FAMA FRATERNITATIS
OU UN APPEL DE LA FRATERNITÉ DE L’ORDRE TRÈS VÉNÉRABLE DE LA ROSE-CROIX
1614
*
Imprimée à Kassel (Allemagne) en 1614, la Fama Fraternitatis
est le premier manifeste - anonyme - d'une série de trois, révélant l'existence
d'une fraternité secrète d'alchimistes, les "Frères de la
Rose+Croix", placée sous le patronage d'un personnage mythique, Christian
Rosenkreutz (c'est-à-dire "Christian Rose+Croix", dont on a pu
supposer – plus ou moins justement - qu'il s'identifiait au Maître Hiram Abif,
personnage-clef de la rituélie maçonnique).
Cette fraternité, presque mythique elle-même, influencera
l'imaginaire de plusieurs ordres dits "initiatiques", et ceci jusqu'à
nos jours.
Les deux autres manifestes sont :
- La Confessio Fraternitatis (1615)
- Les Noces
Chymiques de Christian Rosenkreutz (1616)
L.A.T.
FAMA FRATERNITATIS
OU UN APPEL DE LA FRATERNITÉ DE L’ORDRE TRÈS VÉNÉRABLE DE LA ROSE-CROIX
1614
Aux chefs d’État, gouvernements et savants de l’Europe.
Nous, les frères de la Fraternité de la Rose-Croix, offrons notre salut et nos prières à tous ceux qui liront notre Fama d’inspiration chrétienne.
Après que dans ces derniers temps le seul Dieu sage et miséricordieux a Si abondamment répandu sa grâce et sa bonté sur le genre humain, que la connaissance aussi bien de son fils que de la nature se soit de plus en plus approfondie, nous pouvons, a bon droit, parler d’un temps heureux dans lequel il ne nous a pas seulement presque fait découvrir la moitié du monde inconnu et caché et nous a montré de nombreuses et merveilleuses œuvres et créatures de la nature jamais vues auparavant, mais en outre il a fait surgir des Intelligences hautement éclairées et douées de sagesse, qui ont en partie rétabli l’an dégénéré et imparfait afin que l’homme finisse par avoir conscience de sa noblesse et de sa gloire, en quoi consiste la nature du microcosme et quelle est l’étendue de son art dans la nature.
Le monde inconsidéré sera toutefois peu servi par cela et c’est pourquoi la médisance, le rire et la raillerie iront toujours en argumentant. Chez les savants aussi, la fierté et l’orgueil sont si grands qu’ils ne peuvent s’assembler pour, à partir de tout ce que Dieu a si abondamment répandu en notre siècle, colliger et produire de concert un Librum Naturae ou règle de tous les arts ; mais chaque parti s’oppose tant à l’autre et se tient en telle aversion que l’on en reste encore à la même ritournelle : le Pape, Aristote, Galien, oui, tout ce qui ne ressemble qu’à un Codex, doivent de nouveau être pris pour la claire Lumière manifestée, alors qu’ils auraient sans doute, s’ils vivaient encore, grande joie à se réorienter. Mais on est ici trop faible pour un si grand travail ! Et bien qu’en théologie, physique et mathématique la vérité lui soit opposée, l’adversaire classique démontre toujours amplement sa malice et sa fureur, freinant par des belliqueux et des vagabonds une si belle évolution et la rendant détestable. C’est dans une telle intention de réforme générale que feu notre bien-aimé Père spirituel très illuminé Fr. C.R. Allemand, chef et fondateur de notre fraternité a consacré pendant longtemps beaucoup de peines et d’efforts.
De nationalité allemande, né d’une famille noble mais appauvrie, Christian Rosencreutz devint de bonne heure orphelin. Il fut élevé dans un couvent où il apprit le grec et le latin et qu’il quitta dès l’âge de seize ans pour se rendre avec un frère ecclésiastique à Damas, puis à Jérusalem, puis à Damcar en Arabie, où il resta trois ans ; ensuite il alla en Égypte, en Libye et à Fez où il demeura deux ans. Il fut adjoint à un frère P.A.L. qui voulait entreprendre un voyage au Saint Sépulcre.
