Geber (721-815)
SECOND LIVRE DE LA SOMME DE LA PERFECTION
OU
L’ABRÉGÉ DU MAGISTÈRE PARFAIT
GEBER
TABLE DES CHAPITRES.
PREFACE : Division de ce second Livre en trois parties.
PREMIERE PARTIE DU SECOND LIVRE.
CHAPITRE I : De la Connaissance des choses par lesquelles on peut découvrir la possibilité de la perfection, et la Manière de la faire.
CHAPITRE II : De la nature du Soufre et de l'Arsenic.
CHAPITRE III : De la Nature du Mercure ou Argent-vif.
CHAPITRE IV : De la Nature de la Marcassite, de la Magnésie et de la Tutie.
CHAPITRE V : De la Nature du Soleil.
CHAPITRE VI : De la Nature de la Lune.
CHAPITRE VII : De la Nature de Mars, où il est traité des Effets du Soufre et du Mercure, et des Causes de la corruption et de la perfection des Métaux.
CHAPITRE VIII : De la Nature de Vénus ou du Cuivre.
CHAPITRE IX : De la Nature de Jupiter ou de l'Etain.
CHAPITRE X : De la Nature de Saturne, ou du Plomb.
SECONDE PARTIE DU SECOND LIVRE
Des Médecines
CHAPITRE XI : Qu'il doit nécessairement y avoir deux sortes de Médecines, tant pour chaque Corps imparfait que pour l'Argent-vif, l'une au Blanc, l'autre au Rouge; mais qu'il n'y en a qu'une seule très parfaite, qui rend toutes les autres inutiles.
CHAPITRE XII : Qu'il faut donner une préparation particulière à chaque Métal imparfait.
CHAPITRE XIII : Que la Médecine doit ajouter ce qui est de défectueux dans les Métaux imparfaits; et que la préparation, qu'on leur donne pour recevoir cette Médecine, doit ôter ce qu'ils ont de superflu.
CHAPITRE XIV : De la préparation de Saturne et de Jupiter.
CHAPITRE XV : De la préparation de Vénus.
CHAPITRE XVI : De la préparation de Mars.
CHAPITRE XVII : De la manière de purifier l'Argent-vif.
CHAPITRE XVIII : Que la Médecine très parfaite donne nécessairement cinq différentes propriétés de perfection, qui sont la Netteté, la Couleur ou Teinture, la Fusion, la Stabilité, et le Poids Et que par ces effets l'on doit juger de quelle chose on doit prendre cette Médecine.
CHAPITRE XIX : Des préparations qu'il faut donner à la Médecine, afin qu'elle ait toutes les propriétés qu'elle doit nécessairement avoir.
CHAPITRE XX : De la différence des Médecines, et qu'il y en a du premier, du second, et du troisième Ordre.
CHAPITRE XXI : Des Médecines du premier Ordre, qui blanchissent Vénus.
CHAPITRE XXII : Du blanchissement de Mars.
CHAPITRE XXIII : Des Médecines qui jaunissent la Lune.
CHAPITRE XXIV : Des Médecines du second Ordre, et de leurs propriétés.
CHAPITRE XXV : De la Médecine Lunaire et Solaire pour les Corps imparfaits.
CHAPITRE XXVI : De la Médecine qui coagule et fixe l'Argent-vif.
CHAPITRE XXVII : Comment par l'Art on peut rendre les Médecines entrantes, ou leur donner ingrés.
CHAPITRE XXVIII : De la Médecine du troisième Ordre en général.
CHAPITRE XXIX : De la Médecine Lunaire du troisième Ordre.
CHAPITRE XXX : De la Médecine Solaire du troisième Ordre.
TROISIEME ET DERNIERE PARTIE DU SECOND LIVRE
Des Epreuves de la perfection.
CHAPITRE XXXI : Division des choses contenues en cette Partie.
CHAPITRE XXXII : De la Coupelle.
CHAPITRE XXXIII : Comment l'on fait l'Examen des Métaux par la Coupelle.
CHAPITRE XXXIV : Du Ciment, et pourquoi il y a des Corps ou Métaux qui le souffrent mieux, et d'autres qui le souffrent moins.
CHAPITRE XXXV : De quoi est fait le Ciment, et comment on fait l'Epreuve.
CHAPITRE XXXVI : Du Rougissement des Métaux au feu.
CHAPITRE XXXVII : De la Fusion.
CHAPITRE XXXVIII : De l'Exposition qu'on fait des Métaux sur les vapeurs des choses acides.
CHAPITRE XXXIX : De l'Extinction des Métaux rougis au feu.
CHAPITRE XL : Du Mélange su Soufre combustible avec les Métaux.
CHAPITRE XLI : De la Calcination et de la Réduction.
CHAPITRE XLII : De la facilité qu'ont les Métaux à recevoir l'Argent-vif.
CHAPITRE XLIII : Récapitulation de tout l'Art.
CHAPITRE XLIV : De quelle manière l'Auteur a enseigné l'Art en cette Somme de perfection.
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SECOND LIVRE DE LA SOMME DE GEBER
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PRÉFACE
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Division de ce second Livre en trois parties.
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Après avoir traité des Principes du Magistère dans le Livre précédent, il ne nous reste plus qu'à faire voir, comme nous l'avons promis, en quoi consiste l'accomplissement de notre Art, par un Discours qui l'explique clairement. Or la connaissance de la perfection consiste en trois choses. Car nous devons premièrement examiner les choses par le moyen desquelles nous pouvons découvrir plus facilement en quoi consiste la perfection de notre Œuvre. En second lieu, nous avons à examiner quelle est la Médecine qui doit nécessairement donner la perfection, et rechercher en quoi on la peut mieux trouver, et d'où on la peut plus prochainement tirer, afin de parfaire les Imparfaits de quelque manière que ce soit. Enfin nous devons considérer les Artifices, par le moyen desquels nous puissions connaître si la perfection est véritable et accomplie. Quand nous aurons suffisamment traité de ces trois choses, nous aurons donné une idée et une entière connaissance de la perfection, autant qu'il est nécessaire pour notre Art.
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PREMIÈRE PARTIE DU SECOND LIVRE.
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CHAPITRE I
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De la Connaissance des choses par lesquelles on peut découvrir la possibilité de la perfection, et la Manière de la faire.
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On ne saurait connaître comment se fait la transmutation des Corps imparfaits et de l'Argent-vif, si auparavant l'on n'a une véritable connaissance de leur Nature, et si l'on ne sait quelles en sont les Racines et les Principes. Je donnerai donc premièrement la connaissance des Principes des Corps ou Métaux, en déclarant ce qu'ils font par leurs propres Causes, et ce qu'ils ont en eux de bon et de mauvais. Ensuite je ferai voir quelles sont les Natures et les Essences de tous ces Corps, avec toutes leurs propriétés, et je dirai les causes de leur imperfection, et celles de leur perfection; ce que je prouverai par des expériences manifestes.
CHAPITRE II
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De la nature du Soufre et de l'Arsenic.
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Il est nécessaire avant toutes choses de connaître la nature des Esprits, c'est-à-dire du Soufre, de l'Arsenic et de l'Argent-vif, parce que ce sont les Principes des Corps. J'ai dit ci-devant que le Soufre et l'Arsenic étaient une graisse de la terre. Ce qui est si vrai que cela se voit évidemment par la facilité que le Soufre et l'Arsenic ont à s'enflammer et à se fondre au feu, n'y ayant que les huiles et les graisses, et ce qui est de leur nature, qui s'enflamme et qui se fonde facilement par la chaleur. Ce qui nous fait voir que le Soufre, et l'Arsenic qui lui ressemble, ont en eux-mêmes deux causes de corruption ou d'imperfection, qui sont l'une une Substance inflammable, et l'autre des Fèces, ou impuretés terrestres. Et par ainsi il n'y a que leur moyenne Substance, laquelle tient le milieu entre l'inflammable et l'impur, qui puisse servir à donner la perfection. Or la raison pour laquelle la Substance inflammable et les Fèces impures de ces deux Esprits, causent la corruption et l'imperfection, c'est premièrement à l'égard des Fèces terrestres et grossières, qu'elles empêchent la fusion et la pénétration. Et pour ce qui est de la Substance inflammable, c'est qu'elle ne peut soutenir le feu, ni par conséquent donner la fixité; et que c'est elle qui, étant jointe avec les Corps, leur donne la noirceur de quelque espèce qu'elle soit. Il n'y a donc que la moyenne Substance de ces deux Esprits qui puisse être cause de la perfection, parce qu'elle n'est pas si terrestre qu'elle ne puisse entrer facilement, ce qui vient de ce qu'elle est bien fondante, et que ses parties subtiles ne sont pas si volatiles, qu'elles ne demeurent assez de temps dans le feu pour faire leur action sur les Corps et les changer. Cette moyenne Substance ne peut néanmoins communiquer la perfection aux Métaux imparfaits ni au Vif-argent, si auparavant elle n'est rendue fixe. Car n'étant pas fixe d'elle-même, quoiqu'elle ne s'enfuie pas d'abord du feu, et qu'elle y demeure assez pour faire impression sur les Corps; le changement pourtant qu'elle fait sur ces Corps n'est pas stable, ne demeurant pas toujours, et n'étant pas à toute épreuve.Il s'ensuit de ce que nous venons de dire, que l'Artiste doit nécessairement séparer la moyenne Substance du Soufre et de l'Arsenic pour s'en servir en notre Art. Ce que quelques-uns ont cru impossible, à cause que cette moyenne Substance est fortement mêlée et unie d'une union naturelle avec les autres parties de ces deux Esprits. Mais ces gens-là disent manifestement le contraire de ce qu'ils peuvent faire. Car s'ils calcinent le Soufre, je ne dis pas fortement, mais jusqu'à ce qu'il ne se puisse plus fondre ni s'enflammer, il est certain que cette Calcination ne se pourra faire sans qu'il y ait séparation de ses parties. Parce que le Soufre demeurant dans sa Composition naturelle, et dans sa simple Substance (c'est-à-dire tel qu'il a été produit par la nature),^ il doit nécessairement s'enflammer et brûler. Et par conséquent ne brûlant plus, il faut que par la séparation que l'artifice a fait des différentes Substances qui sont en lui, sa partie inflammable ait été détachée et séparée de celle qui ne l'est pas. C'est pourquoi, s'il se peut faire qu'en calcinant le Soufre, on puisse venir jusqu'à lui ôter tout ce qu'il a d'inflammable (comme on le peut), l'expérience doit convaincre ces gens-là que l'on peut absolument séparer les différentes parties du Soufre les unes des autres. Mais parce qu'ils n'ont pas eu assez d'adresse pour faire cette séparation, ils sont persuadés qu'elle n'est pas possible.Ce que nous avons dit jusque ici dans ce Chapitre fait voir que le Soufre n'est point la véritable Matière dont l'on doive se servir dans notre Art; et qu'il n'y a en lui, tout au plus, qu'une de ses parties qui puisse y être utile. Et j'ai enseigné par quel artifice on peut faire la séparation de cette partie d'avec les autres.Pour ce qui est de l'Arsenic, parce que dans la Racine et le Principe de sa Composition, il y a eu plusieurs de ses parties inflammables qui ont été dissipées par l'action de la Nature, qui en a fait le mélange, il n'est pas si difficile de faire la séparation de ses parties, que de celle du Soufre. Mais l'Arsenic ne peut qu'être Teinture pour le blanc, comme le Soufre pour le rouge. C'est pourquoi il faut s'appliquer surtout à faire adroitement la séparation des parties du Soufre, comme devant être d'une plus grande utilité.
CHAPITRE III.
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De la Nature du Mercure ou Argent-vif.
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L'Argent-vif a tout de même des superfluités qu'il faut lui ôter. Car il a deux causes d'imperfection : l'une est une Substance terrestre, impure, et l'autre une humidité ou aquosité superflue et volatile, laquelle s'évapore au feu, mais sans s'enflammer. Quelques-uns ont cru pourtant que l'Argent-vif n'avait point de terrestréité superflue et impure : Mais ils n'ont pas raison, l'expérience faisant voir qu'il a beaucoup de lividité ou de noirceur, et que sa blancheur n'est pas assez pure, ni bien nette (ce qui ne peut provenir que d'une terre impure). Outre qu'il ne faut pas être grand Artiste pour tirer de lui une terre noire et semblable à de la lie. Car pour le faire, il n'y a qu'à le laver de la manière que je dirai ensuite.Mais comme on peut perfectionner l'Argent-vif en deux manières, l'une en faisant une Médecine de lui, et l'autre en lui donnant la perfection par le moyen d'une Médecine; il faut aussi le préparer et le purifier de deux façons différentes. La première, qui est celle dont nous parlons, se fait par la Sublimation, afin d'en faire une Médecine. L'autre manière dont nous parlerons ensuite se fait par la Lotion (c'est-à-dire en le lavant) et celle-là est pour le coaguler. Ainsi, pour du Mercure en pouvoir faire l'Elixir, ou la Médecine qui donne la perfection, on doit premièrement le bien purifier par la Sublimation de toutes ces Fèces et impuretés grossières, afin que venant à en faire la projection sur les Corps imparfaits, il ne leur communique pas une couleur plombée et livide. Et il faut encore lui ôter son aquosité volatile, de crainte que la Médecine que l'on en ferait ne s'évaporât et ne s'en allât toute en fumée dans la projection.De sorte qu'il ne faut conserver que sa moyenne Substance pour en faire la Médecine; parce qu'il n'y a en lui que cette moyenne Substance toute seule qui ait cette propriété de ne se point brûler ni se consumer au feu, et qui empêche les Corps auxquels elle s'unit, d'être ni brûlés ni consumés : Et qu'outre cela elle demeure et persévère dans le feu, sans s'évaporer; et qu'enfin elle donne la fixité à ce qui est volatil.J'ai déjà fait voir ailleurs, dans les Discours que j'en ai fait, que l'Argent-vif était ce qui donnait la perfection. Et cela même se vérifie par expérience. Car nous voyons que l'Argent-vif s'attache plus fortement, et qu'il s'unit plus parfaitement, premièrement à d'autre Argent-vif, puis à l'Or, et après l'Or à l'Argent. Ce qui fait voir évidemment que l'Or et l'Argent, qui sont les deux Métaux parfaits, participent plus de la nature de l'Argent-vif que les autres Corps Métalliques que nous jugeons par là n'avoir pas tant de conformité avec lui, et que nous trouvons véritablement être moins participants de sa nature. D'ailleurs, on voit que tout ce qui demeure plus longtemps au feu, et ce qui lui résiste mieux sans se brûler, a le plus d'Argent-vif Et par ainsi l'Argent-vif est ce qui donne la perfection, et ce qui empêche les Corps Métalliques de brûler, et de se consumer dans le feu, qui est le dernier degré, et la plus grande marque de perfection.On se sert du second degré, ou moyen de purifier l'Argent-vif, pour lui donner la Coagulation. Pour le faire, il n'y a seulement qu'à le laver tout un jour, afin de lui ôter par ce moyen ce qu'il a de terrestre et d'impur. Cela se fait ainsi. On prend un plat de terre, dans lequel on met l'Argent-vif que l'on veut purifier.On verse par dessus de bon vinaigre, ou quelque autre liqueur semblable, tant que l'Argent-vif en soit tout couvert. On met ensuite le plat sur un feu fort doux, où on le tient sans qu'il boue. Il faut remuer incessamment l'Argent-vif avec le doigt, sur le fond du plat, afin qu'il se mette en fort menues parties, comme si c'était une Poudre Blanche très subtile, continuant à remuer toujours, jusqu'à ce que tout le vinaigre soit évaporé, et que l'Argent-vif se réunisse et reprenne sa première forme. Après quoi on le lave avec de l'eau, et l'on jette tout ce qui en sort de crasse noire qui demeure attachée au plat. On réitère cette Opération jusqu'à ce que l'on voie que l'Argent-vif ait entièrement perdu sa couleur livide et noirâtre, que ses terrestréités lui causent, et qu'il devienne d'un beau bleu clair, mêlé d'une couleur azurée, comme est celle des Cieux. Car lors on peut dire qu'il a été parfaitement bien lavé. L'Argent-vif étant en cet état, il faut faire la projection dessus de la Médecine, qui a la vertu de le coaguler, et il se coagulera en Poudre, laquelle transmuera les Corps imparfaits en Soleil et en Lune, selon que la Médecine qui le coagulera, et de laquelle nous parlerons ci-après, aura été préparée.On doit inférer de ce que je viens de dire, que l'Argent-vif, pris tel q'il est sorti de la Mine, n'a pas la vertu de perfectionner les Corps ou Métaux imparfaits : mais que ce qui peut donner cette perfection, c'est une chose qui est tirée et faite de lui par notre artifice. On peut dire la même chose du Soufre et de l'Arsenic, qui est semblable au Soufre, Il ne faut donc pas s'imaginer que naturellement nous puissions faire ce que fait la Nature en la production de ces choses, mais nous l'imitons seulement par notre artifice naturel, par le moyen duquel nous les élevons à pouvoir donner la perfection aux Corps imparfaits.
CHAPITRE IV.
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De la Nature de la Marcassite, de la Magnésie et de la Tutie.
Il nous reste à parler encore en particulier des autres Esprits, c'est-à-dire de la Marcassite, de la Magnésie et de la Tutie, qui font une forte impression sur les Corps. Il faut donc dire quelle est leur Nature, la considérant par ses Causes, et par les expériences que l'on en a.La Marcassite est composée de deux Substances, dont l'une est un Argent-vif mortifié, et qui approche de la fixité; et l'autre est un Soufre adustible (c'est-à-dire qui s'enflamme et se brûle). Et certes l'expérience fait voir manifestement que la Marcassite a un Soufre en elle. Car lorsqu'on vient à la sublimer, il en sort et il s'en élève visiblement une Substance sulfureuse qui se brûle. Et sans la sublimer, on peut encore remarquer par un autre moyen que la Marcassite a du Soufre. Car si on la met au feu pour la faire rougir, elle ne rougit point qu'auparavant elle ne se soit enflammée par l'adustion de son Soufre. D'ailleurs, il paraît manifestement qu'elle a aussi de l'Argent-vif par ce qu'elle donne au Cuivre la blancheur du véritable Argent, comme fait l'Argent-vif lui-même. Outre que lorsqu'on la sublime, on voit qu'elle prend la couleur du bleu céleste; et elle a évidemment une lueur métallique. Ce qui fait voir à ceux qui font ces Opérations sur elle, qu'elle a en soi et en sa Racine les deux Substances de Soufre et d'Argent-vif.Il est aisé de prouver par les mêmes expériences que la Magnésie est composée d'un Soufre plus mat et plus trouble, d'un Argent-vif plus terrestre et plus crasseux; et que son Soufre est plus fixe et moins inflammable que celui de la Marcassite; et qu'ainsi elle a plus qu'elle de conformité avec la nature de Mars.Pour la Tutie, ce n'est qu'une fumée des Corps blancs. Ce qui se connaît par une expérience évidente. Car premièrement si l'on fait projection des deux fumées qui sortent des Corps de Jupiter et de Vénus, et qui s'attachent conjointement aux murailles des fournaises des Fondeurs, et de ceux qui travaillent sur ces deux Métaux, le mélange de ces deux fumées fait la même impression et le même effet que la Tutie. Secondement, parce que cette fumée des Métaux, ni la Tutie non plus, ne se remettent point en Corps, si l'une et l'autre n'est mêlée avec quelque Métal. Or, comme la Tutie est la fumée des Corps blancs, elle ne donne point aux Corps blancs la Teinture orangée, mais seulement aux Corps ou Métaux rouges; parce que l'orangé n'est autre chose qu'un mélange proportionnée du rouge et du blanc. Au reste la Tutie subtile comme elle est, pénètre profondément dans les Corps, et par ainsi elle les altère et les change mieux que ne fait le Métal d'où elle est sortie. Et ce changement souffre mieux l'examen, pourvu qu'on le fasse avec tant soit peu d'artifice, de la manière que je l'ai déjà dit.Et partant, tous les Corps qui reçoivent quelque altération, la reçoivent nécessairement par le moyen et par la vertu de l'Argent-vif, ou du Soufre, ou des choses semblables, parce qu'il n'y a que cela seul qui se communique, et qui s'unisse naturellement aux Corps ou Métaux, à cause de la grande conformité qui est entre eux.
CHAPITRE V
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De la Nature du Soleil.
