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TOLLIUS Le Chemin du Ciel Chymique




LE CHEMIN DU CIEL CHYMIQUE
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par Jacques TOLLIUS
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AMSTERDAM 1688

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Bien des gens m'accuseront de témérité et de présomption, lorsqu'ils verront que j'ose entreprendre d'instruire ici de très savants hommes dans l'Art Chimique, en leur enseignent des choses qu'ils ont ignorées jusqu'à présent, ou leur faisant remarquer celles qu'ils ont mai entendue : moi, dis-je, qui suis bien éloigné de la parfaite connaissance de cet art.

Mais il m'importe peu quel jugement l'on fasse de moi, pourvu que je puisse être utile au Public. Si les Savants trouvent ici quelque chose qui ne soit pas de leur goût, la sincérité avec laquelle j'écris doit bien moins m'attirer indignation, que me servir d'excuse auprès d'eux.

Et certes, soit que l'erreur m'ait aveuglé comme beaucoup d'autres, ou qu'un travail plus certain m'ait conduit à la vérité, il est toujours très assuré que bien des gens auront cet avantage, qu'à l'avenir ils se retireront et des dépenses inutiles, qu'ils font par des travaux infructueux, et de la perte du temps qui leur doit être si précieux et si cher. La méthode que je me suis proposé pour faire un ouvrage si excellent et si beau, est toute différente de celle que les autres ont suivie. Dans ce chemin si glissant et qui conduit tant de personnes au précipice, j'ai pour guide le savant Paracelse, et le fameux BasileValentin, encore mille fois plus docte et plus instructif que lui.

J'avais déjà résolu de disposer es vaisseaux ; j'avais commencé la préparation du mercure, suivant la doctrine de, Philalèthe, par plusieurs lotions et triturations; je dissolvais et purgeais les métaux avec des vinaigres et des eaux fortes, lorsque par un bonheur inopiné, me tomba entre les mains un livre intitulé: Le Cabinet Hermétique. Je lus ce livre avec une avidité extraordinaire, sans y rien comprendre, mais après avoir reconnu que Paracelse ne s'était point ressouvenu des choses que l'on avait confiées à sa bonne foi, je commence à examiner avec plus d'exactitude la nature des Métaux et de la conférer avec les expériences que les autres en avaient déjà fait. Enfin l'esprit plus éclairé qu'auparavant, je m'aperçus que personne suivait le vrai chemin, et que tout le monde perdait son temps et son argent.

Je résolus de prendre une route différente, et de suivre celle que cet adepte avait inutilement recommandé à notre Paracelse. Laissant donc à part tous les sentiments différents, je me suis proposé cette règle certaine avec laquelle je puisse heureusement parvenir à la fin de ma carrière.

Que la Pierre des Philosophes doit être faite en trois ou quatre jours. Que la dépense ne doit point excéder la somme de trois ou quatre florins. Et qu'enfin un seul creuset ou vaisseau de terre suffit .

J'estime qu'il faut rejeter toutes les propositions qui ne s'accorderont pas avec ces trois Aphorismes. Prévenu de la sorte, Basile Valentin m'a été d'un grand secours, car après avoir fait représenté un creuset dans ses premières Clefs, il ordonne de continuer par cette voie, et de laisser là tous autres vaisseaux, le feu de lampe, de fien de cheval, de cendre, de sable et de flamme, et d'appliquer son esprit aux plus profonds mystères de l'Art.

