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SIEBMACHER La Pierre Aqueuse de Sagesse ou L'Aquarium des Sages.




LA PIERRE AQUEUSE DE SAGESSE

OU

L’AQUARIUM DES SAGES

Hydrolitus Sophicus

seu 

Aquarium Sapientum


Johann Ambrosius Siebmacher

1625

Opuscule chimique tel qu’on n’en a pas encore vu, dans lequel est montrée la Voie, nommée la Matière et décrit le Procédé, pour parvenir à la Teinture Universelle.
 Imprimé pour le profit de tous et dans l’intérêt général.

L’AQUARIUM DES SAGES

Brève explication de l’admirable et souverain Aquarium des Sages, appelé aussi Pierre des Philosophes.
Dès le commencement du monde, nous voyons que se sont manifestés à chaque époque parmi les païens de nombreux philosophes exceptionnels et des sages, illuminés au plus haut degré par Dieu et très expérimentés, qui ont observé avec la plus grande attention la nature et les puissances des créatures inférieures, et se sont efforcés d’en faire l’étude minutieuse. Ils ont recherché avec un ardent désir et un travail assidu ce qui, dans la nature des choses, pourrait protéger le corps terrestre de l’homme de la destruction et de la mort, et lui conserver une vigueur perpétuelle et l’intégrité.
Or, par un influx divin tout particulier et par la lumière de la nature, ils virent et ils connurent que devait se trouver en ce monde un arcane unique, une chose admirable, établie par Dieu tout puissant au profit du genre humain. Ainsi tout ce qui est imparfait, incomplet et corrompu de par toute la terre serait assurément rénové et parfaitement établi dans son intégralité par cette chose singulière et secrète.
Ils apprirent par expérience au cours de recherches diligentes et très précises qu’absolument rien ne pouvait se trouver en ce monde en dehors de cette chose unique, qui fût capable de libérer de la mort le corps terrestre et corruptible. En effet, la mort a été établie et imposée comme châtiment aux protoplastes, aux premiers êtres créés, Adam et Ève, et jamais elle ne souffrit d’être séparée de leur postérité. Dieu a disposé cette chose unique, en elle-même par nature incorruptible, pour le profit de l’homme, afin qu’elle fit disparaître la corruption, qu’elle pût rendre la santé à tous les corps imparfaits, qu’elle délivrât de la vieillesse, et prolongeât cette brève vie comme ce fut le cas pour les Patriarches restés toujours jeunes.
 Des philosophes vertueux et expérimentés ont tant recherché ce sujet admirable et secret avec le maximum de diligence et d’application qu’ils le trouvèrent ainsi que son noble usage, grâce à quoi ils se sont guéris et maintenus en santé durant toute leur vie. Avant eux tous les saints Patriarches ont aussi réellement connu et possédé ce grand mystère, objet de toute admiration. Il fut sans aucun doute révélé et enseigné à notre père Adam par Dieu trois fois grand lui-même dès le commencement, et tous les Patriarches le reçurent ensuite d’Adam par droit d’héritage. Grâce à ses propriétés, ils acquirent la santé du corps et une très longue vie, et obtinrent d’immenses richesses. Quand les païens dont nous venons de parler devinrent adeptes de cette chose admirable, bien plus, divine, ils la tinrent pour un don singulier de Dieu et pour l’art le plus grand et le plus secret. Alors, ils virent également qu’elle n’était révélée qu’à très peu d’hommes par la divine Providence, et qu’elle demeurait cachée à la plus grande partie de ce monde. C’est pourquoi ils la cachèrent de tout temps à l’homme avec le plus grand soin.
Mais afin que ce secret ne retombât pas dans l’oubli après leur disparition, mais qu’au contraire il se perpétuât et fût gardé désormais pour la postérité, ils le mirent par écrit. Ainsi transmirent-ils et laissèrent-ils après eux à leurs plus fidèles disciples de nombreuses instructions et des enseignements très clairs grâce à de tels livres. Ils cachèrent cependant la chose et l’enveloppèrent de paroles allégoriques, de sorte que bien peu l’ont trouvée à ce jour, qui ont pu en extraire un fondement suffisant et certain. Or ce n’est pas à la légère mais pour de bonnes raisons qu’ils ont agi ainsi. Grâce à cela, ceux qui recherchent cette sagesse invoqueront plus tôt et très passion­nément Dieu pour l’obtenir, car dans sa main sont placées toutes choses, et lorsqu’elle leur aura été révélée, ils attribueront à lui seul la gloire et l’honneur, en lui rendant les actions de grâce qui lui reviennent. C’est aussi pour que ces très nobles perles ne soient pas jetées aux pourceaux. Car si cela était manifesté au monde impie, celui-ci ne désirerait plus que cette unique chose à cause de son extrême avarice, et il s’ensuivrait finalement une vie dissolue et bestiale, tout travail et toute activité se trouvant négligés.
Bien que tous les philosophes dont nous parlons aient souvent exposé cet art éminent de façon différente et qu’ils l’aient décrit, pour les raisons susdites, au moyen de beaucoup de noms particuliers, de paraboles, d’expressions étonnantes en langue étrangère et sophistiques, cependant il y a accord parfait entre eux, et par toutes ces expressions différentes ils n’ont voulu conduire qu’à l’unique but et ne montrer que l’unique matière nécessaire à l’art. Pourtant, la plupart des chercheurs de l’art se sont le plus souvent écartés de cette matière secrète, et se sont de ce fait trompés de voie. En effet, de tout temps et aujourd’hui encore se trouvent des hommes qui soupirent après cette sagesse, non seulement des gens peu instruits, mais aussi beaucoup d’éminentes personnes très expérimentées en philosophie. Et c’est non seulement par une profonde étude mais aussi avec un travail considérable et de grandes dépenses qu’ils la recherchent et tentent de l’obtenir, mais ils ne peuvent jamais l’atteindre et encore bien moins y participer. Car certes la plupart se laissent attraper par l’hameçon de l’or, ils se précipitent souvent eux-mêmes dans des malheurs irréparables et ils se voient contraints, avec quelle dérision, d’abandonner leurs recherches. Cependant pour que personne ne puisse douter du bien-fondé de cet art secret, et ne le prenne pour une pure fiction selon l’habitude et la pratique de ce monde, je veux faire connaître chronologiquement et nominativement les philosophes authentiques et leurs successeurs qui ont vraiment connu cet art, l’ont possédé et pratiqué, à l’exception des messagers dont il est fait mention dans les Saintes Ecritures. Ce sont : Hermès Trismégiste, Pythagore, Jésus le Béni, Alexandre le Grand, Platon, Théophraste, Avicenne, Galien, Hippocrate, Lucien, Longanus, Rhazes, Archélaüs, Rupescissa, l’Auteur du Grand Rosaire, Marie la prophétesse, Denys Zachaire, Haly, Morien, Calid, Constantius, Sérapion, Albert le Grand, Estrod, Arnaud de Villeneuve, Geber, Raymond Lulle, Roger Bacon, Alanus, Thomas d’Aquin, Marcel Palingène; les auteurs contemporains sont : Bernard le Trévisan, Frère Basile Valentin, Paracelse et bien d’autres encore. II n’y a en effet aucun doute que de nos jours même nous ne puissions trouver des hommes qui, par la grâce de Dieu, pratiquent l’art et en jouissent tous les jours de leur vie dans le secret et le silence. Mais alors que les philosophes que j’ai énumérés ont décrit avec vérité et sans dissimulation ce très grand magistère, et qu’ils ont fait découler leur démonstration du vrai fondement et de la simple source de la nature, à l’opposé nous trouvons beaucoup de pseudo-philosophes et d’imposteurs qui se glorifient à tort de posséder la science de cet art, et qui s’efforcent aussi de l’enseigner. Pour cacher leur fraude, ils abusent de manière honteuse et impie des écrits des vrais philosophes et mettent une taie devant les yeux des hommes, ils leur font venir l’eau à la bouche et en imposent pour faire leur propre désir.
C’est pourquoi tant ces imposteurs que ceux qui ont été trompés par le mensonge devraient attentivement examiner l’avertissement qui suit.
Alpha est un signe pour le chimiste. Mais pour toi, qu’est Bêta? Une lettre grecque. La lettre p enseigne et celle-ci est rapportée ailleurs. Fais-en mémoire et n’abuse personne sous un faux prétexte. Garde-toi d’enfermer la lumière d’une voix gémissante.

DE MÊME :
Ne te fie pas au chimiste qui prétend distiller de l’air dans un panier, si tu es prudent, prends donc garde!
Si tu ne veux pas subir le pénible préjudice de la moquerie, fuis alors tous ces hommes pour leur impudence.
Suis les simples d’esprit, les modestes et les pieux, et non les orgueilleux.
Il est louable de pouvoir faire le bien et d’en jouir.
Dis du moins où trouver de tels hommes!
Cherche donc ces hommes chéris qui merveilleusement ne sont pas morts dans cette année.
Ils l’emportent sur les autres par le poids, l’œuvre, et la chose.
Enfin nous avons rencontré en maints endroits des artisans fidèles et des disciples de cet art philosophique et secret, qui s’efforceraient volontiers d’aller à lui par une voie droite et sûre, sans tant de détours. Mais ils sont si troublés et si enlacés par l’erreur, à cause des criailleries et des prétentions sans valeur de ces imposteurs malhonnêtes et sophistiques dont nous avons parlé, que beaucoup ignorent tout à fait s’ils doivent aller plus outre dans cet art ou faire marche arrière. C’est pourquoi j’ai pris la décision de mettre en lumière et d’expliquer certes peu de cet art, mais des choses vraies et bien fondées. Je me trouve indigne d’écrire un traité sur un tel mystère, mais comme je me suis avancé jusqu’à lui par la grâce de Dieu trois fois grand (afin de parler ici sans désir de gloire) et que peu, si peu parmi des milliers y arrivent, de peur aussi que le talent que Dieu tout puissant m’a accordé dans sa clémence ne demeure enfoui auprès de moi, comme donné à qui ne le méritait pas, j’enseignerai à tous les philosophes chimiques, d’un cœur fidèle, tel qu’il conviendra, un abrégé ou exposé de tout cet art, ainsi qu’une voie droite et très certaine, que dis-je infaillible, c’est-à-dire la méthode par laquelle ils peuvent y accéder. Mais cela n’arrivera que si les yeux de certains s’ouvrent par la grâce divine, si ces philosophes sont ramenés de leurs opinions fausses et préconçues sur le droit chemin, et enfin si les merveilles de Dieu leur sont de plus en plus manifestées.
 Pour en rendre plus facile la mémoire et la compréhension, j’ai distribué ce traité en quatre parties.
Dans la première partie, j’enseignerai le commencement ou l’entrée de cet art et la façon dont l’artiste doit s’y préparer.
Dans la seconde partie, j’indiquerai par une description et un enseignement philosophique, la nature et l’état de la matière, et j’en donnerai la connaissance ainsi que le mode de préparation et le régime.
Dans la troisième partie, je parlerai de l’utilité de l’art dans tous les domaines, et de l’efficacité et de la vertu ineffables qui lui sont reconnues.
Dans la quatrième partie, suivra une allégorie spirituelle en tout point conforme à ce magistère qui est le vrai archétype de la vraie, céleste, sempiternelle et bénie pierre angulaire du Très Haut. J’y décrirai aussi brièvement et simplement, pour autant que l’on ne se laisse pas attirer par des détours spécieux, la vraie et nécessaire façon d’œuvrer avec les mains.

