixe & permanent, pour entretenir sa substance corporelle & sa forme, & cette créature céleste est enflammée par son cours perpétuel, si vite & si rapide, avec lequel elle se meut dans l'Air, & qui continuera autant que son Cours sans diminution de ses forces, parce qu'il n'y a aucune matière combustible en elle par laquelle cette grande lumière puisse être contrainte de souffrir diminution.
Ainsi donc, l'Or est décuit par ces Principes d'en-haut & parvient à telle fixité & Nature invincible, en sorte qu'aucune chose ne peut lui nuire, parce que les effets de l'Astronomie supérieure ont agi par leur commerce & relation harmonique avec l'inférieure, de telle sorte que ces Astres inférieurs étant fixés par les influences & vertus des Supérieurs auxquels ils symbolisent, ils ne cèdent à aucun examen, parce que ceux d'en-bas, par les influences & facultés de ceux d'en-haut, en ont obtenu une grande fixité & constance : observez & remarquez bien ceci sur la première Matière de l'Or.
Il faut que j'ajoute encore une autre similitude, Selon la coutume des Philosophes, à savoir de cette grande Lumière du Ciel avec ce petit Feu que l'on voit journellement allumé sur la Terre, toujours brûlant devant nos yeux, & que je fasse voir quelle grande affinité, vertu magnétique, ou relation harmonique il y a de la grande lumière avec cette petite, & que par ce Médium Aérien, elles conservent leur Etre & le perfectionnement. Car on voit que sitôt que l'Air conçoit quelque corruption par les aquosités qui sont attirées en haut, comme brouillards & autres semblables amas qui forment des nuées, lesquelles empêchent que les rayons du Soleil agissent par leur réflexion & vertu pénétrante ainsi qu'auparavant, de même le petit Feu Terrestre ne brûle pas si bien dans un temps couvert & nébuleux comme quand l'Air est pur, clair & serein. Cela vient de ce que leur Amour est étouffé par les aquosités accidentelles de l'Air ; en telle façon que la Vertu attractive est empêchée de faire son opération à produire les effets de sa sympathie.
Tout ainsi que le Soleil qui est la grande lumière céleste, & la petite Terrestre qui est le Feu élémentaire se trouvent avoir une forte & mutuelle inclination & affection à s'attirer l'une l'autre par vertu magnétique ; de même le Soleil & l'Or ont aussi une particulière correspondance & certaine vertu attractive mutuellement entre eux, parce que le Soleil a travaillé dans l'Or ayant servi comme d'un puissant médiateur pour unir & lier inséparablement ces trois principes : Ainsi l'Or a son origine de l'Aimant doré & céleste.
Voilà donc la plus grande sagesse de ce monde, la sagesse des sagesses; voire une sagesse qui surpasse la raison Naturelle : car par cette sagesse on doit comprendre comment Dieu a créé l'Etre céleste, les opérations du firmament, le dessein ou imagination spirituelle, & L'Etre corporel de toutes les choses créées : elle comprend aussi en soi toutes les qualités & propriétés d'icelles, voire tout ce par quoi l'homme subsiste.
Dans cet Aimant doré est cachée la résolution de tous les Métaux & Minéraux, & leurs puissances & vertus, comme aussi la Première Matière de leur naissance & leur pouvoir sur la santé ; leur congélation & fixation, & l'opération de leurs vertus pour guérir les maladies.