Après quelques légères épreuves je me suis trouvé plus éclairé qu'auparavant, et j'ai commencé de voir plus que je n'espé-rais. Oui, j'ai vu, mais par un travail et une application d'esprit toute extraordinaire ; j'ai vu dis-je, des choses que jamais, je pense, personne n'a vu, même en dormant et en songe. J'en ai expliqué quelques choses dans mon traité intitulé : Des événements imprévus et fortuits, que je répéterai ici succinctement; et même j'y en ajouterai beaucoup d'autres, pour don-ner quelque Lumière aux Curieux. J'ai dit que c'était un ouvrage de trois ou quatre jours ; mais s'il faut parler Plus exactement, il y en a un qui n'est que de trois heures, car l'ouvrage est double et partagé en deux, comme celui que l'on appelle : La Pierre des Philosophes Et c'est en effet une grande erreur, et fort fréquente parmi les chimistes, de dire que la Pierre Philosophale n'est telle que quand elle est absolument parfaite; c'est à dire, quand avec le ferment de la Lune ou du Soleil, elle est préparée pour la multiplication. Car il y en a une autre qui est imparfaite, que Basile Valentin appelle tout en tout, et dont il donne la méthode dans ses dix premières clefs, dans la onzième et le moyen de l'augmenter, et dans la douzième son entière multiplication. Je l'appelle imparfaite, si on l'a compare avec l'autre qui est parfaite de soi, et, de sa nature: ce que je prouverai facilement par les autorités de Bernard le Trévisan et des autres adeptes qui en ont écrit.

Ce premier ouvrage est donc appelé l'Œuvre des trois heures et de trois jours aussi, mais de trois jours Philosophiques, comme je dirai dans la suite. Le second ouvrage est achevé dans l'espace de trois jours ou quatre jours naturels; et ce trésor immense qui est recherché par les hommes avares, avec tant de travaux et de dépenses, peut être acquis en ce peu de temps, soit au blanc, soit au rouge: car la différence du ferment ou, si vous voulez, l'addition du souffre de l'Or ou de l'Argent à notre première Pierre, achève et perfectionne la seconde. Pour ce qui regarde le temps, ce qu'en a dit Paracelse est très véritable. " Les Philosophes, dit-il, s'entendent bien quand ils parlent du temps". Tout le monde se trouvent ici extrêmement em-barrassé, et comme au milieu des ténè-bres. Faisons nos efforts pour les dissiper, et pour découvrir des choses qui semblent être enfoncées dans les abîmes impénétrables. L'année des Philosophes n'est autre chose que le tour que fait le Soleil Philosophique, quand par le Zodiaque il parcourt la Terre. Le Mois Philosophique, est celui de la Lune. La Semaine, celle des sept Planètes. Le Monde, est la matière même. Le Zodiaque qui contient les douze Signes célestes, représente les douze travaux de l'Hercule Philosophique, que j'ai montré dans mon Traité des Evènements imprévus, être le Soleil: c'est à dire l'acide, dont le cours achève l'An Philosophique, Pen-dant que la matière est en fusion dans le vaisseau. La Lune est l'alcali, dont le cours pénètre toute la matière fondue, et se joignant avec son frère le Soleil, elle achève le Mois sinodique. La semaine est expliquée par Basile Valentin dans ses dix premières clefs, excepté qu'il ne parle point du Mercure que Philalèthe a ajouté de son chef, et de son autorité.La première clef nous désigne Saturne, l'Eau et la Terre; la deuxième, Jupiter, l'Air et le Feu ; la troisième Mars -, la quatrième la Lune; la cinquième Vénus, la sixième le Soleil très parfait; et l'union des quatre Eléments. Notre Roi, dit-il, dans sa première clef, passe par six maisons différentes et se repose dans la septième. Lors donc que la matière est fondue dans le vaisseau, peu à peu par la force de son esprit, elle se purge entièrement; c'est de là qu'elle devient son propre vinaigre, de la même manière que les métaux ont coutume d'être formés dans les mines: car d'abord l'Esprit Mercuriel se coagule, se resserre et s'endurcit en Saturne. Ce qui fait dire ailleurs à notre Auteur : Il n'y a que le Saturne qui fixe le Mercure. Le Saturne étant purgé par une autre circulation, devient Jupiter: de celui-là se fait Mars, ensuite la Lune, puis Vénus et enfin le Soleil; c'est-à-dire l'œuvre parfait.

