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ANONYME De la Matière de la Pierre et du Feu des Philosophes.


Aurora Consurgens - XVème siècle


DE LA MATIÈRE DE LA PIERRE ET DU FEU DES PHILOSOPHES

Dans lesquels consiste tout le Magistère


Anonyme

XVIIème siècle


CHAPITRE PREMIER

La première matière et éloignée de laquelle les Sages composent leur médecine universelle, qui est leur élixir ou grand oeuvre, et le plus grand qui soit dans toutes les opérations naturelles , appelée Pierre philosophale, n'est autre chose qu'un composé fait par la nature, sans l'aide de l'art, qui contient en soit les quatre qualités élémentaires dans un tempérament d'égalité proportionnelle, dans laquelle sujet, elle atteint une certaine complexion, pour passer par après au suprême degré de perfection de l'art, et de la nature, et alors est appelé oeuvre Divin.

Cette matière ne contient pas seulement les quatre qualités susdites dont elle est composée, mais dans ce sujet qui est simple en son espèce, se trouvent contenus en puissance les trois règnes de la nature, minéral, animal, et végétable. Toutefois elle tire son origine du premier qui est le minéral, puis elle acquiert les autres en passant par les opérations de la nature, mais sans aide de l'art jusqu'à la troisième.

La nature tire le sujet de cette noble substance des délices et des amours des éléments minéraux, poussant par l'action de son agent universel, et qui est au centre de chaque chose, une certaine vapeur onctueuse, qui contient en soi une qualité sulfureuse admirable, et en rencontrant en chemin une certaine terre vierge, déliée, subtile, et pure, avec laquelle elle se met avec toutes ses parties, étant liée à celle-ci, elle l'enlève avec soi, et la faisant monter par certains petits canaux et soupiraux, jusqu'à la superficie de la terre, elle est enfin par sa légèreté et le propre instrument de sa nature élevée jusqu'à la région de l'air.

Votre première matière est donc conçue et engendrée dans les airs, et elle reçoit sa forme, sa nourriture, son accroissement, et sa première perfection, et flotte çà et là, au gré des vents, des brouillards et des tempêtes, jusqu'au temps complet et nécessaire pour parvenir à cette fin, après lequel temps, la nature fidèle abreuvant et humectant cette matière, la délaie dans le propre humide de l'air, au ventre duquel elle est enclose, et par le naturel de son intime et la propre vertu du lieu où elle est contenue, elle est induite à une certaine corruption, pendant le temps de laquelle la nature la purge de quelque superfluité, puis étant condensée et épaissie par les réunion des parties qui avaient été divisées, par résolution elle acquiert une certaine gravité pondéreuse, pour raison de laquelle, le lieu ne pouvant plus la retenir, ni supporter, il la laisse retomber.

C'est alors et immédiatement au point précis de ce même lieu, qu'il faut que le prudent artiste, sache prendre son temps pour ne pas manquer ce moment, lequel il doit connaître par un effet de sa science, pour recevoir dans un vaisseau préparé à cette fin, ce riche présent, que la nature lui donne et lui envoie, et qu'il sache encore que ce moment ne se retarde point, n'étant que d'un demi quart d'heure, ou un quart d'heure tout au plus.

Car notre dite matière doit être prise auparavant qu'elle soit tombée, et mêlée à aucune chose qui ne soit pas de son essence, d'autant qu'elle ne peut avoir de communication avec les choses qui ne sont pas de sa nature, qu'elle soit au même instant corrompue, et rendue inutile pour l'oeuvre du magistère.

Ces règles étant bien observées, alors cette première matière est soumise au pouvoir de l'artiste, laquelle n'avait pas encore été, et c'est dans cette seule chose que vous trouverez toutes choses, ainsi qu'ont dit les Philosophes, étant l'unique matière des anciens sages, dans laquelle tous les trésors de la nature sont enclos, ce qu'il faut entendre après qu'elle ait passé par les degrés.

On peut encore dire pour une double intelligence de cette matière, qu'après le premier cercle par laquelle elle passe pour parvenir au plus parfait des degrés, par lequel la nature l'a conduite avec l'aide de l'art au point sublime de la perfection, elle ressemble à une riche bibliothèque, remplie d'un nombre presque infini de volumes rangés par un ordre admirable dans les boutiques de la nature, tous bien fermés, et richement reliés et scellés, dans lesquels toute la sagesse du monde est écrite, mais il faut avoirs des yeux fins et clairvoyants, pour savoir lire ce qui est contenu dans leurs feuilles, toutefois il n'y a rien de difficile que l'ouverture de ces livres, dont les serrures s'ouvrent toutes d'une même clef, mais cette clef est d'un étoffe si rare qu'elle est presque inconnue, et quoique tout le monde la croit savoir, peu de gens la possèdent, et elle est de matière toute spirituelle et de nature fuyarde aux esprits volatils et inconstants, mais permanente et fixe aux pondéreux et solides jugements, auxquels elle se communique par sa propre inclination.