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Il faut maintenant parler à fond des Corps Métalliques, et découvrir leur Essence cachée, en reprenant le Discours que nous en avons fait dans le Livre précédent, auquel nous ajouterons beaucoup de choses nécessaires. Nous parlerons donc premièrement du Soleil, puis de la Lune, et ensuite des autres Corps Métalliques, et nous en dirons tout ce qui sera nécessaire pour en donner la connaissance. Et en tout cela nous n'avancerons rien que nous ne prouvions par les expériences que l'on en peut faire.Le Soleil est formé d'un Argent-vif très subtil, et de peu de Soufre fort pur, fixe et clair, qui a une rougeur nette, qui est altéré et changé en sa nature, et qui fixe et teint cet Argent-vif. Et comme ce Soufre n'est pas également coloré, et qu'il y en a qui est plus teint l'un que l'autre, de là vient qu'il y a aussi de l'Or qui est nécessairement plus jaune, et d'autre qui l'est moins.Or il est évident que l'Or est formé de la plus subtile Substance de l'Argent-vif, parce que l'Argent-vif, qui ne s'attache uniquement qu'à ce qui est de sa même nature, et qui ne reçoit point tout ce qui n'en est pas, s'attache facilement et s'unit fortement à l'Or, de sorte qu'il semble l'embrasser. Il ne faut point d'autre preuve pour montrer que cette Substance de l'Argent-vif, de laquelle l'Or est formé, est claire et nette, que la splendeur et l'éclat qu'à l'Or, qui brille aussi bien la nuit qu'en plein jour. Ce même Argent-vif doit aussi nécessairement être fixe, et sans nul mélange de Soufre impur et combustible; parce que l'Or ne diminue et ne s'enflamme point dans le feu, quoiqu'on l'y fasse rougir et qu'on l'y fonde. Son Soufre est tingent (C'est-à-dire qu'il teint l'Argent-vif) parce que le Soufre minéral étant mêlé avec l'Argent-vif vulgaire, et étant sublimé avec lui, lui communique une couleur rouge qui est ce qu'on appelle le Cinabre artificiel, et que ce même Soufre étant amalgamé avec les Corps Métalliques, et sublimé avec eux à fort feu, en sorte que ce que les Métaux ont de plus subtil soit élevé et sublimé avec lui, cette Sublimation devient très jaune. Ce n'est donc que la pure Substance du Soufre qui fait une couleur nette et pure dans les Métaux. Et c'est par conséquent le Soufre impur qui leur donne une couleur impure et imparfaite. Il n'y a qu'à considérer l'Or pour être persuadé qu'il est jaune, et celui qui en douterait serait aveugle.La Matière de l'Essence de l'Or n'est donc autre que la Substance très subtile et pure de l'Argent-vif, laquelle a été fixée par le mélange et par l'union de la Matière très subtile et fixe du Soufre incombustible, qui a une Teinture rouge et claire. Mais il y a pourtant plus d'Argent-vif que de Soufre dans la composition de l'Or. Ce qui se connaît par la facilité qu'à l'Argent-vif de s'attacher à l'Or, ce que ne fait pas le Soufre. Ainsi, si l'on veut faire quelque altération et quelque changement dans les Métaux imparfaits, on doit se proposer l'Or pour modèle de ce que l'on doit faire, et tâcher de réduire toujours ces Métaux à la même égalité qu'est celle de l'Or. Nous en avons ci-devant enseigné le moyen.Au reste, parce que les parties, dont l'Or a été premièrement formé, étaient subtiles et fixes, elles se sont aussi beaucoup resserrées et condensées, et c'est ce qui rend l'Or si pesant. D'ailleurs, comme la Nature a mis longtemps à le cuire et à le digérer, par une chaleur fort tempérée, ses parties (les plus crues et volatiles) se sont exhalées lentement et peu à peu; et par ainsi il a été épaissi parfaitement et comme il le faut, dans le dernier mélange qui s'est fait de ses Principes; et c'est ce qui fait qu'il ne se fond qu'après avoir rougi.Il se voit, de ce que nous venons de dire, que la perfection des Métaux dépend de trois choses. Premièrement de la grande quantité de leur Argent-vif. Secondement de l'uniformité et égalité de leurs Substances, qui se fait par un mélange égal et bien proportionné de leurs Principes. Et en troisième lieu, de ce qu'ils s'endurcissent et s'épaississent par une longue et modérée digestion. Et par ainsi l'impureté et l'imperfection des Métaux proviendra du trop de Soufre, de la diversité de Substance, et d'une digestion précipitée qui les endurcit et les épaissit trop soudainement.Ainsi, si le Soufre, qui vient à se mêler avec l'Argent-vif, pèche en quantité et en qualité, il s'en formera nécessairement divers Métaux imparfaits, selon la différente proportion de ce Soufre, et selon qu'il sera bon ou mauvais. Car le Soufre (qui entre dans la composition des Métaux) est ou fixe, et n'est pas tout combustible, ou il l'est entièrement. Ou ce Soufre est volatil : et il l'est, ou en tant que Soufre, ou non pas comme Soufre. Ou bien il est en partie volatil, et en partie fixe. De plus, ce Soufre, ou n'est Soufre qu'en partie, ou en partie il ne l'est pas. Et ce qui est Soufre, est ou tout pur, ou tout impur. Ou il y en a seulement la moitié d'impur, ou il n'y en a que fort peu. Le Soufre est encore ou en grande quantité, et ainsi il domine l'Argent-vif, ou il y en a peu, et l'Argent-vif a le dessus. Ou ces deux Principes sont si bien proportionnés, qu'il n'y en a pas plus de l'un que de l'autre. Enfin, ou ce Soufre est blanc, ou il est rouge, ou il tient le milieu entre ces deux couleurs. Et c'est ce différent mélange de ces deux Principes qui produit nécessairement dans la Nature différents Corps Métalliques, et d'autres semblables Corps, tels que sont les Métallions. Nous allons examiner cette différence des Métaux, et nous en rapporterons les Causes et les propriétés, que nous prouverons par des expériences sensibles.
CHAPITRE VI
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De la Nature de la Lune.
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Nous avons dit dans le Chapitre précédent que l'Or se forme lorsqu'un Soufre pur, fixe, rouge et clair, se mêle de telle sorte avec un Argent-vif pur et net, que non seulement le Soufre ne domine pas, mais que l'Argent-vif y soit en plus grande quantité. Que si un Soufre net, fixe, blanc, d'une blancheur pure et claire, vient à se mêler avec un Argent-vif pur, fixe et clair, et que le Soufre ne domine pas, mais qu'il y ait tant soit peu plus d'Argent-vif, il s'en formera de l'Argent, qui est un Métal parfait, mais pourtant moins pur et plus grossier que n'est l'Or. Car ses parties ne sont pas si serrées que celles de l'Or; et par conséquent il n'est pas si pesant que l'Or. L'Argent n'est pas encore si fixe que l'Or, comme il paraît en ce qu'il diminue dans le feu : Ce qui est une marque que son Soufre n'est pas tout à fait fixe ni incombustible, puisqu'il s'enflamme un peu lorsqu'on fait rougir ce Métal dans le feu. Or quand je dis que le Soufre de l'Argent n'est pas fixe, cela se doit entendre par rapport à celui de l'Or, n'étant pas impossible que le même Soufre soit fixe, si on le compare avec un autre qui l'est moins, et qu'il ne soit pas fixe, si on le considère par rapport à un autre qui l'est plus. C'est en ce sens qu'à l'égard de l'Or, le Soufre de la Lune n'est pas fixe, mais incombustible; et qu'en faisant comparaison de l'Argent avec les Métaux qui sont imparfaits, son Soufre est fixe et incombustible.
CHAPITRE VII
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De la Nature de Mars, où il est traité des Effets du Soufre et du Mercure, et des Causes de la corruption et de la perfection des Métaux.
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Si un Soufre fixe et terrestre se trouve mêlé avec un Argent-vif qui soit pareillement fixe et terrestre, et si tous deux ont une blancheur impure et livide, ou noirâtre, et si dans la composition il y a beaucoup plus de ce Soufre fixe que d'Argent-vif, de ce mélange il s'en fait du fer. Et parce que l'excès du Soufre fixe dans la composition des Métaux, en empêche la fusion, il s'ensuit de là que le Soufre fixe ne se fond pas si promptement que fait l'Argent-vif; au lieu que celui qui n'est pas fixe se fond plutôt. Ce qui nous fait connaître manifestement pourquoi quelques Métaux se fondent facilement, et promptement, et d'où vient qu'il y en a d'autres qui sont fort longs et fort difficiles à fondre. Car ceux qui ont le plus de Soufre fixe se fondent plus lentement : et ceux qui ont le plus de Soufre adustible se fondent plus tôt. Ce qu'il est bien aisé de faire voir. Car pour preuve que le Soufre fixe des Métaux, est ce qui fait qu'ils sont plus difficiles à fondre; c'est que le Soufre lui-même ne peut jamais devenir fixe s'il n'est calciné, et quand il est calciné il n'est plus fusible. Et par conséquent c'est le Soufre fixe des Métaux qui en empêche la fusion. Or je sais par expérience que le Soufre ne peut être fixe s'il n'est calciné. Parce qu'ayant essayé de le fixer sans l'avoir calciné, j'ai trouvé qu'il était toujours volatil, et qu'il s'enfuyait jusqu'à ce qu'il fût changé en une terre semblable à de la chaux.Mais il n'en est pas ainsi de l'Argent-vif, qui peut être rendu fixe, et en le changeant en terre, et sans qu'il soit besoin de l'y changer. On le fixe et on le change bientôt en terre, si on se hâte de faire sa fixation, en le sublimant avec précipitation. Et on le fixe tout de même par une Sublimation lente et réitérée, sans qu'il soit changé en terre, puisqu'il se fond alors de même qu'un Métal. Et cela, je le sais pour l'avoir fixé de ces deux manières; l'une hâtée et précipitée, jusqu'à ce que son humidité fût consumée; et l'autre lente, en le sublimant plusieurs fois doucement et peu à peu. Je l'ai vu et je l'ai trouvé, dis-je, par expérience, comme je le dis.Or la raison pour laquelle cela se fait ainsi, c'est que la Substance de l'Argent-vif est visqueuse et serrée. On voit qu'elle est visqueuse par la séparation qui s'en fait en très menues parties, lorsqu'on l'imbibe et qu'on l'amalgame avec d'autres choses. Car sa visquosité paraît lors évidemment; parce (qu'encore qu'il soit séparé en une infinité de parties fort menues), il s'attache néanmoins, et il s'unit fortement à ce avec quoi on le mêle. Il n'y a personne qui ne voie tout de même que sa Substance est solide et fort serrée. Car il ne faut que le considérer et le soupeser, et l'on trouvera qu'il est si pesant, lorsqu'il est tout pur, qu'il pèse plus que l'Or même. D'ailleurs sa composition est très forte, comme nous l'avons déjà dit ci-devant, à cause de la mixtion très exacte de ses deux Principes. Et partant, l'Argent-vif peut être fixé sans que son humidité soit consumée, et sans qu'il soit changé en terre. Car ses parties étant bien unies ensemble, et sa composition étant par conséquent très forte, ses parties venant à être encore plus resserrées par l'action du feu, cela fait qu'il résiste au feu, qui ne saurait plus le détruire en cet état, et la flamme même; pour grande et violente qu'elle soit; n'a plus de prise sur lui, et elle ne saurait ni le pénétrer, ni le résoudre en fumée; parce qu'il est trop serré pour pouvoir être raréfié, et que d'ailleurs il ne peut point être brûlé, n'ayant point de Soufre inflammable, qui est ce qui rend les Corps adustibles, ou capables d'être brûlés et consumés par le feu.Nous avons découvert par là deux Secrets admirables. L'un, pourquoi le feu détruit les Métaux. Et de cela nous trouvons trois causes. La première est un Soufre adustible qui est renfermé dans le profond de leur Substance, lequel venant à se brûler, diminue cette Substance en la résolvant en fumée; jusqu'à ce qu'il l'ait entièrement consumée, quelque quantité que les Métaux aient d'Argent-vif bien fixe et bien fusible. La seconde cause est extérieure, et c'est la violence du feu de flamme, qu'on augmente et qu'on entretient toujours très forte, et qui touchant continuellement les Métaux, les fond, les pénètre et les résoud en fumée, quelque fixes qu'ils soient. La dernière cause, c'est la Calcination des Métaux, qui les raréfie en éloignant leurs parties les unes des autres. Car cet éloignement fait jour à la flamme, qui les pénètre par ce moyen, et qui les réduit en fumée, quelque parfaits qu'ils puissent être. Que si ces trois causes de la destruction des Métaux concourent et se trouvent ensemble, il est certain qu'ils seront aisément détruits. Mais s'il en manque quelqu'une, ils seront plus difficiles à détruire à proportion que ces causes seront moindres.L'autre Secret que nous avons trouvé, c'est que nous avons connu par là, que la bonté et la perfection des Métaux consiste dans leur Argent-vif. Car rien de tout ce qui cause la destruction et l'anéantissement des Métaux ne pouvant diviser l'Argent-vif en ses Principes : mais ou toute sa Substance s'en allant de dessus le feu, ou y demeurant toute entière, sans que rien s'en perde, il faut nécessairement que la cause de la perfection des Métaux soit dans l'Argent-vif. Louons donc et bénissons Dieu qui a crée cet Argent-vif, et qui lui a donné une Substance et des propriétés qui ne se rencontrent en nulle autre chose de la Nature. De sorte que nous pouvons trouver en cette Substance d'Argent-vif la perfection, par un certain artifice, qui se trouve en lui par une puissance prochaine. Car c'est l'Argent-vif qui surmonte le feu, et que le feu ne saurait vaincre : au contraire, il se repose et il se plaît à demeurer dans le feu.
CHAPITRE VIII
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De la Nature de Vénus ou du Cuivre.
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Reprenons maintenant notre Discours. Quand le Soufre est impur, grossier, rouge, livide, que sa plus grande partie est fixe, et la moindre non fixe, et qu'il se mêle avec un Argent-vif grossier et impur, de telle sorte qu'il n'y ait guère plus ni guère moins de l'un que de l'autre; de ce mélange il s'en forme du Cuivre. Et il est aisé de juger que pour faire ce Métal, ces deux Principes doivent être mêlés de cette manière, si l'on considère les effets qu'ils produisent naturellement en lui. Car lorsqu'on le fait rougir au feu, on en voit sortir une flamme, comme est celle que fait le Soufre; ce qui est une marque qu'il a un Soufre qui n'est pas fixe. Outre que ce Métal diminue dans le feu, par l'évaporation qui se fait de ce mauvais Soufre. On connaît néanmoins qu'il a beaucoup de Soufre fixe, parce qu'en le faisant souvent rougir au feu, et en le brûlant, après cela il ne se fond pas si facilement, et il en devient plus dur; ce qui ne peut provenir que de ce qu'il a beaucoup de Soufre fixe. D'ailleurs, il paraît par la couleur de ce Métal que son Soufre est rouge, livide, impur, et qu'il est mêlé avec un Argent-vif, impur et plein de crasse. Ainsi on n'a pas besoin d'autre preuve pour le vérifier.De là on peut faire une expérience qui nous découvrira un Secret. Car puisque tout ce qui est changé en Terre par l'action de la chaleur se dissout facilement, et se réduit en Eau, et que cela se fait à cause que le Feu rend plus subtiles les parties sur quoi il agit, il s'ensuit de là que, quelque subtile que soit naturellement une chose, elle le devient encore davantage si elle est réduite en cette nature de Terre (par la Calcination), et qu'elle se dissout mieux. Et partant, les choses se dissolvent mieux à proportion qu'elles sont plus subtiles et plus calcinées. Ce qui fait voir quelle est la cause de la corruption et de l'impureté de Mars et de Vénus, et qu'elle ne provient que de la quantité qu'ils ont de Soufre fixe et non fixe, ou adustible : Vénus en ayant plus d'adustible que Mars, et Mars plus de fixe que Vénus. Quand donc le Soufre fixe de ces deux Métaux est devenu encore plus fixe, par la chaleur du feu, ses parties deviennent plus subtiles, et ce qui est disposé en lui à se dissoudre se dissout, comme il se voit lorsqu'on expose ces deux Métaux sur la vapeur du vinaigre. Car cette vapeur fait sortir sur leur superficie, comme une fleur, l'aluminosité (c'est-à-dire les parties alumineuses) de leur Soufre, par le moyen de la chaleur qui vient de cette vapeur, et qui subtilise les parties superficielles, et les plus proches de ces Métaux. Et si vous faites bouillir ces deux Corps dans quelque Eau pontique ou salée, vous trouverez qu'il s'en dissoudra beaucoup par cette ébullition. Et si l'on va dans les Mines de ces deux Métaux, on verra distiller et s'attacher à eux l'aluminosité qui s'en dissout; laquelle se change et se résoud en eau, à cause de sa ponticité ou salure, et de la facilité qu'elle a à se dissoudre. Car il n'y a rien de pontique ou salé, et qui se dissolve facilement que l'Alun, et ce qui tient de sa nature.Pour ce qui est de ce que ces deux Métaux noircissent au feu, cela vient d'un Soufre qui n'est pas fixe, et qui est adustible, qu'ils ont renfermé en eux. Et quoique Vénus ait beaucoup de ce Soufre, et que Mars en ait peu, néanmoins, comme ce qu'il en a est presque fixe, c'est ce qui est cause qu'on ne peut pas ôter à Mars cette noirceur.Nous avons fait voir ci-dessus que le Soufre qui n'est pas fixe est ce qui fait, et ce qui facilite la fusion des Métaux; et qu'au contraire le Soufre fixe n'a nulle fusion, et qu'il l'empêche. Mais il n'en est pas ainsi de l'Argent-vif fixe. Car quelque fixité qu'il ait, il ne s'enfuit pas pour cela qu'il ne fasse point de fusion, ni qu'il l'empêche de se faire. Je puis porter témoignage de cette vérité. Car par quelque moyen que j'aie pu imaginer de faire la fusion, je n'ai jamais pu tenir le Soufre en fusion après l'avoir fixé. Au lieu qu'ayant fixé de l'Argent-vif, après l'avoir sublimé plusieurs fois avec du Soufre fixe; ce Soufre a été par ce moyen rendu bien fusible.Ce qui fait voir évidemment que plus les Corps ou Métaux ont d'Argent-vif, plus ils sont parfaits; et que ceux qui en ont le moins, ont aussi moins de perfection. C'est pourquoi je t'avertis que (pour faire le Magistère) tu dois faire en sorte en toutes tes Opérations, que dans la Composition il y ait toujours plus d'Argent-vif que du Soufre. Et que si tu peux faire l'Œuvre de l'Argent-vif tout seul, tu auras trouvé la perfection qui est la plus précieuse, et qui surpasse de beaucoup tout ce que la Nature peut faire de plus parfait. Car par elle tu pourras purifier les Corps imparfaits, jusque dans leur profondeur, et dans leur intérieur, ce que la Nature ne saurait faire. Or on doit juger que les Corps qui ont le plus d'Argent-vif sont les plus parfaits, parce qu'ils reçoivent plus facilement l'Argent-vif que les autres, et qu'ils s'y attachent mieux. Car nous voyons que les Corps parfaits reçoivent aimablement l'Argent-vif comme étant de leur même nature.On voit par les choses que nous avons dites ci-devant, que dans les Corps ou Métaux, il y a de deux sortes de Soufre. L'un qui est caché dans la profondeur de l'Argent-vif, et qui y est dès le commencement de sa conformation, et l'autre qui survient à l'Argent-vif après qu'il est déjà fait. On ne peut lui ôter ce dernier qu'avec bien de la peine : mais il est impossible de lui ôter le premier par le moyen du feu, de quelque artifice qu'on se serve, et quelque opération qu'on fasse pour cela, à cause que ce Soufre est intimement uni à lui, et qu'il est né avec lui. L'expérience confirme ce que nous venons de dire. Car nous voyons que le feu détruit le Soufre adustible des Métaux : mais il ne saurait leur ôter leur Soufre fixe. Ainsi, quand nous disons qu'on peut purifier les Métaux en les calcinant, et en leur faisant reprendre Corps, cela se doit entendre qu'on peut les dépouiller de leur Substance terrestre, laquelle n'est pas unie intimement à eux, ni dans le profond de leur nature. Car de prétendre par le moyen du feu, séparer les choses qui sont intimement unies, cela ne se peut, si ce n'est par le moyen de la Médecine de l'Argent-vif, qui couvrirait et tempérerait cette Terre ou ce Soufre, ou qui la séparerait du Composé. Car on sépare en deux manières la Substance terrestre ou sulfureuse, qui est intimement unie à la nature du Corps ou du Métal. Premièrement par la Sublimation qu'on en fait avec la Tutie et la Marcassite, lesquelles élèvent la Substance de l'Argent-vif, et laissent le Soufre en bas. Ce qu'elles font par la ressemblance qu'elles ont, tant avec l'Argent-vif qu'avec le Soufre, n'étant que deux fumées qui sont composées d'Argent-vif et de Soufre; mais qui ont beaucoup plus du premier que du dernier. Et cela se voit par expérience : parce que si vous les mêlez par une forte et prompte fusion avec les Corps, les Esprits qu'elles contiennent enlèveront les Corps avec eux, et les réduiront en fumée. Et par ainsi ces deux Esprits séparent des Corps cette terre sulfureuse. Secondement, on peut séparer cette Substance terrestre, qui est dans le Métal, en le lavant et l'amalgamant avec l'Argent-vif, comme nous l'avons dit ci-devant. Et la raison en est parce que l'Argent-vif ne s'attache et ne retient que ce qui est de sa nature, et laisse tout ce qui n'en est pas.
CHAPITRE IX
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De la Nature de Jupiter ou de l'Etain.