Par ce même circuit le Jour des Philosophes se fait voir : car ce qui est écrit de la création du grand Monde, "Les ténèbres étaient sur la Terre ", est expliqué bien au long de mon Traité dont j'ai déjà parlé ci-dessus, comme aussi cet endroit où il est dit: " la Lumière fut faite par le premier Jour ". Il faut faire voir la vérité par quelque expérience. Broyez de l'antimoine dans un mortier philosophique, et le criblez ; c'est-à-dire, faites fondre l'antimoine dans un creuset, en remuant et frappant le creuset, le régule tombera au fond; et si vous travaillez comme il faut, votre régule se trouvera étoilé dès la première fusion. Ainsi d'abord vous aurez la Lumière après les Ténèbres, et une Lumière céleste si par le moyen du petit Commentaire que je vous donne, et qui vous ouvrira le Ciel chimique, vous pouvez comprendre ce que c'est que le Ciel ; car ce Ciel étendu colore les campagnes de pourpre et l'on y reconnaît les Astres et le soleil.

Mais bien loin d'être déjà au midi, à peine le jour commence-t-il de paraître ; car notre Hercule espère qu'après les ténèbres dans lesquelles il est enseveli, seront dissipées, il jouira de cette éclatante Lumière du Midi. C'est là que les poètes l'ont appelés leur Cahos ; car c'est dans l'antimoine que toutes choses étant premièrement confuses, se séparent et se divisent par la seule, fusion : en telle sorte que vous croiriez facilement qu'Ovide aurait pris de là le sujet de ses métamorphoses. L'on voit aussi très clairement, que l'on ne peut pas se servir d'un vaisseau de verre pour la préparation de la matière, mais d'un creuset ou d'un vaisseau de terre qui résiste au feu ; et que le Feu doit être égal non pas comme celui de la lampe maiscomme celui qui se trouve joint au Mercure, lequel se parfait et s'achève par un mouvement égal et continuel. Et quant aux autres feux, il faut les interpréter d'une autre manière que le vulgaire a coutume de la faire. Ainsi l'on commencera de comprendre ce que c'est que la Circulation, la Sublimation, la Trituration, la Digestion, et toutes les autres opérations chimiques; combien elles sont différentes de celles du vulgaire, et avec quelle facilité et bien peu de temps elles peuvent être exécutées. L'on entendra aussi le sens de l'énigme d'Hermès, quand il commande de faire que les choses supérieures deviennent inférieures, et les inférieures supérieures, de même, ce que c'est que le Vent porte dans son ventre et dont le Soleil est le père et la Lune la mère, et si vous n'ignorez plus quelle est cette Eau sèche qui ne mouille point les mains. Et enfin vous, qui que vous soyez et qui doutez encore de ce que je vous dis, fondez seulement de l'antimoine, et appliquez vous à voir seulement exactement ce qui se passe, vous y verrez toutes ces choses, vous y verrez les Colombes de Philalèthe, vous y entendre le Chant des Cygnes de Basile, et vous y verrez. Cette Mer des Philosophes, que j'ai expliqué plus au long dans mon Traité des Evènements fortuits et imprévus.

Il faut présentement vous parler de la dépense qu'il convient de faire : Pour moi qui préférerai la connaissance de la Pierre Philosophale sans esprit d'en profiter, à cette même Pierre tingeante à l'infini, je ne prétends pas souffrir les reproches secrets de ceux qui me voudront croire capable de profiter des travaux d'autrui. C'est pourquoi, puisque la Divine Bonté m'a formé, de sorte que je suis content du peu de bien que j'ai, je ressens une joie bien plus parfaite et plus grande, quand dans l'entière sincérité de ma confiance, je montre aux autres comme avec le doigt le chemin de s'enrichir.

