L'ANTIMOINE
Anonyme
XVIIIe siècle
§ - L'Antimoine.
I. L'Antimoine est un minéral ou demi-métal qui se fond au feu, qui n'est point ductile, qui se trouve dans la terre en aiguilles ; on le sépare de la gangue par le moyen de la fusion ; étant purifié en régule il ressemble au plomb, et c'est pour cela qu'on le nomme demi-métal : on en trouve en Transylvanie, en Hongrie, en France, en Allemagne, les Marchands en vendent quelquefois de minéral, mais celui qu'on trouve ordinairement a été fondu et purifié : il ne faut pas croire que celui qui est rouge soit le meilleur ; les Alchimistes l'ont cru, parce qu'ils croyaient qu'en cette couleur il approchait plus de l'or, il n'est quelquefois rougeâtre que parce qu'il se trouve avoir plus de soufre raréfié que l'autre, on le peut voir par l'expérience.
II. Les Alchimistes ont nommé ce minéral le lion rouge, le loup, la racine des métaux, le prothés, le plomb sacré des Philosophes, tous ces noms ne viennent que de leurs idées chimériques ou des phénomènes que l'antimoine présente en diverses opérations, mais laissons ces imaginations, et venons à l'analyse.
III. Les minéraux sont des bitumes cuits jusqu'à un certain degré de fixité, ils ont composés d'un principe sulfureux ou huileux, d'un acide vitriolique, et d'une terre capable de se vitrifier et de se fondre ; le mercure, selon les Alchimistes, est la base de tous les métaux, mais il est lui-même composé des même principes, ce qui fait voir que c'est un corps comme eux.
IV. La base des substances métalliques est la terre vitriscible qui se trouve différente dans les différents métaux, et c'est elle qui les distingue les uns des autres ; le sel est vitriolique, il est à peu prés semblable en tous, l'huile est la même que toutes les huiles, et lie les deux autres principes.
V. L'antimoine est composé de deux substances, l'une métallique, l'autre sulfureuse ; le soufre qu'il contient est un véritable soufre brûlant, qui n'est point différent de celui des allumettes, on peut les séparer, en mettant l'antimoine dans l'eau régale, car elle ne dissout que la partie réguline ou métallique, sans toucher au soufre qu'elle laisse indissout, on dessèche la dissolution, et l'on sublime le soufre.
VI. La substance réguline de l'antimoine est composée d'un principe inflammable, et outre cela d'une terre vitrifiable avec un acide vitriolique qui lui aide à se vitrifier, on sent cet acide par l'odeur sulfureuse et vitriolique qui s'y trouve comme dans les pyrites, au lieu que dans l'étain quand on le brûle, on trouve une odeur d'ail, c'est à dire, une odeur arsenicale : pour la substance réguline fondue, elle se vitrifie, et ce verre n'est que la partie terreuse unie au sel et séparée de son principe inflammable, qui rendu à ce verre lui redonne sa forme métallique sur le champ ; et soit que l'huile dont on se sert pour ressusciter ce métal se prenne du végétal, soit qu'on la tire des substances animales, cette remétallisation réussit également.
VII. Il y en a qui ont prétendu faire du mercure avec le régule d'antimoine, mais il est fort incertain si cela est arrivé par les diverses opérations qu'on a fait là-dessus ; on peut assurer avec plus de fondement que le régule a beaucoup de rapport avec la substance mercurielle, car il se joint promptement à l'acide du sel commun, mais il l'attire un peu plus fortement, parce qu'il a une plus grande affinité avec cet acide que le mercure : tous les métaux sont liés par les soufres, mais l'argent vif élude la force de ce lien, quoique cependant il s'y joint promptement ; il en est de même de l'antimoine en régule, il le retient seulement avec un peu plus de force : le rapport qui se trouve entre ces deux matières et l'or auquel elles se joignent étroitement, marquent encore la ressemblance qu'il y a entre leurs tissus ; on peut donc assurer qu'il y a quelque chose de mercuriel dans le régule, mais cela ne suffit pas pour dire qu'il y a véritablement du mercure, et qu'on n'a qu'à le séparer.
VIII. On a cru qu'il y avait du plomb dans l'antimoine, mais la ductibilité qui lui manque fait bien voir qu'il est d'une nature fort différent, on n'a point fait de plomb d'un antimoine pur : quoiqu'on puisse dire, si les sels alkalis caustiques le ramollissent un peu, ils n'ont jamais rien opéré qui put donner quelques espérance de faire étendre ce minéral sous le marteau.
IX. Pour l'arsenic on pourrait prouver plus aisément que l'antimoine en contient, en voici les preuves : le nitre brûlé avec les composés phlogistiques qui n'ont pas d'acides manifeste, perd son odeur pénétrante, sa couleur, son acrimonie ; mais avec l'arsenic sa couleur, son acrimonie, sa volatilité, sa fétidité augmentent, la même chose arrive avec le régule d'antimoine, si on travaille l'arsenic avec le plomb, le verre prend une couleur qui n'est pas fort différente de celle du verre d'antimoine, et il se trouve avoir de l'éméticité, ce qui est commun à ces deux minéraux, je crois que sur ce fondement on peut reconnaître dans l'antimoine la présence de quelque substance arsenicale.
X. L'antimoine crud est employé dans les décoctions sudorifiques, lorsque l'on veut chasser les humeurs par la transpiration, mais il faut prendre garde qu'il n'y ait rien d'acide dans la décoction, car il s'ouvrirait et deviendrait émétique ; il est dangereux quand on le prend en substance à grande dose, parce qu'il peut devenir émétique dans l'estomac.
Prenez quatre livres d'antimoine de Hongrie, ou à son défaut, du meilleur que vous trouverez ; broyez-le grossièrement, ôtez-en la poussière fine qui s'attacherait au fond du vaisseau qu'elle ferait casser sur le feu, il suffit que l'antimoine soit en petits morceaux de la grosseur d'une noisette, mettez cet antimoine réduit en petits morceaux dans une cafetière vernissée de quatre ou cinq pintes, versez-y quatre pintes d'eau de pluie et seize onces de liqueur de nitre fixé, faite bouillir le tout pendant deux heures, ou jusqu'à ce que la liqueur ait pris une couleur rouge assez foncée ; plongez un cuillère dans cette liqueur bouillante et l'en remplissez, cette liqueur d'abord est claire, mais elle se trouble à mesure qu'elle se refroidit, et dépose à la fin quelques particules qui sont le soufre de l'antimoine ; décantez alors la liqueur sur un entonnoir garni d'un filtre, ayant soin de laisser le tiers de la liqueur dans la cafetière, reversez de nouveau sur ce tiers douze onces de liqueur de nitre et quatre pintes d'eau bouillante, décantez et filtrez la liqueur en laissant encore un tiers dans la cafetière comme la première fois, remettez-y huit onces de liqueur de nitre fixé et quatre pintes d'eau bouillante, à cette dernière fois décantez toute la liqueur sur le filtre ; toutes ces liqueurs étant ensemble, laissez-les reposer dix huit ou vingt heures, versez la liqueur par inclinaison, prenez le soufre précipité et le faire égoutter sur le filtre, surversez-y de l'eau chaude pour le dessaller, et continuez jusqu'à ce qu'il soit insipide, laissez le soufre dans le filtre, suspendez-le, et le desséchez ; cela fait, étendez-le, et le faites tomber avec une plume dans une terrine vernissée, surversez-y quatre onces d'eau de vie, brûlez-la, puis laissez dessécher le soufre à très lente chaleur, faites-le brûler encore dans l'eau de vie jusqu'à trois fois, et vous aurez le soufre d'antimoine ou kermès minéral.
Ce remède a été mis en usage par la Ligerie, Chirurgien dans les Troupes, mais il n'a fait du bruit qu'entre les mains des Pères Chartreux ; ce n'est pas une composition nouvelle ; Glauber en avait parlé ; l'Abbé Rousseau ne l'ignorait pas, comme on le voit dans ses secrets, mais il faut avouer que c'est M. Lemery à qui l'on doit l'attribuer, on ne peut pas dire qu'il l'ait prise dans les Ouvrages de Glauber, ce Chimiste n'en a parlé qu'énigmatiquement, et ne suit pas le même procédé ; d'ailleurs M. Lemery avait entrepris de travailler l'antimoine avec toutes sortes de matières, son dessein devait le conduire nécessairement à cette préparation, Monsieur son fils a donné là-dessus à l'Académie Royale un Mémoire rempli d'observation curieuses, il fait voir que son père a détaillé parfaitement la préparation et l'usage de ce remède, mais je ne crois pas comme lui que l'esprit de vin y soit inutile, il est certain que l'antimoine sur lequel on brûle l'esprit de vin est moins émétique.
L'antimoine est composé d'un soufre, comme nous avons dit, et d'une substance métallique ; les sels alkalis divisent ce soufre, et lui donnent la couleur rouge que les parties sulfureuses prennent quand elles sont bien divisée : il y a encore quelques parties de la substance réguline qui se divisent avec leurs soufres auxquels elles s'unissent ; nous avons donc dans cette opération ces deux substances fort atténuées, et divisées par un alkali.