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Revenons à la composition des Métaux. Si le Soufre, qui en est l'un des Principes, a un peu de fixité, s'il a une blancheur impure, et s'il en a moins que d'Argent-vif, si l'Argent-vif est impur, en partie fixe et en partie volatil, et s'il n'a qu'une blancheur impure et imparfaite, de ce mélange il se fera de l'Etain.Les Opérations que l'on fait sur ce Métal pour le préparer (c'est-à-dire pour lui ôter ses impuretés) font voir qu'il est composé de la sorte. Car en le calcinant, on sent la mauvaise odeur du Soufre qui en sort; ce qui marque qu'il a un Soufre non fixe ou adustible. Que si en s'exhalant, ce Soufre ne fait pas une flamme bleue comme est celle que fait le Soufre vulgaire, lorsqu'il se brûle, il ne s'ensuit pas pour cela qu'il soit fixe, parce que cela ne vient nullement de sa fixité, mais de ce que dans la composition de ce Métal, il y a beaucoup plus d'Argent-vif, lequel par son humidité empêche ce Soufre de brûler si visiblement qu'il puisse faire une flamme.Au reste, il y a deux sortes de Soufres, et deux différents Argent-vifs dans l'Etain. L'un de ces Soufres est combustible, puisque lorsqu'on le calcine, il rend la même odeur que le Soufre vulgaire. L'autre Soufre, qui est plus fixe, et qui pour cette raison n'a point de mauvaise odeur comme le premier, se voit dans la chaux de ce Métal, laquelle demeure dans le feu sans se brûler ni se consumer.On remarque tout de même deux Argent-vifs dans l'Etain : l'un qui n'est pas fixe, et qui lui donne le cric, et l'autre fixe, qui ne lui en donne point. L'expérience nous fait voir le premier. Car avant que l'Etain soit calciné, il a le cric, et après avoir été calciné trois fois, il ne l'a plus. Ce qui vient de ce que son Argent-vif volatil, qui faisait le cric, s'est exhalé dans la Calcination. Or il est certain que c'est l'Argent-vif volatil de l'Etain qui lui donne le cric. Car si on lave du Plomb avec de l'Argent-vif, et qu'après l'avoir lavé, on le fasse fondre à un feu, qui ne soit pas plus fort qu'il doit l'être pour fondre le Plomb, il demeurera une partie d'Argent-vif avec le Plomb, qui lui donnera le cric, et le changera en Etain. Cela se voit tout de même dans la transmutation qui se fait de l'Etain en Plomb. Car si on calcine plusieurs fois l'Etain avec le Plomb, et si on lui donne un feu propre à lui faire reprendre Corps, il se convertira en Plomb. Et cette transmutation se fera plus facilement si, lorsque l'Etain est en fusion, on lui ôte les pellicules qui se forment au-dessus, et si on les calcine à fort feu. Mais vous serez encore assurés que ces différentes Substances se rencontrent dans l'Etain si vous pouvez trouver l'invention de le conserver dans des vaisseaux propres pour cela, et de faire la séparation de ces Substances, par le moyen d'un certain degré de feu, comme je l'ai fait, après l'avoir découvert avec beaucoup de peine et de travail. Ce qui m'a fait connaître que j'avais eu raison de croire que ce Métal était composé de toutes ces différentes Substances.Que si vous me demandez ce qu'il reste de l'Etain, après qu'on l'a dépouillé de ces deux Substances, qui ne sont pas fixes, c'est-à-dire après qu'on lui a ôté son Soufre combustible et son Mercure volatil, je vais vous le dire, afin de vous faire connaître parfaitement la composition de ce Métal. Sachez donc qu'après cela il reste un Corps livide et pesant comme le Plomb, mais qui est plus blanc. Ainsi c'est un Plomb très pur, dans la composition duquel les deux Principes, l'Argent-vif et le Soufre, sont également fixes, quoiqu'ils ne soient pas tous deux égaux en quantité; parce qu'il y a plus d'Argent-vif dans cette composition, comme on le peut connaître par la facilité qu'à l'Argent-vif a y entrer, tout tel qu'il est en sa nature. Ce qui ne se ferait pas si facilement si l'Argent-vif n'y était pas en plus grande quantité. C'est pour cette raison que l'Argent-vif ne s'attache à Mars que par un très grand artifice; ni à Vénus non plus, à cause du peu d'Argent-vif qu'ont ces deux Métaux dans leur composition. Néanmoins Vénus, ayant plus d'Argent-vif que Mars, comme il se voit en ce qu'elle est aisée à fondre, au lieu que Mars ne se fond qu'avec une extrême difficulté; l'Argent-vif, par conséquent, ne doit s'attacher que très difficilement à Mars, et plus facilement à Vénus.Or quand j'ai dit que dans ce Corps, que j'ai appelé Plomb très pur, les deux Substances qui en font ,la composition étaient fixes, j'ai voulu dire que leur fixation s'approchait d'une forte fixation, et non pas qu'elles demeurassent toujours fixes à toute épreuve. Et pour preuve de cela, si l'on calcine ce Plomb très pur, et qu'on en tienne la Calcination, ou la chaux, dans un feu violent, ce feu ne séparera point ces deux Principes l'un d'avec l'autre; mais la Substance de ce Corps montera, et se sublimera toute entière, quoique néanmoins plus purifiée qu'elle n'était.Au reste, la Substance du Soufre adustible est plus aisée à séparer dans l'Etain que dans le Plomb : comme il se voit en ce que Jupiter s'endurcit, qu'il se calcine, et que son éclat s'augmente facilement. Ce qui nous a fait connaître que son Soufre adustible et son Mercure volatil (qui sont les deux choses qui le corrompent et qui l'infectent) ne sont pas de sa première composition, ni exactement unies avec ses Principes, mais qu'elles surviennent après qu'il est déjà formé. Et c'est pour cela qu'on les en peut facilement séparer, et que les divers changements qu'on donne à ce Métal, c'est-à-dire sa Modification, son Endurcissement et sa Fixation, ne sont plus promptement que dans le Plomb. Et il est aisé de deviner pourquoi cela se fait, si l'on considère tout ce que j'ai dit ci-devant, et la remarque particulière que j'ai faite. Car après l'avoir calciné et remis en Corps, lui ayant donné un feu fort et violent, j'ai vu, par les vapeurs qui s'élèvent dans sa Sublimation, qu'il devenait orangé, ce qui est une propriété du Soufre qui est fixe, et qui souffre la calcination. Tellement que de cette expérience, laquelle j'ai trouvée fort assurée, et qui m'a confirmé dans mon opinion, j'ai jugé que ce Métal avait beaucoup de Soufre fixe dans sa composition. C'est pourquoi j'exhorte tous ceux qui auront envie de connaître la vérité en notre Science, de travailler soigneusement pour découvrir, et pour être convaincus de tout ce que je viens d'avancer; et de ne cesser leur recherche et leur étude, jusqu'à ce qu'ils aient acquis la connaissance des Principes des Corps et des propriétés des Esprits, et qu'ils en aient une certitude entière, sans se contenter de simples conjectures. Je leur en donne la facilité par la manière dont je l'ai enseignée dans ce Livre, l'ayant dit suffisamment, et autant qu'il est nécessaire pour notre Art.
CHAPITRE X
De la Nature de Saturne, ou du Plomb.
Il ne nous reste plus à faire que la description de Saturne. Ce Métal n'est en rien différent de Jupiter, si ce n'est que sa Substance, est plus impure, à cause qu'il est composé d'un Argent-vif et d'un Soufre plus grossier, et que son Soufre combustible est plus fortement attaché à la Substance de l'Argent-vif qu'il ne l'est dans Jupiter. Et enfin qu'il y a plus de Soufre fixe dans sa composition. Nous en allons rapporter les causes, et les prouver par des expériences convaincantes.Premièrement, il n'y a qu'à considérer ces deux Métaux pour juger que Saturne a plus de terrestréité et de fèces que Jupiter. Cela paraît encore en ce que la première fois Saturne se calcine plus facilement que Jupiter. Ce qui est une marque qu'il a beaucoup plus de terrestréité. Car l'expérience nous fait voir que les Corps qui ont le plus de terrestréité se calcinent plus facilement; et que ceux qui en ont le moins sont plus difficiles à calciner parfaitement le Soleil. Enfin, il se vérifie que Saturne a plus de terrestréité et de fèces que Jupiter, en ce que sa noirceur et son impureté ne se purifient ni ne s'en vont point en le calcinant, et en le remettant plusieurs fois en corps : comme l'on voit que cela se fait dans Jupiter. Ce qui est une preuve que Saturne a beaucoup plus d'impureté dans les Principes de sa composition.En second lieu, il est aisé de juger que tout ce que Saturne a de Soufre combustible est plus fortement uni à la Substance de son Argent-vif qu'il ne l'est dans Jupiter. Parce que par l'évaporation il ne saurait se séparer si peu de ce mauvais Soufre (pourvu que la quantité en soit un peu considérable) qu'il ne paraisse d'une couleur orangée et fort teinte : outre que ce qui demeure même de ce Soufre au fond du Vaisseau est de même couleur. Ainsi il faut nécessairement de trois choses l'une, ou que Saturne n'ait point de Soufre qui soit combustible; ou qu'il en ait bien peu; ou enfin que ce qu'il en a soit fortement uni avec le Soufre fixe dans sa première composition. Or on ne peut pas douter, que non seulement il a un mauvais Soufre, et qu'il n'en a pas peu, mais même qu'il en a beaucoup, puisqu'il a l'odeur de ce Soufre; qu'il conserve longtemps cette odeur, et qu'il est bien difficile de la lui faire perdre. Ce qui nous a fait connaître évidemment que son Soufre combustible est assurément uni très exactement avec son Soufre incombustible, lequel approche fort de la nature du Soufre fixe : en sorte que ces deux Soufres étant mêlés et unis avec son Argent-vif, ils ne font tous ensemble qu'une seule Substance homogène, c'est-à-dire qui est tout de même nature. Et de là vient que quand la nature du Soufre combustible de ce Métal vient à s'élever, elle monte nécessairement avec le Soufre incombustible, n'y ayant que lui qui puisse faire la couleur orangée.Nous avons dit en troisième lieu qu'il y a plus de Soufre incombustible dans Saturne que dans Jupiter. Ce qui est si vrai que dans la préparation que l'on donne à la Chaux de ces deux Métaux (en les tenant l'une et l'autre quelque temps dans le feu), on voit que celle de Saturne devient toute orangée, au lieu que celle de Jupiter ne fait que blanchir. Ce qui nous a fait connaître la cause pour laquelle Jupiter s'endurcit plutôt par la Calcination, et pourquoi il ne perd pas si aisément la facilité qu'il a à se fondre que fait Saturne. Car cela vient de ce que Saturne a plus de Soufre et d'Argent-vif fixes, qui est ce qui fait la dureté des métaux.Or il y a deux choses qui font et qui donnent la fusion : l'Argent-vif et le Soufre adustible. L'une desquelles, qui est l'Argent-vif, est suffisante pour donner une fusion parfaite, à quelque degré de feu que ce puisse être; soit qu'il faille que les Métaux rougissent auparavant que de se fondre; soit qu'ils puissent être fondus sans cela. C'est pourquoi, comme dans Jupiter il y a beaucoup d'Argent-vif qui n'est pas fixe, il a aussi une grande facilité à se fondre fort promptement, et il est difficile de la lui ôter.La mollesse des Métaux vient tout de même de deux causes, qui sont un Argent-vif qui n'est pas fixe, et un Soufre combustible. Et par ce qu'on ôte plus facilement le Soufre combustible à Jupiter qu'à Saturne, l'une des causes qui le rendent mou lui étant ôtée par la Calcination, il faut nécessairement qu'il s'endurcisse; au lieu que les deux choses qui font la mollesse, étant fortement unies dans la composition de Saturne (et par conséquent, ni l'une ni l'autre ne lui pouvant être ôtée qu'avec difficulté), cela est cause qu'il ne peut pas s'endurcir si aisément. Il y a néanmoins cette différence entre la mollesse qui vient de l'Argent-vif, et celle que fait le Soufre combustible; que celle-ci est cassante et ployante; au lieu que celle que fait l'Argent-vif s'étend et s'allonge beaucoup. Et cela se voit manifestement par l'expérience. Car il est certain que les Corps ou Métaux, qui ont quantité d'Argent-vif, ont une grande extension; et qu'au contraire ceux qui ont peu d'Argent-vif ne peuvent guère être étendus. C'est ce qui fait que Jupiter s'étend plus facilement et plus délicatement que Saturne; Saturne plus que Vénus; celle-ci plus que Mars; la Lune plus que Jupiter, et le Soleil beaucoup plus que la Lune.C'est donc l'Argent-vif et le Soufre fixes qui donnent la dureté aux Métaux : Et ce qui fait leur mollesse, ce sont les deux causes opposées à celle-là; c'est-à-dire l'Argent-vif volatil, et le Soufre combustible. Et c'est le Soufre qui n'est pas fixe, et l'Argent-vif, quel qu'il soit, fixe ou volatil, qui leur donnent la fusion. Mais le Soufre qui n'est pas fixe donne nécessairement la fusion au Métal sans qu'il rougisse, comme on le voit par l'Arsenic (qui est un Soufre combustible) et qui étant projeté sur les Métaux difficiles à fondre, leur donne la fusion sans qu'il soit nécessaire qu'ils rougissent auparavant.L'Argent-vif, qui n'est pas fixe, rend tout de même les Métaux aisés à fondre. Mais l'Argent-vif fixe ne donne la fusion au Métal qu'après que ce Métal s'est enflammé et qu'il a rougi. Et partant, c'est le Soufre fixe qui retarde et qui empêche la fusion de quelque Métal que ce soit.Ce qui nous découvre un grand Secret. Car puisque l'on trouve par l'expérience que les Métaux qui ont le plus d'Argent-vif sont les plus parfaits, il s'ensuit nécessairement que les Métaux imparfaits qui ont le plus d'Argent-vif s'approchent aussi le plus de la perfection, et de la nature des parfaits. Et par conséquent, plus les Métaux auront de Soufre, plus ils seront impurs et imparfaits. D'où l'on doit inférer qu'entre les imparfaits, Jupiter est celui qui s'approche le plus des Corps parfaits puisqu'il a le plus d'Argent-vif, qui est ce qui fait la perfection, et que par cette même raison Saturne en est moins proche; Vénus moins que Saturne, et Mars moins que pas un. Cela s'entend si l'on considère ces Métaux à l'égard de ce qui fait la perfection. Car ce serait toute autre chose, si on les considérait par rapport à là Médecine qui les parfait, qui supplée à ce qui leur manque, qui les pénétrant jusque dans l'intérieur, raréfie leur épaisseur, et qui pallie et qui couvre leur noirceur et leur impureté par un éclat et un brillant qu'elle leur communique : Parce qu'à cet égard Vénus est plus capable de recevoir la perfection par le moyen de cette Médecine; Mars la peut moins recevoir qu'elle; Jupiter moins que Mars; et Saturne a le moins de tous de disposition à la recevoir.Cette diversité des Métaux et les Opérations que l'on a fait sur eux, nous ont appris que pour leur donner la perfection, il fallait les préparer différemment, et qu'ils avaient besoin de différentes Médecines pour cela. Car on a vu que les Métaux durs, et qui rougissent au feu, avaient besoin d'une Médecine qui pût les ramollir et raréfier leur Substance intérieure trop serrée, et la rendre uniforme et toute égale partour : Et qu'au contraire aux Métaux mous, et qui ne rougissent point au feu, il fallait une Médecine qui les endurcît, les resserrât et qui épaissit leur Substance interne et cachée. Nous allons voir quelles sont ces Médecines, nous dirons quels sont leurs effets, et ce qui a été cause qu'on les a inventées, ce qu'elles laissent d'imparfait dans les Métaux, et ce à quoi elles peuvent donner la perfection.
SECONDE PARTIE DU SECOND LIVRE
Des médecines en général, et de la nécessité d'une Médecine universelle qui donne la perfection à tous les Métaux imparfaits, et d'où elle se peut mieux prendre, et plus prochainement.
CHAPITRE XI
Qu'il doit nécessairement y avoir deux sortes de Médecines, tant pour chaque Corps imparfait que pour l'Argent-vif, l'une au Blanc, l'autre au Rouge;mais qu'il n'y en a qu'une seule très parfaite, qui rend toutes les autres inutiles.
Nous avons dit ci-devant que les Esprits avaient plus de conformité avec les Corps que quoi que ce soit. Et la raison que nous en avons apportée, c'est qu'ils s'unissent mieux et plus amiablement à eux que nulle autre chose qui soit dans la Nature. Ce qui m'a donné la première notion que les Esprits devaient être la véritable Médecine pour altérer et changer les Corps. Et c'est cela même qui fut cause que j'employai toute mon industrie pour trouver l'artifice de transmuer véritablement, par le moyen des Esprits, chaque Corps imparfait en Lune et en Soleil véritables et parfaits. Je crus donc qu'il fallait faire nécessairement différentes Médecines de ces Esprits, selon la diversité des choses qui devaient être transmuées. Car y ayant de deux sortes de ces choses-là, l'Argent-vif, qui est un Esprit, et qui doit être coagulé et fixé parfaitement, et les Corps qui n'ont pas la perfection, c'est-à-dire les Métaux imparfaits; et ces Métaux n'étant pas d'ailleurs tous semblables, puisque les uns sont durs et rougissent au feu, tels que sont Mars et Vénus, et les autres sont mous, qui ne rougissent point, comme sont Jupiter et Saturne : il faut nécessairement que la Médecine, qui doit donner la perfection à tant de choses différentes, soit aussi différente elle-même. Ainsi il faut une Médecine particulière pour fixer et parfaire l'Argent-vif, laquelle soit différente de celle qui doit donner la perfection aux Métaux imparfaits. Et à l'égard de Vénus et de Mars, qui rougissent au feu, il faut une autre Médecine particulière pour eux, et qui soit différente de celle de Jupiter et de Saturne, qui sont mous, et qui ne rougissent point; parce que la nature de ces Métaux étant visiblement différente, il est certain que pour les rendre parfaits, il leur faut des Médecines de différentes sortes. D'ailleurs, quoique Mars et Vénus aient cela de commun entre eux, que tous deux sont durs, ils ont néanmoins chacun des propriétés particulières qui les dont différer. Car Mars n'est pas fusible, et Vénus l'est. Mars est entièrement livide, plein de crasses et d'impuretés; et Vénus, non. Mars a une blancheur obscure, et Vénus une rougeur impure et une verdeur. En quoi l'on voit une grande différence. De sorte que ces deux Métaux étant différents en tant de choses, il faut de nécessité que la Médecine qui doit leur donner la perfection soit pareillement différente. Il en est de même de Jupiter et de Saturne. Car quoique tous deux conviennent en ce qu'ils sont mous, ils ne le sont pas nécessairement de la même manière; et ils diffèrent encore en plusieurs autres choses. Par exemple, Jupiter est net, et Saturne ne l'est pas : ainsi la Médecine qui doit les perfectionner ne doit pas être la même. De plus, l'Argent-vif et les Métaux imparfaits qui peuvent être changés sont transmués en Lune ou en Soleil : ainsi il faut nécessairement qu'il y ait une Médecine rouge qui les transmue en Soleil, et une blanche qui les change en Lune. De manière qu'y ayant deux Médecines, l'une Solaire et l'autre Lunaire, pour chacun des quatre Métaux imparfaits, il y aura par conséquent huit sortes de Médecines pour la transmutation de ces Métaux. Et parce que l'Argent-vif peut être changé tout de même en Soleil et en Lune, il y aura donc encore deux Médecines particulières pour lui. Et ainsi ce feront en tout dix Médecines nécessaires pour donner la perfection, tant à l'Argent-vif qu'aux Métaux imparfaits; ce que j'ai trouvé avec beaucoup de peine et de travail.Mais après avoir longtemps travaillé, et après une étude opiniâtre et une longue et profonde méditation, et de grandes dépenses, j'ai enfin trouvé une seule Médecine qui nous exempte de travailler à toutes celles dont nous venons de parler. Car elle ramollit le Métal qui est dur, et endurcit celui qui est mou; elle fixe ce qu'ils ont de volatil, elle purifie ce qu'ils ont d'impur, et leur donne enfin une Teinture et un éclat qu'on ne saurait exprimer; cette Teinture étant plus belle, et cet éclat plus brillant que la Teinture et l'éclat que la Nature donne aux deux Métaux parfaits.Nous traiterons par ordre et en particulier de ces Médecines; nous en dirons la composition et les causes, et nous n'avancerons rien que nous ne prouvions par expérience. Pour cet effet, nous parlerons premièrement des dix Médecines particulières, et nous dirons en premier lieu qu'elles sont celles des Métaux imparfaits; ensuite celle de l'Argent-vif, et nous finirons par la Médecine Universelle du Magistère, qui donne généralement la perfection à tous. Mais parce que les Métaux imparfaits ont besoin d'être préparés auparavant que de recevoir la perfection, pour ne pas donner sujet à personne de se plaindre, que par envie nous ayons celé ou retranché quelque chose de notre Science, nous commencerons par dire la préparation qu'il faut donner aux Métaux imparfaits, pour les disposer à recevoir la perfection, soit au Blanc, soit au Rouge : après quoi nous traiterons de toutes les Médecines, et nous en dirons tout ce qu'il sera nécessaire d'en savoir.