Faites fondre comme j'ai dit, de l'antimoine, et en faites un régule étoilé, sans y mêler de Mars, car notre Roi entre seul et sans Satellites dans la Fontaine, alors vous aurez toutes choses, j'ai beaucoup dit, vous aurez tout, et rien. Pour vous faire voir que le Mars ne doit point entrer dans la composition du régule, voici une expérience qui vous en convain-cra. Faites fondre du régule d'Antimoine et de Mars, jetez-y la moitié de son poids de Lune, et quand toutes ces choses seront bien fondues versez le tout dans de l'Eau forte, alors vous verrez une poudre noire qui se précipitera au fond, telle que Becker a trouvé dans sa minière sablonneuse. Et cette poudre, quelqu'industrie que vous ayez, et quelqu'artifice dont vous vous serviez, ne peut se fondre en or, parce que c'est du Mars tout pur. Ceux-là donc se trompent grossièrement, qui croient qu'en la composition du régule, il n'y entre que l'Esprit sulphureux de Mars. J'en ai fait l'épreuve avec de l'Or très pur. Je mis dans une coupelle vingt grains d'or, lorsqu'ils furent fondus j'y mettais peu à peu du régule de Mars, et je retirais trente grains d'or, et ainsi mon Or était augmenté du tiers après avoir résisté à l'épreuve du feu. Mais je trouvais mon Or frangible à cause des Parties de Mars qui s'y étaient jointes et par une méthode secrète j'en séparais mon Or très pur au même poids que j'avais mis.