Observez & remarquez bien cette Clef, car elle est divine, astrale & élémentale, de laquelle toutes choses Terrestres sont produites; elle est Naturelle aussi bien que surnaturelle, & a sa naissance de l'Esprit de Mercure, divinement, de l'Esprit de Soufre, spirituellement, de l'Esprit de Sel, corporellement. Ceci est toute la voie & toute la science, le commencement & la fin; car son Corps est tellement lié avec l'Esprit par le moyen de l'Ame qu'ils ne peuvent pas être désunis, mais engendrent un Corps parfait auquel rien ne peut nuire. De cette substance spirituelle, & de cette Matière qui a formé un Corps à l'Or, est fait le vrai Or Potable des anciens sages, lequel est plus parfait que l'Or même, qui doit être spiritualisé avant qu'on en puisse faire cette liqueur précieuse. Cet Esprit ou Or spirituel guérit les maladies vénériennes & la lèpre, étant une substance Mercurielle & très fixe; il guérit aussi toutes plaies rebelles; fortifie le Coeur & le Cerveau, & donne une bonne mémoire, fait de bon sang & incite à l'Amour. Si la Quintessence des Perles avec la teinture des Coraux sont jointes en même poids avec cet Or spirituel, & si l'on en donne la pesanteur de deux grains à quelqu'un, il se pourra assurer de jouir d'une parfaite santé & d'être exempt de toute infirmité, parce que dans cet Esprit de l'Or réside par excellence la vertu de guérir toutes débilités, les ôter & rectifier la masse du Corps de l'homme de telle sorte qu'il peut être tenu parfaitement exempt de toutes maladies : Car la Quintessence des Perles fortifie le Coeur & rectifie les fonctions des cinq sens, tandis que la teinture des Coraux expulse tous les venins, & ainsi l'Ame de l'Or étant en forme de liqueur unie avec l'Essence des Perles & Soufre des Coraux joints ensemble, ils peuvent produire des effets quasi incroyables, & qui sembleraient excéder l'étendue des pouvoirs de la Nature, si l'expérience n'en faisait voir la Vérité ; & particulièrement cette Vertu Cardiaque qui conforte extrêmement le coeur doit être, avec admiration considérée la plus excellente de toutes les autres, telles qu'elles puissent être.
Pour moi qui suis Religieux & soumis aux voeux de ma profession par un serment spirituel & divin que j'ai fait en l'Ordre de Saint Benoît, dans lequel il a plu a Dieu que j'aie obtenu suivant les promesses de sa parole, par mes ferventes prières, une consolation en mon Ame dans l'affliction de mes faiblesses & infirmités au moyen de cette Médecine universelle, je puis assurer que je ne trouve aucun confortatif meilleur pour mes frères & pour moi-même que cette composition mise au monde par la grâce & faveur divine, & faite de l'Union de ces trois choses. Sa divine Providence veuille bénir & augmenter cette Vertu jusques a la fin du monde, & tant que tous les hommes jouiront de cette vie mortelle : O dorée vertu de ton Ame ! Ô dorée raison de ton Esprit ! Ô dorée opération de ton Corps : Dieu le Créateur te conserve & donne à toutes Créatures Terrestres qui l'aiment & l'honorent, avec la vraie intelligence de tous ses dons afin qu'on fasse sa volonté en Terre & au Ciel, & que ceci suffise pour la Révélation de l'Esprit de l'Or, jusqu'à ce que Hélie revienne.
J'ajouterai ici une opération dont le procédé sera compenDieux : Prenez l'Esprit de Sel et tirez avec lui le Soufre de l'Or ; séparez cet Esprit de Sel & rectifiez le Soufre de l'Or avec l'Esprit de vin, afin qu'il devienne agréable et sans corrosion. Prenez ensuite de la vraie huile de Vitriol, faite avec du Vitriol, vert-de-gris, & dissoudrez du Mars dans cette huile & en faites du Vitriol, lequel dissoudrez en Huile ou Esprit susdit pour le rectifier aussi avec l'Esprit devin ; puis conjoignez toutes ces deux ensemble & en ôtez l'Esprit de vin, & dissoudrez la Matière qui sera demeurée sèche dans l'Esprit de Mercure, Selon le poids requis; circulez le tout & quand tout sera fixe & devenu permanent, vous aurez une Médecine pour donner la santé & couleur vermeille aux Hommes & aux Métaux après qu'elle aura été fermentée avec de l'Or.
Chapitre Sixième
De l'Esprit ou teinture de la Lune
La teinture ou Esprit de la Lune montre sa couleur d'un Bleu céleste, qui n'est qu'un Esprit Aqueux, froid & humide; il n'est pas si chaud en son degré que l'Esprit du Soleil, Vénus & Mars : c'est pourquoi la Lune est plus flegmatique qu'ignée Mais quoique de substance Aqueuse elle n'a pas laissé d'être parvenue à congélation par le Feu.