CHAPITRE XII
Qu'il faut donner une préparation particulière à chaque Métal imparfait.
Il est aisé de connaître, par les choses que nous avons dites ci-devant, ce que c'est que la Nature, en travaillant à la production des Métaux, laisse de superflu ou de défectueux en chacun de ceux qui sont imparfaits. Car nous avons découvert la plus grande partie de leur nature, et ce que nous en avons dit suffirait pour les faire assez connaître. Mais parce que nous n'avons pas donné une idée de ces Métaux entière et accomplie, nous achèverons de mettre ici ce que nous avons omis, lorsque nous avons en traité dans le Livre précédent.Comme il y a donc deux sortes de Corps imparfaits qui peuvent être changés, deux mous, Jupiter et Saturne, qui ne rougissent point au feu, deux autres durs. Mars et Vénus, qui ne son point fusibles, ou qui ne le sont au moins qu'après avoir rougi, il est certain que le Nature nous apprend par la différence qu'elle a mise entre eux, que nous devons aussi les préparer différemment : Or les deux premiers Corps imparfaits, que nous avons dit être de même nature, je veux dire le Plomb noir, que dans notre Art on appelle Saturne, et le Plomb blanc qui a le cric, et que nous nommons ordinairement Jupiter, sont néanmoins bien différents, tant dans leur essence profonde et cachée, que dans leur apparence et leur extérieur. Car Saturne est manifestement livide, pesant, noir, sans cric et sans aucun son : au lieu que Jupiter est blanc, quoiqu'un peu noirâtre, qu'il a le cric, et qu'il a un petit son clair, comme nous l'avons fait voir ci-devant, par les expériences que nous en avons rapportées, et par la déclaration de, leurs propres causes : Et ce sont là autant de différences par lesquelles un Artiste judicieux peut considérer les préparations qu'on leur doit donner, et dans l'ordre qu'on les leur doit donner, selon que ces différences sont ou moindres ou plus grandes.Nous traiterons de toutes ces préparations de suite. Nous commencerons par celle des Métaux mous, et nous dirons premièrement celles de Saturne; puis nous viendrons à Jupiter, qui a une autre sorte de mollesse que Saturne; nous continuerons par les autres Métaux, et nous finirons par les préparations que l'on doit donner à l'Argent-vif pour le coaguler. Mais il faut remarquer auparavant que dans la préparations des Corps ou Métaux imparfaits, il n'y a rien de superflu à leur ôter de leur intérieur, mais de leur extérieur seulement.
CHAPITRE XIII
Que la Médecine doit ajouter ce qui est de défectueux dans les Métaux imparfaits; et que la préparation, qu'on leur donne pour recevoir cette Médecine, doit ôter ce qu'ils ont de superflu.
On donne diverses préparations à Saturne, et à Jupiter aussi, selon qu'ils sont dans un degré ou plus proche ou plus éloigné de la perfection. Or il y a deux choses qui causent leur imperfection : L'une qui leur est naturelle, étant profondément enracinée en eux, et unie essentiellement aux Principes de leur composition; et c'est la terrestréité de leur Soufre, et l'impureté de leur Argent-vif. L'autre survient à cette première mixtion, ou à ce premier mélange de leurs Principes, et ce n'est autre chose qu'un Soufre combustible et impur, et un Argent-vif sale et plein d'ordure, qui sont des choses du premier genre (c'est-à-dire de la nature des Esprits), qui corrompent la Substance de Saturne et de Jupiter. Pour la première, il est impossible de la leur pouvoir ôter, par quelque Médecine que ce soit du premier ordre, c'est-à-dire par nulle des huit Médecines particulières, quelque industrie qu'on y apporte; mais on peut avec peu d'artifice en séparer la dernière.Et la raison pourquoi l'on ne saurait ôter à ces deux Métaux les impuretés dont nous venons de parler, c'est qu'elles sont si intimement unies avec les Principes naturels de ces Corps, qu'elles sont de leur Essence, et ne font qu'une même Essence avec eux. Et comme il n'est pas possible de détruire l'Essence d'une chose, et qu'elle demeure toujours la même, aussi est-il impossible d'ôter à ces Métaux ces impuretés essentielles qui les corrompent. C'est pourquoi quelques Philosophes ont cru que de cette manière on ne pouvait point perfectionner ces Métaux par l'Art.Pour moi, lorsque je cherchais la Science, j'avoue que je suis demeuré court en cet endroit, aussi bien qu'eux; et que par nul moyen ni par nulle préparation que j'aie pu imaginer, je n'ai jamais pu donner aux Métaux imparfaits un éclat véritable et parfait : au contraire, tout ce que je faisais ne servait qu'à les gâter et à les noircir entièrement. Ce qui m'étonna fort, et je désespérais pendant longtemps de pouvoir y réussir; mais enfin étant rentré en moi-même, après m'être bien rompu la tête à rêver là-dessus, je vins à considérer que les Métaux imparfaits étaient sales et impurs dans le profond de leur nature, et que l'on ne pouvait trouver rien de brillant, ni de resplendissant en eux, puisqu'il n'y avait rien de semblable dans leur composition naturelle, étant impossible de trouver dans une chose ce qui n'y est pas. Et de là je tirais cette conséquence : Puisque, dis-je, ces Métaux n'ont rien de parfait, il faut nécessairement que ni dans la séparation que l'on en ferait en diverses Substances, ni dans le profond de leur nature, l'on ne puisse rien trouver de superflu. Et par ce moyen je jugeai qu'il devait y avoir en eux quelque chose de manque, qu'il fallait suppléer et remplacer par une Matière ou Médecine qui lui fût propre et convenable, et qui pût ajouter ce qu'il y avait de défectueux. Or le défaut de ces Métaux est d'avoir trop peu d'Argent-vif, et de ce que le peu qu'ils en ont, n'est pas si condensé ni si resserré qu'il devrait l'être. Et par ainsi, pour les parfaire et les achever, il faut augmenter leur Argent-vif, le resserrer, et lui donner une fixation stable et qui demeure à toute épreuve. Ce qui se fait par une Médecine faite de l'Argent-vif lui-même. Car quand elle est parfaite du seul Argent-vif, alors par sa splendeur et par son éclat, elle pallie et couvre leur noirceur, et elle la change en une splendeur brillante; parce que l'Argent-vif, qui est changé en Médecine, étant purifié par notre Art, et réduit en une Substance très pure et très éclatante, si on en fait la projection sur les Corps imparfaits, il les rendra éclatants et leur donnera la perfection qui leur manque, par le moyen de sa fixation; et par sa pureté il les transmuera et les perfectionnera entièrement. Nous dirons dans la suite quelle est cette Médecine, dans un Chapitre que nous ferons particulièrement pour cela.Ainsi de ce que nous venons d'établir, on doit inférer qu'il faut nécessairement trouver deux sortes de perfections; l'une, qui se fasse par une Matière, laquelle sépare du Composé la Substance qui est impure; l'autre, par une Médecine qui couvre et pallie cette impureté par le brillant de sa splendeur, et qui lui donne la perfection, en la rendant belle et éclatante. Au reste, comme l'on ne peut rien trouver de superflu, mais seulement quelque chose de manque dans l'intérieur et l'essence des Corps imparfaits, s'il y a quelque chose à leur ôter, c'est de l'extérieur et de l'apparence de ces Corps qu'il faut ôter ce qui leur survient, après qu'ils sont déjà faits et composés. Et cela se fait par diverses préparations que nous allons rapporter. Nous commencerons par celles de Jupiter et de Saturne, dont nous parlerons conjointement dans le même Chapitre; puis nous traiterons de celles des autres Corps imparfaits selon leur rang.
CHAPITRE XIV
De la préparation de Saturne et de Jupiter.
On donne différentes préparations à Saturne et à Jupiter, selon qu'ils ont plus ou moins le besoin de s'approcher de la perfection. Ces préparations se réduisent pourtant à deux; l'une qui est générale, et l'autre particulière. La générale se peut faire de différentes manières, par le moyen desquelles, comme par autant de degrés, les Métaux imparfaits s'approchent de la perfection. Le premier de ces degrés consiste à leur donner l'éclat, et à bien purifier leur Substance. Le second, à les endurcir, en sorte qu'ils rougissent au feu avant que de se fondre. Et le troisième à les fixer, en leur ôtant leur Substance fugitive ou volatile. Or on les purifie et on les rend éclatants par trois moyens : ou par des choses qui ont la vertu de les purifier, ou en les calcinant et en leur faisant reprendre Corps, ou en les dissolvant. Les choses qui les purifient le font, ou lorsqu'ils sont réduits en chaux, ou étant en Corps. On purifie leur chaux, ou avec des Sels, ou avec des Aluns, ou avec du Verre. Ce qui se fait de cette manière. On calcine le Métal, après quoi on jette sur sa chaux de l'eau d'Alun, ou de Sels toute pure, ou dans laquelle on aura mis du verre en poudre : et ensuite on fait reprendre corps à cette chaux; et on réitère cette opération jusqu'à ce que le Métal paraisse être parfaitement purifié. Ce qui se fait parce que les Sels, les Aluns et le Verre ayant toute une autre fusion que n'ont les Métaux, ces choses-là se séparent d'eux, et en se séparant, elles emportent avec elles leur Substance terrestre, laissant de cette manière les Corps tous purs. Saturne et Jupiter, demeurant en corps et sans être calcinés, sont encore purifiés de cette même sorte. Pour cet effet, on les réduit en limaille très subtile, que l'on mêle tout de même avec les eaux d'Aluns, ou de Sels, et la poudre de Verre : Puis on remet cette limaille en corps (par la fusion), et l'on refait cette opération jusqu'à ce que ces deux Métaux paraissent être bien purifiés. Il y a encore une autre façon de les purifier, en les lavant avec de l'Argent-vif, de la manière que nous l'avons dit ci-devant, dans le Chapitre onzième.Ces deux Métaux se purifient encore d'une autre façon, en les calcinant et en leur faisant reprendre corps avec un degré de feu proportionné, et propre à faire cette opération, laquelle l'on réitère jusqu'à ce qu'ils paraissent plus nets. Car par ce moyen on ôte à ces deux Corps imparfaits deux sortes de Substances qui les corrompent et les infectent; l'une qui est inflammable et volatile, et l'autre grossière et terrestre; à cause que le feu élève et consume tout ce qui est volatil. Et lorsqu'on remet ces Métaux en Corps par la fusion, le feu bien proportionné en sépare tout de même la terrestréité. On trouvera la manière de donner cette proportion au feu dans notre Livre de la Recherche de la perfection, qui est devant celui-ci. Car dans ce Livre-là j'ai mis toutes les recherches que j'ai faites par mes raisonnements, comme j'ai écrit en celui-ci les opérations et les expériences que j'ai faites, et que j'ai vu de mes yeux, et touché de mes mains, sans en avoir rien retranché, et je l'ai mis dans l'ordre que la Science le demande.Il y a encore un autre moyen pour purifier Saturne et Jupiter, qui est de les dissoudre, comme nous l'avons déjà dit, et de faire reprendre corps à ce qui en aura été dissous. Car de cette manière il se purifie mieux que par quelque autre voie que ce soit : Et ainsi elle vaut mieux que pas une, hormis celle qui se fait par la Sublimation, qui est la meilleure de toutes.Nous avons dit que l'un des degrés qui approchait ces deux Métaux de la perfection était l'endurcissement de leurs Substances molles; tellement qu'ils deviennent si durs par cette préparation, qu'ils ne se puissent fondre qu'après avoir rougi au feu. Pour faire cet endurcissement, il faut trouver le moyen d'unir intimement à leur Substance de l'Argent-vif, ou du Soufre, ou de l'Arsenic qui lui ressemble, et qu'ils soient fixes : ou bien de mêler avec eux des choses dures et qui ne soient pas fusibles, telles que sont la chaux, les Marcassites et les Tuties. Car tout cela s'unit si bien avec eux qu'ils s'embrassent mutuellement, parce qu'ils s'entr'aiment : Et par ce moyen ces Métaux s'endurcissent de telle sorte qu'ils ne se fondent point qu'auparavant ils n'aient rougi. La Médecine qui donne la perfection, et dont je dirai la composition ci-après, fait le même effet. Une autre sorte de préparation que l'on donne à ces deux Métaux, et qui est le troisième degré, c'est, comme nous l'avons dit, de leur ôter leur Substance volatile. Ce qui se fait en les tenant dans un feu bien proportionné pour cela, après leur avoir donné le premier degré par la Calcination.Au reste, ces trois degrés, dont nous venons de parler, se doivent donner par ordre et de suite. Car premièrement il faut ôter à ces deux Métaux tout ce qu'ils ont de volatil et de combustible, qui les corrompt, après quoi il faut les dépouiller de leur terrestréité superflue : et enfin, il faut les dissoudre et les remettre en Corps. Ou bien il faut les laver parfaitement, en les mêlant avec de l'Argent-vif. Pour bien purifier ces deux Métaux, il faut nécessairement suivre cet ordre.Venons maintenant à la préparation particulière de ces deux Corps. On prépare Jupiter différemment. Premièrement, par la Calcination, qui l'endurcit, ce qu'elle ne fait pas à Saturne. Jupiter s'endurcit aussi en le préparant avec l'eau d'Alun, comme nous l'avons dit ci-devant. Secondement, en le tenant longtemps dans son feu de Calcination. Car par ce moyen il perd le cric, et il ne rend plus cassants les autres Métaux avec lesquels on le mêle, comme il faisait auparavant. Ce qui ne se fait pas de même à Saturne, parce qu'il n'a point de cric, et il ne rend point les autres Métaux aigres et cassants comme fait Jupiter. Celui-ci perd encore son cric en le calcinant, et en le remettant en corps par plusieurs fois, comme il fait aussi si l'on verse de l'eau de Sels et d'Aluns sur sa chaux; parce que ces choses lui ôtent le cric par leur acrimonie.La préparation particulière de Saturne se fait pareillement par la Calcination qui s'en fait par l'acrimonie des Sels. Car elle l'endurcit, comme il se blanchit particulièrement avec le Talc, la Tutie, et la Marcassite aussi. J'ai parlé plus au long de toutes ces sortes de préparations dans mon Livre de la Recherche de la perfection, où on les peut voir; car je n'ai fait qu'abréger ici ce que j'en ai dit là plus amplement.
CHAPITRE XV
De la préparation de Vénus.
En suivant l'ordre que nous nous sommes proposé, nous avons maintenant à parier de la préparation de Vénus, et de celle de Mars qui sont les deux Métaux durs. Commençons par Vénus. On la prépare de différentes façons, ou en l'élevant par la Sublimation, ou sans la sublimer. On l'élève en unissant adroitement à elle de la Tutie, avec laquelle elle a plus de conformité; et en la mettant ensuite à sublimer dans un Vaisseau sublimatoire, et par un degré de feu propre à faire élever sa partie la plus subtile, qui se trouve être d'un grand éclat et fort brillante. Ou bien après avoir réduit ce Métal en très menues parties, c'est-à-dire en limaille, on le mêle avec du Soufre, et on le sublime comme nous venons de le dire. On prépare Vénus d'une autre sorte sans la sublimer, soit qu'elle soit en chaux, soit qu'elle soit en corps, par les choses mondificatives, c'est-à-dire qui ont la vertu de purifier, telles que sont la Tutie, les Sels et les Aluns. Ou bien en la lavant avec de l'Argent-vif, comme nous l'avons dit; ou en la calcinant, et lui faisant reprendre corps, ainsi que les Métaux précédents; ou en la dissolvant et en remettant en corps ce qui en aura été dissous; ou enfin on la purifie comme les autres Métaux imparfaits en la lavant avec de l'Argent-vif.
CHAPITRE XVI
De la préparation de Mars.
On prépare aussi Mars de plusieurs manières : ou en le sublimant, ou sans le sublimer. On le sublime avec l'Arsenic, et cette Sublimation se fait ainsi : II faut trouver le moyen d'unir à lui le plus profondément que l'on pourra (c'est-à-dire jusque dans son intérieur), de l'Arsenic, qui ne soit pas fixe, et de le si bien unir qu'il se fonde conjointement avec ce Métal. Après quoi il le faudra sublimer dans un Vaisseau propre pour cela. Cette manière de préparer Mars est la meilleure et la plus parfaite de toutes. On le prépare encore avec de l'Arsenic, en les sublimant plusieurs fois tous deux ensemble, jusqu'à ce que Mars retienne une certaine quantité de cet Arsenic avec lui. Car si après cela on fait reprendre corps à ce Métal, il en sortira blanc, fusible, net et bien préparé.Il y a encore une troisième manière de le préparer, en le fondant avec du Plomb et de la Tutie. Car cela le rend tout de même net et blanc.Mais parce que j'ai promis d'enseigner la manière d'amollir les Corps durs, et d'endurcir les mous par le moyen d'une Calcination particulière, de peur que l'on ne croie que je veuille omettre quelque chose, je vais dire comment cette Opération se doit faire.Premièrement donc pour endurcir les Métaux mous, il faut dissoudre de l'Argent-vif précipité, et dissoudre pareillement le Corps que l'on voudra endurcir après l'avoir entièrement calciné. On mêle ces deux dissolutions ensemble, et de ce mélange on en arrose alternativement le Métal calciné, le broyant, et l'imbibant, le calcinant, et lui faisant reprendre corps, jusqu'à ce qu'il devienne si dur, qu'il ne se puisse fondre qu'il ne rougisse auparavant. On fait la même chose avec la chaux des Corps mous et la Tutie, et la Marcassite que l'on calcine et que l'on dissout, dont ensuite l'on fait les mêmes imbibitions. Et plus ces choses seront pures et nettes, plus le changement qu'elles feront (sur les Corps qu'elles endurciront) sera parfait.Les Corps durs seront ramollis par un artifice tout semblable, que voici : On les mêle et on les sublime avec de l'Arsenic. Et après les avoir sublimés, on les brûle par le degré de feu que j'ai dit, dans mon Livre des Fourneaux, qu'il se fallait servir pour cela. Enfin on les remet en corps avec un feu violent, mais proportionné : et on réitère ces Opérations jusqu'à ce que les Corps s'amollissent dans la fusion, autant qu'ils peuvent l'être à proportion de leur dureté. Toutes ces altérations et ces changements sont du premier ordre, et sans cela la Transmutation des Métaux ne se peut faire.
CHAPITRE XVII
De la manière de purifier l'Argent-vif.
Pour achever toutes les préparations, il nous reste à parler de la modification ou purification de l'Argent-vif, qui est toute la préparation qu'on lui peut donner. Elle se fait en deux manières. La première par la Sublimation, que nous avons enseignée dans le Livre précédent, et la dernière par la Lotion ou Ablution, c'est-à-dire en le lavant. Ce qui se fait ainsi : On met de l'Argent-vif dans un bassin de verre, de grès ou de faïence, et par-dessus on verse du vinaigre jusqu'à ce qu'il surnage. Cela fait, on pose le plat ou bassin sur un feu doux, et on le laisse échauffer, tant que l'on puisse le remuer librement avec le doigt. On le remue donc incessamment, jusqu'à ce qu'il se mette tout en grains aussi menus que de la poudre, et que tout le vinaigre qu'on y aura mis, soit consumé. Après quoi on lave avec de nouveau vinaigre toutes les crasses terrestres, et les ordures qu'il aura laissées dans le plat, et on les rejette. Il faut réitérer cette Lotion, jusqu'à ce que l'Argent-vif soit entièrement dépouillé et nettoyé de sa terrestréité, et qu'il paraisse de couleur d'un très beau bleu céleste. Ce qui sera une marque qu'il aura été assez lavé, et qu'il est bien purifié. Voilà toutes les sortes de préparation. Passons maintenant aux Médecines.
CHAPITRE XVIII
Que la Médecine très parfaite donne nécessairement cinq différentes propriétés de perfection, qui sont la Netteté, la Couleur ou Teinture, la Fusion, la Stabilité, et le Poids Et que par ces effets l'on doit juger de quelle chose on doit prendre cette Médecine.