Mais pour revenir à la dépense qu'il faut faire, en est-ce une si grande que de prendre une livre d'Antimoine, une demi livre de tartre et de sel nitre, et de faire fondre tout cela dans un creuset , et l'ayant purgé jusqu'à ce que l'étoile paraisse, y joindre une partie d 'Or ou d 'Argent. Que si quelqu'un s'imagine demeurer dans l'erreur, par ce que je ne lui enseigne pas le peu qui reste pour parvenir à la Pierre Philosophale, et sans quoi à la vérité tout ce que j'ai dit est inutile, qu'il songe qu'on enseigne jamais toutes choses à la fois, dans un même temps ; un jour viendra auquel je découvrirai le mystère entier, et je ferai connaître qu'il n'y a point d'autre voie véritable que la nôtre, et qui se fasse ni plus promptement, ni à moins de frais. Et pour donner quelque satisfaction à l'empressement qu'on pourrait avoir, j'ajouterai une expérience qui lui facilitera le moyen de porter son esprit à la recherche plus profonde de cet art. Faites un régule de Mars, et d 'Or ou d 'Argent; prenez une partie de l'un ou de l'autre, et mettez celle d 'Or sur une pièce d'Argent, et celle d'Argent sur une pièce de Cuivre. Faîtes rougir ces pièces-là sur une tuile, l'Antimoine s 'exhalera ; vous trouverez ensuite votre pièce d'Argent teinte et pénétrée d'une très haute couleur rouge, et celle du Cuivre aussi teinte et pénétrée d'une couleur d'Argent. Que si vous placiez sur une tuile une pièce d'Argent, sur laquelle soit le régule d'Or et que vous mettiez une autre pièce d'Argent un peu au-dessus, en sorte qu'elle la couvre sans la toucher, ni qu'il tombe de la cendre dessus, la pièce d'Argent qui sera la plus haute deviendra de couleur d'Or, par le moyen du régule solaire, qui dans la fusion emporte l'Or et le volatilise. Par ce moyen, on peut avoir un Or potable bien plus parfait que le vulgaire: ce que l'on peut appeler le véritable Or potable des Philosophes. J'ai fais voir à mes Amis, deux de ces pièces d'Argent et de Cuivre que j'avais, très belles et très parfaites ; et m'en allant en Italie, passant à Berlin, j'en fis présent au sérénissime Electeur Frédéric Guillaume mon souverain Seigneur qui était très curieux des choses rares. Je passe plus outre, et je dirai une chose qui n'est pas moins remarquable. J'ai fais fondre du plomb, et j'y ai jeté une partie de régule solaire; j'ai vu, non sans admiration, que ce plomb ne se réduisait point en scories, quoique je l'ai tenu longtemps au feu; au contraire, il me paraissait comme purgé de ses impuretés, et en quelque manière changé ou trans-mué. Ce régule bien préparé contient donc le véritable Or potable des Philosophes, qui est avidement bu, non pas par des hommes comme nous, mais par l'Homme Chimique et par les animaux; et son Mercure intimement joint à l'Or et à l'Argent donne l'amalgame Philosophique. On peut encore observer un autre mystère dans la préparation, c'est le Beurre d'Antî-moine Philosophique. La comparaison que fait Basile valentin dans son Char Triom-phal de l'Antimoine, se peut justement rapporter ici, quand il dit que la Pierre des Philosophes se fait de la même manière que nos villageois font le lait, le beurre et le fromage. Notre vache c'est l'Antimoine, dont le lait qui est le régule étant agité comme le beurre qui n'est autre chose que le soufre rouge; et e soufre est un vrai beurre d'Antimoine. Pour le reste chacun le peut facilement expliquer. Mais quelqu'un me pourra dire que Basile Valentin veut que l'on prenne le vitrio1 pour faire la Pierre et non pas l'Antimoine. Mais que pensez-vous (comme il demande lui- même) que se soit que le vitriol, sinon un soufre ? Et l'Antimoine, sinon le Mercure ? Présentement l'on conçoit bien ce que c'est que l'Antimoine et le vitriol des Philosophes; et c'est là un secret des plus importants: que si vous l'ignorez, tout votre travail devient inutile. Il y a encore beaucoup d'autres choses, mais l'entrée est difficile; je vous aiderai tant qu'il me sera possible, et comme fît autrefois, le Soleil dans la Fable, nous avertirons notre Phaeton de craindre et de trembler toujours, jusqu'à la fin de sa carrière, afin donc de jouir un jour des fruits des Hespérides ; je commencerai par le principe. L'Antimoine très pur est la première matière qui est ardemment désirée et recherchée, avec tant de soins, de beau-coup de gens; c'est-à-dire, que dans l'Antimoine il y a cette humidité aérienne, merveilleusement mêlée de chaleur, dont j'ai parlé au commencement, et plusieurs fois ailleurs ans mes Evènements imprévus. Cette matière est disposée et gouver-née par les rayons du Soleil et