Tout ainsi que nous voyons les Métaux avoir reçu leurs Esprits de teintureS & leur coagulation, de même aussi les pierres ont reçu leur fixation & teinture d'une pareille influence; car dans le Diamant se trouve un Mercure fixe & coagulé, c'est pourquoi il ne peut pas être rompu comme les autres pierres. Dans le Rubis se trouve la teinture du Mars ou Soufre du Fer; dans l'Emeraude, le Soufre de Vénus; dans le Grenat, l'Ame du Saturne; dans la Topaze la teinture de Jupiter & le Cristal de roche se trouve symboliser au Mercure vulgaire, comme aussi dans le Saphir se trouve la teinture de la Lune: bref, chacun Selon son Espèce se trouve ainsi symboliser à quelque Métal, & si on ôte la couleur bleue au Saphir on lui ôte son habit, & son Corps demeurera blanc comme le Diamant. L'on doit aussi observer que si l'on sépare l'Ame de l'Or, son Corps devient pareillement blanc, lequel est appelé Lune fixe par les disciples & curieux scrutateurs de l'Anatomie des Mixtes.
Vous devez apprendre ici que tout ce que j'ai dit du Saphir se doit pareillement entendre des Métaux : cet Esprit azuré de la Lune que j'ai ci-dessus allégué, contient en soi le Soufre & l'Ame dont l'Argent emprunte la vie, tant aux mines dans la Terre, que par Art sur la Terre ; & la teinture blanche de L'Argent, de laquelle il reçoit la blancheur, se trouve dans une même forme magnétique & premier être avec l'Or.
Ah ! vous autres qui possédez le Talent de l'Eloquence, où est votre voix pour exprimer les merveilles de ce secret ? & vous, naturalistes ! Où sont vos écrits ? & où sont les maximes de vos dispensaires, ô Médecins ! qui obligez d'aller chercher nombre de drogues par-delà les Mers, afin de tâcher de guérir l'Hydropisie & toutes maladies lunaires ? Vous direz sans doute que ceci vous est trop obscur; si cela est, allumez vos lampes à la lumière inférieure & Terrestre, & pour chercher n'ayez aucune honte de contracter alliance avec le Vulcain ou Feu Chimique, & soyez persévérants dans la patience ; enfin, par permission divine de l'Eternel, vous trouverez que l'Esprit de L'Argent contient en soi la Vertu de guérir l'Hydropisie, tout de même que l'Esprit de l'Or & de Mercure peut ôter les racines ou causes du vertige, de telle sorte que le centre de ces maladies ne s'y trouvera jamais.
Et pour le regard de ce que la Lune n'a pas acquis dans les Veines de la Terre une qualité plus chaude en son degré, & qu'elle est ainsi demeurée d'une Nature Aquatique, prenez-vous en la grande lumière du Ciel, laquelle à cause de ses influences aquatiques a opéré une telle propriété dans quelques créatures & Planètes de la Terre, comme dans l'Argent; & quoique cette Lune Terrestre aie en soi un Mercure fixe dans lequel elle a radicalement pris naissance; toutefois le Soufre chaud manque en elle pour pouvoir dessécher le flegme : C'est pourquoi la Lune n'a pas aussi un Corps si compact, si ce n'est par l'Art du Microcosme ou savant Artiste & Philosophe.
Et d'autant que ce Corps n'est pas compact à cause de sa substance aquatique, ses pores ne sont pas aussi resserrés & garnis pour avoir le poids & endurer le choc contre ses ennemis : ce qui, au contraire, se doit rencontrer dans l'Or, afin qu'il aie victoire sur ses ennemis & qu'il puisse subsister parmi eux.
