LE CIEL DES PHILOSOPHES
ou
LIVRE DES RECHERCHES
LA SCIENCE ET L'ESSENCE ALCHIMIQUES.
CE QU'IL FAUT PENSER DE L'ALCHIMIE
Livre contenant les sept règles ou canons pour les sept métaux connus
Canon premier traitant de la nature et de la propriété du mercure.
Canon second traitant de la nature et de la propriété de l'étain.
Plus une chose est proche plus elle apparaît évidente ; plus elle est éloignée plus elle est problématique. Toi, alchimiste, place de l'étain dans les lieux éloignés et dissimulés où gisent l'or et l'argent, place de l'or et de l'argent dans les lieux proches où gît l'étain : l'or et l'argent apparaîtront partout aux yeux. Il y a, en effet, plusieurs moyens de transmuter les métaux imparfaits en métaux parfaits. D'abord, mêler l'un à l'autre, puis, séparer le pur de l'impur : telle la transmutation pour parfaire l'œuvre alchimique.
Note. — L'étain contient plus d'or que d'argent.
Canon troisième traitant du fer et de ses propriétés.
Canon quatrième traitant du cuivre et de ses propriétés.
Canon cinquième traitant de la nature et de la propriété du plomb.
Il y a deux sortes d'antimoine : d'abord, l'antimoine vulgaire, noir, qui purifie l'or liquide et a beaucoup d'affinité avec le plomb. Ensuite, l'antimoine blanc, appelé magnésie ou bismuth, qui a beaucoup d'affinité avec l'étain, et qui, mêlé à la première sorte d'antimoine, accroît l'argent.
Canon sixième traitant de l'argent et de ses propriétés.
Question : Si vraiment l'argent ou tout autre métal doit son origine aux six autres métaux, quelle est sa nature, quelles sont ses propriétés? Réponse: de l'étain, du plomb, du mercure, du fer, du cuivre, de l'or l'on ne peut tirer que de l'argent. Six métaux ont chacun deux propriétés remarquables, ce qui, en tout, fait douze propriétés. Ces douze propriétés forment l'esprit de l'argent. L'argent, en effet, participe des esprits des six autres métaux et des deux propriétés de chacun de ces métaux. L'on peut comparer ces douze propriétés aux douze signes du zodiaque. L'argent, en effet, tient, d'une part, de la planète Mercure, et, de l'autre, du Verseau et des Poissons sa faculté de liquéfier et son éclat ; il tient de Jupiter, du Sagittaire et du Taureau sa couleur blanche et la force de résistance qu'il oppose au feu. Il tient de Mars, du Cancer et du Bélier sa dureté et sa sonorité. Il tient de Vénus, des Gémeaux et de la Balance sa faculté de coaguler et sa malléabilité. Il tient de Saturne, de la Vierge et du Capricorne son homogénéité et sa densité. Il tient du Soleil, du Lion et de la Vierge sa pureté.
Il faut dire maintenant que ces esprits métalliques acquièrent, au moment où ils naissent sous l'influence céleste, un corps ayant l'aspect d'une pierre vile, pierre que les artisans rendront plus noble, meilleure, dure et pourtant malléable en la- broyant, l'amenant à l'état de fusion, la corrompant et la mortifiant par le feu. L'alchimie ne fait autre chose que corrompre, mortifier et préparer artificiellement un tel corps métallique. Toutefois, cela n'a pas lieu pour l'or et l'argent lesquels ne peuvent être corrompus par le feu et dont corps et esprit ne font qu'un.
Canon septième traitant de la nature et des propriétés de l'or.
Le mercure n'a rien de particulier que de demeurer toujours liquide. Aussi, ne peut-il rien pour la congélation des autres métaux et dans les cas où il s'agit de corps durs ; il n'est utile que dans ceux où il s'agit de liquides. Il dégage un fluide chaud tout en paraissant mort, froid, et ayant la nature des corps durs. Si l'on veut faire entrer en fusion les six métaux froids, plomb, cuivre, étain, fer, argent, or, il faut leur fournir la chaleur du feu. Dès que le métal en fusion aura été éloigné du feu, il se recongèlera de lui-même grâce à sa nature froide, il redeviendra dur, immobile. Mais, le mercure, qui demeure toujours fluide et vivant, le doit-il à la chaleur ou à la froideur ? Celui qui - prétend que le mercure doit sa vie au froid et à l'humidité ne connaît pas sa nature et se trompe grossièrement.
Le mercure tire sa vie non du froid mais de sa nature chaude et ignée. Bien que vivant il est le feu ; et le froid le tue.
Le feu de l'or est pur, non vivant, mais bien dur, d'une couleur jaune rouge. Les cinq métaux, froids, étain, plomb, fer, cuivre, argent doivent à l'or leurs qualités, à sa froideur leur corps, à son feu leur couleur, à sa sécheresse leur dureté, à son humidité leur poids, à son éclat leur sonorité. Notre feu ne peut brûler ni même corrompre l'or. Car, un feu ne peut brûler un autre feu, il ne peut que l'exciter. Le feu qui du soleil descend sur la terre n'est point tel qu'il nous apparaît dans le ciel, il n'est point semblable non plus au feu terrestre, il est froid et congelé, c'est de l'or. Notre feu ne peut donc consumer l'or, il ne peut que le faire entrer en fusion.