de la Lune des Philosophes dans leur Mer, et est conjointe avec la chaleur sèche de leur Terre. Voilà ce qui produit notre matière féconde, notre Homme Chimique dont j'ai promis d'expliquer les maladies, et de lui rendre sa parfaite santé, par le moyen des remèdes que Basile Valentin m'a indiqué dans son Char Triomphal de l'Antimoine, si Dieu m'accorde un loisir suffisant. Vous avez ici l'Oeuf qui contient et renferme le blanc et le jaune, d'où il doit un jour éclore un petit coq, qui par son chant agréable réveillera du matin les véritables amateurs de la Chimie.Je crois que peu de gens ont manqué d'observer, que parmi les hiéroglyphes des Dieux de l'antiquité, le coq est particulière-ment consacré à Mercure. Albrieus, dans son petit traité des Images des Dieux, dit ce peu de mots parlant du Mercure : " Il y avait devant lui un coq, qui lui est particulièrement dédié ". C'est donc le coq qui est le signe et la marque du Mercure, que les Chimistes vulgaires ont toujours à la bouche, rare-ment entre les mains, et jamais dans la méditation de leur esprit; et cependant le Mercure est leur Tout mais pendant qu'ils cherchent ce Tout dans le Mercure vul-gaire, ils n'y trouvent jamais rien. Le véritable et simple Mercure des Philoso-phes, est donc celui duquel j'ai dit ci-devant qu'il est humide, aérien, chaud, esprit volatil, l'hermaphrodite d'Ovide, l'acide et l'alcali volatil: le Mercure double joint avec le Soufre et Sel philosophique, ou avec l'acide et l'alcali fixe: ce qui se fait lorsqu'ils se joignent et s'unissent tous deux en régule, et que les fèces et ordures en sont rejetées. Mais il n'est pas encore pur, il faut que le Roi entre dans son Bain philosophique, et qu'il s'y lave; qu'il y meurt; qu'il s'y, vivifie, et qu'étant revêtu de son Manteau de pourpre, il monte sur son trône. Accourez donc ici, vous Chimistes Mercu-riels, qui me rompez incessamment les oreilles avec vos fixations et coagulations du Mercure vulgaire; apprenez de ce que je vous ai dit, ce que c'est que le Mercure philosophique, sa fixation, sa coagulation, sa précipitation, sa sublimation, et sa revivification, mais apprenez auparavant ce, que les Philosophes entendent par mourir. Vous avez sans doute vu quelquefois des morts ou des mourants, n'avez-vous pas remarqué que l'esprit chaud volatil qui avait coutume de pénétrer tous les mem-bres du corps, et de les vivifier, étant une fois éteint, le sang se resserre et se coagule dans le cadavre. De même la mort, suivant les Philosophes, n'est autre chose que la coagulation, et fixation de la matière volatile. Quoi, le régule, n'est-il pas volatil ? Fixez, le, et il sera mort. Mais un cadavre est-il en état d'entrer dans une nouvelle habitation?, et ne demeure-t-il pas dans son sépulcre en paix et en repos éternel, comme j'ai lu plusieurs fois sur les inscriptions des vieux tombeaux, jusqu'à ce que par une puissance divine, il ressuscite ? De même, rien de fixe n'entre dans les autres corps métalliques. Rendez la vie à ces corps ; c'est à dire, de fixe qu'il était devenu, faites qu'il devienne volatil tout de nouveau; alors il entrera facilement. Il y a (dit le Poète) une chaleur et un esprit vital dans le corps qui nous abandonne à la mort. Enfin, de quelle couleur sont les corps morts? Suivant les poètes, la mort est violette ou plutôt noire. Et la vie n'est-ce pas une blancheur comme la lumière? Vous savez doncce que les Philosophes veulent dire par noircir et par blanchir. Mais quoi, y a t-il quelqu'un qui ignore ce que c'est que le parement blanc des Anges ? Et les enfants qui ont à peine l'usage de la raison, les connaissent bien quand ils les voient peints avec des ailes. Que s'ils ont des ailes, ces esprits sont donc volatils. Allez et vous retirez présentement, vous qui cherchez avec une application extrême vos diverses couleurs dans vos vaisseaux de verre. Vous qui me fatiguez les oreilles avec votre noir Corbeau, vous êtes aussi fous que cet homme de l'antiquité, qui avait coutume d'applaudir au théâtre, quoi qu'il fût seul, parce qu'il s'imaginait tou-jours avoir devant les yeux quelque spec-tacle nouveau. De même en faites-vous, lorsque versant des larmes de joie, vous vous imaginez voir dans vos vaisseaux vôtre blanche Colombe, votre Aigle jaune, et votre Faisan rouge. Allez-vous dis-je, et vous retirez loin de moi, si vous cherchez là Pierre Philosophique dans une chose fixe; car elle ne pénétrera pas plus les corps métalliques, que ferait le corps d'un homme du monde les murailles les plus solides. Nous lisons dans l'Ecriture Sainte que l'Ange