L'accès de ces boutiques est facile, étant ouvertes à tout le monde, les ignorants y rentrent comme les savants, où les uns et les autre s'enfoncent dans le labyrinthe de cette bibliothèque, comme dans une forêt enchantée, où presque tous ne connaissent rien, ignorants même jusqu'à la nature des arbres qui la composent. Si vous pouvez ouvrir un de ces livres, par celui-ci vous aurez une parfaite connaissance de ce qui est contenu aux autres, après quoi il n'y a plus rien à désirer en ce monde mortel, puisque vous posséderez tout jusqu'à l'immortalité, la médecine incorruptible. Après une telle connaissance rien ne peut être caché à une noble intelligence, ainsi il serait inutile de parler de la manière d'opérer, d'autant que dans la parfaite connaissance de la véritable matière, tout le reste est contenu, puisqu'on connaît le principe que je déclare en cet écrit.

Toutefois il y a le propre du feu dont la connaissance pourrait être difficile, et parce qu'autant nécessaire que la matière, étant certain que l'un serait inutile sans l'autre ; je vous dirai à ce sujet que le feu philosophique est contenu dans la matière des métaux, et sachez encore que dans la masse confuse, est la quintessence, qui est une puissance occulte à ceux qui ne la connaissent pas, mais si vous la savez préparer, elle vous sera manifestée et vous trouverez ce que vous cherchez en elle.

Le docte Raymond Lulle a dit à ce propos, si tu ignore nos préparations, tu n'auras jamais le trésor promis à tous les élus, et bienheureux sont ceux qui les peuvent entendre. 

Et Marie soeur de Moïse a dit à ce sujet, la préparation est le trésor et l'accomplissement et la fin de la chose, pesez bien ces paroles et tâchez à entendre ce qui est dessus du feu.

Je vous dis encore qu'il n'est pas commun, il est fait par art et est artificiel à trouver, mais si vous avez la connaissance de ce feu, vous connaissez la matière. Ces paroles sont courtes mais elles doivent suffire si on est enfant de doctrine, d'autant que si on peut atteindre à la connaissance de la matière, tout le reste sera facile, car quoiqu'il ait beaucoup d'ouvrages, et nombre d'opérations dans le mélange des éléments et dans la réincrudation,  par résolution, condensation et raréfaction de ceux-ci, qui se font par degrés, qui est la voie originelle de leur transmutation, et la commune doctrine par laquelle la nature les convertit, il y a toutefois qu'un seul acte en général, qui est distiller, redistiller, dissoudre et congeler.

Le bien heureux docteur Raymond Lulle dit à cause de cette réitération, le magistère est réputé des ignorants l'ouvrage des femmes et un jeu d'enfant, comme aussi un monstre sans tête et sans queue, tant il est vrai et certain, que ceux qui ne savent rien ne peuvent juger de rien.

C'est en ce lieu qu'il faut vous avertir de ne pas vous ennuyer, et n'être point avare du temps et de vos peines, vous l'apprendrez par le même docteur Raymond Lulle fort clairement quand il dit et répète ces mots ; sachez bien nos préparations et ayez une grande patience dans leurs longueurs, car il n'y a point de longueur pareille à celle de la nature, et nos opération ne se font que par elle dans la révolution des temps, mais sachez encore que vous ne saurez jamais toutes les choses, si l'expérience de celles-ci ne vous est donnée à connaître par les lumières de la philosophie naturelle, et non par la sophistique ; prenez donc bien garde de ne vous décliner de certaines et vaines présomptions fantastiques qui naissent dans la tête de ceux qui par des raisonnements hétéroclites font violence à la nature, et empoisonnent leurs esprits de chimères et de corruption, car si la raison et l'expérience ne vous découvrent le secret de la chose que vous désirez, vous n'acquérez jamais le trésor de la possession des choses de la nature, à moins d'une inspiration Divine, ou révélation d'un ami, c'est pourquoi vous serez toujours dans le risque et le danger d'une nécessité indispensable d'être enseigné par l'expérience, par l'exercice, et par la pratique.

Formez-vous donc cette pratique par l'expérience et moyennant une théorie suffisante, les lumières de la raison vous découvriront toutes les vérités que vous cherchez.