Toutes choses sont difficiles au commencement; mais dès qu'on les a faites une fois avec industrie & patience elles deviennent bientôt faciles à être entendues : Si vous considérez & prenez bien garde à l'Esprit ou Ame de la Lune, vous comprendrez fort aisément le principal du travail & la fin de son utilité : c'est pourquoi je vous le proposerai par l'exemple & vous rendrai savants par la règle & façon de faire des paysans, afin qu'un jeu d'enfants vous donne occasion de considérer & chercher le profit d'une chose plus relevée.
Un Paysan sème sur un Champ bien préparé la Semence du Lin, laquelle après la Putréfaction sort & végète hors de la Terre, étant aidée par l'opération des Eléments, & nous présente une Matière ou herbe de Lin avec sa Semence, mais multipliée, laquelle on sépare du Lin après qu'il a été arraché de la Terre. Mais ce Lin ne saurait être utile s'il n'est Putréfié & purifié après avec de l'Eau, putréfaction par laquelle le Corps s'ouvre & en lui se trouve une Chose utile ; La putréfaction achevé, ce Lin est Séché par l'Air & par le Soleil, & cette coagulation, souventes fois réitérée, il parvient à une autre forme dans laquelle, après plusieurs autres travaux, il devient plus parfait.
Ce Lin ainsi préparé est battu, rompu, purifié & tiré par un certain outil de bois appelé par plusieurs Brisoir ou Mâchoire, afin que le Pur se sépare de l'Impur & les parties Grossières d'avec les Subtiles, ce qui ne pouvait se faire avant cette préparation : Après, ce même Lin est filé & les Filets sont bouillis dans l'eau ou lessive afin qu'une nouvelle & légère Putréfaction s'y fasse, & que les impuretés restées s'en séparent; après cela ils sont Séchés & donnés à l'Artisan qui en fait de la Toile, & cette Toile, après quelques Humectations réitérées, est rendue belle & Blanche, puis coupée par Tailleur, Lingères ou autres pour l'utilité d'un Ménage, & quand cette Toile est usée & déchirée, alors on amasse les pièces ou Drapeaux & on les porte au Moulin, où il s'en fait de bon papier dont on se sert après à Ecrire ou Imprimer les beaux livres que nous voyons être les nobles dépositaires du Trésor des plus rares & plus doctes Traditions de tous les Arts & Sciences, & qui font l'Ornement des Cabinets les plus curieux & plus précieux.
Ce papier ainsi fait étant mis sur un Métal ou sur un verre & étant allumé & brûlé, le Mercure végétal de ce papier s'en retourne dans l'Air & s'envole, laissant son Sel dans les Cendres avec un Soufre brûlant : car tout ce qui ne se consume pas se résout en huile, laquelle est un bon Liniment pour ceux qui ont mal aux yeux & qui ont la vue troublée. Cette huile ainsi faite a une graisse excellente, que la matière du papier a retenue avec soi de la Semence du Lin, & ainsi la dernière matière du Lin qui est le papier se résout en Première Matière ; Savoir: en cette onctuosité Sulfureuse, avec séparation de son Mercure & de son Sel, afin que, par la dernière, la première Matière se connaisse, & par cette première, ses opérations & vertus.
Quoique cet exemple semble rustique & grossier, néanmoins vous devez prendre garde à sa subtilité & à ce qui est caché en lui: Car il est nécessaire de faire entendre aux Simples & moins avisés les Choses subtiles par les Grossières, en sorte que de là ils puissent apprendre à se départir des sentiments Grossiers & s'adonner aux Subtils.