ouvrit les portes de la prison quand il en voulut tirer Saint-Pierre ; mais il ne lui fut pas nécessaire de les ouvrir pour y rentrer. Nous lisons aussi que Jésus Christ entra dans l'Assemblée des Apôtres les portes du lieu étant fermées , mais ce fut après la Résurrection glorieuse. Appre-nez donc par ces exemples, ce que le raisonnement n'a pu jusqu'à présent vous persuader. Voulez vous quelques chose de plus ?. Pourquoi, je vous prie, enveloppez-vous vôtre poudre dans de la cire, quand vous voulez faire votre projection ? Pourquoi faîtes vous chauffer votre Mercure, ou fondre votre plomb, avant d'y jeter votre poudre? Pourquoi donnez vous un bon feu de suppression à vôtre creuset, pendant que le feu est fort doux par le bas ? Et pourquoi enfin continuez-vous avec un soufflet d'entretenir ce feu assez fort pendant une demie heure, si ce n'est afin que la matière volatile pénètre promptement le Mercure ou le Saturne, et ne s'envole pas avant la transmutation? Voilà ce que j'ai à vous dire des Couleurs, afin qu'à l'avenir vous quittiez vos travaux inutiles, à quoi j'ajouterai un mot touchant l'odeur. La Terre est noire, l'Eau est blanche, l'Air, plus il approche du Soleil, et plus il jaunit; l'éther est tout à fait rouge. La mort de même (comme il est dit) est noire, la vie est pleine de lumière: plus la lumière est pure, plus elle approche de la Nature Angélique, et les Anges sont de purs esprits de feu. Maintenant l'odeur d'un mort ou d'un cadavre, n'est elle pas fâcheuse et désagréable à l'odorat? Ainsi l'odeur puante chez les Philosophes dénote la fixation: au contraire, l'odeur agréable marque la volatilité, parce qu' elle approche de la vie et de la chaleur. Plutarque rapporte en certain endroit, que l'odeur qui sortait des habits d'Alexandre le Grand lorsqu'il avait fait quelque exercice violent, était fort agréable. Ainsi plus l'air est pur et chaud dans un pays, et plus les herbes qui y croissent sont odoriféran-tes. L'Arabie heureuse nous en fournit des preuves certaines : l'art imite tellement la nature, que les excréments les plus puants du corps humain deviennent un très agréable parfum, par une simple digestion et par le secours d'un feu proportionné. Qu'est-ce que la civette? Nous avons donc besoin du secours du feu. Basile et les autres Adeptes ont plusieurs sortes de feux : car il y a un feu céleste, et un feu terrestre, celui-ci est l'esprit volatil, celui-là du corps fixe; l'un du Soleil supérieur, l'autre du Soleil inférieur, comme parle Sendivogius, et comme dit Cicéron, tel est celui qui se trouve renfermé dans le corps des animaux, et qu'on appelle feu vital et salutaire lequel conserve toutes choses, les nourrit, aug-mente, soutient, et les rend capables de sentiment. Mais ce que sans doute vous admirez, c'est qu'il y a un feu froid, aussi bien qu'un feu chaud. Ce feu froid est mercuriel, volatil et féminin. Le feu chaud est sulfureux, fixe et mâle. Il y a encore d'autres feux que ceux-là, ce sont ceux qui sont cachés dans la matière, que les chimistes vulgaires croient être externes et c'est ce qui les trompent. Basile en discourt bien au long. Il y a aussi des feux externes, entre lesquels il y a le feu du jugement dernier; C'est-à-dire le feu de l'épreuve qui se fait par le Saturne à la coupelle: c'est pour cela que Basile l'appelle, le Souverain juge, comme il est au Ciel le planète le plus éloigné et le plus élevé sur nos têtes. Il y a encore le feu d'Etna ou infernal dont je vous parlerai ailleurs, de crainte de vous fatiguer par une trop longue lecture. Et pour vous rafraîchir un peu, je vous offre un vinaigre, mais du vinaigre distillé très aigre, avec vous pourrez (quand bon vous semblera) préparer la teinture du corail , c'est-à-dire l'acide ou le soufre fixe; ou bien vous préparerez les perles, c'est-à-dire l'alcali et vous boirez pour vous fortifier du vin ou Esprit de Vin Antimonial. Si vous préférer cela à la Médecine universelle, vous pourrez la prendre avec le Baume philosophique ; il n'y a point d'autre liqueur alcaest, dissolvant toutes choses sans perte ni diminution de ses forces: c'est l'Alcaest de Paracelse, tout esprit, Eau Céleste et notre Eau forte, etc. Sur la fin de l'automne nous boirons du nectar et de l'ambroisie renfermé dans le Ciel Chimique, mais philosophiquement, et dont a peine on a jeté les premiers fondements. Qui que vous soyez, qui lisez ceci, je souhaite que vous en profitiez, en vous disant adieu.

Amsterdam

Le jour suivant les Kalendes de Septembre de l'année 1688
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