Note concernant le mercure vif (mercure vulgaire).
Ce qu'il faut penser de la congélation du mercure.
Des recettes d'alchimie.
Examinez les sept canons. Celui qui ne les aura pas compris n'a pas besoin d'aller plus loin. Voilà l'Art.
De la chaleur du mercure.
Note que le froid (dont le mercure a besoin pour se solidifier) est perçu moins facilement par nos sens que la chaleur. Pourtant, dans le mercure on ne veux apercevoir que la froideur, et les Sophistes (bavards ignares) prétendent à tort que de sa nature il est froid et humide.
La véritable alchimie apprend à fabriquer l'or et l'argent avec les cinq métaux imparfaits. Les métaux parfaits ne viennent que des métaux, dans les métaux, par les métaux et avec les métaux.
Moyen de se procurer les minéraux.
Dieu a indiqué à quelques hommes le moyen de tirer de l'or et de l'argent de certains corps plus facilement et plus vite que des minerais dont on les tire habituellement. L'or et l'argent peuvent, en effet, être tirés non seulement des mines mais aussi des cinq autres métaux, et plus facilement du mercure, du plomb et de l'étain que du fer et du cuivre. On peut les tirer de ces deux derniers métaux en mettant d'abord un peu dedans. L'argent vient de la magnésie et du plomb, l'or vient de l'étain et du cinabre. Un habile artisan pourra, grâce à son zèle et à sa réflexion, faire plus pour la transmutation des métaux que le cours des signes du zodiaque et celui des planètes, dont il ne doit d'ailleurs pas plus se préoccuper que des aspects, des époques propices ou maléfiques, du jour ou de l'heure. Ces choses, néanmoins, ne sont pas négligeables.
Si les métaux restent assez longtemps dans la terre, non seulement ils sont mangés par la rouille mais encore ils sont transmutés en pierres naturelles ; peu savent cela. On trouve, en effet, des pièces de monnaie qui jadis furent en métal et que la nature a transformées en pierres.
Ce qu'est l'alchimie.
Il faut, ensuite, remarquer que les pierres précieuses qui se rapprochent des pierres célestes ou des astres par leur perfection, leur pureté, leur beauté, leur clarté, leurs vertus, leur incombustibilité et leur incorruptibilité se forment dans la terre comme les autres pierres.
Aussi, ont-elles avec les pierres célestes et les astres une grande affinité.
Emeraude. C'est une pierre verte et transparente : elle est utile aux yeux et à la mémoire, entretient la chasteté, s'abîme si celui qui la porte ne demeure pas chaste.
Diamant. Cristal causant de la joie à ceux qui le porte, transparent, de la couleur du fer„ très dur ; il fond, pourtant, dans le sang de bouc. Il n'est jamais plus gros qu'une noisette. Aimant. C'est un fer qui attire le fer.
Perle. La perle, qui est de couleur blanche, n'est pas une pierre puisqu'elle naît dans les coquilles marines. C'est plutôt une pierre détournée de sa nature, rendue plus parfaite par une transmutation.
Hyacinthe. C'est une pierre jaune rouge transparente : il y aune fleur du même nom qui, selon les fables des poètes, fut jadis un homme.
Saphir. C'est une pierre de la couleur du ciel et de nature céleste.
Rubis. Il resplendit d'une magnifique couleur rouge.
Escarboucle. C'est une pierre solaire brillant de sa propre nature comme le soleil.
Corail. C'est ans pierre blanche ou rouge, non transparente, ayant la forme d'un arbre, naissant dans la mer, de la nature de l'eau et de l'air, très peu combustible.
Calcédoine. C'est une pierre de diverses couleurs, ni obscure, ni transparente, c'est une sorte de mélange de nuages, couleur de l'hépatite, la moins, estimée des pierres précieuses.
Topaze. Cette pierre brille la nuit. On la trouve dans les rochers.
Améthyste. C'est une pierre de la couleur pourpre du sang.
Chrysopase. C'est une pierre qui brille la nuit, et qui, le jour, ressemble à l'or.
Cristal. C'est une pierre blanche, transparente, semblable à la glace. L'air elle froid transformant en cristal certains rochers.
Voici ma conclusion : Celui qui connaît l'origine et la nature des métaux sait que les métaux ne sont autre chose que la meilleure partie, l'esprit des pierres, c'est-à-dire leur huile, leur graisse. C'est à cette partie que les métaux doivent de ressembler aux astres.
Que celui qui cherche les métaux ne s'attarde pas seulement à ceux qu'on trouve au sein des montagnes. Bien souvent, on trouve à la surface de la terre des choses valant mieux que celles que l'on trouve dans les profondeurs, c'est-à-dire que celles qui sont plus loin du ciel. Il faut examiner attentivement toute pierre, quelque aspect qu'elle présente Un silex vulgaire et méprisé peut valoir plus qu'une vache.
Fin du Ciel des Philosophes