Bien que ce frère soit mort à Chypre, et ainsi n’ait pas pu voir Jérusalem, notre frère C.R.C se dirigea vers Damas, se proposant de partir de là pour visiter Jérusalem. Mais, par sa santé précaire, l’empêcha d’atteindre Jérusalem et il s’arrêta à Damas, et, grâce aux médicaments (dont il n’était pas sans quelques connaissance), il y gagna la faveur des Turcs. Il entendit par hasard parler des sages de Damcar en Arabie, des miracles qu’ils accomplissaient et du fait que la nature entière leur était dévoilée.
Il y apprit l’existence d’un groupe de Mystiques et Sages demeurant dans la ville arabe de Damcar. Le récit des miracles accomplis par eux et de la manière dont la nature entière leur était dévoilée, éveilla le haut et noble Ingenium de frère C.R.C. de sorte que Jérusalem n’occupa plus dans ses pensées une place aussi élevée que Damcar. Il se mit donc d’accord avec les Arabes pour se faire conduire dans cette ville, où il fut reçu à bras ouverts, comme quelqu’un qu’on attendait depuis longtemps.
Ces mystiques le nommèrent par son nom et lui indiquèrent d’autres mystères de son cloître, ce dont il fut émerveiller. Il y apprit la langue et, l’année suivante déjà, il traduisit en bon latin le livre M pour l’emporter par la suite en Europe. C’est là aussi qu’il chercha ses connaissances physiques et mathématiques.
Il revint au bout de trois ans et, muni du sauf-conduit adéquat, fit voile de sinu Arcabico à l’Égypte, où cependant il ne resta pas longtemps mais où il prêta désormais une meilleure attention aux plantes et aux créatures. Puis il traversa toute la mer Méditerranée, jusqu’à arriver en vue de Fez. A Fez, les Arabes lui enseignèrent de nouvelles connaissances et lui apprirent à communiquer avec les êtres dits "élémentaux", qui lui révélèrent beaucoup de leurs secrets.
Au sujet de ces habitants de Fez, il reconnut souvent que leur magie n’était pas absolument pure et que leur cabale était ternie par leur religion. Il sut néanmoins en faire excellent usage et trouva un fondement encore meilleur à sa foi, car celle-ci concordait maintenant avec l’harmonie du monde entier, incarnée de merveilleuse façon dans toutes les periodis seculorum.
Deux ans plus tard Frère R. C, quitta Fez pour l’Espagne, porteur de nombreux et précieux éléments, espérant voir, puisqu’ il avait tiré pour lui-même tant de profit de son voyage, les savants d’Europe se réjouir grandement avec lui et régler désormais toutes leurs études sur des fondements aussi assurés. C’est pourquoi il s’entretint avec les savants d’Espagne, quant à ce qui manquait de nos arts et quant à la façon de les aider, d’où l’on pouvait tirer des indices certains sur les siècles suivants, et en quoi ils devaient concorder avec les siècles passés ; comment réformer les défauts de l’Ecclésial et toute la philosophie morale. Il leur montra de nouvelles plantes, de nouveaux fruits et animaux qui ne suivaient pas les lois de l’ancienne philosophie et il leur communiqua de nouveaux axiomes qui pouvaient tout résoudre parfaitement.
Malheureusement, il ne trouva dans chaque pays que déception, une sourde opposition et du ridicule, car ces soi-disants savants craignaient de perdre leur prestige en montrant leur ignorance. Plus tard, par sa vocation, Théophrastus ( Paracelse) lut le livre M et en tira des connaissances qui le rendirent célèbre en Europe par ses guérisons.
Malgré ses tribulations et fatigues, C.R.C. ne se découragea pas dans ses efforts infructueux ; il revint en Allemagne, où il construisit une maison dans laquelle, il put poursuivre tranquillement ses études et recherches.
Il réalisa des instruments scientifiques très précieux pour ses expériences, et bien qu’il eût pu atteindre à la gloire s’il avait commercialement mis à profit sa science et ses connaissances de la transmutation des métaux, il préféra garder son idéal pur plutôt que de rechercher l’estime des hommes.