PREMIÈRE PARTIE

Quel est l’homme qui craint le Seigneur ? II lui montrera la voie qu’il doit choisir.
Psaumes XXV, 12
En premier lieu, que les pieux chimistes qui craignent Dieu et les philosophes de cet art prennent conscience qu’il faut non seulement tenir un tel secret pour l’art le plus haut et le plus grand, mais surtout pour un art saint. Nous trouvons en effet imprimé et représenté en lui le bien suprême et céleste le plus saint du Tout-Puissant. Celui qui conçoit le projet d’atteindre ce mystère suprême et ineffable, doit savoir qu’un tel art ne dépend pas de la puissance de l’homme mais de la volonté très clémente de Dieu, et que ce n’est pas notre vouloir ou notre désir, mais la Miséricorde du Tout-Puissant qui y fait parvenir. C’est pourquoi il te faut avant tout être pieux. Elève ton cœur vers Dieu seul et, sans douter, demande-lui ce don par une prière vraie et très ardente. Dieu seul l’accorde; il n’est obtenu que par lui.
Si Dieu tout-puissant, qui est le scrutateur très informé de tous les cœurs, reconnaît en toi une âme droite, fidèle et sans ruse, et s’il voit que tu t’efforces de chercher et d’étudier dans le seul but de le louer et de le glorifier lui seul, il t’exaucera sans nul doute, selon sa promesse.
Il te conduira par son Esprit Saint, de sorte que tu puisses sans peine parvenir, par échelons, à un certain commencement auquel tu n’aurais jamais pu penser avec ta raison. Certes, tu sentiras à ce moment dans ton cœur même que Dieu très clément a entendu très généreusement ta prière, qu’il t’a amené à un heureux commencement et t’a quasi déjà fait connaître la révélation.
Mets-toi alors à genoux et rends grâce à Dieu avec un cœur humble et contrit, loue-le, glorifie-le et honore-le, car tes prières ont été exaucées. N’arrête pas de lui demander encore qu’il daigne répandre par son Saint Esprit cette grâce qui fleurit et que tu as déjà perçue dans ton cœur, et qu’il te guide. De cette façon, quand ce profond mystère t’aura été parfaitement révélé dans sa totalité, tu pourras le mettre en pratique en ne l’employant que pour la gloire et l’honneur du très saint nom de Dieu, et pour le profit et l’utilité de ton prochain qui se trouve dans le besoin.
En outre, souviens-toi que tu ne peux pas, sous peine de perdre ton salut et ta béatitude éternelle, révéler même accidentellement ce mystère à un indigne ou à un impie, et encore moins le lui communiquer et le partager avec lui, en faire d’une façon ou d’une autre un mauvais usage, et l’utiliser pour ta propre renommée plutôt que pour la seule gloire de Dieu comme nous l’avons dit. Rappelle-toi de plus qu’en n’agissant pas ainsi et en prenant le risque de transgresser ces ordres, tu n’échapperais pas au châtiment de Dieu. Dans ce cas, il aurait bien mieux valu pour toi n’avoir jamais entendu parler de l’art et n’en rien connaître.
Maintenant que tu as bien pesé ces choses, que tu t’es voué à Dieu qui ne permet pas que l’on se moque de lui, et que tu t’es fixé pour cette raison un but et une fin, apprends d’abord comment Dieu Tri-Un ordonna dès le commencement la nature universelle, ce qu’elle devient, ce qu’elle peut, comment elle opère chaque jour en toutes choses d’une certaine façon invisible, comment elle consiste en la seule volonté de Dieu et trouve là son séjour. Sans la vraie connaissance de la nature, tu ne pourras en effet entreprendre qu’avec peine cet œuvre, et non sans risques ni dangers. Or la nature a comme qualité et propriété d’être unique, vraie, simple, parfaite en son essence, et de posséder en outre, enclos en elle, un esprit caché. Si tu veux connaître la nature, il te faut donc être fait à sa ressemblance, vrai, simple, patient, ferme, pieux aussi et bon envers ton prochain, mais avant tout tu dois être un homme régénéré et nouveau.
Si tu reconnais en toi une telle disposition, la nature s’adaptera et se conformera sous peu à la nature, et tu percevras immédiatement en toi un inestimable profit tant pour le corps que pour l’âme.
La recherche et la contemplation de cet art te seront au plus haut point profitables et avantageuses, car si tu apprends correctement les principes qui le régissent, ceux-ci te conduiront avec violence, peut-on dire, jusqu’à la connaissance des miracles divins. Tu tiendras alors pour rien toutes ces choses éphémères si estimées par le monde. Mais à l’opposé, celui qui aspire à cet art et s’efforce de l’obtenir pour la richesse, et qui tente de le détourner de son objet vers l’orgueil et la vanité de ce monde, doit se persuader qu’il n’arrivera jamais au but désiré. Aussi faut-il que ton âme, bien plus, toutes tes pensées qui sont tournées vers les choses terrestres, soient comme recréées, et qu’elles soient vouées à Dieu seul. On remarque donc bien que ces trois, à savoir, le corps, l’âme et l’esprit, doivent être en harmonie et œuvrer ensemble. Car si le cœur et l’âme de l’homme ne sont pas conduits de la même façon qu’est élaboré tout l’œuvre, tu te trompes au sujet de l’art.
Tu devras donc y conformer toutes tes actions. L’artiste ne fait ici rien d’autre que semer, planter, arroser, et Dieu seul donne l’accroissement. Par conséquent, si Dieu s’oppose à quelqu’un, toute la nature lui est aussi ennemie. Mais à celui qui devient ami de Dieu, le ciel et la terre ainsi que tous les éléments sont poussés à venir en aide. Si tu tiens bien compte de cela et si tu possèdes avec tes mains la connaissance de la vraie première matière dont nous allons parler par la suite, tu pourras t’avancer vers la pratique et entreprendre le commencement de l’œuvre.
Il te faut ici une nouvelle fois implorer le Tout Puissant pour obtenir sa grâce et la voie à suivre en tout ton dessein. C’est avec facilité qu’alors ton œuvre avancera et arrivera aussi à la fin fortunée et heureuse souhaitée.
Qui demeure dans la crainte
de Dieu et reste attaché à son verbe, ne met
en œuvre, dans l’attente de son aide,
ni le noir ni le blanc. Il compose l’argent et
l’or à partir du cuivre et de l’étain,
et aura le moyen de préparer, aidé de Dieu,
bien d’autres choses. C’est ainsi qu’avec
la faveur de Jéhova il fera heureusement de l’or à
partir dune fange et d’une boue.
Ecclésiastique II

DEUXIÈME PARTIE

C’est pourquoi ainsi parle
le Seigneur Dieu : Voici que j’ai posé en
Sion une pierre de fondement,
une pierre approuvée, angulaire, pré-
cieuse, bien établie; celui
qui la possède ne sera pas confondu.
Isaïe XXVIII, 16
 Les philosophes ne purent assez louer dans leurs écrits, avant comme après sa perfection, cet art si élevé et si noble dont nous avons déjà tant parlé, ni lui rendre honneur autant qu’il eut fallu en lui accordant les titres les plus éminents. Aussi l’ont-ils évoqué sous le nom général de Pierre des Philosophes, ou Pierre des Sages très ancienne, cachée, ignorée, naturelle, incompréhensible, céleste aussi, bénie, béatifiée et tri-une universelle. Les principales raisons parmi tant d’autres pour lesquelles ils nommèrent cette chose pierre ou bien la comparèrent à une pierre, sont les suivantes : sa matière est au commencement vraiment une pierre, telle un minerai tiré de la terre; cette matière est dure et sèche et peut être pilée et polie comme une pierre; après avoir été décomposée en trois principes, que la nature elle-même avait conjoints, on tient pour nécessaire qu’à la ressemblance de la cire, la pierre fusible soit à nouveau coagulée par l’art et ramenée à l’état fixe, suivant la loi de la nature.
Les philosophes dont je rappelais la mémoire ne purent suffisamment inculquer l’idée et attirer l’attention sur le fait qu’il est primordial pour les chercheurs de l’art de connaître la première et ensuite la seconde matière de la pierre philosophique. Cette matière est cependant une seule chose, au moyen de quoi doit nécessairement se préparer cette seule et unique pierre, sans addition de quoi que ce soit d’étranger, bien qu’on l’appelle de mille noms. Ils ont décrit admirablement la qualité, l’aspect ainsi que la propriété de cette matière, et ils l’ont présentée en général de la façon suivante. Faite au commencement par la conjonction de trois choses, cependant elle n’est à proprement parler qu’un. Produite et faite de un, deux, trois, quatre et cinq, elle est trouvée partout. Ils l’appellent aussi magnésie catholique ou sperme du monde, dont toutes les choses naturelles tirent leur origine. Elle est par la nature et la forme admirable et unique, et elle possède une qualité difficile à chercher et peu connue, qui n’est ni chaude et sèche comme le feu, ni froide et humide comme l’eau, ni froide et sèche comme la terre, mais qui est un certain accouplement parfait de tous les éléments. Elle a aussi un corps incorruptible qui ne peut être détruit par aucun élément, mais qui surpasse de loin par toutes ses propriétés les quatre éléments et les quatre qualités, comme le font le ciel et la quinte essence. D’après l’aspect extérieur corporel, la figure, la forme et l’espèce, c’est une pierre, et ce n’en est pas une. Elle ressemble plus a une gomme d’un blanc éclatant ou à une eau blanche. Ils l’appellent aussi eau de l’océan, eau de vie, et encore la plus pure et la plus bénie des eaux. Elle n’est cependant pas une eau provenant des nuages ou de quelque source vulgaire, mais c’est une eau épaisse, permanente et salée, sèche à certains égards et qui ne mouille pas les mains, une eau pituitaire, qui sort de la graisse salée des deux terres. C’est le double mercure et Azoth, qui est putréfié et conservé par la vapeur ou sueur du globe supérieur et inférieur, le céleste et le terrestre, et se consume sans feu. C’est en effet le feu universel et étincelant de la lumière de la nature, possédant en lui l’esprit céleste dont Dieu l’anima au commencement, et qu’Avicenne a appelé âme du monde parce qu’il pénètre toute chose. Comme l’âme se trouve dans toutes les parties du corps humain et s’y meut, cet esprit se trouve dans toutes les créatures élémentaires et s’y meut. Il est de plus le lien indissoluble du corps et de l’âme, et aussi la plus pure et la plus noble essence, d’une efficacité et d’une vertu admirables, en laquelle se cachent tous les mystères.
Ils lui attribuent une puissance infinie et une vertu divine lorsqu’ils disent : c’est l’Esprit du Seigneur qui emplit l’orbe terrestre et qui flottait au commencement sur les eaux. Ils l’appellent aussi esprit de vérité qui est caché au monde et dont nous ne pouvons avoir l’intelligence que par l’inspiration du Saint Esprit ou par l’instruction de ceux qui le connaissent. Ce qui est en puissance partout et en tout, n’est assurément trouvé parfaitement et pleinement qu’en ce sujet unique. En somme, c’est une substance spirituelle qui n’est ni céleste ni infernale, mais qui est un corps aérien, pur et excellent, milieu entre le plus haut et le plus bas, choisi et précieux entre tous sous le ciel. A l’opposé, cette matière est tenue pour la chose la plus vile et pour ainsi dire la plus abjecte par ceux qui n’en ont pas la connaissance ou qui sont au commencement de leurs études. Bien que recherchée par beaucoup de gens avisés, elle n’est trouvée que par peu. Observée de loin, perçue de près, elle est vue par tous, mais elle n’est connue que de fort peu, comme on le constate dans le poème que voici.
Ce grand bien dont le monde se préoccupe si peu et qu’il tient pour rien est divisé en trois mais n’est qu’un.
Tous l’ont devant les yeux et le tiennent dans les mains, mais ils ne le connaissent pas. Dans leur ignorance, ils passent rapidement outre d’un pas pressé.
Voilà la richesse la plus grande. Personne ne sera plus riche que celui qui connaît l’art et a une parole à double sens.

ÉNIGME PHILOSOPHIQUE divisée
en trois parties dans laquelle est mis à
jour le sujet primatériel de l’ art, appelé
Phénix des Philosophes.

PREMIÈRE ÉNIGME PHILOSOPHIQUE

Si je te dis les trois parties de cette chose, il n’y a pas lieu de te plaindre : je te présente en effet la vérité, tu as besoin d’une herbe à trois feuilles, viens donc en priant interroger le Seigneur. Cherche un en trois, et de trois viendra un. Seraient-ils mille : l’âme, le corps et l’esprit se manifestent; le Sel, le Soufre et le pesant Mercure resplendissent.
Aies confiance en moi : discerne l’herbe à trois feuilles, connais la parole et le chant; te voilà alors sage dans l’art.

DEUXIÈME ÉNIGME BEAUCOUP PLUS EXPLICITE

Il existe une chose en ce monde qui est trouvée partout : je dis cela au cas où tu manquerais de zèle.
C’est bleu et vert et d’une puissance admirable à dire !
Cette chose a en elle une couleur blanche et aussi une rouge.
Comme l’eau, ici soudain elle coule et s’en va telle un fleuve; elle ne mouille pas, elle est très lourde et très légère.
Lui donnerais-je mille noms, mille personnes aussi l’ignorent. Son aspect est commun mais elle est importante pour l’art.
Sage est celui qui la séparera en son milieu et ensuite par trois fois la réunira ; cet homme droit possède le noble sujet.