Cette poudre ne parait pas fort différente du soufre doré d'antimoine, car ce soufre doré n'est qu'une portion sulfureuse séparée de l'antimoine régulin, comme nous l'expliquerons ailleurs ; elle n'est pas non plus fort différente de la poudre de Russel, qui se fait ainsi : prenez l'antimoine, faites-le fondre dans un creuset ; tandis qu'il est en fusion, jetez-le sur le champ dans l'eau froide, il tombera au fond une poudre grossière, et il y en aura une qui restera suspendue dans l'eau ; décantez la liqueur pour avoir la poudre fine qui est sudorifique et très peu émétique, au lieu que le kermès l'est assez considérablement : le feu fait dans cette poudre de Russel ce que le nitre fixé fait sur le kermès.
Le kermès est émétique lorsqu'il se trouve dans l'estomac des aigreurs qui le développent, autrement il est purgatif ; mais s'il n'y a rien dans les intestins qui doivent être purgé, il passe dans le sang : le principe phlogistique qu'il contient venant à se raréfier, il excite des sueur, un grain fait suer quelquefois abondamment ; s'il ne fait point suer, il excite une transpiration insensible, on le donne pour purger les premières voies ; il est bon dans les fièvres intermittentes, dans les maladies de poitrine où le sang tend à la coagulation ; il faut cependant prendre des précautions quand on le donne : il a excité une fois une colique affreuse avec des douleurs aux testicules ; je crois qu'un verre d'huile aurait été le remède à cet accident : il arrive encore quelquefois que le kermès gonfle et échauffe le ventre, il faut alors boire beaucoup pour dissoudre et délayer la bile qui se gonfle, et pour détendre les parties.
L'effet du kermès n'est pas toujours certain, on en a donné jusqu'à neuf grains dans un jour, sans qu'on ait vu aucun effet, mais le lendemain il y a eu évacuations copieuses par les selles, avec une simple infusion de séné.
La dose ce cette préparation est de deux, trois, quatre ou cinq grain ; après la première dose de trois grains ou de quatre on peut donner un grain de trois en trois heures dans de la gelée de groseilles, parce que dans les liqueurs il tombe au fond, et n'est pas aisé à prendre, on le peut aussi donner à un grain dans les cas où les matières ne sont pas encore cuites, il est bon dans les maladies malignes, car il incite et met les malades en état d'être purgés avec succès.
Faites calciner sur un petit feu une livre d'antimoine en poudre dans une terrine qui ne soit pas vernissée, remuez incessamment la matière avec une spatule de fer jusqu'à ce qu'il ne sorte plus de fumée ; si cependant la poudre se grumelait, comme il arrive souvent, mettez-la derechef dans un mortier et la pulvérisez, faites-la derechef calciner, comme nous avons dit ; lorsqu'elle ne fumera plus, et qu'elle prendra une couleur grise, vous aurez une poudre ou une chaux qui est la partie réguline dépouillée du soufre brûlant et du principe inflammable, ce qui fait que ce n'est point un régule.
Mettez cette poudre dans un bon creuset que vous couvrirez d'un tuilot, et placez-le dans un fourneau à vent, dans lequel vous ferez un feu de charbon très violent qui entoure le creuset ; une heure après ayant introduit dedans une verge de fer, regardez quand vous l'aurez retiré, si la matière qui s'y sera attachée est bien diaphane ; si elle l'est, jetez la sur un marbre bien chauffé, elle se coagulera, et vous aurez un beau verre d'antimoine que vous laisserez refroidir, puis vous le garderez.
L'antimoine est composé, comme nous l'avons dit, de plusieurs substances ; dans cette opération la matière sulfureuse et l'huile qui forment les métaux, s'exhalent, il reste une cendre ou chaux qui ne se fond pas aisément, on peut la revivifier, suivant les principes que nous avons établis, si l'on continue le feu, la poudre grise devient brune, et tire sur le jaune, cette couleur jaunâtre est une marque que le feu a enlevé le soufre grossier et l'huile : si l'on vient donc à fondre cette chaux, on en formera non un métal, mais un verre qui sera rougeâtre, s'il lui reste quelque soufre, cela se prouve par le mélange de deux parties de chaux d'antimoine et d'une partie de soufre, il résulte de ces deux matières un verre rouge ; mais si la matière sulfureuse a été bien brûlée, le verre est de couleur d'hyacinthe : quatre parties de borax sur une partie de chaux d'antimoine, donnent un verre cristallin qui tire sur le jaune.
Si l'on a trop calciné l'antimoine, il faut pour le fondre y jeter un peu d'antimoine crud, ce mélange lui rendra le phlogistique qui est le principe de la fusion : lorsque la matière est fondue, on y introduit un stylet ; et si elle est bien disposée à la vitrification, elle filera, si l'antimoine n'avait pas été suffisamment calciné, le filet se trouverait couvert d'une espèce de régule, alors on jette la matière sur le marbre, on la broie quand elle est refroidie, on la remet au creuset comme auparavant : un gros de borax sur huit once d'antimoine qui ne serait pas bien calciné pourrait encore faire réussir l'opération.
Par les principes que nous avons établis on voit que s'il tombe du charbon dans le creuset, l'antimoine se revivifiera ; il n'en serait pas de même, s'il tombait du soufre commun : ce n'est que la matière grasse qui donne la forme métallique ; il se trouve un peu d'huile dans le soufre, mais elle est liée et trop peu abondante, le charbon forme un régule de la chaux, et ensuite l'addition du soufre commun redonne l'antimoine crud.
Toutes les espèces de verre dont nous avons parlé sont émétiques, mais si on les réduit en poudre impalpable, et qu'on fasse brûler dessus de l'esprit de vin trois ou quatre fois le verre n'aura plus tant d'éméticité. M. de Bellebat avait mis en vogue cet émétique, il en donnait quelquefois jusqu'à demi gros dans les fièvres intermittentes au commencement des accès, ce remède faisait peu vomir, il était diaphorétique : comme l'esprit de vin contient un principe huileux, il peut enfin revivifier la chaux d'antimoine : on peut enlever au verre d'antimoine sa vertu émétique, et le rendre purgatif, il ne faut pour cela que lui donner une enveloppe qui ne se dissolve que dans l'estomac, c'est ce qu'on peut faire en versant sur le verre d'antimoine une dissolution de mastic faite dans l'esprit de vin, et en faisant évaporer ensuite lentement l'humidité ; on peut en donner dix à douze grains.
M. Lemery dit qu'il est surprenant que le verre d'antimoine, qui est plus compact que les autres préparations, fasse vomir avec plus de violence, mais tout cela dépend de la matière qui est émétique dans l'antimoine, il faut la connaître avant de dire qu'il est étonnant que le verre produise un tel effet ; cela serait fondé, s'il fallait qu'il se fit une dissolution d'un verre semblable au commun, mais il y a d'autre matières dans le verre d'antimoine, on le donne en substance depuis deux grains jusqu'à six ; pour le vin émétique qui se fait en mettant le verre antimonial en infusion avec le vin ; on le donne depuis deux drachmes jusqu'à une once.
Prenez parties égales d'antimoine crud et de salpêtre, pulvérisez-les et les mêlez, mettez ce mélange dans un mortier de fer, couvrez ce mortier d'une terrine percée d'un trou, introduisez par ce trou un charbon allumé, après la détonation frappez sur les cotés avec les pincettes, laissez refroidir le mortier, frappez contre le cul pour faire tomber la matière, séparez les scorie par un coup de marteau, pulvérisez la partie réguline, édulcorez-la en la lavant plusieurs fois dans l'eau tiède, c'est le safran des métaux.
La matière grasse s'enflamme avec le salpêtre, cette inflammation consume le soufre de l'antimoine ; il doit donc rester un régule qui étant privé de ses soufres sera une espèce de verre ; le nitre et la matière bitumeuse qui reste, se joindrons par leur affinité, et prendront la partie supérieure du vaisseau, parce que le régule pèse beaucoup plus.
Le crocus metallorum sert de base au tartre émétique, on le fait encore infuser dans le vin, ou dans des liqueurs qui par leur sel essentiel développent les principes de l'antimoine ; on peut donner au safran des métaux plus ou moins d'éméticité, en y mettant plus ou moins de nitre : nous avons dit que les acides minéraux diminuaient l'éméticité de l'antimoine ; le nitre doit produire cet effet dans ce procédé.
On peut faire divers crocus, nous avons déjà donné quelque procédé pour cela dans le traité du Fer, lorsque le régule martial est en fusion et que les scories s'incrustent et se durcissent, il faut y jeter un peu de soufre ou de flux noir, ce mélange tiendra les scories en fusion ; si on se sert du flux noir, il se mêlera des parties antimoniales aux scories, ainsi on pourra les revivifier en y joignant du charbon, et il se formera par cette addition un vrai antimoine crud à cause du soufre qu'on a employé; au reste le mars qui est dans les scories du régule martial, est très ouvert, il peut devenir un bon safran; quand on l'expose à l'air, il se change en une masse spongieuse qui se gonfle; si on dissout cette matière dans l'eau, il se forme un vitriol de Mars.