Après 5 années de retrait du monde, son esprit décida de tenter un nouvel effort vers la réforme mais cette fois-ci, avec l’aide de quelques amis sincères ; il trouva ces collaborateurs dans le couvent où il avait éduqué. Trois de ses anciens confrères vinrent à lui ; il leur fit prêter serment pour préserver inviolés les secrets qu’il leur donnerait ; il leur fit ‚également ‚écrire pour la postérité‚ les renseignements exacts qu’il leur donna par la suite. Ainsi fut fondée par quatre personnes la Fraternité des R.-C. ; elle imagina un langage chiffré et magique, ainsi qu’un dictionnaire pour classer cette sagesse à la gloire de Dieu.
Ces quatre membres fondateurs traduisirent également le commencement du livre M ; mais ils eurent beaucoup de peine à cause du grand nombre de malades qui leur demandaient la guérison de leurs maux.
Après avoir achevé une demeure plus spacieuse appelée La Maison du Saint-Esprit, ils décidèrent d’admettre 4 nouveaux membres dans leur association portant ainsi leur nombre à 8, qui, tous, étaient célibataires.
Après un travail en commun très assidu, ils achevèrent l’ouvrage, où se trouvait réuni tout ce que l’homme peut connaître et désirer, ainsi que les instructions et arcanes de l’Ordre. Tout étant réglé, ils décidèrent de se séparer et de se rendre dans d’autres pays, non pas seulement pour divulguer cette sagesse à ceux qui en étaient dignes, mais aussi pour rectifier des erreurs possibles ayant pu se glisser dans leur propre système.
Avant de se séparer, les Frères prirent les résolutions suivantes :
1. Que nul d’entre eux, s’il est en voyage, ne déclare d’autre profession que celle de soigner gratuitement les malades ;
2. Que nul ne doit être forcé, à cause de son affiliation, de revêtir un costume spécial, mais qu’il s’accommode des habitudes du pays où il se trouve ;
3. Que chaque frère est tenu chaque année au jour C.(jour de la Croix) de se rendre au Temple du Saint-Esprit, ou de déclarer par lettre les causes de son absence ;
4. Que chaque frère doit choisir avec soin une personne habile et apte à lui succéder après sa mort ;
5. Que ce mot R.C. leur serve de sceau, de mot de passe et de signature ;
6. Que cette Fraternité doit être cachée cent ans.
Les règles fondamentales de cette société sont de révéler et de craindre Dieu par-dessus toute chose ; de faire tout le bien possible à son prochain ; de rester honnête et modéré ; de chasser le diable ; de se contenter des moindres choses dans la nourriture et le vêtement et d’avoir honte du vice.
Après avoir prêté serment sur ce règlement cinq frères s’en allèrent. Seuls les frères B. et D. restèrent auprès du Père Fr C. pendant un an. Lorsque ceux-ci partirent aussi, son cousin et I.O. restèrent près de lui, de telle manière qu’il ait toujours avec lui, chaque jour de sa vie deux frères.
Ainsi d’année en année, se réunissaient-ils avec la plus grande joie, se communiquant leurs impressions et rapports qui étaient écoutés avec le plus grand intérêt, car ils avaient porté avec toute la sincérité leur doctrine aux sages de la terre.
Il faut aussi tenir pour certain que de telles personnes, orientées ensemble par Dieu et par toute la Machina céleste, choisies parmi les plus sages de plusieurs siècles, ont vécu dans la plus haute unité, dans le plus grand secret et dans la plus grande charité possibles, entre elles et avec les autres. Leur vie s’écoula dans un tel comportement vénérable. Et bien que leur corps ait été libéré de toute maladie et de toutes douleurs, ces âmes ne pouvaient pas franchir le seuil précis de la dissolution.
Le premier de cette fraternité qui mourut fut I.O. et cela en Angleterre, comme Fr. C. le lui avait prédit depuis longtemps. Il était très versé dans la cabale et particulièrement savant, ce dont témoigne son petit livre H. Sa renommée était grande en Angleterre, surtout parce qu’il chassa le lèpre d’un jeune comte de Norfolk.