TROISIÈME ÉNIGME

Cette pierre tire son origine de partout; elle est conçue sous terre (in inferno), naît sur terre, trouve vie dans le ciel, meurt dans le temps et obtient enfin la béatitude éternelle.
Si la matière susdite, qui est à la fois céleste et terrestre et qui au commencement est un mélange pur ou un chaos confus sans nom ni couleur particulière, se trouve, grâce à cette qualité à laquelle nous faisons allusion, à portée de la main et qu’elle est bien connue, connaissance que les philosophes ont tenue de tout temps pour la partie principale de cet oeuvre, alors il faut se procurer avec le plus grand soin tout ce dont elle a besoin et ce que sa préparation semble exiger par la suite. Avant d’entreprendre avec tout cela ce remarquable travail des mains, tout artiste pieux doit cependant se remémorer une fois encore consciencieusement l’enseignement que nous venons d’exposer. Il faut donner aussi fidèlement cet avertissement, que l’on ne s’occupe pas de cet œuvre secret et de l’esprit imperscrutable qui s’y cache, avant d’avoir étudié ses qualités et ses propriétés profondes ainsi que son indispensable conformité avec la nature. Un philosophe donne à ce sujet le conseil suivant : Qu’il n’y ait aucun commerce entre cet esprit et toi tant que tu n’en auras parfaitement fait l’étude et possédé la science. Dieu est en effet admirable dans ses œuvres et sa sagesse est sans prix, lui qui, nous l’avons dit, ne souffre pas que l’on se moque de lui. Quelques exemples de cela pourraient certainement être donnés ici dans l’intérêt de chacun. Beaucoup se lancent fort à la légère dans cet œuvre, mais les dés étant jetés, la chose finit tellement mal pour eux, que certains manquent se tuer dans leur laboratoire, ou sont gravement blessés en quelque autre circonstance malheureuse. En effet, l’œuvre n’est pas de peu de poids comme certains se le figurent, qui l’estiment de si peu d’importance parce que les philosophes le comparent à un jeu d’enfants et à un travail de femmes. Mais l’opinion des philosophes est tout autre, qui comprirent par la pratique de cet œuvre qu’il est en soi assez facile et demande peu de peine, car c’est uniquement pour ceux que Dieu a trouvés dignes d’être enrichis de sa connaissance qu’ils le dirent si simple et si facile. Prends donc garde, dis-je, prends garde à toi et sois attentif, de peur que tu ne t’entortilles ici toi-même dans le danger par trop de hâte. Commence plutôt tout ton projet en adressant de longues prières à Dieu pour obtenir l’aide divine, comme nous l’avons fidèlement rappelé au commencement. Alors tu ne craindras plus rien, et ne seras plus exposé à aucun risque.
Maintenant que tu as médité avec le plus grand zèle dans ton oratoire, et que tu as sous la main la matière bien connue, tu peux sans peine mettre en pratique dans ton laboratoire le fruit de ton application et de ton étude, entreprendre avec les mains le travail qui convient, et faire ainsi le commencement.
Il te faut maintenant, avant toutes choses, dissoudre très souvent ladite première matière, ou premier Être, que les philosophes ont aussi appelée le Bien suprême de la Nature. Elle doit ensuite être purifiée de sa qualité aqueuse et terrestre. Apparaît en effet au commencement aux observateurs un corps lourd, grossier, pituitaire et aqueux ressemblant à quelque brouillard. L’ombre qui obscurcit la première matière telle un brouillard nébuleux et épais, doit être enlevée par toi, de sorte que par une sublimation ultérieure, le cœur et l’âme intérieure qui se tiennent cachés en elle en soient aussi séparés, et qu’ils soient réduits en une suave essence.
Tout cela peut être accompli par notre eau pontique et catholique, qui irrigue et féconde l’orbe universel de la terre par son mouvement alterné. Elle est douce, belle, lumineuse, limpide et resplendissante, et surpasse prodigieusement tout l’éclat de l’or et de l’argent, de l’escarboucle et du diamant. Notre susdite matière conserve aussi en elle et tient enfermée cette eau bénie.
Ce corps, âme et esprit qui a été extrait, doit être ensuite une nouvelle fois distillé et congelé avec son propre sel afin d’être réduit encore en une seule chose. Ce sel, appelé par les philosophes Sel de Sagesse, est intérieurement de couleur rouge quand il est introduit dans la forme de ladite matière, et il devient après la préparation d’un blanc vraiment éclatant, brillant et diaphane. Par le processus que tu as utilisé, jusqu’ici appelé travail préparatoire, tu as donc séparé le pur de l’impur, tu as rendu le visible invisible et ensuite l’invisible à nouveau visible ou palpable, et ce n’est désormais plus aussi lourd, grossier et informe qu’au commencement, mais très lumineux, d’une odeur suave, d’une saveur fort pénétrante, d’une nature extrêmement subtile et aérienne, au point que laissé à l’air, cela s’échapperait et disparaîtrait de soi-même bien que dans ce lieu il soit fixe. C’est pourquoi les sages ont appelé ce sujet Eau Mercurielle, Mercure du Soleil et aussi leur Mercure. Si tu voulais l’utiliser comme médecine en le laissant sous cette forme, sans préparation ultérieure, il te serait de peu d’utilité et serait même un venin pour toi. II te faut donc, si tu veux jouir de son don le plus opulent et de son usage le plus varié, aller plus outre et par d’autres moyens et de singuliers travaux essayer de faire davantage.
Alors il t’est recommandé tout spécialement d’observer convenablement les opérations que la Nature accomplit au fil du temps, et de t’efforcer de les imiter dans ton travail. Sachant cela, prends donc deux parties puis trois parties de la matière aqueuse préparée comme nous venons de le dire. Conserve séparément ces deux premières parties. Mais ajoute aux trois parties une autre matière. Il s’agit du très noble corps de l’or, comblé de qualités par le Créateur et qui a la plus grande affinité avec la première matière et lui est ami. Ajoute en poids une part de celui-ci à douze parts pour la première fermentation. En effet, d’un côté la matière aqueuse qui est évidemment devenue spirituelle et céleste par la préparation et, de l’autre côté, ce corps terrestre du soleil doivent être conjoints et coagulés en un seul corps.
Il faut cependant remarquer ici que l’or vulgaire est sans utilité pour cette opération, et même qu’il doit être tenu pour le moins apte et pratiquement pour mort. Car, bien qu’il fût proclamé par Dieu très puissant le plus beau et le plus précieux de tous les métaux, il a été empêché de croître en perfection alors qu’il se trouvait dans les mines. De plus, par un usage quotidien, ses forces intérieures, qui sont le soufre ou l’âme, sont bien évidemment affaiblies, et il se trouve toujours et de plus en plus mélangé et uni à des substances hétérogènes qui le souillent et ne lui conviennent absolument pas. Ainsi devient-il de moins en moins utilisable pour cet œuvre. Cherche donc avec le plus grand soin pour toi cet or pur qui possède en lui un esprit vivant, que l’on n’a pas encore affaibli et qui n’est pas sophistique eu égard à son soufre, comme nous venons de le dire. Qu’il soit pris absolument pur, ce qui est le cas s’il est passé par l’Antimoine ou par le ciel et la sphère de Saturne et qu’il s’y est purifié de sa crasse. Du reste, une autre matière ne peut avec son esprit et sa vertu entrer dans la préparation. Cet œuvre exige en effet en tout un corps pur, et ne peut jamais tolérer ni en lui ni auprès ou autour de lui quelque chose d’impur.
Maintenant, si tu as réuni dans un plat à dissolution des parties inégales d’eau et d’or (ces deux diffèrent en effet beaucoup non seulement en qualité mais aussi en quantité, puisque l’un devient après préparation facilement malléable, tendre, subtil et mou, et l’autre extrêmement lourd, solide et dur) et que tu les y as réduites à l’état sec, comme une liqueur ou un amalgame, laisse-les d’abord six ou sept jours dans une chaleur douce à peine tiède. Retire alors une autre des trois parties d’eau de départ et verse-la dans un petit vase de verre rond semblable à une fiole ou à un œuf, mets en son milieu la liqueur tempérée, et laisse le tout ainsi à nouveau six ou sept jours. Alors le corps du soleil sera peu à peu dissous par l’eau, et de ce fait, la conjonction de ces deux commencera, l’un se mêlant à l’autre aussi doucement et avec autant de finesse que la glace dans de l’eau chaude. Les philosophes ont indiqué cela de différentes façons; ils l’ont comparé à un fiancé et à une fiancée, comme le décrit aussi Salomon dans son Cantique des Cantiques. Cela étant fait, ajoute aux autres la dernière des trois parties conservées depuis le début, mais non en une fois ou en un jour, mais en sept fois, sans quoi le corps qui s’y trouve deviendrait trop humide et, finalement tout-à-fait immergé, se corromprait.
Notre œuvre peut être comparé en cela à la semence jetée en terre : si elle a au commencement trop d’eau, de pluie ou d’humidité, elle ne produit aucun fruit et est étouffée, et le champ ensemencé de l’agriculteur est ruiné. Maintenant que cela est achevé, scelle ou cimente avec le plus grand soin le vase, de peur que le composé ne perde son parfum et ne s’envole. Place-le ensuite dans ton fourneau et administre-lui un feu léger, continu, aérien, vaporeux et du premier degré, comparable à la chaleur de la poule couvant ses neufs.