Appliquez-vous donc sérieusement avec une intention solide et profonde, à l'étude et à la lecture des anciens Philosophes, parce que leurs théories vous donneront de belles lumières, et vous formeront une manière admirable d'opérer qui vous sera grandement utile, lorsque vous serez dans la pratique, pour vous faire voir et connaître les voies que vous devez tenir, et qu'il vous conviendra de suivre pour parvenir au but désiré.

Mais je vous avertis que vous preniez garde de ne suivre le sens littéral de leurs secrets, d'autant que ce n'est pas celui qu'il faut tenir, si vous ne voulez errer lourdement et perdre votre temps et vos peines.

Ce grand père de doctrine Raymond Lulle, vous donne ce salutaire avis lorsqu'il dit, et ainsi faut dire allégoriquement, que le grand dragon est des quatre éléments, mais non dans le sens littéral comme il est écrit, il ne faut donc pas prendre pour vrais sujets, les choses que vous trouvez en leurs écrits en termes vulgaires dans tout l'oeuvre, quoique les matières en soient très communes ; mais pénétrez leurs sens énigmatiques, et prenez la chose qui sera désignée sous leurs mots et sous-entendus, pourvu qu'elle soit convenable à ce que vous désirez, laquelle vous connaîtrez clairement, si vous recherchez curieusement à connaître la nature et origines des choses indiquées sous leurs sens allégoriques et leur paradoxe, ne vous arrêtez donc pas aux ombres qui enveloppent la vérité, mais fouillez plus avant dans le ventre profond de la nuée, et vous y trouverez la pierre solide de la foudre, avec laquelle vous écraserez l'hydre monstrueux des infirmités et de toutes les nécessités de la vie.


CHAPITRE DEUXIEME

Dans ce petit abrégé de la matière de la pierre et du feu des Philosophes, qui dans le raccourci comprend tout ce qui est contenu dans les livres des sages, qui en ont composé des volumes sans nombre, quoiqu'ils soient un peu obscurs, il n'y a pas de déguisement, rien n'y est caché ni composé, tout y est dans une vérité parfaite, pure, et dans la droite suite des ouvrages de la nature suivant ce qu'elle opère dans la génération et production de cette Divine matière, et dans les termes les plus clairs, plus significatifs, plus naturels, plus proclamés, et les plus convenables à la chose dont on puisse se servir pour expliquer cette matière sans la nommer par son nom vulgaire, et la connaissance du feu se manifeste par celle de la matière, l'occulte de l'un se découvrant par le manifeste de l'autre.

Si vous pouvez ôter ce petit rideau, qui n'est que gaze bien déliée, et la plus transparente dont les Philosophes se soient jamais servis pour ployer cette riche matière, et la cacher aux indignes et aux ignorants ; vous pourrez prier, louer et remercier la bonté souveraine de Dieu, de vous avoir ouvert les oreilles et dessiller les yeux pour entendre et connaître la vérité, et recevoir ses lumières qu'elle refuse à tant de gens élevés par la fortune, qui font une profession ouverte de sacrifier leurs vies, à la recherche de ces faveurs dont ils sont refusés par cette sagesse Divine, d'autant que ce petit voile plus mince que la toile de Pénélope étant pénétrés par les lumières de l'entendement, toutes les voies en même temps ouvertes et tous les secrets de l'admirable nature découverts, sans aucun nuage et aucune réserve, lesquels sont contenus dans ce petit réduit, comme un enchantement plein de merveilles, où sont enclos tous les miracles de la nature.

Mais pour donner un peu plus d'éclaircissement de tout ce que dessus, il faut remarquer que ce n'est pas une petite science que la physique, ni un petit travail que celui de son oeuvre, cependant plusieurs l'entreprennent mal à propos, sans se donner la peine d'en connaître le principal, et c'est ce qui fait qu'elle se trouve si méprisée, et quoi qu'elle soit très véritable que presque tout le monde la croit fausse, parce que tous ses opérateurs, après avoir bien cherché, ne trouvent que leur ruine, la raison de ceci est qu'ils n'ont pas comme la nature jusque dans son centre, et que la plupart sont dans cette fausse croyance qu'il ne faut que l'or, et le Mercure commun, pour faire cette riche et recherchée médecine, d'autres pensent qu'il faut que les sels, et autres choses que la nature a déjà spécifiées, chacune pour être ce qu'elle sont.