De ceci, je conclus & entends que la Première Matière doit être connue, observée & fondée par la Révélation & discernement de la Dernière Matière, laquelle Dernière Matière des Métaux parfaits doit être séparée d'eux, afin qu'elle apparaisse nue devant les hommes, & ainsi pourra-t-on apprendre par cette anatomie, ce que la Première Matière a été dès son commencement, & de quoi cette Dernière a été semblablement faite. Vous devez vous contenter de cette Dernière déclaration concernant la Lune, sur le sujet de laquelle j'aurais encore beaucoup de choses à dire, mais ce sera pour une autre fois. Je vous prie d'affection en vous exhortant que dans votre conscience vous observiez tout ce que je vous ai révélé Selon les syllabes comprises entre alpha & oméga, & de garder toutes mes paroles & avertissements, afin que ne puissiez pécher & endurer l'éternelle vengeance. Avant que de finir, je vous révélerai encore ceci :
Prenez le Soufre d'un Bleu Céleste tiré de l'Argent & le rectifiez avec l'Esprit devin; dissolvez-le Selon son poids dans l'Esprit Blanc du Vitriol, & dans l'Esprit bien odorant de Mercure, puis les coagulez par la fixation du Feu de chaleur propre, et aurez la teinture blanche en vos mains avec sa Médecine: mais si vous connaissez ce que l'on peut appeler PRIMUM MOBILE, cette teinture ne vous est pas nécessaire; car vous pourrez accomplir l'oeuvre par lui seul.
Chapitre Septième
De l'Ame ou teinture de Jupiter
Le bon Jupiter entre tous les Métaux, est quasi celui qui tient le Milieu dans son intérieur : Car il n'est ni trop chaud, ni trop froid, ni trop sec, ni trop humide. Il n'abonde pas en Mercure & il se trouve fort peu de Soufre en lui & celui qui s'y trouve est de couleur blanche : L'un de ses Trois Principes pourtant surpasse l'autre en quantité, comme il se voit manifestement lorsqu'on fait ouverture & Dissection de sa vraie Nature: Partant, il est né, fait & coagulé en forme de métal, d'une telle composition & mélange des trois principes inégalement assemblés.
La planète de Jupiter supérieur est un astre de paix & agent de bonté, dominateur & possesseur de la moyenne Région : Mais le Terrestre au regard de sa condition, être, vertu & opération tient le milieu, & aucune maladie ne saurait arriver que ce Jupiter ne puisse guérir, si on se sert de sa médecine avec médiocrité & dose judicieusement dispensée ; aussi n'est-il pas toujours à propos d'employer sa médecine à d'aucunes maladies où il n'en est pas besoin ; mais on doit user d'icelle lorsque le Corps & sa Maladie ont une particulière correspondance & relation de vertu & opération avec les Astres supérieurs, principalement dans leurs conjonctions, afin qu'il ne se trouve aucune contrariété dans leur opération en la Nature opérante.
L'Esprit de Jupiter est tel qu'il ne peut aucunement être absent dans la naissance des Métaux, non plus qu'aucun des autres : parce que lorsqu'un Métal doit être parfait, tant dans le Macrocosme que par transmutation dans le Microcosme, il faut nécessairement que tous les Esprits des Métaux y consentent, depuis ceux du degré le plus bas, jusques au plus haut; je veux dire que tous les degrés des plus imparfaits Métaux jusques aux plus parfaits soient suivis de degré en degré jusqu'à l'accomplissement d'iceux, avant que les Métaux puissent être parfaits: car tout Métal, depuis le Saturne jusqu'à l'Or, doit accomplir son cours pour parvenir à la constance spécifique de sa teinture & de son Corps: encore que Saturne tienne le premier lieu dans la Région supérieure où les Astres dominent & accomplissent leur cours, il est néanmoins le plus bas dans la Terre.
La Naissance de l'Etain, en & sur la Terre se fait tout ainsi que la naissance de l'homme & des animaux qui, au commencement sont nourris du lait de leur mère, car il ne se trouve pas sur la Terre aucune nourriture plus profitable à l'homme dans son enfance que celle du lait, vu que la plus considérable & meilleure partie du lait est un Soufre Animal qui donne la nourriture.
De même façon, l'Etain est nourri de son Soufre métallique, qui lui est plus profitable, & parce qu'il attire plus de chaleur à soi que celui de Saturne, il est plus décuit & son Corps est plus fixe & plus constant, à cause du degré de perfection de son Sel.