REMARQUE
Les philosophes ont écrit beaucoup de choses au sujet du feu vaporeux qu’ils appellent Feu de la Sagesse. Ils ont dit qu’il n’est ni élémentaire ni matériel, mais essentiel ou préternaturel, et qu’il se nomme aussi feu divin, c’est-à-dire l’eau de Mercure mise en mouvement par le feu vulgaire, par l’aide qu’on lui donne et par l’art. Au commencement, digère et cuis doucement, et prends garde qu’aucune partie de la matière ne se sublime, ou bien comme le disent les philosophes en paraboles, que la femme ne commande pas à l’homme, ou que le mari n’abuse pas de son autorité envers sa côte, etc. La matière accomplit alors de soi-même son processus sans discontinuité, en n’ayant besoin d’aucun autre travail que la surveillance du feu et sa conduite. Le corps terrestre du soleil qui a été ajouté est d’abord très ténébreux et fait paraître ensuite une couleur toute sombre et noire, que les philosophes ont appelée tête de corbeau et qui dure ordinairement le temps de quarante jours.
Pour commencer, ce corps est donc totalement dissous, broyé, détruit, putréfié et dépouillé de toutes ses forces à tel point qu’enfin son âme est ôtée et conduite en haut, totalement séparée de lui ; alors pendant un certain temps, il adhère comme mort et sans aucune force au fond du vase, tel de la cendre. Mais si par après tu augmentes le feu et le diriges sans interruption, l’âme insensiblement redescend goutte à goutte, elle imbibe, humecte, abreuve et préserve son corps, de sorte qu’il n’est pas entièrement desséché et brûlé. Elle monte et redescend encore, et cela environ sept fois. Tu dois alors augmenter encore le feu d’un degré, sans pour autant qu’il n’arrive à son maximum, comme s’il te fallait te hâter avec lui, car le régime modéré du feu (c’est le principal) doit être réglé avec le plus grand soin et la plus grande attention. Entre temps apparaîtront dans le verre, ou petit vase, de nombreux signes et des couleurs variées qu’il faut bien observer et noter. Si tu les aperçois dans l’ordre, c’est l’indice prometteur d’un très heureux résultat.
D’abord se montrent des grains ressemblant à des yeux de poissons, puis un cercle autour de cette matière qui devient successivement rougeâtre, blanchâtre et enfin verte et jaune comme la queue du paon. Elle est ensuite d’un blanc très pur et pour finir du plus beau rouge, quand a été utilisé le degré ultime du feu et que l’âme et l’esprit se sont unis en une essence indissoluble et parfaitement fixe à leur corps gisant au fond du vase. Cette union ou conjonction, par l’ineffable admiration qu’elle suscite, ne peut être regardée sans terreur ni effroi. Ainsi est vu et trouvé le corps ressuscité, vivant, parfait et glorifié. Il a en lui, à la ressemblance de quelque étoffe écarlate, un rouge de couleur pourpre des plus délicats. Sa teinture transforme, pénètre et guérit tous les corps imparfaits. C’est un sujet que nous avons l’intention de traiter plus à fond par la suite.
Maintenant que l’œuvre a été mené à bonne fin avec la puissance et l’aide de Dieu trois fois grand, et que le Phénix des Sages a été trouvé, fléchis à nouveau les genoux, prie dans ton cœur et rends grâce à Dieu tout puissant, l’éminent recteur de l’œuvre entier, pour les bienfaits éminents et pour la grâce qu’il a accordée. Enfin, n’abuse pas de ce don, mais emploie-le pour la gloire et pour la louange de Dieu et au profit des nécessiteux. Voici donc que tu possèdes la description exacte de tout le processus grâce auquel pourra être découvert, puis se préparer et s’achever cet œuvre éminent, c’est-à-dire l’Œuf Philosophique et la Pierre des Philosophes.
Comme cet œuvre s’accomplit rarement sans incident, disons en guise de conclusion qu’en cas d’erreur fortuite ou d’une mauvaise opération, ce qui arrive facilement et est un frein considérable à l’obtention de la perfection, un remède doit être à temps recherché et appliqué au mal.
Voici les signes très nets d’une disposition contraire, d’un mauvais régime ou d’une négligence :
 1. Si tu vois que quelque chose se sublime et monte avant la dissolution et la noirceur, ou qu’une espèce d’huile rouge flotte sur la matière, ce qui est un mauvais indice ;
2. Si la matière commence à rougir avant ou trop rapidement après la blancheur ;
3. Si à la fin la matière ne se présente pas bien et ne veut pas se coaguler ;
4. Si la matière est transformée et altérée par une extrême chaleur, de sorte qu’au moment de la retirer, mise sur du fer incandescent, elle ne fond pas aussitôt comme de la cire, elle ne teint et ne colore pas le fer, et ne demeure pas fixe ensuite dans le feu.
Ces défauts et ces erreurs pourront facilement être prévenus et même corrigés, s’ils ne deviennent pas trop importants et s’ils sont détectés à temps. Mais cela demande le plus grand savoir-faire, les plus singuliers stratagèmes et les plus habiles tours de mains, toutes choses qu’un artiste expérimenté doit absolument connaître.
J’énumérerai ici aussi brièvement que possible ces remèdes, afin d’être agréable aux novices et aux disciples. Donc, si tu remarques une ou plusieurs de ces erreurs, tu peux retirer tout le composé du vase, le dissoudre une deuxième fois, l’imbiber, l’humecter et lui rendre son efficacité avec l’eau de mercure susdite que les philosophes ont aussi appelé lait de vierge ou lait, sang et sueur de la première matière, et aussi fontaine indestructible et eau de vie qui contient cependant en soi le plus grand des venins. Tu peux alors cuire à nouveau la matière suffisamment longtemps pour que plus rien ne se sublime et ne s’élève, ou pour que la congélation et la fixation se réalisent complètement et comme il faut dans cet œuvre, selon nos indications précédentes. Quant à la fermentation et la multiplication qui suivent, et leur emploi, je traiterai de ce sujet dans la troisième partie.
Il faudrait, dire enfin ici quelque chose de plus complet au sujet du temps requis pour l’œuvre, c’est-à-dire quand et en combien de temps se déroule chaque phase, encore que la durée ne puisse se préciser en cet endroit. En effet, les philosophes que nous avons cités sont d’avis différents, puisqu’on peut voir par leurs écrits que toujours l’un a obtenu le résultat plus tard que l’autre. Or, nous avons auparavant attiré l’attention sur le fait qu’en toutes ces choses il fallait bien observer la nature, pour la raison qu’elle s’y manifeste. Si quelqu’un agit ainsi, s’il observe cela consciencieusement, et garde aussi en toute chose le juste milieu, alors il pourra parvenir plus vite avec un tel œuvre à la perfection.
Mais je t’exhorte et t’avertis : tu ne dois pas dépasser dans ton calcul lors du déroulement du premier ou du second œuvre ce signe X, milieu ou point de repère, mais le diviser exactement, et puis rétrograder avec la moitié de ce signe X, c’est-à-dire V, dans la composition de l’œuvre. Cela fait, si tu remets cela ensuite ensemble et que tu comptes exactement sa XXe partie, tu pourras parvenir à la fin de ton œuvre dans ce nombre ou temps, à condition qu’aucun obstacle ne survienne. Satisfais-toi d’un tel temps. Il est téméraire pour toi de vouloir chercher une fin même un peu plus rapide, car on s’y trompe vite, puisque une seule heure peut te retarder de tout un mois ou te faire gagner tout autant, si tu arrives au but. Il te faut pourtant bien veiller à ne pas raccourcir trop obstinément le calcul mais aussi à ne pas le dépasser tout à fait, comme il a été dit, car si tu agissais ainsi, tu produirais un avorton. Bien des chercheurs en effet, par leur précipitation due à un faux calcul ou par leur inexpérience, n’ont obtenu à la place de l’élixir espéré qu’un élixir de rien (Elixir Nihilixir).
J’ai voulu faire connaître aux fils de la sagesse, à un petit nombre du moins, que cette science magique ne se fait pas en si peu de temps, afin qu’ils réfléchissent et portent un jugement plus profondément sur ce sujet.

ÉNIGME
Il y a sept villes, traditionnellement sept métaux, sept jours, le nombre sept.
Il y a sept lettres, sept paroles par ordre, sept temps et autant de lieux, sept herbes, sept arts et sept pierres précieuses. Tu es astucieux si tu sais diviser sept par trois.
Personne n’exigera alors de précipiter la moitié. En résumé, dans ce nombre toutes choses sont en paix.

LE PROCESSUS DE TOUT L’ŒUVRE SE TROUVE ICI BRIÈVEMENT INDIQUÉ.

PREMIER ŒUVRE
Dissous la matière, putréfie-la semblablement, et fais en sorte que la chose distillée se coagule ensuite.
SECOND ŒUVRE
Conjoints deux choses, putréfie, puis noircis et digère jusqu’à ce que tout blanchisse grâce à ton art.
Pour finir, coagule, rougis et fixe, car la chose est utile à l’art. Ainsi deviendras-tu un homme illustre.
Et enfin, fermente-la dans son orbe, et tu achèveras heureusement tout l’œuvre de l’art.
Si tu en prends alors, comme il convient, une seule part, elle multipliera aussitôt par mille tes richesses.
ET DE FAÇON PLUS CONCISE
Cherche trois choses en une, puis cherche une chose en trois, dissous et scelle (ton vase) et tu seras plus certain de l’art.
ÉNIGME DANS LAQUELLE LE PROCESSUS SE TROUVE AUSSI INDIQUÉ
L’esprit est donné pour un temps au corps, mais cet esprit, en réjouissant l’âme, la purifie par l’art. Si subitement cet esprit attire l’âme à lui, plus rien ne l’en éloigne ou sépare. Ils se tiennent alors à trois et demeurent en un lieu unique, jusqu’à ce que l’œuvre qui consiste en ce noble corps soit dissout.
Il se putréfie, meurt et se sépare d’eux : mais le temps passant, l’esprit et l’âme se rassemblent ainsi que celui qui est pesant, par une grande ardeur ou chaleur. Voilà le tout, la perfection est atteinte, et l’œuvre est glorifié au comble de la joie.
Mon fils, donne-moi ton coeur,
et que tes yeux
se plaisent dans mes voies.
Proverbe XXIII, 26

TROISIÈME PARTIE

Qui pourrait le voir et le décrire
tel qu’il est? Nous ne voyons qu’un petit nombre
de ses œuvres, et de bien plus grandes
nous sont cachées. Le Seigneur a fait en effet
tout ce qui est, et Dieu donne le savoir
à ceux qui le craignent.
Ecclésiastique XLIII, 35 à 37