Le tartre émétique est plus commode que le safran des métaux, on le déguise beaucoup plus aisément; la dépense que coûte le safran peut être beaucoup diminuée, si on le fait avec une once de flux noir sur une livre d'antimoine, ou bien six gros de salpêtre sur une livre d'antimoine calciné seul et réduit en poudre très fine; on peut voir aisément la raison de tout cela.
Comme les sels minéraux diminuent l'éméticité de l'antimoine, on pourrait faire un safran qui fît vomir moins violemment que celui dont nous venons de parler, en mettant parties égales d'antimoine, de nitre et de sel marin décrépité; il résulte de ce mélange une masse de couleur rouge qu'on a nommé rubine d'antimoine.
On a cru que l'on pouvait toujours se servir du même crocus et du même verre pour faire le vin émétique, mais l'on s'est trompé : il est certain qu'après un certain nombre d'infusions le vin a moins de force, il faut remarquer aussi que le vin ne se charge que d'une certaine quantité d'antimoine, ainsi la dose du vin émétique doit être fixé par la quantité; la dose de ce vin est depuis demie once jusqu'à trois, et celle du crocus en substance depuis deux jusqu'à huit grains.
Prenez une partie d'antimoine et trois parties de salpêtre raffiné, pulvérisez-les, et les mêlez, jetez-en une cuillerée dans un creuset rougi entre les charbon ; après la détonation jetez-y une autre cuillerée jusqu'à ce que votre mélange soit tout employé, poussez le feu durant deux ou trois heures, jetez votre matière dans une terrine remplie d'eau chaude, laissez-la tremper chaudement dans cette eau durant l'espace d'un jour, décantez la liqueur, lavez dans l'eau tiède la poudre blanche que vous trouverez au fond, réitérez la lotion jusqu'à ce que la poudre soit insipide, faites sécher ce qui vous restera, c'est l'antimoine diaphorétique.
L'antimoine diaphorétique n'est qu'une calcination de l'antimoine crud ou du régule mêlé avec le nitre : si l'on emploie l'antimoine crud, il faut trois parties de nitre sur une partie d'antimoine, et si l'on se sert du régule, il faut parties égales de nitre, parce qu'il n'y a pas autant de soufre à imbiber, la détonation est alors fort légère.
La poudre blanche est privée du phlogistique, de là vient qu'elle résiste à la fusion ; si on la mêle avec du soufre, elle s'en charge promptement, les vapeurs sulfureuses la noircissent, et le principe inflammable des charbons la remétallisent, c'est pour cela que dans l'opération il faut prendre garde qu'il ne tombe pas de charbon dans le creuset, autrement au lieu du diaphorétique minéral on aurait un émétique ; cette poudre au reste n'est pas une terre absorbante, elle ne fermente pas avec les acides comme la craie.
Les lotions évaporée donnent un sel nitreux qui brûle; si l'on a fait l'opération avec l'antimoine crud, ce sel est une espèce de sel polycreste, il est composé de la terre du nitre fixe, et des acides vitrioliques du soufre; si le nitre était trop abondant, on aurait quelques cristaux nitreux, ce nitre est diffèrent du sel polycreste en ce qu'il contient quelques parties antimoniales, car si on verse du vinaigre sur la lessive, il se précipite une poudre blanche qui n'est qu'une portion de l'antimoine diaphorétique.
L'antimoine n'est pas émétique de lui-même, on peut en prendre de crud en substance, sans qu'il se produise le vomissement ; mais quand on le dépouille de ses soufres, il est un puissant vomitif : on dispute encore sur la matière qui est émétique dans l'antimoine : les uns ont dit que c'était le soufre, mais ils n'ont donné aucune preuve, d'ailleurs l'antimoine crud, suivant cette idée, devrait être plus émétique que l'antimoine calciné ; les autres ont attribué au sel antimonial l'éméticité : mais quel est ce sel ? Est-ce le sel vitriolique dont nous avons parlé ? Il ne parait pas qu'il puisse être la cause de l'irritation des fibres de l'estomac, les expériences ne soutiennent pas ce sentiment. Pour le sel qui peut entrer dans la composition de l'antimoine, et qui contribue apparemment à former le verre, on ne saurait dire qu'il est émétique, puisque l'on ne peut pas le développer, ne le faire paraître en forme de sel : suivant toutes ces difficultés il semble qu'il ne reste que la juste proportion du sel et du soufre, cependant par le mélange du soufre et du sel on ne fait jamais un émétique, il faut donc avoir recours à quelqu'autre cause ; s'il y a quelque chose de vraisemblable, c'est que la matière arsenicale est le source de l'éméticité de l'antimoine ; ce que j'ai dit du verre de plomb mêlé avec l'arsenic, confirme cette idée : mais quelle est la matière qui est émétique dans l'arsenic ? c'est ce qu'on ne peut pas déterminer ; on peut dire seulement qu'il faut que ce soit un corps qui s'élève à l'orifice de l'estomac, et qui en picotant les nerfs qui l'environnent, fasse entrer en convulsion les muscles de l'abdomen et le diaphragme. Suivant l'expérience du célèbre M. Chirac, le ventricule n'a aucun mouvement quand on vomit, il ne fait qu'obéir à la pression des muscles entre lesquels il se trouve ; plusieurs Anatomistes célèbres ont confirmé à Paris ce que ce grand Médecin a avancé.
Dans cette opération l'antimoine change de nature, puisqu'il devient diaphorétique ; il ne perd pas son éméticité, parce qu'il est dépouillé de son soufre, comme on l'a avancé ; ce n'est que le mélange du nitre qui produit cet effet. On aurait beau calciner l'antimoine pour lui enlever son soufre, il ferait toujours vomir ; pour sa vertu diaphorétique elle est fort légère ; pour qu'elle s'aperçoive il faut en donner vingt quatre grains : cette préparation peut devenir émétique, si on y verse du sirop de limon, ou quequ'autre acide végétal ; elle devient encore purgative, si on en réitère les doses de six en six heures. Le grand fondant de Paracelse n'est que la poudre diaphorétique non lavée, ce remède est excellent pour enlever les obstructions, on le donne depuis seize grains, on vient ensuite de cette dose jusqu'à soixante grains peu à peu.
On peut faire cette préparation avec du régule martial, mais elle sera moins blanche à cause du mélange de fer ; la poudre cornachine est une mixtion d'antimoine diaphorétique, de diagrede et de crème de tartre en parties égales, c'est la poudre de Tribus qui purge fort bien, elle porte encore le nom de poudre du Comte de Warvick.
Si l'on met le salpêtre raffiné et l'antimoine dans un pot surmonté de trois aludels et d'un petit récipient, on fera sublimer un antimoine diaphorétique en jetant le mélange par cuillerée dans le pot rougi, et en poussant le feu durant un quart d'heure ; à la fin comme l'acide du soufre est plus fort que l'acide nitreux, il se joindra à la terre du nitre, et l'acide nitreux s'élèvera, ainsi on aura un peu d'esprit de nitre, on aura encore un salpêtre fixé ; puisqu'il a été calciné avec le soufre, il se perd 1/20 de matière dans cette opération, elle s'en va en fumée par le trou du pot dont on se sert, mais l'antimoine diaphorétique pèse plus que l'antimoine dont on s'est servi, cela vient en partie du mélange du nitre et en partie de la calcination qui rapproche les parties ; le feu du miroir ardent qui augmente l'antimoine qu'il calcine, est une preuve que les augmentations de poids ne viennent pas entièrement d'une nouvelle matière ajoutée.
La dose de l'antimoine diaphorétique est depuis six grains jusqu'à trente.
Le régule d'antimoine est la substance métallique séparée du soufre.
Prenez douze onces d'antimoine, douze onces de tartre crud, et six onces de salpêtre raffiné, mettez-les en poudre ; mêlez le tout exactement, faites rougir un grand creuset entre les charbons, projetez-y une cuillerée de ce mélange, et mettez-y un couvercle, il se fera une détonation, après laquelle vous continuerez à mettre des cuillerées de votre matière dans le creuset jusqu'à ce que tout soit employé, poussez alors le feu autour du creuset ; et quand la matière sera en fusion, versez-la dans un mortier ou dans un culot de fer graissé avec du suif et chauffé, frappez les cotés dudit culot ou du mortier, et le régule se précipitera au fond ; quand il sera froid vous le séparerez des scories qui sont dessus ; l'ayant mis en poudre, faites-le refondre dans un autre creuset, jetez-y un peu de salpêtre ; il s'élèvera quelque petite flamme, laquelle étant passée renversez votre matière sur un mortier de fer bien net et graissé, laissez-la refroidir, vous aurez quatre once et demie de régule.