Ce qui fait que tant d'hommes s'abusent à cette conquête ne connaissant pas l'unique matière qui cause toute les merveilles, lesquelles se font au moyen de ce Divin ouvrage, et au lieu d'en faire une exacte perquisition, s'amusent à travailler sur des recettes, que divers charlatans leur donnent sans vouloir prendre la peine de lire les véritables auteurs, qui en traitent candidement, et sans envie, mais à la vérité toujours un peu obscurément, pour empêcher que les méchants ne les puissent connaître.

Mu de pitié pour tant de souffrance et tant d'hommes qui perdent leur temps et leurs biens après elle, j'ai résolu de donner quelques éclaircissements sur ce sujet, pour par ceux-ci tâcher d'empêcher toutes les pertes et la ruine de plusieurs qui s'attachent mal à propos à ce magistère.

Je dis donc que celui qui sera appelé à ce magistère par une secrète justice à la recherche des secrets de la nature, doit en premier lieu s'adresser au Tout-puissant et le prier instamment de diriger par la sainte grâce, son esprit et son entendement, afin qu'il ne s'égare jamais du chemin droit, qu'il doit tenir et souhaite que ses serviteurs tiennent, lui demandant humblement pardon de toutes ses fautes, être dans une forte résolution de n'y retomber jamais, et n'avoir de passion plus forte s'il est de Dieu béni de parvenir à ses desseins, que d'employer la plus grande partie de son travail pour la gloire et le secours des pauvres, des veuves et des orphelins.

Après cela il doit avoir une forte application à étudier les Philosophes, et repasser diverses fois leurs dire dans sa mémoire, considérant toujours les endroits où les Philosophes s'accordent en s'accordant entre eux, où ils sont d'accord avec la nature et la raison, peser et mûrir tous leurs discours, et faire réflexion pourquoi et à quelle fin ils disent les choses qu'ils disent, lesquelles souvent semblent n'être pas nécessaires d'être dites dans les discours qu'ils font sur cet ouvrage, lire et relire plusieurs fois une même chose et ainsi considérer ce que c'est que la nature, car dans elle toutes choses sont contenues, mais peu d'hommes peuvent pénétrer jusqu'à cet endroit, parce que tous croient la bien connaître, et c'est ce qui les trompent et ce qui les empêche d'approfondir jusqu'à la connaissance entière de cette science, qui est la plus haute et la plus véritable qui soit au monde, donc j'ai résolu de dire quelque chose pour donner quelques lumières aux studieux de cet art.


CHAPITRE TROISIEME

Je vous avertis en premier lieu que la matière dont se servent les Philosophes pour leur ouvrage est une matière unique, simple, commune, qui se trouve partout, que les pauvres peuvent en avoir aussi bien que les riches, et quoique les Philosophes lui donnent divers noms, elle n'en a qu'un propre, mais possède tous les autres en puissance, tant seulement ils disent qu'elle est un, deux, trois quatre. Ils disent vrai parce qu'elle est mâle et femelle, qu'elle a Soufre, Mercure, Sel en elle, Feu, Air, Eau et Terre, mais tout n'est aussi qu'en puissance, à la réserve de deux, qui sont Soufre et Mercure, c'est à dire Feu et Eau, lesquels deux ne sont aussi qu'une même chose et une même matière, parce qu'ils sont si étroitement unis, qu'ils ne peuvent s'enfuir l'un sans l'autre, ni rester l'un sans l'autre, aussi laquelle matière, la nature nous la donne toute préparée et prête à mettre en notre vaisseau, et toutes les préparations que les auteurs nous montrent, sont celles de la nature, lesquels ne rapportent que pour amuser les ignorants de cet art, car comme dit très bien le Trévisan, il n'est pas possible à l'art de faire la matière, car si cela était, la nature n'y serait pas requise, et par ainsi ne vous amusez pas à faire les préparations mentionnées dans les Philosophes, lesquelles, comme je viens de dire, ils n'ont mises dans leurs écrits que pour amuser les ignorants, et cacher leur science aux indignes.

Je vous dis aussi qu'il faut extraire cette matière de 126 Vénus 256 228 parfaits, ce qui est très vrai, mais dans ce passage, si vous n'avez pas de bons yeux, vous n'y verrez goutte, puisque les Philosophes nomment Verseau Mars 85 Gémeaux 256 226 pur et net qui ne laisse pourtant pas d'avoir quelque hétérogénéité en eux, ni si abondamment que les autres, mais la nature, leur mère, par des circulations ordinaires étant un peu aidée par l'art, les chasse de ce Mercure, lequel elle donne pur et net au philosophe, pour y pouvoir opérer comme sa mère lui montre par ses opérations admirables.