Nous parlerons premièrement en général des Médecines, de leurs Causes et de leurs Effets, conformément aux expériences que l'on en peut faire. Mais avant toutes choses, voici des Maximes qu'il faut établir, par le moyen desquelles on connaîtra si la Médecine est véritable, et si la Transmutation qu'elle aura faite est parfaite.Premièrement, les Corps imparfaits ne sauraient recevoir la perfection, si la préparation ou la Médecine ne leur ôte tout ce qu'ils ont de superflu; c'est-à-dire leur Soufre inutile et combustible, et leur terrestréité impure; et si dans la fusion ces deux choses ne sont séparées du Métal, dans lequel elles sont mêlées lorsqu'on fait sur eux la projection de la Médecine qui doit le transmuer. Quand on aura trouvé le moyen de faire cette séparation, on pourra dire qu'on a l'une des espèces de la perfection.Secondement, si la Médecine ne donne de l'éclat au Métal imparfait, et si elle ne le change en couleur blanche ou rouge, selon que tu as dessein de le faire : Et si cette couleur n'est accompagnée d'un brillant, et d'une lueur agréable, sois sûr que la Transmutation n'est pas bonne, et que le Métal imparfait que tu as voulu transmuer, n'a pas reçu une véritable ni une entière perfection.Troisièmement, si la Médecine ne donne une fusion au Métal imparfait, telle que l'ont le Soleil et la Lune, et dans le temps précisément que l'ont ces deux Métaux imparfaits, c'est une marque infaillible que la Médecine n'est pas parfaite; et très assurément elle ne demeurera ni ne persévérera point dans les épreuves; mais elle se séparera du Métal sur lequel on l'aura projetée, et elle s'en ira en fumée, comme je le ferai voir évidemment ci-après, lorsque je parlerai de la Coupelle.Quatrièmement, si la Médecine ne demeure, et si le changement qu'elle fait et la Teinture qu'elle donne au Métal imparfait, n'est stable et permanente à toute épreuve, cela ne vaut rien, parce que tout s'en va en fumée.En cinquième et dernier lieu, si la Médecine ne donne au Métal imparfait le véritable poids des Métaux parfaits, le Transmutation que l'on prétend qu'elle fait n'est ni parfaite ni véritable, mais sophistique, n'ayant qu'une apparence trompeuse. Parce que le poids (dans le même volume) est une des marques essentielles de la perfection. Ce sont là les cinq différences de la perfection. Et parce que la Médecine de notre Magistère doit nécessairement communiquer toutes ces propriétés au Métal imparfait et à l'Argent-vif en les transmuant; il est aisé de juger de là de quelle chose il faut la tirer. Car il est certain que cette Médecine ne peut être prise que des choses qui s'unissent le mieux aux Corps Métalliques qui ont plus de conformité avec eux, qui les pénètrent jusque dans l'intérieur, qui s'attachent et s'unissent à eux, et qui par ce moyen les peuvent changer. Or quelque recherche et quelque épreuve que j'aie vu faire dans toutes les autres choses, je n'ai jamais rien trouvé qui ait tant de liaison avec les autres Corps Métalliques, que l'Argent-vif. De manière qu'ayant travaillé sur l'Argent-vif, j'ai reconnu, par l'expérience, qu'il est la véritable Médecine qui donne la perfection aux Métaux imparfaits, et qui les change et les transmue véritablement avec très grand profit.
CHAPITRE XIX
Des préparations qu'il faut donner à la Médecine, afin qu'elle ait toutes les propriétés qu'elle doit nécessairement avoir.
Nous n'avons donc plus qu'à déterminer quelle doit être la Substance de l'Argent-vif, afin d'être une véritable Médecine, et quelles propriétés il doit avoir pour cela. Or comme l'expérience nous a fait voir que l'Argent-vif ne fait nul changement dans les Métaux imparfaits, si lui-même n'est changé auparavant en sa nature : nous avons reconnu par là que nécessairement il doit être préparé pour faire cet effet. Car il ne se mêle point dans l'intérieur des Métaux imparfaits, s'il n'a eu sa préparation particulière, laquelle ne consiste qu'à le rendre tel qu'il puisse se mêler jusque dans le profond et dans l'intérieur du Métal, qui doit être transmué sans pouvoir jamais en être séparé. Or l'Argent-vif ne peut point se mêler de cette manière, s'il n'est rendu extrêmement subtil par la préparation particulière que nous déclarée dans le Chapitre où nous avons traité de sa Sublimation. Mais quand il pourrait se mêler de cette sorte, il ne demeurerait point avec le Métal, et l'impression qu'il ferait sur lui ne subsisterait point s'il n'est rendu fixe. Il ne donnera point aussi l'éclat au Métal qu'il doit nécessairement avoir, s'il est véritablement transmué, et si sa Substance n'est rendue fort éclatante par un artifice particulier, et par une opération qui se fait par le moyen d'un degré de feu propre et convenable. Il ne communiquera pas même aux Imparfaits la fusion des Métaux parfaits, si on ne le fixe de telle manière qu'en cet état il puisse ramollir les Corps durs, et endurcir les mous. Car la fixation doit être si bien ménagée, qu'elle n'empêche pas qu'il ne lui reste assez d'humidité pour pouvoir donner la fusion que nous demandons, et qui est nécessaire.Il faut donc si bien préparer l'Argent-vif, que premièrement il s'en fasse une Substance très brillante et très pure. Puis on le doit fixer avec cette précaution, que l'on sache lui donner le feu si à propos et si juste, que ce feu ne lui laisse d'humidité que ce qu'il en faut pour faire une fusion parfaite, et qu'il consume tout le surplus. Pour cet effet, si l'on en veut faire une Médecine pour ramollir les Métaux qui sont durs et longs à fondre, on doit lui donner au commencement un feu lent, parce que le feu lent conserve l'humidité et donne une fusion parfaite. Que si au contraire on veut, par cette Médecine, endurcir les Métaux mous, on doit faire un feu fort et violent, à cause qu'un tel feu consume, l'humidité et retarde la fusion. Et ce sont là des règles et des Maximes à quoi tout Artiste bien sensé doit soigneusement prendre garde, et les avoir toujours présentes, à quelque Médecine que ce soit qu'il veuille travailler : comme il doit aussi faire plusieurs autres considérations sur le changement du poids, qui se fait dans la Transmutation; et en rechercher la cause et remarquer l'ordre dans lequel ce changement se fait.Or pour ce qui est de la grande pesanteur des Métaux parfaits, elle ne provient que de ce que leur Substance est fort subtile et uniforme, c'est-à-dire toute de même nature. Car par ce moyen, n'y ayant rien entre les parties de ces Métaux qui les sépare et les désunise, c'est cette presse et ce resserrement de parties qui leur donne un si grand poids en si petit volume.
CHAPITRE XX
De la différence des Médecines, et qu'il y en a du premier, du second, et du troisième Ordre.
Ce n'est donc qu'à rendre plus subtiles les Matières sur lesquelles il faut travailler, que l'Artiste doit s'appliquer dans toutes ses Opérations; soit qu'il veuille préparer les Corps imparfaits, soit qu'il ait dessein de faire la Médecine qui doit leur donner la perfection. Car plus les Corps qui seront transmués seront pesants, et plus ils seront trouvés parfaits, par les règles de l'Art et par l'expérience qu'on en fera. Mais parce qu'il y a plusieurs sortes de Médecines, pour en parler utilement, il est nécessaire de les comprendre toutes, et d'en rapporter toutes les différences. Je dis donc qu'il y en a de trois sortes. L'une qui est du premier Ordre, une autre du second Ordre, et une autre enfin du troisième Ordre.J'appelle Médecine du premier Ordre, la préparation, quelle qu'elle soit, que l'on donne aux Minéraux, laquelle, après qu'ils sont ainsi préparés, étant projetée sur les Corps imparfaits leur imprime un changement et une altération, qui ne leur donne pas néanmoins une perfection si grande ni si forte, qu'ensuite ils ne puissent être corrompus et changés, c'est-à-dire revenir en leur première nature, et que la Médecine et l'impression qu'elle a faite sur eux, ne se dissipent et ne s'évaporent entièrement, sans qu'il en reste rien. Telle est la Sublimation, laquelle, sans avoir reçu aucune fixation, blanchit Vénus et Mars. Telle est encore la Teinture, tirée du Soleil et de la Lune ou de Vénus, que l'on mêle ensemble, et que l'on met sur un Fourneau de Ciment, comme du Ziniar *, et des autres choses semblables. Car c'est une Teinture, qui teint à la vérité, mais qui de demeure pas : au contraire, elle se perd dans les épreuves, en s'exhalant en fumée.Par la Médecine du second Ordre, j'entends toutes sortes de préparations desquelles faisant projection sur les Corps imparfaits, elles les changent, et leur donnent quelque perfection; mais leur laissent cependant beaucoup d'impuretés, comme est la calcination des Corps imparfaits, laquelle leur ôte tout ce qu'ils ont de volatil, et qui leur laisse leur terrestréité. Comme est encore la Médecine qui rougit la Lune, ou qui blanchit Vénus; sans que ces deux Teintures puissent après cela être ôtées à ces deux Métaux, qui demeurent néanmoins au surplus dans leur même nature, et gardent les autres impuretés qu'ils avaient auparavant.Enfin, j'appelle Médecine du troisième Ordre la préparation, laquelle survenant aux Corps imparfaits par la projection que l'on en fait sur eux, les dépouille de toutes leurs impuretés, et leur donne une perfection entière et accomplie. Et cette Médecine est seule et unique en son espèce. Et quiconque l'a, il n'a que faire de se mettre en peine de chercher les dix espèces différentes de Médecines du Second Ordre.Au reste, on appelle l'Œuvre du premier Ordre, la Petite Œuvre; celle du second Ordre, l'Œuvre moyenne, et celle du troisième Ordre, la grande Œuvre. Voilà toutes les sortes de Médecines.
CHAPITRE XXI
Des Médecines du premier Ordre, qui blanchissent Vénus.
Suivant l'ordre que nous avons établi, nous parlerons de toutes ces sortes de Médecine l'une après l'autre. Pour cet effet, nous dirons premièrement les Médecines des Corps ou Métaux, puis nous passerons à celles de l'Argent-vif, qui sont différentes de celles des Corps. Et nous rapporterons toutes ces Médecines de suite. Ainsi nous commencerons par celles du premier Ordre; nous poursuivrons par celles du second, et nous finirons par celles du troisième.Les Médecines des Corps du premier Ordre, sont ou pour les Corps (ou Métaux) durs, ou pour les Corps mous. De celles qui sont pour les Corps durs, les une sont pour Vénus, les autres pour Mars, et les autres pour la Lune. A l'égard de Vénus et de Mars, leur Médecine est pour leur donner une blancheur pure; et la Médecine de la Lune pour la rendre rouge avec un beau brillant. Car on ne donne point, ni à Vénus, ni à Mars, une couleur rouge avec un éclat apparent, par nulle Médecine du premier Ordre : parce que ces deux Métaux étant tout à fait impurs, ils ne sont pas en état de recevoir le brillant de la Teinture du Soleil, si auparavant on ne leur donne une préparation qui leur communique de l'éclat. Parlons donc premièrement de toutes les Médecines du premier Ordre pour Vénus, après quoi nous verrons celles qui sont pour Mars.Il y a une Médecine qui blanchit Vénus avec l'Argent-vif, et il y en a une qui la blanchit avec l'Arsenic.La première se fait ainsi. On dissout premièrement de l'Argent-vif précipité, puis on dissout tout de même de la Chaux de Vénus; on mêle ces deux Dissolutions, ensuite on les coagule, et enfin l'on fait projection de cette Médecine sur Vénus en corps, c'est-à-dire telle que Vénus est naturellement sans être calcinée, et sans qu'elle ait nulle autre préparation; et elle la rend blanche et nette. Ou bien. On dissout de l'Argent-vif précipité et de la Litharge, l'un et l'autre séparément. On mêle ces deux Dissolutions, après quoi on dissout de la Chaux de Vénus, que l'on veut blanchir; et ayant mis cette Dissolution avec les précédentes, on les coagule, puis l'on en fait projection sur le Corps, et elle le blanchit. Autrement. On sublime avec le Corps de Vénus alternativement une certaine quantité d'Argent-vif jusqu'à ce qu'il en demeure une partie avec elle, sans qu'ils s'en sépare, encore qu'on le fasse rougir au feu. Puis l'ayant arrosée fort souvent avec du vinaigre distillé, on la broie, afin que l'Argent-vif la pénètre mieux. Ensuite on la brûle, et on la sublime une seconde fois avec l'Argent-vif, on l'arrose ou imbibe avec du vinaigre, on la brûle, comme on a fait la première fois, et l'on réitère ces Opérations, jusqu'à ce qu'une bonne quantité d'Argent-vif demeure sans s'évaporer, encore qu'on le fasse fortement rougir au feu. Cette Teinture au blanc, pour être du premier ordre, est fort bonne. En voici d'une autre manière. On fait sublimer de l'Argent-vif, tel qu'il vient de la Mine avec d'autre d'Argent-vif précipité, jusqu'à ce que celui-là se fixe sur celui-ci, et qu'il soit fusible : après quoi on en fait projection sur Vénus en corps, et elle deviendra d'une blancheur à porter du profit. Autrement encore. On fait dissoudre de la Lune et de la Litharge séparément; et ces deux Dissolutions, étant mêlées ensemble, elles blanchissent Vénus. Mais elles se blanchissent mieux, si dans toutes les Médecines dont on se servira pour la blanchir, on y ajoute de l'Argent-vif, et que l'on fasse si bien, qu'il y demeure toujours sans s'exhaler.On blanchit encore Vénus avec l'Arsenic sublimé, et c'est l'autre sorte de Médecine qui la blanchit. Cela se fait en prenant de la Chaux de Vénus, et en sublimant avec elle de l'Arsenic une ou deux fois, jusqu'à ce qu'ils s'incorporent ensemble, et que par ce moyen Vénus devienne blanche. Mais je t'avertis que si tu n'es bien adroit à faire les Sublimations, l'Arsenic ne demeurera point avec Vénus, et ne lui communiquera point de blancheur qui soit permanente. Après l'avoir donc sublimé une fois, il faut que tu le sublimes encore une seconde, de la manière que je l'ai dit, quand j'ai parlé de la Sublimation de la Marcassite. On blanchit encore Vénus d'une autre manière. On fait projection de l'Arsenic sublimé sur de la Lune, puis l'on projette le tout sur du Vénus, et elle blanchit avec utilité. Ou bien. On mêle premièrement avec de la Lune, de la Litharge, ou du Plomb brûlé, qu'on aura dissous auparavant, puis on jette de l'Arsenic par-dessus; et enfin on fait projection du tout sur du Vénus, et elle paraît d'un fort beau blanc. Et c'est là un blanc du premier Ordre. Ou, l'on jette seulement de l'Arsenic sublimé sur de la Litharge dissoute et remise en Corps, puis on en fait projection sur du Vénus étant en fusion, et cette Médecine lui donne une blancheur agréable. Ou bien. On mêle du Vénus et de la Lune ensemble, et sur cela on fait projection de quelque Médecine que ce soit qui ait la vertu de blanchir. Or la Lune se plaît mieux avec l'Arsenic qu'avec nul des Métaux; c'est pourquoi elle l'empêche d'être aigre et cassant. Après la Lune, Saturne a plus d'affinité avec l'Arsenic. Et c'est pour cela qu'on mêle ordinairement l'Arsenic avec la Lune et Saturne. Autrement. On fait fondre de l'Arsenic sublimé jusqu'à ce qu'il se mette par morceaux, puis on le jette pièce à pièce sur du Vénus. Je dis qu'il le faut jeter par pièces, et non pas le mettre en poudre pour en faire projection; parce qu'étant en poudre, il s'enflamme bien plutôt qu'en pièces. Et par ainsi il s'exhale plus facilement, et ayant pris feu, il est consumé avant qu'il ne soit tombé sur le Corps qui est rougi, et qu'il ne l'ait touché.On ôte encore la rougeur à Vénus, et on la blanchit avec de la Tutie. Mais parce que la Tutie ne la blanchit pas assez bien, elle ne fait que la jaunir seulement. Or toute sorte de jaune a beaucoup d'affinité avec le blanc. Voici comment on se sert de la Tutie pour cela. On prend quelque sorte de Tutie que ce soit; on la dissout et on la calcine; puis on dissout du Vénus, on mêle ces Dissolutions, et on en jaunit la Substance de Vénus; et quiconque travaillera sur Vénus avec la Tutie, il y trouvera du gain.Enfin on blanchit Vénus avec de la Marcassite sublimée, de même qu'avec l'Argent-vif sublimé, et l'un se fait comme l'autre.
CHAPITRE XXII
Du blanchissement de Mars.
Nous devons parler maintenant des divers blanchissements de Mars, qui se font par le moyen de ces Médecines particulières du premier Ordre, suivant quoi il n'a pas une véritable fusion, c'est-à-dire qu'il ne se peut fondre de lui-même, si l'on ne lui ajoute un Fondant. Ainsi il faut le blanchir avec une Médecine fondante.Toute Médecine qui blanchit Vénus fait le même effet sur Mars, en le préparant de la même manière. Néanmoins l'Arsenic, de quelque sorte qu'il soit, est la Médecine qui le rend particulièrement fusible. Mais avec quoi qu'on le blanchisse et qu'on le fonde, il faut nécessairement le mêler et le laver avec de l'Argent-vif, jusqu'à ce qu'il n'ait plus d'impureté, et qu'il soit devenu blanc et bien fusible. Ou bien. Il le faut rougir à fort feu, et jeter de l'Arsenic par dessus; et quand il sera fondu, en faire projection sur une quantité de Lune. Parce qu'étant une fois mêlé avec de l'Argent, on ne l'en saurait séparer qu'avec bien de la peine. Ou bien encore. On calcine le Mars, on lui ôte toute son aluminosité qui peut être dissoute, et qui est ce qui le rend impur. Ce qui se fait en le dissolvant de la manière que je viens de dire. Ensuite on sublime avec lui l'Arsenic, lequel on aura purifié auparavant, par quelque Sublimation qu'on en aura faite. Et on le resublime plusieurs fois de cette sorte, jusqu'à ce que quelque partie de l'Arsenic se fixe avec lui. Après cela on l'imbibe (ou l'arrose) avec la Dissolution de la Litharge, les mêlant, les remuant, et les brûlant alternativement; et enfin on lui fait reprendre corps par le même degré de feu avec lequel j'ai dit qu'on remettait Jupiter en corps, après qu'il a été calciné. Cela fait, Mars sera blanc, net et fusible. Ou bien. On le remettra en corps, après avoir mêlé sa Chaux seulement avec de l'Arsenic sublimé, et il paraîtra blanc, net et fusible.Mais il faut que l'Artiste agisse ici avec la même précaution que nous avons dit qu'il devait prendre, en refaisant la Sublimation de Vénus avec l'Arsenic, afin de faire entrer l'Arsenic, et de le fixer jusque dans sa profondeur.Mars se blanchit encore avec la Marcassite et la Tutie, et cela se fait de la même manière et par le même artifice que nous avons dit ci-devant que l'on blanchissait Vénus. Néanmoins ces deux Médecines ne le purifient ni ne le blanchissent pas parfaitement.
CHAPITRE XXIII
Des Médecines qui jaunissent la Lune.