Ils avaient décidé que leur sépulcre resterait, aussi longtemps que possible, secret. Si bien que nous ne savons pas même aujourd’hui où nombre d’entre eux sont restés. Mais la place de chacun a été pourvue d’un successeur approprié.
Nous voulons par là faire savoir publiquement, pour la gloire de Dieu, quoi que nous ayons pu constater secrètement d’après le Livre M. et bien que nous puissions avoir devant les yeux l’image du monde entier et de sa contrepartie ; nous ne sommes conscients ni de notre infortune ni de l’heure de notre mort, que le grand Dieu, qui veut nous y voir constamment prêts, garde pour lui.
Mais nous traiterons de cela plus en détail dans notre Confessio, où nous indiquerons les trente-sept causes pour lesquelles nous ouvrons notre fraternité et proposons de si hauts mystères librement, sans contraintes et sans aucune rétribution et promettons encore plus d’or que le roi d’Espagne n’en peut rapporter des deux Indes. Car l’Europe est enceinte et accouchera d’un puissant enfant qui doit être richement doté de ses parrains.
Après la mort de O., Fr. C. ne cessa pas son travail mais convoqua les autres aussitôt que possible ; et il nous parait ainsi que ce n’est qu’alors que son sépulcre a pu être fait. Bien que nous, ses disciples, n’ayons jusqu’à maintenant jamais su le moment de la mort de notre bien-aimé père R.C. et n’ayons possédé rien de plus que les noms des fondateurs et de tous leurs successeurs jusqu’à nos jours, nous avons encore pu nous souvenir d’un secret que nous avait révélé et confié A. successeur de D. qui, le dernier du deuxième cercle, avait vécu avec nombre d’entre nous, représentant du troisième cercle. Mais nous devons reconnaître qu’après la mort de A. aucun d’entre nous ne savait rien de R.C. et de ses premiers confrères, à part ce qu’ils avaient laissé dans notre bibliothèque philosophique, dont nous tenons nos Axiomata pour le principal, les Rotae Mundi pour le plus artistique et le Proteus pour le plus utile. Nous ne savons donc pas avec certitude si ceux du deuxième cercle ont été de la même sagesse que ceux du premier et s’ils ont eu accès à tout.
Il faut cependant encore rappeler au très bienveillant lecteur que non seulement ce que nous avons appris du sépulcre de Fr. C. mais aussi ce que nous avons fait ici connaître, fut prévu, permis et enjoint par Dieu, lui auquel nous obéissons avec une telle foi que, pour autant que l’on revienne à nous avec discrétion et raison chrétienne, nous n’avons aucune crainte de révéler par écrit public nos noms de baptême et de famille, nos assemblées et ce qui pourrait encore être souhaité de nous.
Voici donc la vérité et la relation fidèle de la découverte de l’homme de Dieu hautement éclairé, Fr ; C.R.C.
Après le trépas paisible de A. in Gallia Narbonensi, notre frère bien-aimé N.N. vint à sa place. Celui-ci, lors de son installation chez nous pour solenne Fidei et silentii Jaramemtum praestirem, nous rapporta confidentiellement que A. l’avait laissé espérer que cette fraternité ne serait bientôt plus si secrète mais serait pour toute patrie, la nation allemande, secourable, nécessaire et digne d’éloges, ce dont lui, N.N.., en sa position, n’avait pas la moindre raison d’avoir honte. L’année suivante, alors qu’il venait de terminer son apprentissage et avait l’occasion de se mettre en voyage avec un viatique considérable ou bourse de Fortune, il pensa - car il était en particulier bon architecte - modifier quelque peu cette construction et l’aménager plus commodément.