Plusieurs s'imaginent que la première matière des Philosophes n'est autre chose que les quatre éléments, desquels, disent-ils, il faut faire le Mercure, et pour cet effet ils entreprennent plusieurs travaux sur les métaux communs dont ils prétendent le tirer, et puis les rejoindre ensemble, et disent que cette conjonction se fait leur Mercure, et ils opèrent ensuite sur celui-ci, et au bout d'un long temps, ils se trouve qu'ils ont perdu avec leurs peines et leur argent, parce qu'ils ne trouvent rien de ce qu'ils prétendent, ils tirent (disent-ils) le premier par un feu modéré cet air. Cet air est une vapeur claire et lucide, après ils tirent l'eau par un feu plus fort, et par un feu du troisième degré ils prétendent avoir tiré le feu, ayant fait sortir de ces corps imparfaits, une certaine eau rouge, laquelle d'ordinaire n'est que le subtil des sels corrosifs, qu'ils ont parmi leurs métaux, qui à force de feu se sublime et passant par le bec de l'alambic emporte avec soi quelque teinture du métal, que le feu du dernier et plus violent degré du même feu, ils calcinent la terre qui demeure au fond, à laquelle ils redonnent peu à peu les susdits trois éléments, qu'il prétendent avoir séparé, et croient par ce moyen, en y imprégnant cette tête morte, la revivifier, et du tout faire le Mercure des Philosophes, et pauvres qu'ils sont, ils reconnaissent après, qu'ils n'ont rien fait qui vaille que de dépenser leur bien inutilement.

Je sais fort bien que des quatre éléments toutes choses ont été produites, mais c'est médiatement, et pas immédiatement, d'autant qu'il faut que leurs quatre éléments, pour être la matière que les Philosophes demandent, soient tous enfermés dans une matière seconde, laquelle après est plus prochaine de la production, ainsi que nous apprend très savamment le Trévisan dans son Traité des Métaux, quand il fait la comparaison de la formation de l'homme, et ne prétendez pas que par vos travaux et par votre art, vous puissiez séparer, puis rejoindre les éléments, cela n'appartient qu'à la seule nature, comme vous a déjà démontré le docte Trévisan ci-dessus.

De plus tous les auteurs vous défendent de vous servir des métaux communs pour leur oeuvre, n'entendant pas que l'on en doive employer pour la procédure de celle-ci, qui sont comme je vous ait dit du 228 spirituels et en puissance non en acte métaux, et en cela confirmés en ce que je vous ai dit ci-dessus, de bien prier Dieu et d'étudier les auteurs qui disent tous la vérité et sont tous d'accord entre eux avec la nature et la raison, et ainsi faisant vous ne perdrez pas le temps ni vos biens inutilement.

Je m'en vais vous découvrir vulgairement un secret que jamais aucun philosophe a voulu à dire clairement, ce quoi j'ai bien eu de la peine à me résoudre, ce que je fais pour remettre dans le bon chemin les dévoyés, c'est que lorsque le philosophe extrait le Mercure de son corps, pour faire en cette mesure extraction sous le mâle et la femelle, les quatre éléments, les trois principes étant ensemble dans celui-ci, opérant même l'extraction par une attraction aimantine qui est entre eux, la nature leur mère, leur donne à tous cet intime, pour les faire joindre, sans quoi il ne se ferait aucune production.

Ce Mercure des Philosophes a donc en soi tout ce qu'il lui faut pour la perfection de l'oeuvre, il n'est question que de le savoir extraire, et le conduire après par un travail philosophique, qui n'est d'autre chose que de mettre dans un vaisseau scellé hermétiquement, comme je vous l'expliquerai ci-après.