Pour parler maintenant avec sincérité de la Médecine du premier Ordre, qui donne à la Lune la Teinture du Soleil, nous dirons que c'est une Médecine laquelle s'attache intimement à la Lune, et la Lune, et la pénètre jusque dans son intérieur, et qui par ce moyen lui communique cette Teinture : soit que cette Médecine s'unisse ainsi à la Lune, et qu'elle la colore d'elle-même et par sa propre vertu; soit que cela lui vienne de l'artifice de notre Magistère. Ce qui fait qu'il y a de deux sortes de Médecines pour teindre la Lune. Nous parlerons premièrement de celle qui d'elle-même s'attache et s'unit naturellement à elle. Puis nous dirons par quel artifice nous rendons les autres Médecines (de quelques espèces qu'elles soient) propres à s'unir, tant à la Lune qu'aux autres Métaux, à les pénétrer et à s'y attacher fortement, sans pouvoir en être séparées.On tire la première Médecine, ou du Soufre, ou de l'Argent-vif, ou de la composition et du mélange de ces deux Esprits. Mais la Médecine qui se prend du Soufre est bien moins efficace : au lieu que celle qui se fait de l'Argent-vif est beaucoup plus parfaite. On fait encore cette Médecine de certains Minéraux qui ne sont pas de la nature de ces Esprits, tels que sont le Vitriol, et la Couperose, qu'on appelle la Gomme du Cuivre, ou son égout. Nous parlerons premièrement des Médecines de l'Argent-vif, puis de celles qui se font du Soufre ou du mélange de ces deux Esprits. Ensuite nous verrons quelles sont celles que l'on fait avec la Gomme du Cuivre, et les autres choses semblables.On fait la Médecine avec l'Argent-vif de cette manière. On prend de l'Argent-vif qui soit précipité, et que la précipitation ait mortifié et rendu fixe. On met ce Précipité dans un Fourneau, qui fasse un feu fort, comme est celui où l'on met les Chaux des Métaux pour les maintenir et les conserver toujours en même état. Et on laisse ce Précipité dans ce Fourneau jusqu'à ce qu'il devienne rouge, comme est le Cinabre, qui se fait du mélange de l'Argent-vif et du Soufre. Que s'il ne rougit pas dans ce feu, il faudra prendre une partie d'Argent-vif, sans être mortifié, et l'ayant mêlé avec du Soufre, resublimer ainsi ce Précipité. Mais il faut que le Soufre et l'Argent-vif, dont on se servira pour faire cette Opération, soient bien purifiés de toutes leurs impuretés; et après qu'on aura sublimé ce Soufre vingt fois avec le Précipité, on le dissoudra dans des Eaux âcres et dissolvantes, puis on le calcinera et on le dissoudra plusieurs fois, jusqu'à ce qu'il le soit assez. Cela fait, dissous une partie de Lune, mêles-en la Dissolution avec les précédentes; coagule le tout, et fais-en projection sur de la Lune fondue, et tu verras que cela la teindra utilement. Mais si l'Argent-vif rougit lorsqu'on le précipitera, afin qu'on en fasse la projection, et que ce Précipité donne la Teinture à la Lune; il suffira de le mettre, et de le tenir dans le Fourneau, comme je viens de le dire, sans qu'il soit besoin de le mêler avec quoi que ce soit de tingent.On teint tout de même la Lune avec le Soufre; mais c'est un travail difficile et pénible, plus qu'on ne le saurait croire. On la teint encore avec la Dissolution de Mars. Mais il faut nécessairement calciner le Mars et le fixer auparavant; ce qui n'est pas une petite affaire. Après cela on le prépare comme nous avons dit qu'il fallait le faire pour la Médecine du soufre et de l'Argent-vif, en le dissolvant et le coagulant, et nous en faisons la projection de la même manière sur de la Lune fondue. Et avec tout cela la Teinture que cette Médecine donne à la Lune n'est point brillante, mais elle est obscure et mate, et d'une couleur pâle et désagréable.La Médecine qui se fait du Vitriol et de la Couperose, pour teindre la Lune, se fait ainsi. On prend une certaine quantité de chacun de ces Minéraux. On en sublime ce qui peut être sublimé, et on sublime le reste à fort feu. Il faut sublimer une seconde fois ce qui aura été sublimé, et on le fera par un degré de feu qui soit propre à cette Opération, afin que par ce moyen, une partie se fixe après l'autre, jusqu'à ce que la plus grande partie soit fixée. Puis on calcinera cette partie avec un feu qu'on fera de telle manière qu'on puisse l'augmenter, afin d'achever et de parfaire cette Médecine. Ensuite on dissoudra cette Matière, et il s'en fera une Eau parfaitement rouge, et qui n'a pas sa pareille. Après quoi, il faudra trouver moyen de lui donner ingré, c'est-à-dire de la rendre si subtile qu'elle puisse entrer et pénétrer dans le Corps de la Lune. Je t'en ai suffisamment enseigné l'artifice par les choses que j'ai dites dans ce Livre, si tu es un véritable Inquisiteur de l'Œuvre parfaite. Et parce que nous avons vu que ces choses s'attachaient et s'unissaient aimablement et intimement à toute la Substance de la Lune, nous avons inféré de là qu'elles étaient faites et composées des mêmes Principes qu'elle. Ce qui est assurément très véritable. Car c'est pour cela même qu'elles ont la vertu de l'altérer et de la changer.Voilà toutes les Médecines du premier Ordre. Ce n'est pas qu'on ne puisse en augmenter le nombre en les mêlant diversement, sans que dans les différentes manières, avec lesquelles leurs mélanges se peuvent faire, les choses tingentes perdent rien de leur essence ni de leur vertu. Mais à dire le vrai, la Médecine pour la Lune que l'on tire de l'Argent-vif n'est pas une Médecine du premier Ordre; parce qu'elle ne communique pas seulement une des cinq espèces de la perfection que nous avons remarquées ci-devant, mais elle donne la perfection toute entière.Il y en a qui ont imaginé plusieurs autres Médecines; mais il arrive nécessairement de deux choses l'une, ou qu'ils font leur Médecine des mêmes choses, ou qui sont du moins de même nature que celle dont nous avons parlé; ou bien qu'ils la font d'une chose, laquelle par l'altération et le changement qu'on lui donne, a la même vertu que ce qu'elle n'est pas en effet : c'est-à-dire, qui fait le même effet que les Médecines dont nous venons de parler, quoiqu'elle ne soit pas de même nature qu'elles. Mais cette Médecine ne peut de rien servir à ce qui est net et pur, ni à ses parties, jusqu'à ce que le Moteur se soit reposé dans le plus haut Mobile de la Nature, sans être nullement corrompu.
CHAPITRE XXIV
Des Médecines du second Ordre, et de leurs propriétés.
Venons maintenant aux Médecines du second Ordre, et disons-en tout ce qu'il sera nécessaire d'en savoir, avec les preuves et les expériences que par effet nous avons trouvée être véritables. Or comme il y a des Médecines pour transmuer les Corps, et qu'il y en a aussi pour coaguler parfaitement, c'est-à-dire pour fixer l'Argent-vif en véritable Soleil et Lune, nous commencerons par les premières.La Médecine du second Ordre est une Médecine laquelle, comme je l'ai déjà dit, donne seulement une seule sorte de perfection aux Corps imparfaits. Mais parce que dans les Corps imparfaits il y a plusieurs impuretés qui les corrompent, et qui sont cause de leur imperfection, comme par exemple dans Saturne, il y a un Soufre volatil et un Argent-vif aussi volatil, et outre cela une terrestréité qui rendent nécessairement imparfait; on fait une Médecine, laquelle ôte entièrement l'une et l'autre de ces imperfections, ou qui la pallie et la cache, en l'embellissant sans toucher aux autres imperfections, qui y demeurent toutes entières. D'ailleurs, comme dans les Corps, il y a quelque chose qui ne peut être changé, parce que c'est une chose qui leur est essentielle; étant née avec leurs Principes, elle ne peut point aussi leur être ôtée par aucune Médecine du second Ordre : Et il n'y a que la seule Médecine du troisième et grand Ordre qui puisse la faire perdre aux Corps mixtes dans lesquels elle se trouve. Mais parce que l'expérience a fait voir que par la Calcination on pouvait ôter les superfluités des Volatils, et que la terrestréité qui n'était pas essentielle aux Corps, ni unie à leurs Principes, se perdait en les calcinant et en les remettant plusieurs fois en Corps; cette Connaissance a fait que l'on a inventé la Médecine du second Ordre, laquelle peut pallier et couvrir les imperfections essentielles des Corps, ramollir ce qu'ils ont de dur, et endurcir ce qu'ils ont de mou, et communiquer aux Imparfaits, tant durs que mous, une perfection du second Ordre qui ne soit pas Sophistique, mais une véritable perfection de Soleil et de Lune.Mais parce qu'aussi on ne saurait, par cette Œuvres du second Ordre, empêcher que les Corps mous ne se fondent fort promptement, ni leur ôter l'impureté qui est enracinée dans leurs Principes, on a été obligé de rechercher une autre Médecine, laquelle dans la projection qu'on en fera sur eux, puisse épaissir et resserrer leurs parties trop rares et trop éloignées les unes des autres, et par ce moyen les endurcir assez pour ne pas se fondre avant qu'ils aient rougi dans le feu. Cette Médecine a été encore nécessaire pour faire un effet tout contraire sur les Corps durs imparfaits, en raréfiant et atténuant leur épaisseur, autant qu'il est nécessaire pour se fondre plus promptement qu'elles ne faisaient sans leur ôter pourtant la propriété qu'ils ont de rougir avant que de se fondre. Et afin encore qu'en palliant la noirceur qui se trouve dans les uns et dans les autres de ces Corps imparfaits, elles les embellissent : et qu'enfin, comme cette Médecine est ou Blanche ou Rouge, la blanche les transmue en blanc de Lune, et la rouge en rouge parfait. Or ces deux Médecines, la Blanche et la Rouge, ne diffèrent qu'en ce que l'une n'est pas si bien préparée ni digérée, et par conséquent si parfaite que l'autre; le différent effet qu'elles font de changer en blanc et en rouge, ne provenant nullement de la différence des Corps, sur lesquels on fait projection, ni de ce qu'elles soient composées de choses différentes en Teinture; mais de la seule préparation ou cuisson.Au reste, la Médecine du second Ordre, qui doit épaissir et resserrer les parties trop rares des Corps mous, doit être tout autrement préparée que celle qui doit atténuer et raréfier le trop d'épaisseur des Corps durs. Car on doit donner à la crémière un feu propre à consumer le trop d'humidité des Corps mou; au lieu que la dernière a besoin d'un feu doux, et qui conserve l'humidité qui fait la fusion.
CHAPITRE XXV
De la Médecine Lunaire et Solaire pour les Corps imparfaits.
Parlons maintenant de toutes les Médecines Lunaires et Scolaires du second Ordre, et enseignons la manière de les faire, en commençant par les Médecines Lunaires, û faut néanmoins remarquer auparavant que le Soufre, quel qu'il soit, est ce qui empêche la perfection, comme nous l'avons fait voir ci-devant, et que l'Argent-vif est ce qui fait la perfection dans les Ouvrages de la Nature, par un régime ou une digestion parfaite. Notre intention étant donc, non pas de changer les ordres de la Nature, mais d'en imiter les Opérations, autant que nous le pouvons faire; nous nous servons tout de même de l'Argent-vif dans le Magistère de cette Œuvre, pour faire toutes les Médecines Lunaires et Solaires, soit pour parfaire les Corps imparfaits, soit pour coaguler et fixer l'Argent-vif. Car, comme nous l'avons déjà fait voir, il faut des Médecines différentes pour faire ces deux choses, nous allons maintenant traiter des unes et des autres par ordre et de suite.La Matière néanmoins de ces deux Médecines est la même, et il n'y en a qu'une seule, et nous l'avons assez fait connaître en tout ce que nous venons de dire. Prends-la donc et t'en sers pour faire la Médecine Lunaire du second Ordre, que j'ai promis de t'enseigner, et pour cet effet exerce-toi et apprends à la préparer par les Opérations qui sont nécessaires pour faire ce Magistère, que tu ne peux ignorer, et qui ne se terminent toutes qu'à séparer la pure Substance de cette Matière, à fixer une partie de cette Substance, et à laisser l'autre pour faire l'Incération. Continuant ainsi à faire le Magistère, jusqu'à ce que tu aies rendu la Médecine fondante, qui est ce que tu dois chercher, et que tu reconnaîtras par expérience. Car si faisant projection de ta Médecine sur les Corps durs, elle leur donne une prompte fusion; et si elle fait un effet tout contraire sur les Corps mous, ce sera une marque assurée qu'elle est parfaite. De sorte qu'étant projetée sur quelque Métal imparfait que ce soit, elle le changera parfaitement en Substance de Lune, pourvu qu'on lui ait donné les préparations nécessaires; sinon elle laisse quelque imperfection au Corps qu'elle change, et elle ne lui communique tout au plus qu'une des sortes de perfections dont nous avons parlé ci-devant. Par ce qu'elle ne peut rien faire davantage, n'ayant eu les préparations que pour être Médecine du second Ordre : au lieu que la Médecine du troisième Ordre donne la perfection aux imparfaits, par la seule projection que l'on en fait sur eux, sans qu'il soit besoin de les préparer auparavant.La Médecine Solaire du second Ordre, pour chacun des Corps imparfaits, se fait de la même Matière et par le même Régime. Elle diffère néanmoins de la Lunaire, en ce que ses parties sont rendues plus subtiles par une manière de digestion toute particulière; et par le mélange qu'on fait d'un Soufre préparé par un Régime subtil, avec cette Matière que nous avons assez déclarée pour la faire connaître. Et ce Régime ne tend qu'à fixer ce même Soufre très pur, et à le dissoudre ou rendre faible avec modération. Car c'est ce Soufre qui teint la Médecine, et c'est par son moyen, qu'étant projetée sur quelqu'un des Corps imparfaits, elle lui donne la perfection de l'Or, autant que la préparation qu'elle a eue auparavant, comme Médecine du second Ordre, la rend efficace; et autant que celle que l'on a donnée au Corps imparfait, le rend capable de la recevoir. Et si l'on fait projection de cette même Médecine sur la Lune, elle lui donnera la perfection du Soleil avec beaucoup de profit.
CHAPITRE XXVI
De la Médecine qui coagule et fixe l'Argent-vif.
Pour achever les Médecines du second Ordre, il nous reste à parler de celles qui coagulent ou fixent l'Argent-vif. Je dis donc que la Matière de cette Médecine se doit prendre des mêmes choses d'où se prend celles des autres Médecines, c'est à savoir de ce que nous avons assez fait connaître, par tout ce que nous avons dit dans les Chapitres précédents. Et la raison en est que l'Argent-vif, qui est volatil, s'enfuyant aisément, sans même qu'il soit beaucoup échauffé, a besoin d'une Médecine laquelle, avant qu'il s'exhale, s'attache d'abord intimement et profondément à lui, qui s'y unisse par ses moindres parties, qui l'épaississent, et qui par sa fixation le retiennent, et le conservent dans le feu jusqu'à ce qu'il puisse en souffrir un plus violent, qui consume son humidité superflue, et qui par ce moyen le convertisse en un moment en véritable Soleil ou Lune, selon que la Médecine aura été préparée au Rouge ou au Blanc.Or comme on ne saurait rien trouver qui convienne mieux à l'Argent-vif que ce qui est de même nature que lui, nous avons jugé de là qu'il fallait faire cette Médecine du Vif-Argent lui-même, et nous avons imaginé le moyen de la changer en Médecine par notre artifice. Et ce moyen ne consiste qu'à préparer l'Argent-vif de la manière que nous avons déjà dit, par un long et assidu travail, par lequel sa Substance subtile et plus pure se change, celle qui est blanche en Lune, et celle qui est orangée en Soleil. Or il ne peut point devenir Orangé si l'on ne mêle avec lui quelque chose qui lui donne cette Teinture, et qui soit de sa même nature : et qu'après, de cette Substance très pure de l'Argent-vif, par le moyen des Opérations dont on se sert pour faire le Magistère, il se fasse une Médecine qui s'attache très fortement à l'Argent-vif, qui le rende très facilement fusible, et qui le coagule et le fixe. Car si on le prépare auparavant, comme il le doit être, cette Médecine le convertira en véritable Soleil ou Lune.On demande d'où se doit principalement tirer cette Substance d'Argent-vif. Je réponds qu'on la doit prendre dans les choses où elle est, et la tirer de ces mêmes choses. Or il est certain que naturellement elle est dans les Corps et dans l'Argent-vif même; puisque et l'Argent-vif, et les Corps, sont constamment tous d'une même nature, ainsi que l'expérience le fait voir. Néanmoins il est plus difficile de trouver cette Substance dans les Corps; au lieu qu'elle est plus aisée à trouver, et plus proche dans l'Argent-vif, quoique pourtant elle n'y soit pas plus parfaite. Mais dans quelque lieu que l'on trouve, et d'où l'on prenne cette Médecine, soit dans les Corps, soit dans la Substance de l'Argent-vif, on peut dire que c'est la Médecine de la Pierre précieuse.
CHAPITRE XXVII
Comment par l'Art on peut rendre les Médecines entrantes, ou leur donner ingrés.
Il arrive quelque fois que les Médecines dont nous venons de parler se mêlent, et quelque fois aussi elles ne se mêlent pas avec les Corps. Ainsi il est nécessaire d'enseigner par quel moyen on peut les rendre capables de se mêler, c'est-à-dire d'entrer profondément dans les Corps, dans lesquels elles ne sauraient entrer sans cela. Ce moyen est de dissoudre ce qui est entrant, et de dissoudre aussi ce qui ne l'est pas, et de mêler ensuite ces deux Dissolutions. Car tout ce qui pourra se mêler par les moindres parties, avec ces Dissolutions, de quelque nature qu'il soit, deviendra aussitôt entrant. Or il est certain que c'est par la Dissolution que cette ingrés s'acquiert, parce que c'est par la Dissolution que la fusion se communique à ce qui n'est pas fusible. Et par conséquent, c'est par ce moyen qu'elles deviennent propres à entrer dans les Corps, et à les altérer ou changer. Et c'est aussi pour cela que nous calcinons de certaines choses qui ne sont pas de la nature de celles dont nous parlons, afin qu'elles se puissent mieux dissoudre. Et on ne les dissout qu'afin que les Corps reçoivent mieux leur impression, et que par ce moyen ils soient mieux préparés et mieux purifiés.Il y a encore une autre manière de rendre entrant ce qui ne l'est pas, à cause de son épaisseur. Ce qui se fait en le sublimant plusieurs fois avec des Esprits, qui ne sont pas inflammables comme sont l'Arsenic et l'Argent-vif, sans le rendre fixe. Ou bien en dissolvant plusieurs fois ce qui de soi n'est pas entrant.Voici encore un autre bon moyen pour donner ingrés aux choses qui ne se peuvent pas mêler avec les Corps ou Métaux. Il faut dissoudre le Corps dans lequel on veut faire entrer la Médecine, afin de le changer et de l'altérer : et il faut de même dissoudre la Chose, ou la Médecine, que l'on veut qui entre dans le Corps, et qu'elle le change. Il ne faut pas néanmoins le dissoudre tout à la fois, mais une partie seulement; et de cette Dissolution on en abreuvera, à plusieurs reprises, ce qui n'aura pas été dissous. Car par ce moyen, il faut nécessairement que cette Médecine entre dans ce Corps-là, et qu'elle le pénètre, quoiqu'il ne s'ensuive pas pour cela qu'elle doive entrer aussi aisément dans les autres Corps. Ce sont là les artifices par lesquels les choses deviennent entrantes, par la conformité de leur nature : Et c'est par ce moyen que l'on a trouvé de les mêler facilement avec les Corps, qu'elles les changent et les altèrent.Ainsi voilà nos dix Médecines parachevées, et tout ce que nous avions à dire là-dessus.
CHAPITRE XXVIII
De la Médecine du troisième Ordre en général.
Nous n'avons plus à parler que de la Médecine du troisième Ordre. Il y en a de deux sortes : l'une que l'on appelle Lunaire, et l'autre Solaire. Ce n'est pourtant qu'une seule Médecine, puisque toutes les deux n'ont qu'une même Essence, et qu'elles agissent de même manière. C'est pourquoi les anciens Philosophes, dans les Livres que nous avons lus d'eux, assurent tous qu'il n'y a qu'une Médecine. La seule différence qui s'y trouve, c'est que pour faire la Médecine Solaire, on lui ajoute la Couleur rouge qui lui donne la Teinture. Et cette Couleur vient de la Substance très pure du Soufre fixe, qui n'est que dans la Médecine Solaire, et qui ne se trouve point dans l'autre. Or on appelle cette Médecine du troisième Ordre, la grand'Oeuvre; parce qu'il faut une plus grande application pour la découvrir, un plus long travail pour la préparer, et beaucoup plus de peine pour la parfaire, que celles du premier et du second Ordre. Cette Médecine ne diffère pas néanmoins essentiellement de celle du second Ordre, si ce n'est qu'elle demande seulement une préparation plus subtile, par un Régime de feu qui se doit faire par degré, et un travail plus long et plus assidu. Je dirai son Régime et la Manière de le préparer par ses Causes et ses Expériences, et j'enseignerai quel différent degré de feu il faut lui donner pour être Médecine du troisième Ordre. Car afin que la Médecine Solaire ait sa Teinture parfaite, elle a besoin d'un degré de feu différent de celui qui est nécessaire pour donner la perfection à la Médecine Lunaire : parce qu'il faut ajouter un Soufre tingent à la première, que la dernière ne doit pas avoir, ce qui ne se fait que par une plus forte digestion, et par conséquent par un plus fort degré de feu.
CHAPITRE XXIX
De la Médecine Lunaire du troisième Ordre.
La manière de faire cette Médecine est de prendre la Pierre, c'est-à-dire la Matière, qui doit être maintenant assez connue; séparer sa partie la plus pure et la mettre à part, puis fixer quelque chose de cette partie très pure, et en laisser aussi sans fixer. On prend ce qui est fixé; l'on en dissout tout ce qui peut se dissoudre; et ce qui ne s'est pas dissous, on le calcine. Puis on dissout tout de même une seconde fois tout ce qui le peut être, continuant ainsi à calciner et à dissoudre, jusqu'à ce que l'on en ait dissous une bonne partie. Après quoi l'on mêle toutes ces Dissolutions, on les coagule et en les rôtissant légèrement, on les tient dans un feu modéré jusqu'à ce qu'on puisse donner à cette Matière un feu plus fort, selon qu'elle en a besoin. Recommencez ensuite, comme à la première fois, à dissoudre tout ce qui pourra être dissous; coagulez-le, et le remettez dans un feu modéré, jusqu'à ce qu'il puisse en souffrir un plus grand pour lui donner sa perfection. Il faut réitérer quatre fois ces préparations, et à la fin on calcinera cette Matière comme elle le doit être. Ce qui étant fait, la très précieuse Terre de la Pierre sera bien préparée. Prenez alors cette partie de votre Matière, que vous avez gardée sans la fixer, et la mêlez subitement et adroitement avec cette Terre ainsi préparée, par leurs moindres parties, et tâchez de les sublimer si bien ensemble, de la manière que je l'ai dit, que ce qui est fixe s'élève et se sublime entièrement avec ce qui n'est pas fixe, c'est-à-dire avec ce qui est volatil. Et si après cela ce qui est fixe ne s'élevait pas, il faudra encore lui ajouter autant de la Matière volatile ou qui n'est pas fixe, qu'il en faudra pour le faire sublimer. Après quoi, il faut les resublimer et continuer à le faire, jusqu'à ce que tout soit devenu fixe. Ensuite on l'abreuvera une partie après l'autre, avec la même Matière (que l'on a gardée) et qui n'a pas été fixée, de la manière que vous le devez savoir, jusqu'à ce que tout s'élève et se sublime. Fixer encore jusqu'à ce qu'il se fonde facilement après avoir rougi, et vous aurez une Médecine qui transmuera tous les Corps imparfaits et quelque Argent-vif que ce soit, en très parfaite Lune.