Au cours d’un tel travail de renouvellement, il trouva la plaque commémorative coulée en laiton, qui contenait les noms de chaque membre de la fraternité et quelques autres inscriptions. Il voulut la transférer sous une voûte différente et mieux adaptée, alors même que les anciens avaient gardé le secret du lieu ou du moment de la mort de Fr. C., ainsi que du pays où il pouvait être enterré ; et nous n’en avions pas non plus connaissance. Sur cette plaque était planté un gros clou, un peu en saillie, qui lorsqu’il fut tiré avec force, emporta une assez grosse partie de la mince paroi ou revêtement qui recouvrait la porte secrète et fit découvrir le passage inespéré à partir duquel nous jetâmes bas le reste de la maçonnerie, avec joie et impatience, et nettoyâmes la porte où se trouvait écrit en grandes lettres dans la partie supérieure :Post cxx annos patebo, avec en dessous, le millésime ancien.
Nous rendîmes grâce à Dieu et le même soir laissâmes tout en place, parce que nous voulions d’abord consulter notre Rota.
De nouveau et pour la troisième fois, nous nous sommes référés à la Confessio, car ce que nous révélons ici arrive à ceux qui en sont dignes pour leur bien ; mais aux indignes cela ne peut, grâce à Dieu, guère servir . Car de même que nos portes se sont, après tant d’années, ouvertes de manière merveilleuse, de même une porte s’ouvrira pour l’Europe une fois que la maçonnerie sera dégagée, porte qui est déjà visible et impatiemment attendue par un grand nombre.
Au matin, nous ouvrîmes la porte et une crypte apparut, de sept côtés et angles, chaque côté mesurant cinq pieds sur huit de hauteur. Cet hypogée, bien que jamais éclairé par le soleil, était clairement illuminé grâce à un autre (soleil) qui en avait été instruit par lui et qui se trouvait en haut, au centre de la voûte. Au milieu, en guise de pierre tombale, avait été placé un autel circulaire avec une plaquette de laiton portant l’inscription suivante : A.C.R.C. Hoc universi compendium vivus mihi sepulcrum feci.
Autour du premier cercle : Jesus mihi omnia. (Jésus est tout pour moi)
Au milieu , quatre figures inscrites dans des cercles, portant chacune l’une des devises suivantes :
1. Nequaquam Vacuum. (le vide n’existe pas)
2. Legis Jugum. (joug de la loi)
3. Libertas Evangelii (liberté de l’Evangile)
4. Dei Gloria Intacta. (la Gloire de Dieu est intacte)
Alors les frères s’agenouillèrent tous ensemble et remercièrent le Dieu Tout-Puissant.
Sur chacune des 7 faces de la cellule se trouvait une petite porte donnant accès à un certain nombre de boîtes renfermant tous. Les livres de l’ordre. Un des coffrets contenait des miroirs de diverses vertus, des clochettes, des lampes allumées, d’étranges chants artificiels (peut-être la T.S.P. moderne). Dans l’ensemble tout était organisé de manière à pouvoir reconstituer l’Ordre, au cas où celui-ci disparaîtrait dans les siècles à venir. En déplaçant l’autel on découvrit une grosse plaque de cuivre jaune qui, après avoir été soulevée, laissa apercevoir le corps glorieux et intact de C.R.C., sans la moindre décomposition, avec tous les ornements et attributs de l’Ordre, tenant dans sa main un petit livre de parchemin intitulé T, dont les caractères étaient en or. Ce document, le plus sérieux après la Bible, ne devait pas être divulgué trop facilement. A la fin de ce petit opuscule on pouvait lire l’Éloge suivant « C.R.C. est issu d’une noble et illustre famille allemande ; il eut le privilège, durant tout un siècle, d’être instruit par révélation divine ; grâce à son intuition très subtile et sans égale et à un labeur inlassable il atteignit la compréhension des mystères divins et humains les plus secrets. Il fut admis à l’enseignement des mystères au cours de ses voyages en Arabie et en Afrique. Cette science ne convenait pas à son siècle ; mais il eut la charge de la conserver pour la postérité. Pour la transmission de cet art, il choisit des héritiers à grand coeur, fidèles et dévoués, pour leur léguer sa science des choses passées, présentes et futures et il décida que cette science, le résumé de toutes ses connaissances acquises, serait retrouvée après un intervalle de 120 années qui suivraient sa mort et son ensevelissement secret.