Le Jupiter est dit des Anciens, causer un bon gouvernement & entretien de santé, & ses jugements sont estimés équitables, en sorte qu'il octroie à un chacun ce qui est de Justice & bon droit: l'Esprit de l'Etain remédie à toutes les inflammations & accidents par lesquels le foie pourrait être infecté, son Esprit a Naturellement un goût de Miel ; son Mercure lorsqu'il est fait volatil devient une vénéneuse substance : Car il purge violemment & avec effort: C'est pourquoi il n'est pas toujours à propos qu'on se serve de son argent-vif étant ainsi ouvert; mais sitôt qu'il est corrigé, il peut être bon & utile pour s'en servir aux maladies qui dépendent immédiatement des influences des Astres; c'est-à-dire lorsqu'au CEDEKIEL est ôtée la volatilité vénéneuse, & qu'il est parvenu à une fixité contraire au venin.
Le Médecin du commun n'entendra pas ceci, parce qu'une telle science ne gît point aux paroles seulement, mais à l'expérience, vu, que ce Médecin du commun à bâti son fondement sur des paroles seulement, mais quant à la préparation de notre Médecine, quoique son commencement dépende des paroles, son fondement principal est l'épreuve appuyée de l'expérience : car l'expérience est soutenue d'un fondement aussi assuré que serait un lieu bâti sur un Rocher, mais les paroles des autres ne le sont que comme sur un sable mouvant. C'est pourquoi l'on estime plus ce qui est fait par l'expérience avec l'aide de la Nature, que ce qui provient seulement des paroles nues & d'une spéculation fantaisiste : Car l'oeuvre fait connaître l'Ouvrier.
Je ne me sers pas ici de la façon de parler des Poètes, ni d'un style pareil à celui qui est dans mon Livre de la Philosophie occulte, que j'ai déjà mis au jour, & qui traite de la naissance admirable des Sept Planètes hermétiques, je ne m'exprime ici non plus en termes mystiques comme les Mages & Cabalistes ont fait, & je n'observe point la Méthode de ceux qui ont enseigné les sciences surnaturelles, comme l'Hydromancie, l'Aéromancie, Géomancie, Pyromancie, Nécromancie & plusieurs autres : Car mon intention est de révéler les secrets de la Nature, afin que les Philosophes & enfants de la science & Sapience puissent par la bénédiction divine, bien comprendre & observer ceci, & après une diligente observation y apprendre quelque chose d'utile concernant la double vertu Métallique dans le Macrocosme & Microcosme, comme aussi ce que contient la vraie Médecine en soi & dans l'intérieur des Métaux, ce qui se voit & manifeste quand par la division de leurs Principes, l'on voit sensiblement trois choses provenues de ce qui auparavant était Un, & alors la Nature de cet Un est découverte & démontrée par la séparation & dépouille de son vêtement Terrestre, & sont manifestées sa vertu son opération pour la santé des Corps humains Métalliques.
Sans doute mes persécuteurs & ceux qui sont Médecins ignorants me diront ce qu'on dit en proverbe : Tu me dis beaucoup de choses touchant les Oies & tu ne connais pas encore les Canards. Qui est-ce qui nous assurera que tout ce que tu nous as écrit est véritable ? Pour mon particulier je n'ai autre chose à leur répondre, sinon que je me tiens très content des choses que j'ai apprises par expérience, comme aussi, mes autres compagnons; sans craindre d'être trompé dans mes espérances, & ne suis dans le dessein de me donner aucune peine pour vouloir apprendre quelque chose de nouveau & d'incertain; celui qui est dans une autre opinion que la mienne, qu'il la garde si bon lui semble et s'amuse à la connaissance de ces Canards : Car il n'est pas digne des Oies rôties, ni d'apprendre les merveilles que la Nature cache en soi.
Mais je confesse en vérité & même j'ose dire sous la perte de ce précieux joyau & pierre, la plus riche de la Nature, & même de mon Ame, que tout ce que j'ai écrit & tout ce que j'écris dans ce Livre-ci contient la pure vérité, & un chacun trouvera que ce n'est autre chose que la vérité : Mais si tous les doctes ou les hommes du Commun, & principalement ceux qui sont persécuteurs de cette secrète science n'entendent pas mes écrits, je n'y saurais que faire ; mais que ceux qui sont de vrais curieux prient Dieu pour sa grâce ; & vous, persécuteurs, priez-le qu'il vous pardonne, travaillez avec patience & persévérance, lisez avec raison & intelligence, & aucun secret ne vous sera caché : mais au contraire, vous y découvrirez de la clarté.