CHAPITRE XXX
De la Médecine Solaire du troisième Ordre.
Pour faire cette Médecine il faut, en la préparant, lui ajouter avec grand artifice un Soufre incombustible en fixant, calcinant et dissolvant, et en réitérant ces Opérations jusqu'à ce que ce Soufre soit pur et net. Mais avant tout cela, il faut avoir parfaitement sublimé la Matière de cette Médecine. La manière d'ajouter ce Soufre se fait en réitérant la Sublimation de la partie de la Pierre, c'est-à-dire de sa Matière qui n'est pas fixe, et en la joignant industrieusement avec la partie fixe; tellement que celle-ci s'élève avec l'autre, et qu'elle lui communique sa fixité et sa stabilité. Et plus on refait de suite ces Opérations, qui donnent une perfection exubérante à cette Médecine, plus elle acquiert de perfection, plus elle devient efficace, et plus enfin sa vertu s'augmente et se multiplie.Mais pour ne donner sujet à personne de sa plaindre de moi, je m'en vais dire en quoi consiste tout l'accomplissement de Magistère, et cela en peu de mots fort intelligibles, que comprendront tous, sans rien omettre.Tout le secret consiste donc à purifier parfaitement, par la Sublimation, tant la Pierre, ou sa première Matière, que ce qu'on lui ajoute, c'est-à-dire son Soufre : puis à fixer adroitement ce qui est volatil, et à rendre volatil ce qui est fixe; et enfin à faire encore le fixe volatil. Fais cela, et tu posséderas un Secret très précieux, qui vaut mieux incomparablement que tous les Secrets de toutes les Sciences du Monde, et qui est véritablement un Trésor, qu'on ne saurait assez estimer. Applique-toi à le chercher avec un travail assidu et une très profonde méditation. Car par ce moyen tu pourras l'acquérir, et non autrement.Au reste, en refaisant, comme je l'ai dit, les Opérations de cette Médecine ce qui s'appelle sa Multiplication, on peut relever à une telle perfection, qu'elle changera véritablement une infinité d'Argent-vif en Soleil et en Lune très parfaits. Et cela ne dépend que de sa seule Multiplication.Il ne nous reste plus qu'à louer et à bénir en cet endroit le très-haut et très glorieux Dieu, Créateur de toutes les Natures, de ce qu'il a daigné nous révéler toutes les Médecines que nous avons vues et connues par expérience. Car c'est par sa crainte inspiration que nous nous sommes appliqués à les rechercher avec bien de la peine, et qu'enfin nous les avons faites, et que nous avons vu de nos yeux et touché de nos mains le parfait Magistère que nous avons tant cherché. Que si nous avons celé la chose, celui qui sera Fils de la Science ne s'en doit pas étonner. Car ce n'est pas à lui que nous l'avons cachée, mais au Méchant, l'ayant enseigné de telle manière que très assurément un Fou n'y comprendra rien; au lieu que ce que nous en avons dit encouragera un Homme sage à s'attacher encore plus fortement à la rechercher.Courage donc, Fils de la Science, cherchez et vous trouverez infailliblement ce Don très excellent de Dieu, qui est réservé pour vous seuls. Et vous, Enfants d'iniquité, qui avez mauvaise intention, fuyez bien loin de cette Science, parce qu'elle est votre Ennemie, et qu'elle est faite pour votre perte et votre ruine, qu'elle vous causera très assurément. Car la Providence divine ne permettra jamais que vous jouissiez de ce Don de Dieu, qui est caché pour vous, et qui vous est défendu.Après avoir parié de toutes les sortes de Médecines, en suivant l'ordre que nous nous sommes proposé, nous allons traiter maintenant des différentes Epreuves, par lesquelles on connaît si le Magistère est véritablement parfait.
TROISIÈME ET DERNIÈRE PARTIE DU SECOND LIVRE
Des Epreuves de la perfection.
CHAPITRE XXXI
Division des choses contenues en cette Partie.
Nous ne nous arrêtons point à parler ici des Expériences, que tout le monde sait faire, comme d'examiner les Métaux parfaits par leur poids, leur couleur, et l'extension qu'ils reçoivent sous le Marteau; parce qu'il ne faut pas être fort habile pour cela. Ainsi nous ne traiterons en cette Partie que des Epreuves ou Essais que font les Artistes pour connaître si la Médecine, dont on aura fait projection sur les Corps imparfaits, et qui les aura transmués, leur aura donné une véritable perfection.Ces Epreuves sont la Coupelle, le Ciment, le Rougissement du Métal au feu, la Fusion, l'Exposition que l'on fait sur la vapeur des choses aiguës ou acides, le Mélange ou l'Addition du Soufre combustible, l'Extinction du Métal qui a été rougi, la Calcination, la Réduction en Corps, et la facilité ou difficulté qu'il aura à recevoir l'Argent-vif. En suivant cet ordre, nous commencerons par la Coupelle, puis nous viendrons aux autres Epreuves, et nous rapporterons les Causes de chacune dans leur lieu.
CHAPITRE XXXII
De la Coupelle.
Voyons donc ce que c'est que la Coupelle; disons-en les Causes, qui seront très manifestes, et la manière de la faire. Mais il faut remarquer premièrement qu'il n'y a que le Soleil et la Lune qui puissent souffrir cet examen. En recherchant donc quelle est la Cause de l'effet que produit la Coupelle, et d'où vient que des Métaux imparfaits, que l'on met à cet Examen, il y en a qui le souffrent plus longtemps, et d'autres moins, nous verrons par même moyen, ce qui fait la véritable différence des deux Corps parfaits, d'avec les imparfaits.Ce n'est pas que ce soit une chose nécessaire à faire en cet endroit, puisque nous avons déjà suffisamment examiné et découvert la Composition essentielle des deux Métaux parfaits, par leurs Principes, lorsque nous en avons ci-devant traité expressément. Car nous avons dit alors que leur Substance était composée d'une grande quantité d'Argent-vif, et de sa plus pure Substance, très subtile d'abord, mais qui depuis a été épaissie, et rendue en état de ne se fondre, qu'étant devenue rouge dans le feu. Et de là nous tirons cette conséquence que les Métaux imparfaits, qui ont le plus de terrestréité, souffrent le moins la Coupelle, et que ceux qui en ont le moins, la souffrent davantage. Et la raison en est, parce que les parties de ces derniers étant plus subtiles, n'étant entremêlées d'aucune terrestréité grossière, elles se mêlent mieux, et elles s'unissent plus fortement ensemble et ainsi elles sont beaucoup plus tenantes les unes aux autres. Et de là il s'en suit encore que les Corps, dont les parties sont plus minces et plus subtiles, ou au contraire qui sont plus épaisses et plus grossières que ne sont celles des Corps parfaits, étant mêlés ensemble, doivent nécessairement se séparer entièrement les uns des autres, lorsqu'on les met à cette Epreuve, parce que ces Corps ne se fondent par tous de la même manière, et au même temps, entre ceux-là, et ceux qui dans leur composition ont le moins d'Argent-vif, se séparent le plus tôt des autres.Ce qui nous fait évidemment connaître la raison pourquoi de tous les Métaux, Saturne souffre moins la Coupelle, et pourquoi il se sépare le premier de ceux qu'on met à cette Epreuve avec lui. Car c'est qu'il est composé de beaucoup de terrestréité et de fort peu d'Argent-vif, et qu'il se fond facilement et promptement, qui sont deux choses toutes opposées à cet Examen. Et parce qu'il s'en va et s'exhale plutôt que pas un des autres Corps imparfaits, c'est pour cela qu'il est plus propre quel nul autre à faire cette Epreuve, et à servir d'Examinateur. Car s'exhalant d'abord, il enlève et entraîne avec lui les autres Corps imparfaits qu'on y met. Et par cette même raison, il se consume moins du Corps parfait dans le feu qu'on fait pour la Coupelle, quoiqu'il soit très violent; parce que Saturne, qui est l'Examinateur, n'y demeure pas si longtemps; au lieu que le Corps parfait y demeure jusqu'à la fin, et longtemps après que Saturne est tout consumé. Et par ainsi, il se brûle moins du Corps parfait en cet Examen, qui se fait pas l'entremise du Plomb, et même il s'y purifie davantage. C'est pourquoi Jupiter, ayant moins de terrestréité, et plus d'Argent-vif que Saturne, et ce qu'il en a étant plus pur et plus subtil, lorsqu'il est mêlé avec les autres Métaux, il souffre plus longtemps la Coupelle que ne font Saturne ni Vénus, parce qu'il s'attache plus intimement à ce qu'il y a de Métal parfait mêlé avec lui. Et c'est pour cela même, que lorsqu'il y a du Jupiter mêlé avec quelqu'un des Corps parfaits, dans la masse dont on fait l'Epreuve, le Corps parfait diminue beaucoup, avant que Jupiter s'en sépare. Pour ce qui est de Vénus, quoiqu'elle ne se fonde qu'après avoir rougi, néanmoins, lorsqu'elle est mêlée avec un Corps parfait, comme elle ne se fond pas si tôt que lui, cela est cause qu'elle s'en sépare, mais non pas pourtant si tôt que Saturne, parce qu'elle rougit avant que de se fondre. Mais comme elle a bien moins d'Argent-vif que Jupiter, qu'elle a plus de terrestréité que lui, et qu'elle est par conséquent d'une Substance plus épaisse, elle se sépare aussi plutôt que Jupiter de la masse où elle sera mêlée avec un Métal imparfait; parce que Jupiter s'y attache bien plus intimement que ne fait Vénus, pour la raison que je viens de dire. A l'égard de Mars, n'ayant point de fusion, à cause qu'il n'a presque point d'humidité, il ne se mêle avec nul des Métaux; et s'il arrive que par la violence du feu, il se mêle avec le Soleil ou la Lune, n'ayant point d'humidité, il boira celle de ces deux Métaux parfaits, et s'unira avec eux fort exactement, et par ses moindres parties. De sorte qu'encore qu'il ait beaucoup de terrestréité, et fort peu d'Argent-vif, et qu'il ne soit pas même fusible, on a pourtant bien de la peine à le séparer d'avec les Métaux parfaits, et il faut être bien expert pour le pouvoir faire. L'Artiste, qui comprendra bien les raisons que je viens de dire (pourquoi il y a des Métaux qui souffrent la Coupelle, et d'autres qui la souffrent plus ou moins) connaîtra par là ce qu'il faut faire pour perfectionner les Métaux imparfaits, c'est-à-dire ce qu'on doit leur ajouter et leur ôter. Mais s'il ne m'entend ou s'il ne me croit pas, et qu'il ne veuille suivre là-dessus que son caprice, cela ne lui servira de rien pour découvrir la vérité. J'ai dit au commencement de ce Chapitre que les deux Corps parfaits, c'est-à-dire le Soleil et la Lune, souffrent l'Examen de la Coupelle. J'en ai dit la raison, je l'explique encore et j'ajoute que c'est à cause de leur bonne et forte composition, qui vient de leur parfaite mixtion, et de leur pure Substance; au lieu que les Métaux imparfaits ne la peuvent souffrir, à cause de l'impureté et de la faible union de leurs Principes.
CHAPITRE XXXIII
Comment l'on fait l'Examen des Métaux par la Coupelle.
Pour faire la Coupelle, il faut prendre des Cendres criblées, de la Chaux, ou de la poudre des Os des Bêtes, que l'on aura brûlés. On mêle tout cela ensemble, ou une partie seulement; on le détrempe avec un peu d'eau, et on lui donne la forme en l'aplatissant avec la main, afin qu'il ait une assiette ferme et solide, et on enfonce un peu le milieu plus que les côtes; et sur ce milieu, qui a la figure d'une petite Coupe, l'on jette un peu de poudre de verre, et on la laisse sécher. On se sert ensuite de cette Coupelle, comme je vais le dire.On pose le Métal, ou la masse du Métal que l'on veut coupeller, dans le milieu de cette Coupelle, à l'endroit où elle est un peu creuse; on met des charbons pardessus qu'on allume, et on souffle continuellement avec un soufflet sur la Matière qu'on y a mise, jusqu'à ce qu'elle soit fondue. Cela fait, on jette du Plomb pièce à pièce par-dessus, et on continue à souffler fortement, afin d'y entretenir continuellement un feu de flamme. Et quand vous verrez la Matière se tourner, et se remuer fortement, soyez assuré qu'elle n'est pas pure. Il faut attendre pourtant jusqu'à ce que tout le Plomb soit exhalé. Car si après cela l'agitation de la Matière continue toujours, c'est une marque qu'elle n'est pas assez purifiée, ainsi il faut encore jeter d'autre Plomb par-dessus, et souffler continuellement jusqu'à ce qu'il s'en aille. Que si après y avoir jeté du Plomb la seconde fois, vous voyez que la Matière ne demeure pas encore en repos, il faut souffler par-dessus, jusqu'à ce que ce mouvement s'arrête, et que la surface de la Matière fondue vous paraisse nette et claire. Alors ôtez les charbons, défaites le feu, et jetez de l'eau sur votre Matière, parce que vous devez la trouver bien coupellée.Que si en soufflant vous jetez de fois à autre de la Poudre de verre dans votre Coupelle, le Métal que vous examinez s'en purifiera mieux; parce que le Verre emporte les ordures en les accrochant. Au lieu de Verre, on peut y jeter du Sel, ou du Borax, ou de l'Alun de quelque sorte que ce soit. Cette Epreuve se peut aussi bien faire dans un Creuset de terre, qu'avec une Coupelle, en soufflant tout autour par-dessus, afin que le Métal qu'on mettra dedans à éprouver, soit plutôt fondu et purifié.Parlons maintenant du Ciment, et disons-en les causes et l'usage.
CHAPITRE XXXIV
Du Ciment, et pourquoi il y a des Corps ou Métaux qui le souffrent mieux, et d'autres qui le souffrent moins.
Nous avons dit ci-devant que les Corps qui ont le plus de Soufre combustible se brûlaient beaucoup plus par la Calcination; et que ceux qui en ont le moins, ne se brûlaient pas si facilement. Le Soleil étant donc celui de tous les Métaux qui a le moins de Soufre, et ce qu'il en a étant fixe, il s'ensuit de là qu'il est le moins combustible de tous, même par le feu de flamme. La Lune ayant pareillement moins de Soufre que tous les autres Métaux, et en ayant pourtant plus que le Soleil, il est certain qu'elle ne peut pas souffrir si longtemps le feu de flamme que le Soleil, non plus que les autres choses qui brûlent de la même manière. Vénus le pourra encore moins souffrir, parce qu'outre elle a plus de Soufre que ces deux Métaux parfaits, elle a encore des terrestréités. Jupiter ayant moins de Soufre et de terrestréité que Vénus, mais pourtant plus que le Soleil et la Lune, il se brûlera moins par conséquent au feu de flamme que ne fera Vénus; mais plus que le Soleil et la Lune. Pour Saturne, il a plus de Soufre et de terrestréité dans sa composition que nul des Corps dont nous venons de parler; aussi il s'enflamme beaucoup plus tôt, et se brûle bien plus vite au feu de flamme. Ce qui vient principalement de ce que son Soufre est fortement mêlé dans sa Substance, et que ce Soufre est plus fixe que celui de Jupiter.A l'égard de Mars, s'il ne se brûle pas, c'est par accident que cela se fait, non pas que cela vienne de lui. Car quand on le mêle. avec des Corps qui ont beaucoup d'humidité, il la boit, à cause qu'il n'en a point, et qu'il est extrêmement sec, n'ayant que très peu de Mercure. Et si on le mêle avec quelque autre Corps, il ne s'enflamme ni ne se brûle, à moins que les Corps avec lesquels il sera mêlé, ne soient d'eux-mêmes inflammables et combustibles. Car en ce cas-là il se brûle et s'enflamme nécessairement, selon que les Corps auxquels il est mêlé, sont inflammables et combustibles eux-mêmes.Cela présupposé, le Ciment étant fait de choses inflammables, on voit pourquoi il a été inventé, et quel est son usage, qui est afin que tout ce qui serait combustible dans les Métaux se brûlât et fût consumé. N'y ayant donc qu'un seul Corps, qui est le Soleil, qui soit incombustible, il n'y a que lui ou ce qui s'approchera le plus de sa nature, qui ne sera pas consumé par le Ciment. Il y a pourtant des Corps qui lui résistent davantage, et d'autres qui le souffrent moins. Et il est aisé, par les choses que nous venons de dire, d'en faire le discernement. Car par cette raison la Lune y dure plus après le Soleil, Mars moins qu'elle, Jupiter moins que Mars, Vénus moins que Jupiter, et Saturne le moins de tous.
CHAPITRE XXXV
De quoi est fait le Ciment, et comment on fait l'Epreuve.
Voyons maintenant de quelle manière on fait le Ciment. Car comme il est d'un grand usage, pour examiner si les Métaux sont parfaits ou non, un Artiste doit nécessairement le savoir faire. Le Ciment se fait donc avec les Matières minérales qui s'enflamment, comme sont toutes celles qui noircissent, qui s'enfuient de dessus le feu, qui pénètrent et qui brûlent. Par exemple, le Vitriol, le Sel ammoniac, le Verdet, à quoi on ajoute un peu de poudre de vieille Brique, et tant soit peu, ou point du tout de Soufre, de l'Urine d'Homme, avec d'autres choses semblables, aiguës et pénétrantes. De tout cela détrempé avec l'Urine, on compose un Ciment, dont on fait des couches, sur des lamines de Métal qu'on veut passer par le Ciment. On arrange ensuite ces lamines dans un pot de terre, où il y aura des grilles de fer, et l'on pose ces lamines de telle manière qu'elle ne se touchent pas, et ne soient pas couchées les unes sur les autres; mais qu'il y ait de l'espace entre deux, afin que l'ardeur de feu puisse s'étendre librement, et agir également sur toutes, û faut mettre ce Pot, ainsi accommodé, dans un Fourneau, et l'y tenir durant trois jours à fort feu, prenant garde néanmoins de ne pas faire le feu si violent que les lamines se puissent fondre; mais qu'il soit tel que les lamines se tiennent seulement toujours rouges. Après ce temps-là, on trouvera les lamines nettes et purifiées de toutes sortes d'ordures et d'impuretés; pourvu que le Métal, dont elles sont, soit parfait. Car s'il ne l'est pas, elles seront entièrement détruites et brûlées par la Calcination qui s'en sera faite.Il y en a qui, sans Ciment, mettent des lamines de Métal dans un feu de flamme, et elles se purifient tout de même, si elles sont de Métaux parfaits; car autrement elles se brûlent et se réduisent en cendre. Mais dans l'Examen qui se fait de cette sorte, il faut tenir bien plus longtemps les lamines dans le feu que lorsqu'on les accommode avec du Ciment.Au reste, comme la Lune n'est pas beaucoup différente de la nature du Soleil, pour peu qu'on la prépare, elle demeure avec lui dans le même Examen, et elle le souffre tout de même, sans se séparer de lui. Aussi les Métaux ne se séparent les uns des autres, tant à la Coupelle qu'au Ciment, qu'à cause de la différence qui se trouve dans la composition de leur Substance : parce que c'est ce qui leur donne une fusion différente, et ce qui fait qu'ils ont leurs parties ou plus ou moins serrées. Et de là vient qu'ils se séparent les uns des autres dans ces deux Examens. Car la Substances des Métaux, qui sont d'une composition très forte, ne saurait être corrompue par aucun Corps étranger, à cause que ces Métaux, et ces Corps étrangers, sont deux différentes Substances qui ne peuvent point se mêler et s'unir ensemble par leurs moindres parties. C'est pourquoi, quand les Métaux sont mêlés les uns avec les autres, ils se séparent par cet artifice, sans que pour cela leur Essence soit entièrement corrompue ni détruite. C'est pourquoi l'on connaît si, dans la Transmutation, les Corps imparfaits ont reçu une véritable perfection, s'ils se fondent comme il faut, s'ils rougissent au feu, s'ils ont la solidité et la fermeté qu'ils doivent avoir pour être parfaits.
CHAPITRE XXXVI
Du Rougissement des Métaux au feu.
Les Métaux parfaits rougissent au feu dans un temps déterminé avant que de se fondre. Afin que les imparfaits soient véritablement transmués, et qu'ils reçoivent une véritable perfection, il faut nécessairement qu'ils soient fusibles de la même manière : je veux dire qu'auparavant de se fondre, il faut qu'ils rougissent en s'enflammant, et qu'ils paraissent d'un beau bleu céleste, comme font les Corps parfaits avant que de venir comme aux à cette blancheur éclatante que l'œil ne saurait supporter. Car les Corps parfaits rougissent parfaitement d'une rougeur très forte, auparavant que de se fondre, et ils ne viennent à cette grande blancheur, que l'on ne saurait regarder, que lorsqu'ils sont fondus. Ainsi, si les Corps imparfaits, sur lesquels on fait la projection, se fondent avant que de rougir, c'est une marque qu'ils ne sont pas parfaits; et s'ils ne rougissent qu'avec peine, et par un feu fort violent, leur Transmutation n'est pas véritable. Ce qui se doit entendre des Corps imparfaits, qui sont naturellement mous; la même chose se doit inférer de Mars tout seul. Car les Métaux qui ne rougissent pas naturellement, n'acquièrent pas facilement cette propriété, par la préparation qu'on leur donne; ni ceux qui ne sont pas fusibles d'eux-mêmes, ne reçoivent pas non plus par là une fusion semblable à celle qu'ont naturellement les Corps parfaits. Et si après avoir fait projection de la Médecine sur ces Métaux, ils ne rougissent pas avant leur fusion et s'ils ne jettent pas une lueur d'un beau bleu céleste fort agréable, on peut dire véritablement que leur transmutation n'est pas parfaite. De plus, s'ils n'ont pas le même poids des Métaux parfaits, dans le même volume, s'ils n'ont pas la même couleur, ni le même éclat, s'ils ne rougissent pas de la même manière, et enfin s'il leur manque quelque autre propriété des Corps parfaits, que l'on peut reconnaître par les différentes Epreuves que l'on a imaginées pour cela, on peut dire que l'Artiste n'a pas bien réussi dans ses recherches, ni dans son travail. Ainsi il doit recommencer à étudier et à chercher tout de nouveau, jusqu'à ce qu'il acquière la véritable connaissance du Magistère, qu'il ne doit pourtant attendre que de la bonté de Dieu seul.