Après avoir vérifié tout le contenu de la cellule, on remit en place la plaque de cuivre et l’autel ; la porte du caveau fut à nouveau scellée et les frères se séparèrent, avec une foi accrue par le spectacle miraculeux qu’ils venaient de contempler, en laissant tous ces trésors aux héritiers naturels et en attendant l’opinion et la réponse des savants aussi bien que des ignorants. Le manifeste continue en disant qu’il y aura une réforme générale divine et humaine. C’est le désir des frères et de tous les autres aussi ; entre temps la fraternité augmentera en nombre et en considération, se partageant dans l’humilité et l’amour les trésors philosophiques, facilitant par là tous les travaux dans le monde, ne marchant plus en aveugle, au milieu des merveilles créées par Dieu.
La suite du manifeste expose en ces termes une profession de foi à l’usage des chrétiens : « Nous croyons en Jésus-Christ nous avons deux sacrements tels qu’ils ont été établis et rituellement réglés par l’église primitive rénovée. « En politique, nous reconnaissons l’Empire Romain et la « Quarta Monarchia » comme étant notre chef et celui des chrétiens. Ayant été initiés aux transformations futures, nous désirons de tout coeur les faire connaître à tous les savants qui croient en Dieu. Nous sommes dépositaires de ce manuscrit dont aucune puissance, hormis le Dieu unique, ne peut nous faire dessaisir ; aussi apporterons-nous notre aide occulte à la Bonne cause, selon Ses vues et Ses desseins.
Notre Dieu n’est pas aveugle comme le fétiche des païens ; Il anime et éclaire l’église. Notre philosophie n’est pas nouvelle, mais telle qu’Adam la reçut après la chute et telle que Moise et Salomon l’ont mise en pratique. Elle ne doit donc pas être mise en doute ou opposée à d’autres opinions La vérité est une, toujours semblable à elle-même, en harmonie avec Jésus-Christ qui est l’image du ’Père. Il ne doit pas être dit : « Hoc non per philosophiam verum est sed per theologiam » car partout où philosophes (Platon, Aristote, Pythagore, etc.) et théologiens (Enoch, Abraham, Moïse, Salomon, etc.), sont d’accord avec le grand livre des miracles, ils sont, les uns et les autres, également rapprochés du grand centre lumineux qu’est la vérité.
Mais à notre époque où la fabrication athée et damnée de l’Or a pris une grande extension, certaines créatures, abusant de la crédulité publique, affirment et réussissent malheureusement à faire croire que la transmutation des métaux constitue le summum de la Philosophie. Dieu mériterait, selon eux, d’autant mieux être adoré qu’Il ferait de plus grandes quantités de lingots d’or aussi tentent-elles tout pour le fléchir par la prière et par des exercices de piété véritablement maladifs. Par les présentes, nous déclarons hautement que cette conception est fausse, très éloignée de la philosophie vraie où la fabrication de l’or n’est qu’un accessoire, un simple Parangon.
D’accord avec le Père C.R.C., nous invitons tous les savants d’Europe à lire notre Fama et la Confession rédigés en cinq langues différentes ; qu’ils veuillent bien étudier attentivement ces deux documents et méditer avec impartialité sur leurs conceptions scientifiques personnelles, puis nous faire connaître leurs conclusions soit sous la forme imprimée, soit communicato consilio, soit encore à titre purement privé.
Bien que nous conservions actuellement l’anonymat et que nous nous abstenions de mentionner le lieu de nos réunions, la réponse de chacun n’en viendra pas moins certainement jusqu’à nous. Bien mieux, tout signataire peut être assuré qu’il entrera en relation avec l’un d’entre nous, soit verbalement, soit par écrit. Tout homme qui se fera de nous une opinion raisonnable et sincère éprouvera du bonheur dans ses biens, dans son corps et dans son âme. Quant aux fourbes et aux êtres cupides, avides d’argent, loin de nous porter préjudice, ils iront eux-mêmes au-devant des plus grands et des plus extrêmes dangers. Notre édifice, que cent mille témoins ont vu de près, demeurera pour l’éternité intact, en restant invisible pour le monde athée.
Sub umbra alarum tuarum Jehova
(A l’ombre de tes ailes Jehovah).
Ici finit la Fama Fraternitatis.