L'antimoine comme nous l'avons dit est une matière métallique, arsenicale, sulfureuse : le soufre est joint au métal assez faiblement ; la matière qui tient de l'arsenic, a plus de liaison avec lui, cependant on ne peut guère séparer l'un sans l'autre. Quand on veut dépurer le métal par le moyen du feu, le phlogistique même qui donne aux métaux leur forme, s'envole, et ne laisse au lieu de la substance métallique que du verre. Le nitre produit le même effet, par la déflagration il enlève la matière inflammable : le sel alkali fixe qui se charge du soufre cru le divisant, divise aussi la matière réguline, le sel commun ou agit de même que le sel alkali fixe, ou altère si peu l'antimoine, qu'il ne sépare point le soufre du régule ; on voit par là qu'il faut avoir recours à quelque autre matière ou à quelque autre procédé pour faire la séparation du soufre, sans toucher à la matière inflammable et métallique : les métaux imparfaits, comme le plomb, l'étain, le cuivre, sont très propres pour cela ; mais voyons auparavant ce qu'on doit penser des procédés ordinaires.
Dans l'opération commune que j'ai proposée on ne peut guère tirer qu'un régule qui ne monte qu'à la quatrième partie de l'antimoine qu'on a employé, cependant il y a pour le moins le moitié de ce minéral qui est métallique ; on trouve beaucoup de scories qui ne sont que les sels dont on s'est servi joints avec ce qui s'est séparé de l'antimoine ; dans cette masse il y a une poudre brune et jaunâtre qui a de l'éméticité ; outre cela il y en a une grande quantité qui après la lessive des scories parait rouge et noirâtre, et qui prend une consistance grumelée, on l'appelle le soufre impur de l'antimoine, le reste de la lessive précipité par quelque acide donne le soufre doré, la première poudre n'est autre chose que le régule divisé, car il a la même pesanteur.
Quelques-uns font le régule en calcinant l'antimoine avec le charbon, après quoi ils fondent la masse qui se met en régule à cause que le charbon en se brûlant refournit le principe huileux ou phlogistique que nous avons nommé principe d'inflammation ; selon M. Sthall, ce procédé donne beaucoup plus de peine que de profit.
Zuelfer fait le régule avec la colophone, la résine, la térébenthine qui fait brûler ensemble cette manière n'est point à mépriser, mais il coûte trop.
On prend encore la chaux d'antimoine qui n'est que la terre vitricible dépouillée de son soufre brûlant, on mêle du charbon avec cette chaux, on y met un peu de salpêtre pour commencer à fondre la masse, les parties huileuse raniment la terre, et il s'en forme un régule et non pas un antimoine, parce qu'il lui faut rendre pour cela son soufre minéral ; par-là on a plus de régule qu'avec la méthode ordinaire.
Si on prend la terre qui a servi a faire le tartre émétique, et qu'on le fonde avec le salpêtre, il en reviendra du régule, parce que le salpêtre développe les parties huileuses du soufre restées dans cette terre.
Nous avons dit qu'on ne tire qu'un quart de régule par le procédé que nous avons décrit, en voici la raison : le tartre et le salpêtre joints ensemble forment un sel alkali qui absorbe le soufre grossier de l'antimoine avec lequel il fait une espèce de hépar qui emporte avec lui du régule, car il est composé d'une partie bitumineuse et alkaline ; par la partie bitumineuse il se tient attaché à la partie réguline, et par sa partie alkaline il reste uni avec les sels, le régule qui n'a pu être enlevé reste au fond ; s'il perd quelque chose de sa partie huileuse, le sel alkali lui en refournit.
Le sel de tartre fondu avec l'antimoine ne donne point de régule, parce qu'il agit sur la partie réguline et sur la partie grasse dont on le dépouille, l'antimoine n'a pas assez de soufre pour empêcher l'action du sel de tartre sur le principe d'inflammabilité.
Si on met parties égales de salpêtre avec l'antimoine, le salpêtre fond tout à coup, et en fait l'hépar antimonial, la partie réguline reste fort divisée et étendue dans la partie du salpêtre qui est alkalisée avec la partie huileuse et sulfureuse de l'antimoine, l'acide du nitre et du soufre s'est échappé ; si on met trois parties de salpêtre contre une parties d'antimoine, le salpêtre enlève et l'huile et le soufre grossier, il ne laisse que la chaux d'antimoine qui est fixe à cause qu'elle est jointe avec une espèce de sel polycreste qui occupe si bien tous ses pores ; qu'on ne peut la fondre que difficilement, elle ne se vitrifie point sans addition.
Il y a des Artistes qui font détonner le salpêtre et le tartre ensemble pour en faire un flux noir qu'ils projettent sur l'antimoine fondu, j'approuve fort cette méthode qui peut empêcher que la déflagration du salpêtre et du tartre conjointement avec l'antimoine, n'enlève quelque chose de la substance métallique.
Nous avons marqué dans notre procédé qu'il fallait mettre parties égales de salpêtre et de tartre, mais il se peut que de cette façon le tartre ne garde pas assez d'huile pour remétalliser la chaux, je crois qu'il vaudrait mieux mettre une partie de salpêtre contre deux parties de tartre, il y a apparence qu'il en viendra plus de régule.
J'ai renvoyé à parler des métaux après les opérations communes, il est certain qu'il y en a qui ont plus d'affinité avec le soufre grossier de l'antimoine que la partie réguline elle-même, tels sont le fer, le cuivre, le plomb, l'argent ; selon que ces métaux peuvent imbiber une petite ou grande quantité de soufre, on en met plus ou moins : par exemple, le fer peu se charger du double du soufre que contient l'antimoine en égales parties, c'est pourquoi en faisant le régule avec le fer on se doit régler là-dessus ; pour les autres métaux voici la proportion, il faut parties égales d'antimoine et de cuivre, trois parties de plomb sur une d'antimoine, parties égales d'argent et d'antimoine : ces régules faits avec les métaux, se nomment métalliques ; celui que nous avons donné dans notre procédé, s'appelle régule simple.
Il paraît une étoile sur le régule, et les alchimistes en ont fait grand cas, ils y trouvent des mystères qui ne renferment rien moins que la Toison d'Or, ils ont comparé cette étoile à celle des Mages : comme celle-ci annonça à ces hommes heureux l'arrivée du Sauveur du monde, cette étoile antimoniale est pour les Alchimistes un astre qui les conduit au berceau du Roi Philosophique, ils nomment cette matière régule, c'est à dire, Petit Roi, mais les Chimistes Physiciens ne voient rien que de très simple dans cette étoile ; car l'antimoine étant en fusion, toutes ses parties sont en mouvement, ce mouvement est plus grand dans le centre qu'à la circonférence : il faut donc que les parties antimoniales soient poussées du centre vers la circonférence, d'où les parois doivent encore les repousser vers le centre duquel elles viennent ; il est aisé de concevoir que dans cette sorte de mouvement les parties du régule qui sont de petites aiguilles, doivent s'arranger de telle façon qu'elles aillent du centre à la circonférence, c'est à dire, que leurs pointes se regardent les unes les autres ; au reste cette étoile n'est pas seulement à la surface, elle se trouve dans toute l'étendue du régule depuis la base du cône jusqu'à la pointe.
Cette étoile ne parait pas toujours, l'opération bien ou mal faite la fait paraître ou la confond ; pour y réussir voici les circonstances qu'il faut observer : la première, que le régule soit bien en fonte, afin que les parties se puissent mouvoir librement ; la seconde, qu'il y ait assez de scories pour couvrir le régule, et pour empêcher que l'air ne le refroidisse trop promptement ; la troisième, que les scories soient en bonne fusion, autrement elles forment des enfoncement et des inégalités à la surface du régule, et empêchent le mouvement des parties régulines ; la quatrième, que sur la fin on donne un feu immédiatement au centre du vaisseau où l'on fait le régule ; la cinquième, qu'on jette un peu de soufre sur la matière en fusion, avec ces précautions vous aurez une étoile brillante et parfaitement bien formée ; au reste cette étoile n'a d'autre utilité que de marquer que le régule est parfaitement pur.
On fait des balles du régule d'antimoine, et on les appelle les pilules perpétuelles dont on s'est servi quelquefois dans le miserere ; M. Lemery prétend que le poids de ces pilules en passant par les intestins, diminue, mais on peut assurer que cette diminution n'est point sensible ; ces pilules au reste ne sont point sûres, quand il y a dans les intestins des parties qui sont rentrée les unes dans les autres, ou qu'il s'y trouve quelque grand obstacle, elles peuvent y causer des inflammations.
Le Régule Martial est la partie métallique de l'antimoine séparée avec le mars.