CHAPITRE XXXVII
De la Fusion.
Nous allons parler maintenant de la Fusion et nous en dirons tout ce qui sera nécessaire, parce que c'est une Epreuve qui nous fait évidemment connaître les Métaux qui rougissent au feu, et ceux qui n'y rougissent point. Je dis donc premièrement que la Fusion des Corps parfaits ne se fait que d'une seule manière, qui est qu'ils ne se fondent jamais qu'ils n'aient rougi auparavant. Mais comme il y a d'autres Métaux qui rougissent tout de même, avant que de fondre, il faut remarquer que les parfaits rougissent d'une manière particulière. Car lorsqu'ils rougissent, ils ne deviennent pas tout à fait blanc, il ne paraît point de noirceur dans le feu qui en sort, et ils ne se fondent pas d'abord qu'ils ont rougi, ni ils ne deviennent pas tout aussitôt liquides et coulants.Quand on verra donc qu'un Métal fondra à un fort petit feu, ou qu'il fondra sans rougir, ou qu'en fondant il paraîtra noirâtre, c'est une marque infaillible que c'est ou un Corps imparfait (tel qu'il est naturellement, ou si l'on a fait projection de quelques Médecine sur lui, que cette Médecine est imparfaite). Que si encore après qu'un Métal aura rougi, on ne le fait point refroidir en le trempant dans l'Eau, et que sa rougeur sa change tout à coup en noirceur, et qu'ainsi il perde sa rougeur auparavant que de s'endurcir; il est certain que ce Métal, quel qu'il soit, n'est pas parfait; et c'est assurément un des Métaux imparfaits qui sont naturellement mous. Mais si c'est un Métal qui avant que de fondre ne rougisse qu'avec peine, et même qu'à fort feu, et si étant rouge il jette un éclat et une lueur fort resplendissante et toute blanche, c'est un témoignage que ce Corps-là n'est pas parfait; mais c'est l'un ou l'autre des deux Corps durs, c'est-à-dire Vénus ou Mars. De même, si l'on ôte du feu un Métal après être fondu, et qu'il s'endurcisse tout aussitôt, tellement qu'il ne soit plus coulant ni liquide, demeurant toujours rouge et éclatant, quel que soit ce Corps-là, et quelque Médecine qu'on ait projetée sur lui, il n'a pas la véritable perfection de Lune ni de Soleil; mais c'est ou Mars, ou quelque chose de semblable.De ce que nous venons de dire, il est évident que les Corps fusibles rougissent de trois différentes manières auparavant que de fondre, comme il se connaît par expérience. Car il y en a qui étant rouges, paraissent noirâtres, et c'est là la manière de rougir des Métaux imparfaits, qui sont mous. Il y en a d'autres dont la rougeur est d'un rouge clair, et ceux-là ce sont les Métaux parfaits. Et enfin il y en a d'autres, dont la rougeur est fort blanche, et qui jettent des rayons brillants; et ceux-là, ce sont nécessairement les Corps imparfaits qui sont durs, ainsi que la raison et l'expérience le font voir.Mais pour être plus assuré de toutes les manières dont_ les Métaux rougissent au feu, l'on n'a qu'à en faire fondre un peu de chacun, et à considérer premièrement à quel degré de feu chacun d'eux se fond, et ensuite prendre garde à toutes les différences de leur fusion. Car de cette manière on s'instruira pleinement de toutes choses, et non autrement. Cela dépendant uniquement de la Pratique et de l'Expérience. Et c'est là un Avertissement général, qui doit servir pour toutes les manières d'Examens, tant de ceux dont j'ai déjà parlé, que de ceux qui nous restent encore à dire. Voilà pour la Fusion.
CHAPITRE XXXVIII
De l'Exposition qu'on fait des Métaux sur les vapeurs des choses acides.
Notre ordre veut que nous parlions maintenant de la Preuve que l'on fait pour connaître si les Corps sont parfaits en les mettant sur les vapeurs des choses âcres et acides. On a imaginé cette preuve parce qu'on a vu par expérience que les Corps parfaits étant mis sur la vapeur des choses aiguës, c'est-à-dire de celles qui ont un suc aigre, pontique et acide, s'ils sont purs et sans mélange, il ne se forme rien au-dessus, principalement sur le Soleil. Et si ces Corps parfaits ont quelque alliage, il se fait sur leur superficie une espèce de petite fleur ou duvet, de couleur de bleu céleste très agréable; et qui se fait encore mieux sur l'Or, qui est mélangé avec quelque autre Métal, que sur l'Argent. Ainsi, à l'imitation de la Nature, nous mettons les Corps qui ont été préparés et altérés par nos Médecines à la même Epreuve, pour essayer si la même chose et la même couleur d'un bleu céleste se formera sur eux. Ce qui ne provient que d'un Argent-vif net et pur, comme nous l'avons fait voir suffisamment ci-devant. C'est pourquoi lorsqu'on mettra quelque Corps' ou Métal que ce soit, qui aura été altéré par la Médecine, sur la vapeur des choses acides, et qu'on verra qu'il ne produira pas cette belle couleur céleste, on peut dire que ce Corps-là n'est pas entièrement parfait.Or voici la différence que par cet Examen, on remarque entre les Corps ou Métaux imparfaits. Sur Mars, il se forme une rougeur brune, ou un jaune brun entremêlé de verdeur. Sur Vénus un vert brun mêlé d'un bleu céleste, trouble et obscur. Sur Saturne un blanc brun et sur Jupiter un blanc clair. Et d'autant que l'Or, qui est le Corps ou Métal le plus parfait, étant mis à cette Epreuve, ne produit rien de semblable, ou qu'il en produit bien peu, et qu'il est même fort longtemps à le faire; et que d'ailleurs Jupiter, par la vapeur des acides, jette cette fleur gommeuse, plus tard que ne font les autres Métaux imparfaits; nous inférons de là que Jupiter est celui de tous les Métaux imparfaits qui a le plus de disposition à recevoir la perfection, par la grand'Oeuvre. C'est ainsi que, par le moyen de cet Examen, tu pourras aisément connaître de quelle espèce de Métal sera celui que tu auras voulu changer par la Médecine, si tu considères bien de suite ce que je viens de dire dans ce Chapitre. Que si cela ne te peut de rien servir dans ce dessein, tu ne dois t'en prendre qu'à ton ignorance toute pure.
CHAPITRE XXXIX
De l'Extinction des Métaux rougis au feu.
On fait cette Epreuve de diverses manières pour connaître par là si le Métal imparfait, sur lequel on aura fait projection du Magistère, est parfait ou non. Car premièrement, ayant éteint dans une Liqueur ce Métal, après l'avoir rougi au feu, si l'on a prétendu le changer en Lune, et qu'il ne devienne pas blanc étant éteint ou si ayant reçu la Médecine solaire, il ne devienne jaune, et qu'il prenne quelque autre couleur; c'est une marque évidente que la Médecine, par laquelle on a voulu transmuer ce Métal, n'est ni véritable, ni parfaite. Secondement, si après avoir fait rougir et avoir éteint par plusieurs fois dans l'Eau, où l'on aura dissous des Sels ou de l'Alun, un Métal sur lequel on aura fait projection de quelque Médecine que ce soit, on voit se lever par-dessus une écaille un peu noirâtre; ou si après l'avoir éteint dans de l'Eau soufrée, et l'avoir rougi et éteint ensuite plusieurs fois de la même manière, il s'en sépare beaucoup de scories ou paillettes; ou s'il devient d'un vilain noir et désagréable; ou s'il se casse sous le marteau, il est certain que la Médecine dont on se sera servi pour transmuer ce Métal, est trompeuse et sophistique. Troisième, si après avoir fait passer un Métal par un Ciment fait avec du Sel Ammoniac, du Verdet et de l'Urine d'Enfant, qui est celle qui a le plus d'acrimonie, ou de quelque autre chose semblable : et après cela, l'ayant fait rougir et éteint, celui qui paraissait avoir été changé en Lune ou en Soleil, étant forgé, n'a par la couleur ni d'Argent ni d'Or, ou s'il s'écaille sous le marteau, il est certain que ce Métal n'a été changé que par sophistication. Enfin, voici une maxime constante et générale pour toutes sortes d'Examens et d'Epreuves : qui est, que si le Métal qui aura été altéré par quelque Médecine que ce puisse être, du premier, du second, ou du troisième Ordre, se trouve n'avoir pas le véritable poids, dans le même volume, ni la véritable couleur du Métal parfait, dans lequel on aura prétendu le transmuer, l'Artiste s'est assurément abusé dans son Ouvrage, et sa Médecine n'est qu'une fourberie et une sophistication, qui non seulement ne profite de rien, mais qui cause la ruine de l'infamie de ceux qui s'appliquent à ces sortes d'Ouvrages.
CHAPITRE XL
Du Mélange su Soufre combustible avec les Métaux.
On connaît tout de même, par le mélange que l'on fait du Soufre avec les Métaux, si la Médecine que l'on aura projetée dessus est véritable et parfaite. Car nous noyons par expérience que le Soufre étant mêlé avec les Corps ou Métaux, en brûle les uns plus que les autres, et qu'il y en a qui après cela reprennent corps, et d'autres qui ne le reprennent point. Et ainsi l'on peut connaître par là la différence d'entre les Métaux imparfaits, qui auront été changés par le moyen des Médecines sophistiques d'avec ceux qui auront été véritablement transmués par l'Elixir. De sorte que comme de tous les Corps ou Métaux, tant parfaits qu'imparfaits, nous voyons que le Soleil est celui que le Soufre brûle le moins, et après lui Jupiter, puis la Lune, et enfin Saturne : et que Vénus se brûle plus facilement que nul de ceux là, et Mars encore plutôt et plus facilement qu'elle, et que tous les autres. On peut juger de là qui sont les Métaux les plus proches de la perfection, et qui sont ceux qui en sont les plus éloignés.On juge pareillement par la diversité des couleurs qu'ont les Corps après avoir été brûlés par le Soufre, de quelle espèce ils sont, et quelle est leur véritable nature. Car au sortir de cette Epreuve, le Soleil paraît fortement orangé ou rouge clair. La Lune est noire, entremêlée d'un bleu céleste. Jupiter est noir avec un tant soit peu de rouge mêlé. Saturne est noir, brun, avec un peu de rouge et de lividité. Pour ce qui est de Vénus, si elle a été fort brûlée par le Soufre, elle paraît après cela noire et fort livide : mais si elle n'a été que légèrement brûlée, elle a une couleur fort nette d'un beau violet, qui lui vient du mélange du Soufre. Mais à l'égard de Mars, bien qu'il soit beaucoup ou peu brûlé, il revient toujours de cette Epreuve fort noir et fort obscur.On remarque pareillement la différence qui est entre les Métaux en les remettant en Corps, après qu'ils ont été brûlés par le Soufre. Car il y en a qui reprennent Corps, et d'autres qui, après l'avoir repris, étant mis dans un feu violent, s'en vont entièrement ou en partie en fumée avec le Soufre. Dé plus, quelques-uns de ceux qui reprennent corps reviennent en leur même nature; et ils y en a d'autres qui, après avoir été ainsi brûlés, reviennent et se changent en tout un autre Corps que celui qu'ils avaient auparavant. Ceux qui après cette Epreuve reprennent leur même Corps, ce sont le Soleil et la Lune. Mais Jupiter et Saturne s'évaporent; Jupiter ou entièrement où presque tout; Saturne ne s'évapore pas tout à fait, mais quelque fois plus et quelquefois moins. Au reste, cette différence vient de la diversité des choses et des Corps, et de la différente manière de les préparer ou de les essayer par cette Epreuve. Car si au sortir de cet Examen on remet Jupiter en Corps, et qu'on lui veuille donner tout à coup un feu fort violent, il s'évapore et se perd : au lieu que si l'on donne le feu peu à peu et par degrés, Saturne et Jupiter se conservent et se maintiennent en leur nature. Il est vrai que les Corps que ces deux ' Métaux reprennent après cela, ne semblent pas être leur véritable Corps, mais un autre tout différent. L'expérience nous ayant fait voir qu'après cette Epreuve, Jupiter se change comme en un Régule d'Antimoine clair, et Saturne en un Régule d'Antimoine brun et obscur. Que Vénus se diminue, si on lui fait reprendre corps par un feu fort, et Mars encore plus. Mais Vénus, se remettant en Corps, devient plus pesante qu'elle n'était, et d'une couleur jaune obscure, qui tient un peu de la noirceur, et elle s'amollit en augmentant de poids. Ainsi l'on pourra juger par ces Expériences de la nature des Corps qui auront été altérés par les Médecines.
CHAPITRE XLI
De la Calcination et de la Réduction.
Nous aurions encore une fois à parler ici de l'Examen qui se fait en calcinant les Corps ou Métaux, en leur faisant ensuite reprendre Corps. Mais, parce que nous avons déjà traité fort amplement de ces deux choses dans le Livre précédent, nous nous contenterons de dire que nous avons prouvé par expérience, qu'encore que l'on calcine les Corps parfaits, et qu'on les remette en Corps, tant que l'on voudra, ils ne perdront rien pour cela de leur perfection et de leur bonté : c'est-à-dire qu'ils ne perdront rien, ni de leur couleur, ni de leur poids, ni de leur volume, ni de leur volume, ni de leur éclat, au moins qui soit considérable. D'où il faut tirer cette conséquence, que si en calcinant et en remettant plusieurs fois en corps les Métaux imparfaits, quels qu'ils soient, qui auront été altérés et changés par quelque Médecine, s'ils déchoient de la bonté qu'ils semblaient avoir acquise par la projection, il est certain que les Médecines, qui auront fait ce changement, ne sont que de pures Sophistications. Ainsi l'on doit travailler à faire des expériences, afin de n'y être pas trompé.
CHAPITRE XLII
De la facilité qu'ont les Métaux à recevoir l'Argent-vif.
J'ai ci-devant fait voir clairement que les Corps ou Métaux qui avaient beaucoup d'Argent-vif, étaient les plus parfaits, et que c'était la raison pour laquelle ils s'attachaient beaucoup mieux à l'Argent-vif que ne font les autres. Et il est certain, par conséquent, que les Corps qui reçoivent et boivent plus avidement l'Argent-vif s'approchent le plus de la perfection; ainsi que nous le témoigne la grande facilité que le Soleil et la Lune, qui sont les deux Corps parfaits, ont à le recevoir et à s'attacher à lui. D'où il s'ensuit que tout Métal imparfait qui aura été transmué par quelque Médecine, et qui ne recevra pas facilement l'Argent-vif en sa Substance, doit être fort éloigné de la perfection.
CHAPITRE XLIII
Récapitulation de tout l'Art.
Après avoir parlé suffisamment des Expériences qu'on peut faire pour examiner la perfection du Magistère, et avoir par conséquent satisfait à ce que nous avions promis au commencement de ce Livre, il ne nous reste plus autre chose à faire, pour achever notre Ouvrage, qu'à mettre dans un seul Chapitre tout l'accomplissement de cette divine Œuvre, et réduire en peu de mots le Procédé du Magistère que nous avons abrégé en cette Somme et dispersé en tous les Chapitres qu'elle contient. Je déclare donc, que toute l'Œuvre ne consiste qu'à prendre la Pierre (c'est-à-dire la Matière de la Pierre), que l'on doit assez connaître par toutes les choses que nous en avons dites dans les Chapitres de ce Traité; et par un travail assidu et continuel, lui donner le premier degré de Sublimation, afin de lui ôter toute l'impureté qui la corrompt. La perfection que la Sublimation doit donner à cette Matière, ne consistant qu'à la faire devenir si subtile qu'elle soit élevée à la dernière pureté et subtilité; qu'elle devienne enfin toute spirituelle et volatile. Après quoi, il faut la rendre tellement fixe par les manières de Fixations que j'ai décrites, qu'elle .puisse résister au feu, quelque violent qu'il soit, et demeurer sans s'enfuir ni s'évaporer : Et c'est là la fin du second degré de la préparation qu'il faut donner à cette Matière. Par le troisième degré, on achève de la préparer tout à fait. Ce qui se fait en sublimant cette Pierre (ou cette Matière), et par ce moyen de fixe qu'elle est, la rendant volatile, puis de volatile la faisant fixe une seconde fois, la dissolvant après l'avoir fixée, et étant dissoute la rendant encore volatile, et la refixant tout de même, tant qu'elle soit fusible, et qu'elle transmue les Imparfaits, et leur donne la véritable perfection de Soleil et de Lune à toute épreuve. Ainsi, en refaisant les Opérations de ce troisième degré, on augmente la perfection de la Pierre, et on multiplie la vertu qu'elle a de transmuer les Corps imparfaits. De sorte que ce n'est qu'en refaisant continuellement les mêmes Opérations de l'Œuvre qu'on donne la Multiplication à la Pierre, par laquelle on la rend si parfaite qu'une de ses parties pourra convertir en véritable Soleil et en véritable Lune cent parties de Métal imparfait, puis mille, et ainsi de suite en augmentant toujours jusqu'à l'infini. Après on n'a plus qu'à faire passer par les Epreuves le Métal qui aura été transmué, pour connaître si le Magistère, qui en aura fait la Transmutation, est véritable et parfait.
CHAPITRE XLIV
De quelle manière l'Auteur a enseigné l'Art en cette Somme de perfection.
Mais pour ôter toute sorte de prétexte aux Calomniateurs de nous accuser de mauvaise foi, et de n'avoir pas agi sincèrement en ce Traité : Je déclare ici premièrement qu'en cette Somme, je n'ai pas enseigné notre Science de suite, mais je l'ai dispersée ça et là en divers Chapitres. Et je l'ai fait ainsi à dessein, parce que si je l'avais mise en ordre de suite, les Méchants, qui en feraient un mauvaise usage, l'auraient apprise aussi facilement que les Gens de bien. Ce qui serait une chose tout à fait indigne et injuste. Je déclare en second lieu, que partout où il semble que j'aie parlé le plus clairement et le plus ouvertement de notre Science, c'est là où j'en ai parlé le plus obscurément, et où je l'ai le plus cachée. Je n'en ai pourtant jamais parlé par Allégories ni par Enigmes; mais je l'ai traitée, et je l'ai enseignée en paroles claires et intelligibles, l'ayant écrite sincèrement, et de la manière que je l'ai sue, et que je l'ai apprise par l'inspiration de Dieu, très haut, très glorieux et infiniment louable, qui a daigné me la révéler, n'y ayant que lui seul qui la donne à qui il lui plaît, et qui l'été quand il lui plaît.Courage donc, Enfants de la Science, ne désespérez pas de pouvoir apprendre une Science si merveilleuse. Car je vous assure que vous la découvrirez indubitablement si vous la cherchez, non pas par le raisonnement d'aucune autre Science que vous ayez apprise, mais par un mouvement et une impétuosité d'esprit. Et celui qui la cherchera par l'intelligence et la lumière naturelle de son esprit, la trouvera. Mais celui qui prétendra l'apprendre par les Livres ne doit pas espérer de la savoir, qu'après avoir étudié pendant un long temps. Car je déclare encore que ni les* Philosophes qui m'ont précédé, ni moi, n'avons écrit notre Science que pour nous, et pour les Philosophes nos Successeurs, et nullement pour les autres; quoique d'ailleurs cette Science soit très véritable et très assurée. Pour moi, quoique je n'aie écrit tout de même que pour moi la manière et de la rechercher, et de l'apprendre : Je puis dire néanmoins que ce que j'en ai dit, je ne l'ai pas dit seulement pour exciter les Personnes sages et intelligentes à s'appliquer à l'étude de cette Science; mais même que j'en ai assez dit pour leur donner le moyen de la rechercher par l'unique et la véritable voie. Et je puis assurer que quiconque aura bon esprit, et qui s'appliquera soigneusement à bien comprendre ce que j'ai dit en ce Livre, aura assurément la satisfaction de Découvrir un Don excellent de Dieu très haut et très puissant.Voilà tout ce que j'avais à dire, touchant la recherche d'un Art ou d'une Science si relevée et excellente.
Fin du second Livre, et de toute la Somme de perfection de Geber.