Je commencerai par le triple fourneau, qui est un petit matras où vous aurez mis comme dit Flamel, les confections de l'art, bien scellé, lequel vous mettrez dans un fourneau que ledit Flamel vous explique dans son Livre des Figures Hiéroglyphiques, lequel doit être mis dans un autre fait de bois, de peur que l'air n'éteigne votre feu dans le fourneau de terre, cette confection fait elle seule toutes les sublimations, ascensions, descensions, lavements, ablutions et autres opérations dont les Philosophes parlent tant, qui ne sont toutes que deux, qui est monter et descendre, les esprits de ce Mercure montent en vapeurs, secondement en eau claire et limpide, et après descendent au bas de leur vaisseau pour remonter de nouveau, et ainsi faire une perpétuelle circulation jusqu'à la perfection, tous ces mouvements font paraitre en quarante jours et nuits, ce que les sages appellent tête de corbeau, leur saturne, leur mort, sépulcre, ténèbres, et autres noms, ce qui dure assez longtemps, mais quarante jours et nuits dans cette grande ténèbre, après cette matière prend une couleur un peu plus sereine, tirant sur le gris d'ardoise, qui dure aussi quarante jours et nuits, puis devient un peu plus blanche, et dure dans cette blancheur obscure trente jours et nuits, sortant desquels elle rentre dans une rougeur de feu, qui est une colonne au milieu et ténèbre aux parois de votre vaisseau, demeurant comme cela assez longtemps, environs deux mois, s'éclaircissant néanmoins petit à petit, que cette rougeur se perd et laisse paraître un vert naissant, qui se fortifie peu à peu, en dix ou treize jour et nuits, au bout desquels vous voyez dans votre vaisseau, la marque de l'attirance faite du ciel avec la terre, je veux dire si lucide, si beau, si admirable et les couleurs si vives, qu'il est impossible d'en voir de si beau dans le monde, après paraissent les queues des oiseaux, qui tirent le chariot léger de la belle Junon, cela est merveilleux à voir, et ces apparitions sont assez longues et durent environs trente-cinq à quarante jours, parmi lesquelles couleurs vous voyez des entrelacements, des fleurs, des diamants, et autres pierres précieuses, parmi et surtout au haut du globe de votre vaisseau, une couronne de perles plus fines que celles que l'orient et l'occident n'aient jamais donné, la voie lactée paraît aussi belle qu'elle n'est pas dans le ciel, après laquelle la belle étoile lucifère s'y fait voir, qui mène l'aurore bientôt finie de la belle Diane sa maîtresse, laquelle se repose trente bons jours et nuits dans ce beau et orné palais, après lesquels elle disparaît peu à peu, comme elle avait paru en arrivant, pour faire place à son frère Phoebus qui vient au petit pas, ne montrant pas sa face, quoiqu'il n'ait auparavant manifesté les ornements de ses coursiers, qui sont de couleur violet pâle et enfoncé, bleu, citrin, et rouge, après quoi il fait voir son visage plus resplendissant que le Soleil son père.

Alors tout est fait pour cette première opération, laquelle achevée, comme je viens de dire, le Trévisan la nomme fontaine, où le roi se baigne, et toute cette opération se fait d'elle-même, sans y toucher des mains, la nature aidée de l'art, fait elle seule le tout sans autre secours que ce que je vous ai dit, et cet art aidant, n'est autre chose, qu'un feu externe doux et approchant le plus qu'il se peut du naturel, lequel excite la nature qui est enclose dans notre Mercure, à faire tout ce que je viens de dire.

Cette fontaine est le premier travail de l'adepte, et ceux qui sont auparavant dans Raymond Lulle et les autres Philosophes parlant, n'appartiennent qu'à la nature, laquelle travaille de tout son pouvoir avec leurs instruments, qui sont les quatre éléments et les trois principes, et de tous ensemble, il se fait une matière confuse d'où à la fin elle tire notre Mercure, qui est notre matière plus prochaine, pour faire ladite fontaine.

Après ceci s'ensuit un second travail dans lequel on doit mettre le roi dans cette fontaine de laquelle nous venons de parler, afin qu'il s'y baigne, s'y noie, y meure, et y ressuscite, en y prenant une vie plus noble que celle qu'il avait auparavant. Les sages appellent cette seconde opération jonction, mariage, mixtion, épousailles, et autres divers noms, qui veulent dire une même chose, c'est dans cette opération que l'artiste ou philosophe joint Gabertin avec sa soeur Beya, comme dit Arisleus dans la Tourbe, lesquels ne dénotent que le Soleil et Mercure, qu'ils marient ensemble, les mettant dans un vaisseau philosophique, où ils sont l'espace de neuf mois et demi, auparavant qu'ils soient bien unis et ne fassent qu'un même corps.       

Dans cette opération le Soleil se putréfie, se dissout, se sublime, se calcine et réduit en la première matière, c'est à dire de l'essence du Mercure philosophique, sans quoi il ne pourrait sublimer, il devient premièrement noir dans les quarante jours et nuits, et il est quarante jours et nuits dans cet état, après paraît la lividité dont parle Flamel, qui dure assez longtemps, puis passe de cette couleur à la blanche, après le feu s'allume dans celui-ci, qui lui fait prendre peu à peu la couleur jaune, et en se renforçant, le réduit de la couleur du plus beau grenat qu'on puisse s'imaginer, étant ainsi les Philosophes le nomment leur Soufre, le Mercure ne paraissant plus, le feu ayant pris la domination sur l'humide mercuriel, et c'est alors ce que disent les sages, que la mère est entrée dans le ventre de l'enfant, comme l'enfant était rentré dans celui de sa mère, et à présent le Mercure est dans le ventre du Soleil, qu'ils appellent le fils, ainsi ils ne font à présent qu'un corps, qu'une âme, et qu'un esprit, et sont dans ce moment inséparables, et c'est encore ce qu'ils veulent dire, lorsqu'ils disent revivifer le mort et tuer le vivant, car le Soleil qui est sans énigme le vulgaire, était mort et le Mercure vivant, à présent le Soleil est vivant et le Mercure mort ne paraissant plus, vous trouverez ceci bien expliqué dans le Philalète.