Prenez un grand creuset, mettez-y huit onces de petits clouds, couvrez votre creuset que vous placerez dans un fourneau à grille, vous lui donnerez dessus et dessous un grand feu, projetez-y une livre d'antimoine quand le fer sera bien rougi, remettez le couvercle sur le creuset, et continuez un feu violent ; l'antimoine étant fondu, jetez dedans peu à peu trois onces de salpêtre, il se fera une détonation, et les clouds se mettrons en fusion : quand votre matière n'étincellera plus, jetez-la dans un creuset de fer chauffé et enduit de suif, frappez aux cotés avec les pincettes, afin que le régule se sépare mieux ; après cela vous séparerez les scories par un coup de marteau quand tout sera refroidi, faites fondre encore ce régule, et mettez dessus deux onces d'antimoine pulvérisé, mettez-y trois onces de nitre peu à peu quand tout sera en fusion ; lorsque le salpêtre sera brûlé, et que vous ne verrez plus d'étincelles sortir, prenez un cornet de fer chauffé et graissé, renversez-y votre matière, frappez autour, comme devant, et le tout étant refroidi séparez le régule des scories, comme nous l'avons marqué ; réitérez la fusion du régule deux fois, et jetez-y chaque fois du salpêtre et surtout la dernière fois, afin que l'étoile paraisse bien.
Il y a deux sortes de régule, le régule simple et le régule métallique : le régule simple est celui où il ne reste aucune partie des métaux qu'on a employé ; le régule métallique est celui qui retient une partie du métal avec lequel on la fait.
Le régule nommé martial est bien fait s'il n'y reste pas de fer, voici comment on le dépure. Après que l'antimoine et le mars ont été mis en fusion la première fois, les scories sont épaisses et se séparent assez difficilement : comme le régule doit être fondu encore, on ne doit pas s'en mettre fort en peine, cependant si l'on veut éviter que ces scories ne s'attachent si fort, jetez dans la matière fondue quelque potion de sel alkali, de cendres gravelées, de nitre fixe, ou de quelque autre matière semblable ; le tout ayant été refroidi, les scories se sépareront sans peine : après que le régule a été ainsi préparé, il peut retenir encore quelque parties du mars, car quand on jette la matière fondue dans un creuset, il y a toujours quelque partie martiale qui tombant sur le fond ou sur les cotés se réfléchit d'un coté et d'autre, et la matière se refroidit avant que ces particules puissent monter vers les scories, de la vient cette couleur jaunâtre qu'on voit quelquefois dans ce régule ; pour le bien dépurer on n'a qu'a le fondre avec la quatrième partie d'antimoine crud à un feu lent, vous aurez alors un régule dépuré meilleur qu'auparavant ; il y reste cependant une matière arsenicale qui le rend friable, et pour ainsi dire, hérissé ; pour en bannir cette matière, vous n'avez qu'à le fondre, et y jeter une drachme de nitre ; dès que la détonation sera faite, vous y en jetterez autant, vous continuerez ainsi jusqu'à six drachmes, les scorie qui paraissent alors sont sèches et peu fusibles, on n'a qu'à les approcher bien du régule en les remuant avec un bâton de fer, et elles se mettront en fusion, vous pouvez répéter cela trois fois, et vous aurez un beau régule.
Le fer a beaucoup plus d'affinité avec le soufre de l'antimoine que l'antimoine même, ainsi il se charge du soufre antimonial ; et comme les parties martiales unies avec le soufre forment un tout moins pesant que le régule d'antimoine, elles prennent la partie supérieure du creuset tandis que les parties du régule tombent au fond.
Dans le régule fait avec le cuivre, les lames de cuivre étant plus fermes que celle de l'antimoine, elles se refroidissent plutôt ; ces lames de cuivre se prennent les premières comme elles se trouvent, tandis que le reste du régule est en fonte ; ce reste de régule venant ensuite à se refroidir, diminue et s'abaisse ; les parties du cuivre se trouvant alors plus élevées à la surface, forment une figure plus ou moins régulière selon le hasard, c'est là l'explication de ce régule mystérieux parmi les Alchimistes qui l'appellent Tête de Vulcain dans lequel Mars et Vénus se trouvent liés ensemble.
Les scories du régule ne sont autre chose que le mars et la matière sulfureuse qui sont réunis en une masse cassante et friable ; si ces scories sont exposées à l'air, elle se gercent, fleurissent et donnent enfin un beau vitriol, parce que l'acide du soufre se raréfiant et se joignant à la terre alkaline du mars, devient vitriol.
Les scories dans cette opérations doivent surnager d'un demi travers de doigt, et fluer quelque temps ; quand elles sont tout à fait blanches, c'est une marque que le régule d'antimoine est exactement séparé du mars, dont la présence se manifeste encore à l'approche du couteau aimanté, les scories dans ce régule laissent un étoile qui a des aiguilles bien plus fines qu'avec le salpêtre et le tartre, cela vient de ce que le mars par son soufre subtilise et atténue la matière.
On peut prendre une livre de pointes de clouds ou de fer en limaille, faire rougir un creuset, et quand il est bien rouge y mettre les clouds ; quand le fer sera blanc, on n'a qu'à y jetez deux livres et demie d'antimoine, cela épargnera la peine de remettre de nouvel antimoine à la seconde fusion du régule : qu'on examine ensuite avec un filet si la matière est en parfaite fusion ; si elle est parfaitement fondue, qu'on y jette quatre onces de nitre par demies onces, le régule sera parfaitement étoilé dés la seconde fois.
Ce régule est du même usage que le premier, il a les même vertus ; on se sert plutôt du régule d'antimoine martial que des autres, pour faire des tasses ou des gobelets : on croit qu'il est moins aigre, parce que l'on y a mêlé du fer ; mais si le régule est dépuré comme il faut, cette raison ne pourra point subsister.
C'est la partie sulfureuse des scories précipitée par un acide.
Faites bouillir les scories du premier régule dans l'eau commune durant une demi-heure, vous coulerez la liqueur, et sur la colature vous jetterez du vinaigre, vous aurez une matière rouge qui se précipitera, vous la sécherez et vous la garderez, c'est ce qu'on appelle soufre doré d'antimoine.
Les scories qui sortent du régule d'antimoine, sont un soufre minéral, brûlant, atténué, subtilisé, mêlé avec des alkalis qui sont formés par la calcination et par la détonation du salpêtre avec le tartre ; ce sel alkali fixe boit le soufre, l'atténue et le divise, cela fait un soufre rouge qui est un vrai hépar sulphuris ; on peut séparer ce soufre qui se trouvant rouge et foncé, se nomme soufre doré.
On peut faire bouillir les scories, comme nous avons marqué, mais aussi on peut les laisser résoudre à la cave en liqueur grasse, rouge de couleur de safran foncé, et on filtre la dissolution ; pour ce qui regarde la poudre rouge fixe qui se dépose, elle est la même chose que celle du kermès, car le salpêtre détonné et fixé avec le tartre est la même chose que le nitre fixé par les charbons, il se résout en huile à la cave, il étend et raréfie de même le soufre antimonial.
Pour séparer ensuite le soufre soutenu dans l'eau par le sel alkali, on y verse un acide ; comme les acides ont plus d'affinité avec les sels alkalis qu'avec les soufres, ils se joignent à ces sels alkalis qui laissent alors échapper les soufres.
Il y a des parties régulines suspendues avec les soufres, car si on prend les scories, on peut revivifier le régule qui y est renfermé ; il y en a donc qui se précipitent avec le soufre doré, sans cela il ne différerait point du soufre vulgaire ; on peut voir dans ce que nous avons dit ailleurs combien il reste de soufre dans les scories.
Après le mélange du vinaigre et de la dissolution des scories, il vient une odeur désagréable, et le soufre qui se précipite frappe aussi l'odorat désagréablement ; on le lave plusieurs fois dans l'eau tiède pour lui enlever sa fétidité, cependant il conserve toujours de son odeur, et il est émétique.
L'acide du vin, du vinaigre, des limons, augmente l'éméticité de l'antimoine, au lieu que celui des minéraux arrête la vertu émétique, ainsi si on verse de l'esprit de vitriol étendu dans beaucoup d'eau sur la dissolution du soufre faite avec l'alkali, du tartre et du nitre, il se précipitera un soufre qui sera sudorifique, parce que les parties régulines seront fixées.
Si on verse de nouveau vinaigre distillé sur la liqueur qui a déposé le soufre, il s'en précipitera encore de nouveau qui sera plus subtil et moins émétique, on pourrait retirer aussi du soufre dorés des scories du second régule, il aurait les même vertus, mais il ne faudrait pas tant d'eau, parce qu'il est resté moins de soufre dans ces dernières opérations ; ces scories au reste ne forment point comme les autres de coagulum quand on les fait bouillir, cela vient que de la quantité de soufre qui se trouve différente dans les deux cas.
Il n'y a pas d'apparence que le soufre doré d'antimoine dont les Anciens nous parlent, soit le même que le nôtre, car ils lui donnaient une vertu diaphorétique, et le nôtre est vomitif ; d'ailleurs on trouve dans leurs écrits que l'antimoine contenait un soufre superficiel, grossier, semblable au soufre commun qui est précisément celui qui nous vient dans cette préparation ; ils ont dit qu'il y en avait un autre fixe qui était le soufre solaire et aurifique auquel ils ont attribué la vertu de faire suer.