Les philosophes ne purent pas consacrer suffisamment d’écrits à cet art suprême, à cette pierre de génie des philosophes amenée à la perfection désirée que je viens de décrire entièrement, ni faire dignement sa louange et proclamer sa vertu, son efficacité ainsi que son ineffable utilité. Ils l’ont tenue et célébrée comme la plus haute et la plus grande félicité sur cette terre, sans laquelle personne ne peut parvenir en ce monde à la perfection. Morien dit en effet : Celui qui possède cette pierre, possède tout et n’a besoin d’aucune autre aide. C’est qu’en elle résident toute la félicité temporelle, toute la santé corporelle et toute la fortune.
Mais ils louèrent particulièrement cette pierre parce que l’esprit et la puissance cachés en elle sont l’esprit de la quintessence qui se tient sous le cercle de la splendeur de la lune ; bien plus, il soutient le ciel et donne le mouvement à la mer. C’est en outre avant tous les autres esprits célestes, l’esprit élu, l’esprit le plus mobile, le plus noble, le plus pur, auquel tous les autres obéissent comme à un roi. Il accorde aux hommes salut et prospérité, il guérit toutes les maladies, il prodigue honneurs temporels et très longue vie aux pieux, mais il condamne les méchants qui abusent de lui à une peine éternelle. Il a fait ses preuves dans tous ces domaines et a été trouvé parfait et infaillible. C’est pourquoi Hermès et Aristote l’appellent vrai, sans mensonge, certitude absolue, secret de tous les secrets, vertu divine cachée aux sots, et mieux encore, ultime perfection visible sous le ciel, et admirable achèvement ou conclusion de tous les travaux philosophiques. C’est pourquoi quelques pieux philosophes ont soutenu à bon droit que cela avait été révélé d’en haut à Adam, le premier homme, et qu’ensuite tous les saints Patriarches l’avaient recherché avec un désir exceptionnel.
Il est dit en effet que Noé qui construisit l’arche, et Moise qui dressa le tabernacle et fabriqua les vases d’or, tout comme Salomon qui bâtit le temple en l’honneur de Dieu et accomplit beaucoup d’œuvres remarquables, des ornements de tous genres et d’autres ouvrages considérables, obtinrent grâce à la pierre une longue vie et d’immenses richesses.
Les philosophes ont aussi avoué que c’est grâce à la pierre qu’ils découvrirent les sept arts libéraux, et qu’ils obtinrent ainsi les moyens de subsistance recherchés. Et Dieu les fit bénéficier de cela pour qu’éventuellement ils ne fussent pas arrêtés dans leurs études et dans la recherche de la sagesse par leur pauvreté, et pour qu’ils ne fussent pas raillés ni moqués par les riches et les impies de ce monde, pour les avoir flattés ou pour leur avoir révélé pour de l’argent l’art et ses secrets ainsi que leur sagesse, alors qu’ils étaient poussés à la mendicité. De plus, ils scrutèrent, grâce à la pierre, les grands mystères cachés des miracles divins, et connurent les immenses richesses de la gloire divine. Ainsi Dieu éveille et enflamme certains cœurs pour les conduire jusqu’à la connaissance. Mais ils n’ont pas recherché ni désiré obtenir grâce à ce trésor de grandes richesses, la jouissance des biens temporels ou l’élévation mondaine.
Ils tirèrent plutôt toute leur volupté et toute leur joie de la contemplation des miracles cachés dans les créatures. Certes, ils examinèrent et observèrent les œuvres et les créatures admirables du Tout-Puissant d’une toute autre façon que n’ont l’habitude de le faire, hélas, les hommes du siècle présent. Ces derniers n’ont pas coutume de les regarder autrement que ne le font des vaches et des veaux, et de plus ils recherchent ce très noble art par avarice, luxure, orgueil, pour les honneurs temporels et la volupté, ce qui est le pire des délires. En effet, Dieu ne communique pas de tels dons aux impies et à ceux qui méprisent son verbe ; mais uniquement aux hommes pieux qui passent leur vie en ce monde mauvais et impur dans l’honnêteté et la paix, qui sont probes et tendent une main secourable à leur prochain dans le besoin.
C’est ce que disent les vers suivants du poète :
Cet art, que le monde ne peut acquérir avec de l’or, est donné par Dieu aux honnêtes et aux probes. Le vulgaire saurait-il quelque chose, il ne s’agît pas de l’œuvre. L’impie cherche en vain ici la pierre. Celui qui garde silencieusement cette chose, réside où il veut. Il ne craint ni accident, ni voleur, ni mal. Mais peu nombreux sont les hommes qui peuvent recevoir ces présents sacrés. Dieu qui les tient dans ses mains, les donnera à qui lui plaît.
Bien des choses concernant l’action, la vertu et l’utilité de cet art ont été écrites et rendues publiques par d’autres. Ainsi ont-ils dit comment cette pierre, bien préparée et rendue plus que parfaite, devient la médecine des médecines et guérit non seulement toutes les maladies telles que goutte et lèpre, mais rend aussi la jeunesse et restitue les forces perdues et la vigueur première aux gens caducs qui en font usage, et recrée et vivifie ceux qui sont à l’article de la mort. Néanmoins, je n’aborderai pas ce sujet ici dans mon traité, pour ne pas sembler prescrire par un tel éloge un remède aux médecins et à leur faculté, alors que je ne suis nullement médecin. Mais à celui qui possède la chose par la grâce de Dieu et qui sait l’employer convenablement, je laisse le soin de juger et de prononcer la sentence. Cependant, en ce qui concerne les autres qualités de la pierre et le profit tiré de son emploi, j’ajouterai ici quelques observations faites grâce à l’expérience de visu et quotidienne à laquelle j’ai moi-même participé en partie, par la faveur de la divine clémence.
Premièrement, il ne m’est pas possible de décrire ni d’exprimer autant que la chose le mérite ce qui a trait à la connaissance de Dieu et aux miracles de la nature, qui ont été manifestés grâce à cet art. L’homme pourra en effet y voir dans ses détails, comme dans un miroir, l’image de la Sainte Trinité en une essence divine indissoluble, comment elle se divise et demeure néanmoins un seul Dieu. Il verra en même temps dans la deuxième personne de la divinité ce qui concerne l’assomption de la chair humaine, la nativité, la passion, la mort et la résurrection, ainsi que son exaltation et la béatitude éternelle méritée par sa mort pour nous, les hommes, ses créatures. Il verra en outre ce qui a trait à la purification du péché originel et les étapes à parcourir, sans lesquelles les projets et les actions de tous les hommes ainsi que toutes leurs œuvres sont faits en vain et ne sont rien. En définitive il verra tous les articles de la foi chrétienne et la voie entière que l’homme doit nécessairement suivre à travers tribulations et angoisses, pour enfin naître à une nouvelle vie, sujet que je reprendrai de façon plus étendue dans la quatrième partie de ce livre.
Deuxièmement, en ce qui concerne l’utilité corporelle et naturelle qui provient de la pierre, j’ai l’intention d’indiquer ici brièvement, afin de remplir mes promesses, comment tous les métaux imparfaits sont transformés en métaux parfaits et en or brillant et pur par sa Teinture.
Si la pierre ou élixir, dont il est tant parlé, a été amenée jusqu’à l’accomplissement désiré et si elle doit maintenant être utilisée, comme je viens de le dire, pour teindre, il est nécessaire de la fermenter et de l’augmenter davantage, sans quoi ne pourra se faire qu’à grand peine une projection convenable sur les autres métaux et les corps imparfaits avec sa teinture, à cause de sa subtilité.
C’est pourquoi il faut en premier lieu prendre une part de la médecine si souvent décrite, et y ajouter trois parts du meilleur or, fondu et purifié par l’antimoine et réduit en très petites lamelles. Qu’ils fondent ensemble dans le creuset selon l’habitude. Quand cela est fait, tout le composé se transforme en une teinture pure et efficace, de sorte qu’une part de cette teinture est alors capable de teindre mille parts de métal simple et de les réduire en or pur.
Remarque : plus les métaux sont purs et proches de la matière, plus facilement la teinture les reçoit, de meilleure qualité est la multiplication et plus aisément elle s’accomplit. En effet, tout ce qui est trouvé ici d’impur et qui n’a pas les qualités requises, est séparé et totalement rejeté telles des scories. L’augmentation en qualité et la transmutation peuvent se faire avec les pierres précieuses qui présentent un défaut, de la même façon qu’avec les métaux imparfaits. Le cristal peut être teint et peut alors être comparé aux plus nobles et aux plus précieuses pierres. Bien d’autres choses pourront encore être réalisées par ce moyen, mais elles ne doivent en aucune façon être révélées au monde impie. Les philosophes que nous avons plusieurs fois cités, comme aujourd’hui tous les vrais chrétiens, à qui Dieu trois fois bon et grand a donné cet art et qu’il a gratifiés de sa richesse, tiendront dans ce magistère de si excellentes choses et d’autres du même genre, pour ce qu’il y a de plus vil et de moindre. Elles doivent en effet être comptées pour rien en regard de la connaissance première des merveilles célestes.
Sache, à vrai dire, que celui à qui le Très Haut a accordé dans sa grande clémence ce don, apprécie autant, au vu des biens célestes, tout l’argent et toutes les richesses sur cette terre que l’ordure et la boue qui recouvrent les places publiques. De tout son cœur et de tout son désir, il cherche à contempler de façon céleste et en toute vérité dans la vie éternelle ce qu’il a aperçu ici-bas de façon terrestre et figurative, et il s’efforce d’en jouir.
Ainsi l’atteste aussi le roi Salomon, le plus sage des rois,: lorsqu’il dit, Sag VII, 8 et 9 :J’ai plus estimé et j’ai préféré la Sagesse aux royaumes et à la première place, elle m’était plus précieuse que les richesses. Je ne lui ai pas égalé les pierres précieuses car tout l’or n’est auprès d’elle qu’un peu de sable, et 1’argent, à son égard, doit être estimé comme de la boue.
C’est pourquoi ceux qui recherchent cet art pour les honneurs temporels, les plaisirs et les richesses qui doivent en découler, sont déclarés et tenus pour plus fous que fous. Jamais ne peut leur échoir ce qu’ils recherchent si longtemps, à grands frais, avec tant de peine et de désagrément et pour lequel ils tourmentent si fort leur cœur, leur âme et toutes leurs pensées. C’est pourquoi les philosophes n’ont eu que du mépris pour les richesses temporelles, non qu’elles fussent mauvaises par elles-mêmes, puisqu’elles sont grandement louées par Moïse au chapitre II de la Genèse  et en bien d’autres endroits des Saintes Ecritures, comme une chose précieuse et un don très excellent de Dieu, mais à cause du mauvais usage qui en est fait, tant il est vrai que cela dresse un grand obstacle pour les hommes qui veulent parvenir au bien juste et vrai, et maintient dans une confusion perverse tout le reste qui, autrement, serait juste en ce monde. C’est ce qu’a aussi exposé avec grâce le très célèbre Marcellus Palingenius Stellatus dans le poème intitulé le Zodiaque de la Vie (Marcelli Palingenii Stellati Poetae doctissimi Zodiacus vitae. 1537). Sous le signe du Sagittaire, il a dépeint la détestable avarice, et nous voulons y renvoyer maintenant le lecteur bienveillant.
On peut y voir et en inférer combien cet homme illustre qui possédait vraiment cet art, ainsi que cela ressort de son Zodiaque de la Nature, a tenu pour rien en comparaison de la vertu et a méprisé l’or et l’argent qui ne sont que des biens temporels.
C’est pourquoi tous, comme nous l’avons rappelé, placèrent la sagesse et la connaissance des choses célestes bien au-dessus des choses terrestres et périssables. Durant leur existence, ils eurent en vue dans toutes leurs actions uniquement le résultat et la fin, au point qu’ils purent par cette conduite se faire un nom immortel et recevoir des louanges perpétuelles. C’est ce qu’enseigne le très sage Salomon dans ses Proverbes quand il dit, Prov XVI, 16 : Acquiers la sagesse car elle vaut mieux que l’or et l’intelligence est plus précieuse que l’argent. Et il dit plus loin, Prov XXII, l : La bonne renommée vaut mieux que de grandes richesses et 1’art est meilleur que l’argent et que l’or. Siracide, cet homme sage, lance l’exhortation suivante, Eccl XLI, 12 : Prends soin de ton nom, car il demeurera plus que mille grands trésors d’or.
Les philosophes n’ont pas pu, je l’ai déjà fait remarquer, louer et célébrer assez cette pierre pour toutes ses vertus différentes qui jaillissent hors de cette philosophie de la pierre. C’est pourquoi ils rassemblèrent dans leurs écrits tout ce qui concerne l’étude et la pratique, de sorte qu’après eux puisse se perpétuer cet art, se transmettre la sagesse, et que l’on puisse désormais y conformer sa vie. Mais pour les ignorants tout est obscur, nébuleux et difficile à comprendre, ce dont se plaint vivement Salomon dans ses Proverbes, du début au chapitre VI, lui qui exhorte les hommes à rechercher la sagesse avec le plus grand soin, disant :
Mon fils, garde une attitude
humble, car c’est meilleur que tout ce que
le monde convoite. Fais-toi d’autant
plus humble que tu es plus grand, et le Seigneur
te favorisera, car le Seigneur est le Très
Haut, et il fait de grandes choses
par les humbles.
Ecclésiastique III, 17

QUATRIÈME PARTIE

J’ouvrirai la bouche en paraboles
et je dirai les secrets cachés depuis le
commencement du monde.
Psaume LXXVIII, 2 et Matthieu XIII, 34