Après cette opération, il y en a une troisième, qu'on appelle incération, qui dure cinq mois et quelques jours. Pour la commencer vous prendrez votre vaisseau, le casserez, et en tirerez le Soufre qui est dedans, duquel vous prendrez une partie, de laquelle vous ferez projection sur de l'or fondu dans un creuset qui sera en belle fusion, et vous prendrez garde que les flammes dévorent votre Soufre qui les appréhende encore quelque peu, donnez-y le temps de faire l'opération sur ledit or fondu, et après qu'il soit en lingot, et vous trouverez votre or cassant comme du verre, broyez-le bien menu, et prenez de celui-ci avec votre Mercure philosophique, que vous joindrez avec le reste de votre Soufre, et mettez en vaisseau comme devant, sur un même feu et dans le temps que je vous ai marqué ci-dessus, vous aurez l'élixir des Philosophes, qui est un trésor inestimable, et inépuisable pour les richesses et pour la santé.

De ces élixirs vous ferez projection sur son plus prochain, lequel il réduira tout en poudre, de laquelle vous projetterez sur les métaux imparfaits, et elle les transmuera en très fin or, meilleur que celui qui vient des mines.

Je ne vous donne pas les poids qui doivent être observés dans tous vos travaux, si vous avez l'esprit ingénieux et que vous soyez choisi de Dieu pour posséder ce Divin ouvrage, vous le trouverez dans les livres des sages, de parler il ne m'est pas permis de tout dire, de peur que les méchants n'en abusent.

Pour le poids de la projection pour la transmutation, cela dépend de la vertu et de la force de votre élixir.

Pour ce qui est des feux, je connais des personnes qui veulent passer pour habitués à expliquer les Philosophes, qui disent qu'il n'est pas nécessaire d'autre feu que celui de la nature, ils se trompent, car les Philosophes parlent ici véritablement d'un feu de nature, mais ils veulent aussi qu'il soit aidé par un feu externe et aérien, qui doit être gouverné comme le naturel, c'est-à-dire qu'il doit être doux, vaporeux et aérien, Arthéphius et beaucoup d'autres vous le montrent fort clairement, il n'est pas difficile à trouver quand on a la connaissance du Mercure des Philosophes.

Des fourneaux, je vous en ai dit quelque chose, et vous le trouverez fort bien expliqué dans Flamel, et Basile Valentin vous dit que si vous avez de la farine, vous trouverez fort facilement un four pour faire votre pain.

Ne croyez pas je vous prie, sans l'assistance du bon Dieu qui éclaire votre entendement, si vous ne le priez, et lisez les Philosophes, m'entendre facilement, quoique je vous proteste, que je vous ai dit ingénument la vérité des curieux ambages, mais je vous avertis, comme dit le bon Trévisan, que la sapience n'entre jamais dans un homme de mauvaise volonté, et qu'aucune aide ne lui est donnée, par ainsi si vous êtres traitre à Dieu et à votre prochain, vous ne sauriez proposer et réussit, et je vous dirai encore que si vous avez d'autre sentiment que ceux qui sont agréables à notre sauveur Jésus Christ, vous ne connaîtrez jamais ce Divin secret, et si vous n'assistez de tout votre coeur votre prochain dans ses nécessités, d'autant que Dieu ne donne qu'à ceux qui ont bonne volonté de bien faire et non aux méchants, et pour cet effet si vous recevez jamais cette grâce du ciel, que d'être un jour possesseur d'un très grand trésor, souvenez-vous des pauvres, même avant d'en avoir été favorisé, pour tâcher de l'obtenir et de la mériter, des mains du Tout-puissant.

Je ne veux omettre entre plusieurs merveilles qui proviennent et se peuvent pratiquer par cette Divine pierre, de dire, ce qui est rapporté par Jean Poissonnier, orfèvre et bourgeois de Vienne en Autriche, goûtant l'usage et la pratique de celle-ci pour la santé, lequel après l'avoir heureusement, avec un sien associé achevée, ils en firent des vers latins, voici ce qu'il en dit.