On donne le soufre doré depuis un grain jusqu'à six dans du bouillon ou en pilules ; quand on le donne dans du vin, il reprend la fétidité qu'on lui avait ôtée en parties par la lotion.
Cette préparation est une extraction de quelques parties des scories de l'antimoine.
Prenez les scories du régule fait avec le tartre et le salpêtre, réduisez ces scorie en poudre, jetez-les dans un matras, surversez-y de l'esprit de vin à l'éminence de trois doigts, mettez la matières en digestion, l'esprit de vin se chargera de la teinture, décantez-le après cela ; et si vous ne le trouvez pas assez teint, évaporez-le jusqu'au tiers, c'est la teinture d'antimoine.
On peut tirer une teinture de l'antimoine, du régule, du verre, des scories, mais les menstrues sont différents, pour cela on se sert du vinaigre, de l'esprit de vinaigre concentré par le cuivre, et qu'on nomme acetum radicum, de l'esprit de vin, de l'esprit de cochlearia, de l'alkaest de Glaubert, du vinaigre de chêne.
Après la première fonte du régule le soufre se trouve ouvert, exalté, atténué, propre à être communiqué à quelque liqueur, comme à l'esprit de vin qui sans cela n'agirait pas sur l'antimoine. Si l'on veut avoir une bonne teinture, il faut que cet esprit de vin ne soit pas bien rectifié, car les sels alkalis sont attachés aux soufres, et si on veut les en dégager il faut du phlegme qui les dissolve, alors ils tomberont au fond tandis que l'esprit de vin demeurera chargé de la teinture ; de-là il s'ensuit que l'esprit de vin se trouve exactement déphlegmé, car le phlegme s'attache au sel alkali, et ne le quitte plus.
M. Homberg prenait du verre d'antimoine transparent, il le broyait et le mettait dans un matras y surversant du vinaigre distillé, il faisait feu dessous, en sorte que la matière était toujours brûlante, le vinaigre se chargeait d'une teinture orangée, il décantait ce vinaigre, et en remettait d'autre qu'il décantait encore quand il était assez coloré ; il réitérait ainsi jusqu'à ce que le vinaigre ne se colorait plus, ensuite il faisait fondre ce verre qui devenait moins transparent, il le broyait, et en tirait de nouveau la teinture par le vinaigre comme auparavant ; il fondait ce verre pour la troisième fois, et le rendait par-là plus opaque, il en tirait encore la teinture jusqu'à ce que ce vinaigre ne se colorait plus ; il évaporait tout ce vinaigre teint jusqu'à moitié, et ce qui restait était sa teinture émétique.
Quand on fait notre opération il faut boucher le matras avec un parchemin que l'on perce avec une épingle, de peur que le vaisseau ne casse ; cette teinture se donne depuis six jusqu'à vingt gouttes, c'est un bon diaphorétique qui fait rarement vomir, parce que les parties réguline qui peuvent y être encore sont trop atténuées et divisée, ou elles sont embarrassée par les soufres, et outre cela l'esprit de vin est trop subtil pour en soutenir beaucoup.
Cette préparation est une calcination du régule par le salpêtre et le tartre.
Prenez une livre et demie de régule martial le moins brillant et le plus chargé de fer, fondez-le, et tandis qu'il se fond, faites un mélange de trois livres de tartre avec deux livres de salpêtre de la première cuite, et deux livres de la seconde cuite ; après cela jetez-en une cuillerée sur le régule fondu, il se fera une détonation, remuez le tout afin que le mélange pénètre le régule et le fonde ; la détonation passée, prenez avec une cuillère la matière saline écumeuse qui se trouvera sur le régule, jetez cette matière saline ainsi retirée dans un vaisseau où vous aurez mis de l'eau de vie, couvrez d'abord après ce vaisseau de peur que l'eau de vie ne prenne feu, et détournez le visage ; remettez ensuite une nouvelle cuillerée de sel sur le régule, et après la détonation retirez la matière qui est sur le régule, et jetez-la, comme devant, dans l'eau de vie ; continuez ainsi jusqu'à ce que tout le régule soit emporté, ou jusqu'à ce que votre sel soit tout employé, laissez digérer le tout dans des terrines couvertes durant quinze jours, afin que la pâte se nourrisse dans l'eau de vie, après cela enfermez votre matière dans des pots de peur qu'elle ne se dessèche.
Cette poudre est l'invention d'un Chimiste nommé Bibal, il a été en grande vogue par ce remède ; il fit tant de bruit dans les Provinces, qu'on envoya un exprès de Paris pour voir ce que c'était. Cette préparation est bonne, mais ce qu'elle a de plus que les autres n'est pas si extraordinaire qu'elle mérite le bruit qu'elle a fait ; on le voit par l'Opération où le tartre et le salpêtre forment une espèce de sel alkali qui se charge de quelques parties huileuses et régulines de l'antimoine ; c'est une espèce de diaphorétique minéral non lavé ; il est un peu émétique par les parties antimoniales qu'il contient ; la dose est de douze à quinze grains pour les personnes délicates, et de vingt pour le autres.
Prenez parties égales d'antimoine et de sublimé corrosif, triturez-les dans un mortier de verre, remplissez-en à demi une cornue de verre dont le col soit large, placez ce vaisseau dans un fourneau sur le sable, ajustez-y un récipient, lutez les jointures, donnez un feu léger au commencement, il viendra une huile claire, poussez ensuite le feu jusqu'au second degré, le col de la cornue se chargera d'une huile blanche ; approchez un charbon allumé de cette huile, afin qu'elle ne s'épaississe pas : continuez jusqu'à ce qu'il vienne une matière rouge ; changez le récipient et lutez les jointures ; poussez le feu durant quatre heures, de telle manière que la cornue rougisse ; laissez refroidir vos matières, et ensuite cassez la cornue, vous y trouverez du cinabre sublimé au col.
La première chose qu'on observe dans cette opération c'est de triturer ensemble les matières, afin que le mélange se fasse plus exactement : on se sert d'un mortier de verre, car si on employait un vaisseau de métal, il se formerait une espèce de beurre par la corrosion que ferait le sublimé : il s'élève une poudre durant la trituration, elle est très nuisible, car elle cause des vomissements, la salivation, des gonflements et des langueurs qui ne finissent qu'avec la vie.
La seconde précaution qu'on prend c'est de se servir d'une cornue dont l'ouverture soit large, souvent le beurre qui s'élève impétueusement bouche le passage, et fait sauter le vaisseau en éclats, le sublimé corrosif se répand en même temps dans l'air, et s'insinue dans les poumons où il produit une péripneumonie mortelle ou une mort subite.
L'acide du sel marin est joint avec le mercure dans le sublimé, mais comme il a plus de rapport avec l'antimoine, il s'y attache et abandonne le mercure : ce composé acquiert plus de surface que le mercure, ainsi il doit s'élever plutôt ; les parties de l'antimoine n'ayant qu'une certaine attraction, ne doivent se charger que d'une certaine quantité d'acide, ainsi il serait inutile de mettre beaucoup de sublimé avec peu d'antimoine.
Le beurre d'antimoine est un caustique violent, nous en avons marqué la raison ailleurs : on voit par cette opération que les parties antimoniales qui sont fixes, se volatilisent par la jonction de l'acide du sel marin ; ce composé que ces deux matières forment, monte presqu'aussi aisément que l'esprit de vin dans la retorte, ce n'est pas seulement l'antimoine qui peut être volatilisé par cette méthode, l'or qui est fixe peut devenir volatile de la même manière.
Le cinabre n'est qu'un mercure joint au soufre : dans cette opération soufre antimonial qui est le même que le soufre commun, s'attache aux parties mercurielles, ainsi il doit en résulter un cinabre qu'on peut décomposer en le mêlant dans une cornue avec le double de sel de tartre, alors si on donne un grand feu, le soufre s'attache au sel, et le mercure s'échappe ; si l'on veut ensuite séparer le sel du soufre, on n'a qu'à faire bouillir le tout dans l'eau, et y verser du vinaigre distillé, il se précipitera une matière grise qui est le soufre de l'antimoine.
Le beurre qui sort avant le cinabre est plus congelé que celui qu'on fait avec le régule seul, cela vient du mélange de quelques parties sulfureuses ; si le soufre s'était élevé avec le beurre en trop grande quantité à cause de la violence du feu, la masse serait brune, il faudrait alors la remettre dans une retorte, et la distiller à petit feu, il reste au fond une matière noire dont on peut retirer un régule par la fusion avec le salpêtre et le tartre.
Il y en a qui ont voulu rectifier le cinabre antimonial en le faisant sublimer, mais il ne change ni de couleur ni de propriétés par la sublimation, le beurre peut souffrir plus de changement par la rectification ; si on l'échauffe, qu'on le fasse fondre, et qu'on le distille ensuite doucement dans une retorte au feu de sable, il se volatilisera d'avantage, et produira des effets plus prompts.