Lorsque le Dieu tout puissant voulut révéler par sa voix divine au genre humain quelque secret très singulier touchant ses mystères admirables, sublimes et célestes, il le fit le plus souvent allégoriquement. Ces paraboles, connues de nous dans le cours de cette vie terrestre, sont tous les jours sous nos yeux comme des images proposées. Par exemple, quand Dieu, au chapitre III de la Genèse après la chute d’Adam dans le Paradis voulut lui indiquer sa peine mortelle, la mort corporelle, il la lui signifia par cet enseignement : Si la terre par elle-même n’avait aucune vie, lui-même cependant en serait pris et formé et, pour cette raison, il devrait redevenir semblable à elle).
Aux XVe et XXIIe chapitres de la Genèse (Gn III, 19) Dieu voulant montrer à Abraham la multiplication de sa semence et de ses descendants, lui montra comme images les étoiles dans le ciel, le sable dans la mer et la poussière de la terre. Il fit de même encore lorsqu’il voulut annoncer quelque chose d’extraordinaire au peuple israélite par la voix des prophètes ; il commanda de leur proposer et de leur montrer des préfigurations typiques, agréables et séduisantes. Le Christ lui-même ensuite, voix et fondement de la vérité, fit la même chose dans son Testament : il nous proposa toutes choses par paraboles, surtout pour que sa doctrine fût mieux comprise. Pour nous indiquer la béatitude suprême, à savoir son Verbe divin et l’Evangile, il utilisa le symbole de la bonne et de la mauvaise semence, l’ivraie, que l’ennemi avait semée dans le champ et aussi le trésor caché, la perle, le grain de blé, le grain de sénevé, le levain, etc. (Lc III, 9, Mt XIII. Lc XIX, 11, Mt XX, 1).
De même, comme figure du Royaume des Cieux, il nous proposa la parabole de la Grande Cène et des noces du Roi. Il compara l’Église Chrétienne Universelle, et son établissement, à une vigne, à un Roi exigeant des comptes de son ministre; il usa de la similitude du noble seigneur distribuant ses biens à ses ministres, de la brebis et du bœuf égarés, du fils perdu et ainsi de suite, pour les autres paraboles (Voir Mt XVIII, 23, Lc XVI, 1 et 19, Mti XXV, 1 et 24).
Ces symboles et ces similitudes ne nous furent donnés que pour nous faciliter la compréhension et l’imagination des choses célestes, si difficiles à saisir à cause de l’imbécillité humaine. Mais, bien plus encore que tout cela, le Dieu éternel ne devait-il pas nous proposer dans une certaine figure corporelle le plus grand des biens, son Fils, notre Seigneur et Conservateur, c’est-à-dire Jésus-Christ qui libéra tout le genre humain de la mort éternelle et, par son obéissance et ses mérites, restaura le royaume céleste? N’est-il pas difficile à comprendre ce grand mystère du DIEU tout puissant : Que les cieux envoient la rosée et que les nuages pleuvent le juste, que la terre s’ouvre, se couvre de végétation et produise le Sauveur (Is XLV, 8, Eph. III, 16, Col. I,) 
Cela nous fut signifié dans l’Ancien Testament, et ailleurs aussi, par certains types, comme dans le sacrifice d’Isaac, l’échelle de Jacob, la vente et l’admirable établissement de Joseph, le serpent d’airain, Samson, David et Jonas. Mais Dieu tout puissant nous a surtout montré d’avance à nous, hommes, et abondamment, un bien si élevé et si céleste, par une certaine chose admirable et pourtant cachée dans le grand livre de la Nature ; une chose qu’il produisit au jour afin que nous puissions ainsi, avec le reste, avoir une représentation originale et même, une certaine appréhension, visible et corporelle, de ces biens et dons célestes.
Il nous proposa dans son Verbe un certain objet terrestre et corporel quand il nous dit par la bouche du prophète Isaïe (Is XXVIII, 16): Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, une pierre éprouvée et bien fondée : qui s’appuie sur elle ne fuit pas. Et David, le prophète royal nous dit par l’Esprit de Dieu (Ps CXVIII, 22 et 23) : La pierre rejetée par les architectes est devenue pierre angulaire, c’est l’œuvre du Seigneur et c’est une merveille à nos yeux. Et le Christ lui-même, appelé maintenant Pierre Angulaire, rapporte à lui-même cette figure en disant (Mt XXI, 42 à 44) : N’avez-vous jamais lu dans l’Écriture que la pierre rejetée par les architectes est devenue la pierre angulaire ? C’est l’œuvre du Seigneur et c’est une merveille à nos yeux ; qui tombera sur elle sera brisé et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera.
C’est ce que saint Pierre dans son épître (Act. IV, 11.) et saint Paul (Rm IX, 33.) répètent et décrivent, invariablement, de la même façon.
Déjà, depuis le commencement du monde, les Ancêtres, les saints Patriarches et après eux, tous les hommes illuminés de Dieu, attendirent de toute la force de leur désir cette pierre éprouvée, benoîte et céleste, JÉSUS-CHRIST (Lc X, 23, 24.) ; toutes leurs plus ardentes prières tendirent à ce que Dieu daignât leur communiquer, à eux aussi, le Christ sous sa forme corporelle et visible . Si donc, ils l’ont connu selon la, justice, dans l’Esprit, et s’ils l’ont suivi, ils s’en délectèrent toute leur vie et même, dans tous les périls, ils s’appuyèrent sur ce pilier invisible.
Cette pierre céleste et benoîte a été donnée par Dieu à tout le genre humain, aux riches comme aux pauvres, gratuitement, sans aucun mérite de la part de quiconque . Bien que peu d’hommes cependant, depuis le commencement jusqu’à nos jours, aient pu la découvrir et la comprendre en ce monde, elle subsiste, même, en tous temps, toujours cachée comme une lourde pierre d’achoppement et de scandale pour la plus grande partie des humains. Isaïe n’a-t-il pas prophétisé à son sujet; disant : Il sera une pierre d’achoppement et un rocher de scandale, de même qu’une occasion de chute et un piège où beaucoup se jetteront, tomberont, se briseront, seront enlacés et pris. C’est elle aussi que le vieux père Siméon vit dans l’Esprit quand il parla de cette façon à Marie, mère, de la pierre céleste angulaire  : En vérité, en vérité. Celui-ci sera une occasion de chute et de résurrection pour un grand nombre en Israël et ce sera un signe de contradiction. Saint Paul rend aussi ce même témoignage, disant (Rm IX, 32, 33) : Ils ont heurté la pierre d’achoppement et le rocher de scandale, mais quiconque croit en Lui ne sera pas confondu. Et saint Pierre dit de même dans son épître (I Pi II, 6 et 7) : Cette pierre, précieuse pour les croyants, mais pour les incrédules, pierre d’achoppement et de chute, et rocher de scandale pour ceux qui trébuchent sur la parole et ne croient pas en elle en qui ils sont placés .
Comment donc, cette pierre, que nous avons appelée précieuse, benoîte et céleste, s’harmoniserait-elle avec la pierre corporelle et philosophique produite si artificiellement, cette pierre terrestre dont nous avons si souvent parlé plus haut ? Ceci démontrera cela : nous mettrons en parallèle la description de chacune des deux et nous les comparerons l’une avec l’autre. On connaîtra par là d’une manière convaincante et on verra comment la vraie pierre philosophique terrestre devient le type et s’harmonise en quelque sorte avec la vraie pierre céleste et spirituelle, Jésus-Christ, laquelle nous est proposée par Dieu sous un mode corporel et montrée d’avance sous un aspect visible.
D’abord, de la même façon, dans la vraie connaissance (1 Cor. II) de la première matière de la pierre philosophique terrestre dont nous avons parlé (et cette première matière doit être considérée comme le principal et cachée dans le plus grand secret), il importe surtout à ceux qui la préparent (Rm XI, 33) et s’efforcent par là même d’atteindre dans cette vie temporelle toute la félicité que Dieu nous a préparée dans l’éternité des âges, et qui se sont occupés en même temps de la recherche. de l’éternelle pierre céleste (qui est la tri-une essence indissoluble du DIEU juste, vrai et vivant, créateur du ciel et de la terre), il importe à ceux-là de beaucoup apprendre encore. C’est pourquoi nous conseillons de bien étudier la première partie de ce traité et de connaître la Nature Universelle avec ses propriétés. Sans cette connaissance, d’ailleurs, c’est en vain et témérairement qu’on entreprendrait cet œuvre. L’homme, en effet, qui veut parvenir à ce bien suprême doit connaître droitement, en plus de tout le reste, DIEU tout d’abord, et lui-même ensuite (Act. XVII, 28) ; c’est à savoir : qui nous sommes, d’où nous tirons notre origine, pourquoi nous avons été créés et combien nous sommes proches voisins de Dieu. Ceci doit être tenu véritablement et célébré comme la plus grande de toutes les sagesses, sans laquelle on ne parviendra que très difficilement, c’est même impossible, à la félicité susdite.
Mais comment, et où peut-on retrouver, reconnaître et recevoir la connaissance d’un si grand bien? (Écclé XXIV, 3) Comme la pierre terrestre philosophique, selon sa description, est en un et deux, lesquels sont trouvés partout, de même, cette connaissance de la Pierre Céleste doit être en un, qui pourtant, sont deux. Il faut la chercher comparativement, c’est-à-dire dans le Verbe éternel de Dieu et dans la divine Écriture Sainte, l’Ancien et le Nouveau Testament (Is VIII, 20). C’est en eux uniquement et seulement que la pierre juste, céleste, fondamentale et angulaire doit être cherchée et scrutée. Ainsi, DIEU le Père nous montre son Verbe comme s’il le désignait du doigt dans cette glorification du Mont Tabor, disant (Mc IX, 7, Lc IX, 35) : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le, etc. De même aussi, le Christ, verbe essentiel et éternel de Dieu rapporte cela à lui-même, disant dans Saint Jean (Jn XIV, 6,) : Je suis la voie, la vérité et la vie, personne ne vient au Père si ce n’est par moi, c’est-à-dire à la Sainte Écriture divine ou témoignage infaillible du verbe divin (Is XXXIV, 16). Isaïe dit : A la loi et au témoignage (Is VIII, 20. ).
Et le Christ, appelé lui-même pierre angulaire, relève partiellement et accuse la même chose quand il dit  : Vous scrutez les Écritures parce que vous croyez y trouver la vie et ce sont elles qui rendent témoignage de moi. Et David aussi a confessé la même chose bien longtemps avant, disant  : Je me délecte, Seigneur, de tes témoignages car ils sont mes conseillers ; ton verbe, Seigneur, est une lampe devant mes pas ; je me délecte bien plus dans la voie de tes témoignages que dans toutes les richesses. Il ajoute : Je considère tes voies et je marche selon tes témoignages .
Où donc, en quel endroit de la Sainte Écriture , la matière première de cette pierre ou essence céleste, a-t-elle été fondée ? C’est ce qui nous est expressément et fondamentalement démontré de soi-même en beaucoup d’endroits, et placé sous nos yeux, notamment dans Michée  : Et son origine vient des temps anciens, des jours de 1’éternité. Et lui-même, pierre angulaire, rend le même témoignage. Aux Juifs lui demandant qui il était, il répondit  : Le principe qui vous parle. Et un peu plus loin, il apostrophe les Juifs en disant  : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fut, moi, j’étais. Il découle irréfutablement de ces témoignages qu’il n’a jamais eu aucun commencement mais que son premier Être est de toute éternité, et qu’il doit aussi demeurer éternellement, sans fin.
Bien que cette connaissance ne consiste en rien d’autre que dans le verbe de Dieu, l’Ancien et le Nouveau Testament, dont elle sort et s’interprète d’elle-même, je n’en indiquerai pas moins au chercheur qu’il faut y dépenser une extrême diligence . Celui, en effet, qui errerait dans la connaissance de ce principe ou qui toucherait la chose sinistrement, c’est en vain qu’il dépenserait ensuite tout son labeur. C’est pourquoi chacun doit s’éprouver droitement et s’étudier dans la justice à une droite appréhension dorée dans la séparation du Verbe. II faut bien ouvrir les yeux (comprends : ceux de l’esprit et de l’âme), regarder d’un œil perçant et reconnaître cela par la lumière interne  que DIEU alluma au commencement dans la nature et notre cœur.
Celui qui s’efforce d’y parvenir uniquement par ses sens externes et corporels (c’est-à-dire en suivant le sens littéral) et sans l’œil interne et la lumière divine, celui-là certainement confondrait Saul et Paul, choisissant ainsi de suivre un chemin erroné et une compréhension sinistre. Comme ce mystère se cache pour des milliers d’hommes dans la description de la pierre terrestre, de même aussi la connaissance de la pierre céleste se présente à nous tous les jours, hélas ! dans ce qu’elle a de plus sublime et de plus puissant. Notre ignorance ne doit pourtant pas être imputée à l’obscurité de la parole ou de la lettre car l’une et l’autre sont bien fondées, mais plutôt à notre œil, qui dans l’homme est faux. Le Christ lui-même dit : L’œil est la lumière du corps, si ton œil est mauvais, ton corps aussi est obscur et ténébreux et sil le devient, la lumière deviendra en toi ténèbres. De même : Voici, dit-il, que le royaume des cieux est au dedans de vous. Il apparaît donc clairement que, dans l’homme, la connaissance de la lumière doit procéder non de l’extérieur, mais de l’intérieur, comme en témoigne la Sainte Écriture citée si souvent.