J'exhorte encore particulièrement celui qui aura trouvé ce secret qu'il en rende grâces à Dieu son Créateur, de tout son coeur, nuit & jour, sans cesse, avec révérence, humilité & due obéissance : Car aucune créature ne saurait assez remercier Dieu comme le mérite ce précieux don. J'en fais ici mes remerciements & actions de grâces à Dieu & puis répondre devant ce souverain Créateur de l'Univers, & devant tout le monde, & être garant de la vérité de ces Merveilles de la Nature que plusieurs Esprits présomptueux croient n'être pas possibles, parce qu'ils n'en peuvent comprendre la cause ni l'effet : Mais ce que mes yeux ont vu, ce que mes mains ont touché & que ma raison sans tromperie a compris, RIEN NE PEUT M'EMPECHER DE LE CROIRE & D'EN ADMETTRE LES EFFETS EN CETTE VIE, EXCEPTE LA MORT QUI SÉPARE TOUTES CHOSES.
Cette mienne voix n'a pas été contrainte par un motif du siècle de déclarer ce que j'ai ici écrit; je ne l'ai pas fait aussi par arrogance, ni comme ayant égard aux honneurs mondains. Mais elle a été contrainte par le commandement de Jésus-Christ, mon Seigneur, afin que sa gloire & bonté dans les choses Naturelles & temporelles, ne demeure pas inconnue aux hommes, mais qu'elles puissent être manifestées pour l'honneur, louange & gloire de son nom Eternel, & que, par la confirmation de ces miracles, sa Majesté & toute puissance soient honorées & reconnues de tous les vivants.
Après ces motifs de l'amour Divin, l'affection envers le prochain m'y a invité, pour témoigner que je lui veux autant de bien qu'à moi-même. Comme aussi a mes ennemis & persécuteurs médisants de cette Divine Science, afin que je puisse cueillir sur leurs têtes des charbons ardents.
En troisième lieu, que tous ces adversaires contradicteurs puissent connaître celui qui a le plus erré & qui a révélé le plus de secrets de la Nature, & si j'ai mérité d'être blâmé & les autres d'être loués, & aussi afin que ce Grand Secret ne soit enseveli dans les ténèbres, ni noyé dans les grandes Eaux du Torrent des années : mais qu'il puisse luire par les Rayons de la vraie lumière, hors du Naufrage & hors de la multitude des Idiots ; & que, par la publication d'une vraie & certaine Confession, il y ait beaucoup de témoignages & autorités irréprochables qui puissent prouver la vérité de mes écrits.
ÉNIGME
Dans ma domination me sont appropriés d'entre les douze Signes, le Sagittaire & le Poisson : Je suis né du Poisson parce que j'ai été Eau avant ma vie ; mais le Sagittaire m'a mis la Sagette au coeur, par le moyen de laquelle j'ai perdu mon aquosité, étant devenu, par le moyen de la Chaleur, une Terre sèche ; & quoique ma Terre, par le moyen de l'Eau, soit devenue en une substance molle, néanmoins tu dois entendre que l'Eau a été séchée par l'Air chaud, & que cette Matière molle a été changée par la Chaleur en une Matière dure.
De ceci, vous qui êtes savants, ou vous autres qui voulez apprendre, vous devez diligemment observer & prendre garde que l'Etain est sujet aux quatre Eléments & aux autres Planètes, lesquels Eléments ont reçu en leur centre les vertus d'en haut & en sont engendrés.
Pour vous dire Adieu, je vous dis que quand vous tirerez de ce bon Jupiter le Sel & le Soufre, & que les joindrez au Saturne pour les faire couler ensemble, vous verrez Saturne prendre un Corps plus fixe, se purgeant & devenant plus clair, & aurez une Transmutation véritable du Saturne en Jupiter.
FIN