On doit bannir le beurre de l'usage de la Médecine ; quelques-uns l'ont donné dans un peu de bouillon pour faire vomir, mais c'est un émétique trop dangereux : pour le cinabre il n'a pas plus de vertus que le cinabre commun, la dose est depuis six grains jusqu'à douze, on le donne en pilule ou en bolus.
Prenez telle quantité que vous voudrez de beurre d'antimoine, faites-le fondre en l'approchant du feu, versez-le dans une grande quantité d'eau tiède, il se précipitera une poudre blanche qui doit être édulcorée par diverses lotions, c'est la poudre d'Algaroth.
L'acide marin qui est joint avec l'antimoine, s'en détache et je joins à l'eau, alors les parties antimoniales séparées des corpuscules salins qui les soutenaient et leur donnaient plus de surface, se précipitent, et forment une poudre fort fixe de volatiles qu'elles étaient auparavant ; elles se changent en régule très pur, si on les met en fusion.
On voit par ce que je viens de dire que l'eau seule suffit quelquefois pour fixer un corps très volatil, ici elle enlève le sel, et par là elle devient acide ; M. Boile appelle cette eau esprit sec de vitriol, mais je ne sais pourquoi ; elle ne contient rien qui approche du vitriol, ce n'est qu'un véritable esprit de sel qui est un menstrue merveilleux, c'est de là que lui vient le nom de menstruuum peracutum ; elle a quelque peu de mercure, car elle blanchit l'or ; et si on y jette un sel alkali comme le tartre, il se forme un sel marin.
Nous avons dit que l'antimoine perdait son éméticité par le mélange des acides minéraux ; de-là il s'ensuit que si on n'édulcorait pas la poudre d'algaroth, elle ne ferait presque pas vomir, mais quand elle est déchargée elle est un puissant émétique ;on l'a regardée comme un spécifique pour l'épilepsie, mais on doit ne conseiller un remède si violent qu'avec de grandes précautions.
On donne cette poudre depuis deux grains jusqu'à huit dans du bouillon ou dans quelque liqueur appropriée.
Prenez du beurre d'antimoine, versez-y de l'esprit de nitre goutte-à-goutte jusqu'à ce que la matière soit dissoute, faites évaporer l'humidité au feu de sable dans une cucurbite de verre jusqu'à ce qu'il reste une manière sèche ; quand le vaisseau sera refroidi, jetez sur cette matière restante de nouvel esprit de nitre, faites l'évaporation comme devant, et continuez ainsi jusqu'à trois fois, alors mettez votre matière dans un creuset, et calcinez-la durant demie heure à un feu violent, c'est le bésoard minéral de Basile Valentin.
Basile Valentin nous a donné cette composition : Sylvius, sur le témoignage de ce grand Chimiste, l'a introduite dans la Médecine ; il a cru avec d'autres Médecins qu'elle devait avoir de grandes vertus pour résister au venin, puisqu'ayant fait partie d'un des grands poisons, elle n'en avait rien retenu, c'est de là que lui est venu le nom de bésoard.
La dose est depuis six grains jusqu'à vingt.
Prenez deux parties de cristal de tartre réduit en poudre, ajoutez-y une partie d'antimoine, bouillez le tout dans un matras où vous aurez mis quatre ou cinq fois autant d'eau chaude, bouchez le matras, faites bouillir les matières durant sis ou sept heures, versez-y ensuite autant d'huile de tartre que vous avez mis de cristal ; après l'effervescence filtrez la liqueur, faites évaporer l'humidité jusqu'à siccité, ce qui vous restera est la panacée d'antimoine, il faudra l'exposer à un air humide pour qu'elle se résolve en liqueur.
Pour comprendre ce qui arrive dans cette opération, il faut faire attention au beurre qui est composé d'antimoine et de l'acide du sel marin, au cristal de tartre et au sel alkali tartareux : on verra selon les lois de l'attraction ou de l'affinité que les acides se doivent insinuer dans l'huile de tartre : et après cette union d'où il résulte une effervescence, il se formera un tartre émétique ; mais il y a quelques différence entre la panacée et le tartre émétique, car le beurre a un sel acide marin et quelque reste de mercure qui peut être attaché à l'antimoine.
Il se fait une effervescence quand on verse l'huile de tartre sur le beurre et le cristal, l'acide marin doit quitter le beurre et s'aller joindre au sel alkali fixe, l'acide qui est dans le cristal peut s'attacher aussi en partie à l'alkali ; mais comme il est embarrassé parmi les filaments huileux du tartre, l'acide marin doit avoir plus de force.
Il faut faire quelques observation sur le mélange de l'huile et du tartre, et sur cette effervescence. 1° l'huile demande qu'on se serve d'eau chaude, autrement elle ne lâcherait pas les acides. 2° l'effervescence pourrait faire éclater le vaisseau, ainsi il faut que les matières aient de l'espace pour se raréfier. 3° il faut agiter les matières durant l'évaporation, afin que la substance huileuse ne s'attache pas au fond du vaisseau. 4° quand on expose la matière au lieu humide après l'évaporation, elle ne doit pas se résoudre toute en liqueur, car il y a une portion huileuse et antimoniale qui ne s'humecte pas comme les sels, ainsi elle doit se précipiter en magistère.
La dose est depuis huit jusqu'à vingt gouttes dans quelque liqueur convenable.
Prenez parties égales de sucre candi et d'antimoine, mêlez-les après en avoir formé une poudre, remplissez-en le quart d'une cornue de verre, placez votre vaisseau au feu de réverbère, ajustez-y un récipient, donnez un feu léger au commencement, poussez-le ensuite jusqu'à ce qu'il ne vienne plus de vapeurs, laissez refroidir les vaisseaux, versez dans un matras ce qui se trouvera dans le récipient, mettez-y de l'esprit de vin tartarifié jusqu'à l'éminence de quatre doigts, laissez-le tout en digestion au bain de vapeur durant quatre jours, filtrez la liqueur à froid, mettez-la dans une cucurbite que vous placerez au bain-marie, retirez-en l'esprit de vin, gardez cette huile ou ce beurre dans une fiole.
On a donné le nom d'huile à diverses préparations d'antimoine : on prend, par exemple, de l'esprit de sel et de l'huile de vitriol parties égales, on y joint autant d'antimoine pulvérisé, on laisse les matières en digestion durant deux jours sur le sable, on donne ensuite un feu qu'on pousse jusqu'au second degré, et on a un liqueur blanche ; cette préparation est entièrement inutile, puisque ce n'est qu'un beurre d'antimoine qui ne diffère que par rapport à son acide de celui que nous avons décrit.
On voit que la composition que nous venons de donner n'est autre chose que les parties antimoniales jointes à l'acide huileux du sucre et à l'esprit de vin, c'est un excellent remède pour les plaies récentes et pour les ulcères : M. Le Fèvre dit qu'on peut s'en servir avec succès dans la cure des fièvres, on prend pour cela une once d'aloès purifié par le suc de charbon bénit et réduit en extrait, deux drachmes d'ambre gris, une drachme de teinture de safran évaporée jusqu'à consistance de sirop, on mêle le tout avec une once de baume d'antimoine ; la dose est depuis quatre grains jusqu'à seize dans quelque conserve.
Les Philosophes hermétiques ont parlé d'une huile philosophique d'antimoine dont ils font grand cas : Popius en a donné la description ; mais Jean Agricola dont j'ai parlé, dit qu'on ne saurait la faire de la manière dont cet Auteur la propose, enfin il donne une méthode par laquelle on peut préparer une quintessence d'antimoine qui est d'un prix infini : si ce qu'il rapporte est vrai, elle agit par les sueurs ; et bien loin d'affaiblir, comme les sudorifiques ordinaires, elle donne de nouvelles forces ; ce Chymiste dit qu'il en a vu les effets miraculeux dans la fièvre quatre, dans les maladies vénériennes et dans d'autres maux : voici le procédé qu'il a suivi.
Prenez du sublimé corrosif et de l'antimoine, de chacun demi-livre, broyez-les et les mêlez, laissez-les dans un vaisseau plat de verre durant vingt quatre heures, mettez-les dans une retorte, donnez un feu doux, il montera un beurre blanc, pousser le feu jusqu'à ce qu'il soit monté, vous aurez un beau cinabre que vous pulvériserez et que vous mêlerez avec le beurre, distillez le tout, vous aurez une belle huile jaune qu'il faut rectifier plusieurs fois, mettez de l'eau sur cette huile, décantez-la, faites-la distiller au bain-marie, il restera au fond un esprit jaune qui est un excellent menstrue dont vous vous servirez pour l'opération suivante.