L’objet extérieur, comme on dit d’habitude, ou la lettre écrite, à cause de notre imbécillité, doit être considéré par rapport à la lumière intérieure de la grâce implantée et concédée par Dieu en vue du témoignage . De même, le verbe perçu oralement est une invitation, une aide intermédiaire à promouvoir cette lumière. Si, par exemple, après avoir placé devant toi une table blanche et une table noire, je te demandais laquelle est la noire et laquelle est la blanche, ces tables étant des objets nus et muets, tu ne pourrais que bien difficilement résoudre ma question, si la connaissance de ces couleurs différentes n’avait été en toi d’abord ). Cette connaissance tire en effet son origine, non de ces tables qui sont muettes et mortes et ne peuvent rien connaître par elles-mêmes, mais de tes propres sciences, innées en toi et journellement exercées.
Comme nous l’avons dit plus haut, les objets, mettant les sens en mouvement, offrent une prise à la connaissance, mais pourtant, ils ne donnent nullement la connaissance en elle-même ; l’extérieur fait surgir la connaissance de l’intérieur du sujet connaissant et exerçant ainsi son jugement dans la science des couleurs. De même, si on te demandait d’extraire le feu matériel et externe, ou la lumière, d’une pierre à feu dans laquelle ce feu, ou lumière se trouve caché, tu n’aurais pas à introduire dans la pierre cette lumière occulte et secrète, mais tu devrais plutôt mouvoir et exciter ce feu caché avec un briquet convenable qu’il te faudrait nécessairement posséder. Tu dois donc faire jaillir et manifester hors de la pierre ce feu qu’il faut ensuite répandre et souffler sur une bonne matière inflammable bien préparée à cet effet, sans quoi, il serait forcé de s’éteindre immédiatement et de s’évanouir à nouveau. Après cela, tu pourras avoir un feu brillant avec lequel il te sera possible d’accomplir tout ce que tu voudras selon ton bon plaisir, aussi longtemps que tu l’entretiendras et le conserveras. De même aussi, cette lumière divine et céleste, cachée dans l’homme, doit nécessairement provenir, comme nous avons dit plus haut, non de l’extrinsèque vers l’intérieur, mais se manifester extérieurement hors d’une certaine chose.
Ainsi, dès le commencement, elle peut donc être inspirée par Dieu, s’allumer et devenir rayonnante, par le moyen de la vraie foi tout d’abord, et ensuite par les intermédiaires, les aides qui nous sont apportées comme la lecture, l’audition, l’exhortation ; enfin, par l’Esprit Saint que le Christ a restauré pour nous et qu’il a promis de nous donner  dans un cœur obscur, nébuleux, mais candide, comme dans une certaine matière inflammable. Dieu peut alors dans ce cœur travailler et opérer car Il désire habiter dans le cœur des croyants et dans une lumière inaccessible. Bien que nul homme n’ait jamais vu Dieu de ses yeux corporels et externes, ni ne Le puisse voir, Il peut néanmoins être vu, discerné et reconnu par les yeux internes du cœur. Cette claire lumière envoie sa splendeur dans le monde entier, elle illumine tous les hommes sans aucune distinction, tous les jours de leur vie, mais le monde, cependant, à cause de sa nature corrompue et dépravée ne la voit pas droitement et même, il veut l’ignorer. C’est pourquoi il y a dans le monde tant de voies fausses et tant d’opinions pernicieuses.
Il faut bien considérer, noter et observer ceci : ce n’est pas sans raison et au hasard que DIEU donna à l’homme, dans la partie supérieure de son corps, des yeux et aussi deux oreilles. Il a voulu en effet nous indiquer par là que l’homme doit nécessairement apprendre et observer par une double vue et une double ouïe, c’est-à-dire, l’externe et l’interne. Il doit donc juger les choses spirituelles par le sens interne, sans négliger d’attribuer au sens externe la part qui lui revient . Cette distinction doit aussi être observée avec le plus grand soin dans le verbe de l’Esprit et de la lettre. C’est pourquoi moi aussi, en passant, j’ai voulu indiquer ceci aux plus simples pour qu’ils soient d’autant mieux informés et qu’ils parviennent à une connaissance meilleure et plus facile de la pierre tri-une, sommet de ces mystères.
La matière de la pierre terrestre philosophique est tenue pour rien devant le monde, elle n’est estimée d’aucun prix, elle est même rejetée quasi universellement. Le Christ aussi, Verbe éternel du Père, joyau très noble et pierre céleste tri-une, éprouvée, est vilipendé par la plus grande partie des hommes dans ce monde. Il est rejeté de nos yeux, et même, pour parler selon la vérité de la chose, il n’y a pour ainsi dire rien qui soit plus indigne, plus vil et plus abject que le verbe de Dieu, le Sauveur lui-même. C’est pourquoi les sages de ce monde surtout, le considèrent comme une folie . Et non seulement il n’est estimé d’aucune valeur et même totalement méprisé, mais encore mis au ban, proscrit et condamné comme une hérésie ; un tel blasphème est le plus grand des chagrins pour un homme pieux. Il faut aussi que les croyants soient éprouvés de cette façon selon la justice, et que les témoignages dont nous avons parlé plus haut soient confirmés comme il le faut. C’est ce dont Jean témoigne lui aussi, disant  : Il, c’est-à-dire le Verbe, était dans le monde et le monde ne le reconnaissait pas ; Il venait dans ses biens et, pourtant, les siens ne 1’ont pas reçu.
Les Philosophes ont donné un très grand nombre de noms différents à cet Aquarium des Sages, corporel et terrestre, d’une vertu et d’une efficacité insondables, de même qu’à sa matière. Ils l’ont ainsi désigné par cette expression unique : POUVOIR ET LUMIÈRE, Numen et Lumen, dont l’action et l’omnipotence ne peuvent être suivies à la trace. La Sainte Écriture aussi, lui donne un très grand nombre de titres et de noms différents. Nous allons recenser ici, par ordre, les principaux de ces noms, dans l’une et l’autre de ces deux sources. On l’appelle Pierre des Philosophes très ancienne, occulte ou ignorée, naturelle, incompréhensible, céleste, benoîte et Pierre des Sages consacrée. On la dit vraie, sans mensonge, certaine et très véritable, secret de tous les secrets, divine, cachée aux sots, vertu et efficacité suprême et dernière qui puisse être vue sous le ciel, épilogue admirable ou conclusion de toutes les œuvres philosophiques. On l’appelle aussi idoine et parfaite comparaison de tous les éléments, corps incorruptible qui ne peut être touché par aucun élément. On lui donne surtout les noms de quinte essence, Mercure double et vivifiant possédant en lui l’esprit céleste, santé de tous les métaux malades et imparfaits, lumière éternelle, Médecine suprême de toutes les maladies, noble Phénix, trésor suprême et très noble, ou bien suprême de la Nature, pierre universelle tri-une, conjonction de trois par la nature et cependant unique, bien qu’elle soit engendrée et rendue parfaite d’un, de deux, de trois, de quatre et de cinq. De même, on l’appelle Magnésie Catholique ou sperme du monde, et de tous les autres noms et titres de ce genre qu’on peut découvrir chez les Philosophes. Tous ont pu être universellement comptés, certes, pas mal à propos, et compris dans le nombre suprême et très parfait, le nombre mille.
Il en est de même, dis-je, pour cette pierre Philosophique terrestre et pour sa matière qui ont bien mille noms différents et qu’en conséquence on dit admirables. Mais tous ces titres et tous ces noms dont nous avons parlé peuvent être, à plus forte raison, attribués à Dieu tout puissant, et au Bien Suprême, car DIEU avec son Verbe, son Fils éternel juste et précieux, est aussi une pierre éprouvée, angulaire et fondamentale. C’est la pierre rejetée et proscrite par les architectes . Elle est vraie, ancienne, et même très ancienne. Elle fut de toute éternité et bien avant que les fondements du monde ne fussent posés . C’est le Dieu juste, caché, inconnu, supernaturel, incompréhensible, céleste, benoît, et objet de toute louange , seul sauveur et même DIEU de tous les Dieux . Il est certain et véritable, ne pouvant mentir . Il est la certitude même, faisant ce qu’il lui plaît, suivant son bon plaisir ; lui seul est puissant , très secret et éternel, en qui reposent cachés tous les mystères et trésors de la Sagesse.
Il est la seule vertu divine et toute puissante, cachée et ignorée des sots comme des sages de ce monde. Il est l’accord juste, unique et parfois de tous les éléments; de lui, par lui et en lui toutes choses sont et viennent à l’existence . Son essence est incorruptible. Elle ne peut être dissoute ni séparée par aucun élément. Il est quinte essence, essence de toutes les essences, tout en n’étant proprement aucune d’entre elles en particulier. C’est le vrai et juste Mercure double ou Géant d’une double substance.
Comme le chante un hymne à son sujet, il est à la fois et par sa nature, Dieu, homme, héros, etc. Il possède en lui l’esprit céleste qui vivifie tout, il est la vie même. C’est le Sauveur unique et parfait des corps imparfaits et des hommes, le vrai médecin céleste de l’âme, la lumière éternelle qui illumine tous les hommes. C’est une médecine suprême pour toutes les maladies et la vraie Panacée spirituelle. C’est le noble Phénix qui recrée et revivifie par son sang ses petits blessés et assassinés par le vieux serpent, le Diable. C’est enfin le trésor suprême, le souverain bien dans le ciel et sur la terre .
C’est une essence universelle tri-une, appelée Jehova tirée de un, une divine essence, de deux, Dieu et l’homme, de trois, trois personnes, de quatre, trois personnes et une divine essence, de cinq, trois personnes et deux essences, et elle est divine et humaine.
Dieu est aussi la vraie Magnésie Catholique ou sperme catholique du monde, duquel, par lequel et dans lequel toutes les créatures célestes et terrestres reçoivent l’essence, le mouvement et l’origine. C’est enfin l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin, comme dit le Seigneur qui est, qui était, et qui vient, le Tout-Puissant .
Mais en vérité, dans l’œuvre philosophique, il ne suffit pas seulement de connaître la matière, de savoir que c’est une essence tri-une et d’avoir appris ses qualités et ses propriétés, il faut encore savoir comment l’acquérir et l’utiliser.
 Cela ne peut se faire, comme nous l’avons dit plus haut, que si nous dissolvons ces trois choses ; si nous les putréfions pour leur enlever leur ombre fumeuse et leur essence grossière, lesquelles obscurcissent cette matière et nous la présentent sous un aspect informe et inhumain. Nous devons ensuite, par une sublimation, ultérieure, et par le moyen de cette eau marine luisante de feu, catholique et joyeuse, tirer de cette matière son cœur et son âme cachée et la réduire en une certaine essence corporelle. De même, nous ne pouvons pas connaître cette divine essence tri-une appelée JEHOVA, si nous ne l’avons d’abord et à notre égard, dissoute et putréfiée, si nous ne l’avons dépouillée de son voile mosaïque et de son aspect de colère qui est pour nous un empêchement de nature et un épouvantail. Nous devons ensuite, par une illumination divine ultérieure, tirer d’elle son cœur et son âme interne et cachée, c’est-à-dire son Fils qui est le Christ, et cela se fait par l’opération et le secours de l’Esprit Saint purifiant nos cœurs comme le ferait une eau pure, les illuminant comme un feu divin, les remplissant et les recréant d’une douce et joyeuse consolation. Ainsi le Dieu de colère t’apparaîtra apaisé.
Dans l’œuvre philosophique, il faut donc dissoudre la matière dans ses trois parties ou principes, la congeler ensuite par son propre sel, et la réduire à une essence unique, ce qu’on appelle alors Sel de Sagesse. De même, DIEU et son propre cœur qui est le fils du père, doivent nécessairement être unis par leur sel propre, semblablement implanté en Dieu d’une manière essentielle, mais il faut les reconnaître pour un seul Dieu et non croire qu’ils sont deux ou les tenir pour trois Dieux ou essences différentes. Si donc, de cette manière, tu as connu Dieu par son Fils, si, après les avoir séparés, tu les unis de nouveau, si tu les conjoints par l’esprit de divine sagesse et par le lien de la charité, alors, le Dieu invisible et inconnu te sera désormais visible, connaissable et intelligible. Il ne sera plus comme il était avant, inhumain et coléreux ; il se présentera à toi sous un aspect très humain et très doux, se laissant toucher, connaître et voir. Dieu donc, avant que le Christ son fils ne soit formé et imaginé en nous, est un Dieu terrible et même, un feu consumant. Mais tu ne dois pas considérer cette connaissance de la tri-une essence divine comme étant suffisante et parfaite, si tu ne progresses, si tu ne grandis dans une connaissance plus profonde à son égard, surtout, de son cœur.
Nous avons déjà dit que si dans l’œuvre philosophique la préparation du sujet n’est pas poussée plus loin, celui-ci te sera plus nuisible que profitable pour la médecine corporelle. Il en est de même pour le Christ : si tu ne le connais mieux et plus parfaitement encore, il ne te sera guère utile comme médecine spirituelle de ton âme, et même, bien au contraire, il te pourrait conduire à damnation. C’est pourquoi, à toi aussi, si tu veux devenir participant à lui-même, à ses dons célestes et à ses trésors, en jouir et en user dans la béatitude, il t’est nécessaire d’avancer plus avant dans sa connaissance personnelle, de ne pas le reconnaître ni l’imaginer uniquement comme Dieu, mais d’attendre que soit parfaitement accompli le temps marqué où il reçoit ce surcroît qui le fait à la fois Dieu et homme, et même, fils de l’homme.