En l'usage de cette médecine pour la santé, plusieurs grands Philosophes après avoir obtenu cette bénédiction, désirant avoir une santé parfaite, quelques-uns n'en ont osé en prendre plus d'un quart de grain, d'autres plus, d'autres moins, mais tous ceux-là se sont donnés la mort. Le secret de s'en servir n'est pas petit en la médecine, quoique plusieurs s'imaginent que s'ils avaient la pierre, ils guériraient toutes sortes de maladies, ce que peu ont su.

Il n'y a qu'un moyen secret de s'en servir, c'est d'en prendre quarante grains et la dissoudre dans une chopine de vin blanc, et nul autre, qui deviendra rouge comme la même médecine, et il ne faut que du vin blanc commun, et nul autre, que tout soit dans un même vase de verre, et laisser le tout reposer quatre jours et nuits, car comme c'est une substance huileuse, elle ne se dissout pas facilement et ni promptement dans le vin. Cela fait ajoutez une autre chopine de vin, et ainsi toujours par degré, jusqu'à ce que le vin ne devienne plus rouge, qui est le plus grand rouge du monde, toujours couvrant le vaisseau de crainte de la poussière, continuez à y mettre du vin, jusqu'à ce qu'il devienne de couleur jaunâtre, luisant, et remuez de temps en temps avec un bâton de bois bien net, autrement cette médecine enflammerait le corps et épuiserait l'esprit, et quand le vin sera à cette vrai période de jauneur, il paraîtra autour du bord, un sel blanchâtre, et après que vous l'aurez laissé reposer trois ou quatre heures, mêlés tous les vins teintés, et en les filtrant, le blanc restera sur le papier encrassé, qui est la mort de votre or potable, et de votre poudre qu'il faut jeter, étant aussi une impureté, sortie des dix sept chopines, qu'il faut pour cette opération, et ainsi vous aurez séparé le subtil de l'épais, et ce subtil les Philosophes l'ont appelé or potable, lorsqu'il est en cet état, c'est la véritable marque de la perfection et qu'il ne peut plus nuire, autrement il serait trop fort ou trop faible pour faire du bien et dessécherait le corps ou le brûlerait, et sache que cette manière de faire cet or potable, est un très grand secret, car qu'une personne malade de quelque mal que ce soit, en prenne tous les matins une cuillerée, il guérira sans purger ni vomir, que si le mal est invétéré, il sera bien douze jours à guérir. Il s'en faut aussi bien servir pour tous les maux aussi bien externes qu'internes, mais pour les externes, comme ulcères, teigne, galle, fistules, et tous les autres, il faut frotter le mal avec la pierre même, qui est une huile non dissoute, pendant sept jours et nuits, que les maux soient de quelle nature que ce soit, ils seront infailliblement guéris, et quiconque porte la pierre sur soi, le petit malin ne pourra demeurer proche de lui, car c'est une quintessence incorruptible, où tous les éléments sont proportionnés, en sorte que ni ayant aucun malin esprit où il n'y a rien de corrompu, il ne peut par conséquent s'approcher de celui qui la porte, d'autant mieux que l'enfer est dans la corruption des éléments, cette médecine prise neuf jours et nuits, et les tempes étant frottées de l'huile de celle-ci et de la même chose, rend une personne si légère qu'il lui semble voler, et est toute rajeunie du corps et de l'esprit, et ce corps est tout à ce vu, en sorte que l'on ne peut pas la croire.

Cette pierre à toutes les qualités pour donner la parfaite santé et vigueur, jusqu'à ce qu'il plaise à Dieu de rappeler l'âme du Philosophe, donne la parfaite connaissance des choses si l'on sait le moyen de s'en servir, enfin toutes ses vertus ne peuvent être connues, d'autant qu'elles sont comme Divines, cette dernière qualité a été connue de peu de gens. L'on ne se sert de la médecine blanche que pour les maladies lunaires, comme la manie, l'épilepsie, la rage, paralysie, et autres semblables qui affligent le cerveau, et où on s'en sert de la même manière que ce qui a été dit ci-dessus de la rouge avec du vin.


Outre par-dessus l'usage pour la santé, elle sera aussi pour faire toutes pierres précieuses, et teindre tous corps, pour convertir tous les métaux en Mercure courant, et pour faire bonne compagnie, comme de voir plusieurs opérations manuelles et merveilleuses, au-delà de toute croyance humaine, si on ne l'a vu.