Prenez deux livres de mine d'antimoine de Hongrie, pulvérisez-la très subtilement, mettez-la dans une cucurbite, versez-y de l'esprit jaune dont nous avons donné la préparation jusqu'à l'éminence de trois doigts, faites digérer le tout doucement durant dix ou douze jours, décantez la liqueur, versez-y de nouvel esprit jusqu'à ce qu'il ne prenne plus de couleur ; distillez vos imprégnations jusqu'à ce qu'il vous reste une matière en consistance de miel, versez sur cette masse de l'esprit de vin, laissez digérer la matière jusqu'à ce que l'esprit soit coloré, décantez la liqueur, versez-y en de nouveau jusqu'à ce qu'il ne vous reste que des fèces noires, distillez au bain vos imprégnations jusqu'à ce qu'il vous reste une belle huile, versez-y de l'esprit de vin, laissez digérer le tout durant un mois au bain de vapeur, mettez-le dans une retorte lutée, et retirez doucement l'esprit par distillation, adaptez ensuite un autre récipient, poussez le feu, et vous aurez une huile rouge comme du sang ; prenez le caput mortuum que vous avez retirez par toutes les distillations, mettez-le dans un pot bien luté au feu de réverbère jusqu'à ce que la matière soit d'un rouge brun, versez-y du vinaigre distillé ; quand il sera coloré en jaune, décantez-le, et versez-en de nouveau jusqu'à ce qu'il ne se colore plus, mêlez vos imprégnations, et retirez le vinaigre par distillation au bain, vous trouverez au fond de l'alambic une masse saline, versez-y de l'eau de pluie distillée ; après que la masse sera dissoute, filtrez la liqueur, faites évaporer l'eau jusqu'à la quatrième partie ; mettez ce qui reste dans un lieu frais, il se formera des cristaux blancs, réverbérez-les doucement, reversez-y de l'eau de pluie, les cristaux en se dissolvant laisseront des fèces qui se précipiteront, filtrez la liqueur et la cristallisez, continuez de même jusqu'à ce que vous ne voyiez plus de fèces, mettez ces cristaux dans une fiole, versez-y l'huile rouge quand il se précipitera des fèces, mettez votre matière dans une retorte et distillez-la ; si tout ne monte pas, jetez encore sur ce qui reste ce que la distillation vous donne, et donnez un feu fort, il faut qu'il ne reste que quelque peu de fèces spongieuse ; mettez votre liqueur dans un fiole, bouchez-la bien, et coagulez votre matière par degrés, vous aurez enfin une poudre rouge qui est la quintessence d'antimoine dont Agricola donnait une drachme avec divers mélanges.
Voilà un procédé qui est un peu long, l'Auteur même dit qu'il n'est pas si aisé qu'il parait d'abord, il demande un Artiste expérimenté qui sache l'art de donner le feu ; la longueur du travail, selon ce Chymiste, ne doit pas rebuter, on est abondamment récompensé de ses peines par le remède merveilleux qu'elles produisent ; je ne sais si ce procédé réussit, comme il le marque : tout ce qu'on put dire en général c'est qu'il est sincère, mais l'Alchimie rend souvent visionnaires les esprits les plus solides, il ne faut pas se laisser éblouir par les promesses qui se trouvent dans les livres qui traitent des transmutation et des remèdes universels.
Prenez trois parties d'antimoine et deux de fleurs de sel ammoniac, jetez ces matière dans une cucurbite, placez ce vaisseau dans un fourneau, bouchez l'intervalle qui se trouve entre les parois du fourneau et du vaisseau, adaptez à la cucurbite un chapiteau avec un petit récipient, luttez les jointures, donnez un petit feu, il viendra une liqueur, et il s'attachera des fleurs au chapiteau, continuez le feu jusqu'à ce que les fleurs changent un peu de couleur, retirez le chapiteau, mettez-en un aveugle à la place, luttez les jointures, poussez le feu, vous aurez des fleurs diversement colorées qu'il faut édulcorer dans l'eau tiède.
L'antimoine se volatilise avec le sel ammoniac, toutes ces fleurs ont les mêmes propriétés, quoiqu'elles aient des couleurs différentes, on se sert de divers procédés pour les faire sublimer, on peut employer le sel ammoniac en substance avec l'antimoine, alors les matières étant échauffées, il doit se séparer quelque peu d'acide marin qui se joindra à l'antimoine, tandis que le sel alkali urineux s'élèvera. Il y a des Artistes qui se servent de l'antimoine dissout par l'eau régale et séché à un feu lent, alors on trouve des fèces où il y a beaucoup de sel marin, les fleurs préparées avec le triple de nitre de même que le diaphorétique minéral, perdent leur éméticité, et poussent par les sueurs, Van Helmont appelle cette préparation les fleurs fixées d'antimoine, il lui donne de grands éloges dans un Traité écrit en Flamand, et dit qu'elle chasse toutes sortes de maladies par la sueur ; mais d'habiles Médecins qui ont voulu voir si l'expérience répondait à toutes ces belles promesses, n'ont pas remarqué de grands effets de ce remède : cette poudre diaphorétique dépouillée du nitre par des lotions, si on la mêle avec 1/2 de résine de scammnonée et 1/6 de crème de tartre, donne un purgatif qui porte le nom de Diaceltateson, de Van Helmont et de Paracelse ; la dose est depuis seize grains jusqu'à trente. Selon l'expérience d'un fameux Médecin, c'est un excellent remède contre les fièvres intermitentes ; cette préparation ne diffère pas beaucoup de la poudre cornachine, dans l'une on emploie le diaphorétique ordinaire, et dans l'autre le diaphorétique de Van Helmont.
On a dans cette opération que nous avons décrite, 1° une liqueur qui contient un esprit volatile de sel ammoniac ; si on y verse des acides, il se fait une fermentation, mais la même chose n'arrive pas au sel qu'on retire par des lotions des fleurs. 2° Il vient des fleurs rouges qui doivent leur couleur à la raréfaction du soufre. 3° Il vient des fleurs diversement colorées, on les met dans une cucurbite de verre à laquelle on adapte un chapiteau aveugle, on lute les jointures, on place le vaisseau sur le sable, on donne un feu assez fort qu'on augmente peu à peu, on continue jusqu'à ce qu'il monte des fleurs qui ne sont pas jaunes, on laisse refroidir les vaisseaux, on sépare les fleurs, et on les lave dans l'eau tiède, elles ont les même propriétés que les premières.
On fait des fleurs d'antimoine sans addition, on prend un pot qui ait un trou au milieu du ventre, et qui puisse résister au feu, on y met dessus trois aludels qu'on surmonte d'un chapiteau de verre auquel on ajuste un récipient, on fait rougir le pot, on y jette par cuillerées de l'antimoine en poudre, on bouche le trou ; et quand il ne monte plus rien, on remet une autre cuillerée ; on continue de même qu'auparavant, jusqu'à ce qu'on ait employé tout l'antimoine qu'on veut réduire en fleurs, on laisse refroidir les vaisseaux, et on ramasse les fleurs, elles sont un émétique violent.
Au lieu de jeter l'antimoine seul dans le pot, on peut se servir d'un mélange de trois parties de salpêtre pulvérisé et desséché, on y met une partie d'antimoine crud qu'on pulvérise subtilement, on jette ces matières par cuillerées dans le pot, il se fait une détonation, on remet de nouveau mélange, et enfin on trouve des fleurs blanches qu'il faut édulcorer dans l'eau tiède, elles sont émétiques.
On voit par ce que nous venons de dire que les fleurs faites avec le salpêtre sont blanches, que celles qui ont été sublimées avec le sel ammoniac sont rouges, et qu'enfin celles qui n'ont aucun mélange sont de diverses couleurs ; celles qui sont dans l'aludel supérieur sont blanches quelquefois, dans l'aludel suivant il y en a de jaunes, dans l'inférieur elles sont rouges, tout cela dépend des degrés du feu.
Suivant M. Le Fèvre, si on fait fluer dans un creuset les fleurs d'antimoine pur avec le double de salpêtre, et qu'on les édulcore, on peut en former un excellent diaphorétique en les laissant digérer dans l'esprit de vin durant quinze jours, et en mettant ensuite le feu à la matière ; la dose est depuis quatre grains jusqu'à dix. Ce même Chymiste propose une correction des fleurs antimoniales ; voici le procédé : Prenez une once de fleurs blanches d'antimoine et demie once de sel de tartre de Sennert, faites fondre le tout dans un creuset, mettez en poudre dans un mortier chaud la masse rouge qui se formera, ajoutez-y une drachme et demie de magistère, de perles dissolubles, et autant de magistère de corail, mettez le tout dans un matras, versez-y de l'esprit de vin aromatisé jusqu'à l'éminence de quatre doigts, faites un vaisseau de rencontre, laissez vos matières en digestion sur les cendres durant trois jours, mettez-les dans une cucurbite, faites distiller l'esprit de vin jusqu'à siccité au bain-marie mettez ce qui vous reste dans une bouteille bien bouchée, c'est un remède très bon qui produit les même effets que le kermès minéral de Lemery, on le donne depuis quatre grains jusqu'à seize, on pourrait au reste se dispenser d'y mettre le magistère de perles, je n'ai pas remarqué qu'elles y produisent aucun effet.
La dose des fleurs ammoniacales est depuis trois grains jusqu'à douze, elles purgent par le haut et par le bas, et elles excitent la sueur.