Dans l’œuvre philosophique, pour le mener à bien et parvenir à la teinture qui parfait les autres métaux simples, il faut, à la première matière, apposer un certain corps métallique très digne, et, pour cela, très voisin de cette première matière, très désiré et très aimé d’elle, les unir et les réduire en un seul corps. Dans l’œuvre théologique aussi, si nous voulons jouir de son fruit et devenir participants de sa nature, il faut joindre à la nature divine du fils de Dieu un autre corps quasi métallique, la chair et le sang, l’humanité ou la nature humaine, créée à son image, sommet le plus élevé en dignité parmi toutes les créatures de Dieu, très proche de cette nature divine. Il faut les unir et les réduire toutes deux en un certain corps indissoluble.
Mais dans la préfiguration de l’œuvre Philosophique, comme nous l’avons noté et observé, le corps vulgaire de l’or ne convient pas du tout à cet œuvre. Son imperfection et ses autres défauts très nombreux qui l’entachent de culpabilité, le rendent tout à fait inutile. Il faut donc l’estimer et le considérer comme mort. C’est un autre corps qu’il faut prendre, pur, clair, sans mélange, sans aucune impureté ni défaut, n’ayant jamais été falsifié par la fraude unique ni débilité par son soufre interne. De même, ce n’est pas la nature humaine vulgaire, conçue dans les péchés, souillée par le péché originel et par les péchés commis journellement, et de plus faussée et contaminée par toutes sortes d’infirmités préternaturelles couvrant le genre humain, ce n’est pas cette nature-là qu’il faut incorporer à l’essence divine du Fils de Dieu, ou qu’il lui faut accepter, mais une nature humaine sans tache, pure, sans péché et parfaite.
Si, en effet, l’Adam terrestre avant la chute, bien qu’il ne fût qu’une créature, était pourtant sans péché, et même homme saint et parfait, que penser alors de cet Adam céleste que porte en Lui le Fils unique de Dieu ?
Jésus-Christ, pierre céleste éternelle, fondamentale et angulaire, se décrit donc de la même façon que la Pierre Philosophique, quant à ses deux natures admirables, sa conception, sa naissance, tout en demeurant lui aussi, insondable quant à ses natures et propriétés. Par sa divinité, il est, de toute éternité, issu de la seule essence divine de son Père céleste et éternel, vrai Dieu ou plutôt vrai fils de Dieu, dont il est sorti selon l’Écriture, depuis le commencement et l’éternité. Mais dans son humanité, il naquit, homme vrai et parfait, avec un corps et une âme, sans péché ni défaut, lorsque le temps fut accompli, comme dit l’Écriture, et devenant désormais indissoluble, personnel, d’une essence Théandrique, c’est-à-dire, vrai Dieu et vrai homme en une personne unique et indissoluble pour l’éternité ; il doit donc nécessairement être reconnu comme Dieu tout-puissant, et honoré comme tel.
Souhaitons que s’ouvrent les yeux de ces prétendus docteurs, qu’ils soient débarrassés de leurs lunettes fumeuses et de leurs spectres sophistiques. Souhaitons qu’ils recouvrent, une fois pour toutes, la vue qu’ils avaient perdue. Je pense surtout aux disciples d’Aristote, à tous ces sophistes aveugles devant les œuvres divines, agitant toutes sortes de disputes interminables au sujet du divin, selon un usage très peu chrétien. Il n’y a jamais de fin à ces divisions et confusions engendrées par la querelle des deux natures et de la communication des vertus dans le Christ, un article, pourtant très vénérable et bien fondé dans la Sainte Écriture. S’ils ne refusaient pas de croire en Dieu et son verbe divin, ils pourraient pourtant en connaître l’essence et le palper comme avec les doigts, par les œuvres appelées de nos jours chimiques, où se fait comme nous l’avons montré, cette conjonction, par l’union des deux eaux, celle du Mercure et celle du Soleil. Mais leur art majeur, scolastique de la philosophie des Gentils, nullement fondé sur la Sainte Écriture ou la Théologie chrétienne, les fondements et préceptes d’Aristote vains et sans valeur, au sujet de la substance, des accidents et de beaucoup d’autres choses, tout cela les empêche de poursuivre un tel œuvre. Ils ne considèrent pas beaucoup ce que le vieux Tertullien a écrit, non à tort : les philosophes sont les patriarches des hérétiques. Mais ce serait accorder à l’œuvre bien peu de prix, que de disserter de ce sujet plus longuement.
Dans l’œuvre Philosophique, le compost après la conjonction des deux essences doit être placé dans le feu pour se putréfier, y être broyé et bien cuit. Au cours de cette putréfaction et coction, jusqu’à la perfection totale, des mouvements variés, des couleurs diverses interviennent et se manifestent ; on peut en repérer la plus grande partie dans les descriptions qui sont faites de l’œuvre terrestre. Il en est de même pour la personne divino-humaine et humano-divine de Jésus-Christ. Dieu, son Père céleste, a voulu que dans ce monde il fût placé dans le four igné de la tribulation pour y être bien cuit, c’est-à-dire, qu’il fût poussé dans diverses épreuves par l’ignominie, la croix et toutes sortes de douleurs. Il a été changé en divers aspects. Par exemple, il a connu la faim  et la tentation de Satan dans le désert, lorsque, après son baptême, il se voua, sous l’impulsion de l’Esprit Saint, au saint ministère de la prédication du Verbe divin. Il devait en effet y soutenir ce triple tournoi, en témoignage de tous les chrétiens qui ont embrassé le christianisme et qui désormais, confessant le Christ, sont aussi contraints d’être tentés par le Diable, et sollicités à la défection par toutes sortes de tentations variées. De même, il a été fatigué, il a pleuré , il a tremblé, il a lutté avec la mort, il a sué du sang, il a été pris et lié, frappé au visage par un familier du grand prêtre, tourné en dérision, moqué, conspué, flagellé, couronné, condamné à mort et enfin au supplice de la croix qu’il dût porter lui-même. Il a été cloué entre deux larrons, abreuvé de fiel et de vinaigre, il a crié d’une foix forte, rendu son esprit entre les mains de Dieu son Père, enfin il expira et mourut sur la croix. Il fallait qu’il supportât dans sa vie et dans sa mort beaucoup d’autres angoisses et tribulations, qu’on peut lire en détail dans les saints évangélistes.
Comme l’écrivent les Philosophes pour l’œuvre terrestre dont nous avons parlé, cette coction et putréfaction se parfait d’ordinaire en quarante jours. Par ce même nombre, de nombreux miracles et faits merveilleux nous ont été décrits par Dieu et consignés dans la Sainte Écriture. C’est ainsi que le peuple israélite demeura quarante ans dans le désert car il devait faire l’expérience d’un dur exil. Il en fut de même pour Moïse sur le mont Sinaï , et pour Elie dans sa fuite devant Achab. Le Christ jeûna dans le désert quarante jours et quarante nuits ; il prêcha et fit publiquement des miracles sur cette terre pendant quarante mois ; il demeura caché quarante heures dans le sépulcre ; il se montra vivant à ses disciples et circula parmi eux pendant quarante jours, entre sa résurrection d’entre les morts et son ascension dans le ciel. Enfin, la ville de Jérusalem fut détruite et rasée jusqu’au sol la quarantième année à partir de l’Ascension du Seigneur.
Il est important de noter aussi que les philosophes ont appelé cette putréfaction tête de corbeau à cause de sa couleur noire. Le Christ, lui aussi, n’était-il pas complètement informe ? : Il n’avait ni forme ni beauté pour attirer nos regards, ni apparence pour exciter notre amour. Tout à fait vil, homme de douleurs et de chagrins, méprisé à tel point que devant lui on se cachait le visage et qu’il était estimé absolument pour rien. Le Psalmiste élève une plainte semblable : C’est un ver, il n’a rien d’humain, c’est une dérision devant les hommes, un objet de mépris pour la populace. On peut lui comparer ce corps du Soleil gisant au fond du vase philosophique, mort et sans efficacité, putréfié, réduit en cendres, jusqu’à ce que par un feu plus fort, son âme redescende en lui goutte à goutte, insensiblement, pour humecter à nouveau ce corps mort et putréfié, l’abreuver et le conserver de la destruction totale.
La même chose en effet s’est produite pour le Christ. Au mont des Oliviers et sur la Croix, rôti par le feu de la colère divine , il se plaignit d’être complètement abandonné par son Père céleste. Mais pourtant, il fut toujours restauré et fortifié, comme imprégné et humecté après avoir bu le divin Nectar, comme il fait aussi pour notre corps terrestre qu’il conserve et rétablit par ses soins assidus. De même, lorsque ses forces avec son esprit lui furent entièrement enlevées dans sa passion très sainte par la mort du monde mixte, lorsqu’il descendit tout à fait aux lieux inférieurs, dans les profondeurs de la terre, il fut cependant, de nouveau, conservé, restauré, et par la vertu et puissance de l’éternelle Déité, il se redressa, vivifié et glorifié. Alors, en effet, son esprit avec son corps mort dans le sépulcre, furent unis d’une façon juste, parfaite, indissoluble. Par sa bienheureuse résurrection et sa victorieuse ascension dans les cieux, il fut exalté dans le Seigneur et Christ et placé à la droite de son Père avec lequel, maintenant, par la vertu et efficacité de l’Esprit Saint, comme vrai Dieu et homme, avec une égale puissance et gloire, il règne universellement, domine, conserve, possède tout par son verbe tout puissant, et même vivifie toutes choses. Quelle union admirable ! Comment pourrait-elle être vue par les anges et les hommes, cette exaltation divine, comment pourrait-elle être contemplée sans terreur et tremblement, dans le ciel, sur la terre, et même sous terre ?. Son efficacité, sa puissance, et sa Teinture de couleur rosée, peuvent changer, teindre, guérir plus que parfaitement et rendre la santé dès maintenant, en corps et âme, aux hommes imparfaits et pécheurs que nous sommes. Mais nous en dirons plus sur ce sujet.
Nous avons donc examiné brièvement et simplement, Jésus-Christ, pierre unique, céleste, fondamentale et angulaire ; comment il se compare et s’unit avec la Pierre terrestre Philosophique des Sages, dont la matière et la préparation, comme nous l’avons entendu, est le type excellent et la réplique vivante de l’incarnation du Christ. Il nous paraît donc nécessaire d’examiner maintenant et d’apprendre à connaître l’efficacité du Christ, sa vertu et Teinture de même que sa fermentation et multiplication en nous, hommes, destitués d’efficacité et de vertu comme des métaux imparfaits.
Si Dieu en effet, dès le commencement, a créé l’homme avant toute chose, comme la plus noble et la plus parfaite créature faite à son image même, s’il lui a inspiré un esprit vivant et une âme immortelle, celui-ci cependant, par la chute, fut transformé en une image déformée, hostile et pernicieuse:
 Mais le Dieu tout puissant, par un pur mouvement de sa miséricorde, voulut, par un certain moyen, rétablir une si noble créature dans sa perfection primitive. Et ce moyen, le voici ; nous avons dit que la pierre ou teinture, lorsqu’elle atteint la perfection, doit encore être rendue plus que parfaite, par la fermentation, augmentation ou multiplication, faute de quoi elle ne serait pas d’un effet multiple et son efficacité ou opération demeurerait sans utilité. Le Christ aussi, cette Pierre céleste et benoîte, ayant acquis sa perfection déo-humaine, doit encore être fermenté et multiplié avec nous comme avec ses membres, c’est-à-dire que nous devons être avec lui, purifiés et unis, conformés et préparés par sa Teinture salvatrice de couleur rosée en un corps pur et céleste.
Celui-là, en effet, selon le témoignage de Paul est l’aîné de beaucoup de frères et même l’aîné de toutes les autres créatures, par lequel tout ce qui est créé dans le ciel et sur la terre a été réconcilié avec Dieu. Nous qui sommes naturellement impurs, mortels et imparfaits, si nous voulons donc renaître dans la pureté, redevenir immortels et parfaits, cela ne se peut faire que par ce seul moyen, par cette Pierre unique, céleste, fondamentale et angulaire, Jésus-Christ, seul saint et même très saint, nouvellement né, ressuscité Roi céleste glorifié, Dieu et homme en une seule personne et demeurant éternellement.
Si la Pierre des Philosophes, ce Roi chimique, peut avoir par sa teinture une telle utilité, si elle contient par son action parfaite cette vertu et efficacité de teindre et de transmuer en or pur les autres métaux imparfaits, simples et moins estimés, combien plus encore ce Roi céleste, cette Pierre angulaire fondamentale, ce seul et unique Jésus-Christ, ne peut-il pas nous purifier, nous, hommes pécheurs et imparfaits, de notre crasse innée, de nos fèces adamiques, par sa Teinture bénie, son sang couleur de rose, et même nous soigner et nous guérir plus que parfaitement. Bien plus, comme nous le dit l’Écriture, aucun autre salut, aucun moyen ne nous est donné, ni dans le ciel ni sur la terre, pour atteindre la béatitude éternelle et la perfection, si ce n’est dans le seul nom de Jésus .
Bien que le monde aveugle et insensé, trompé par l’imposture et l’illusion de Satan, ait cherché dans des voies multiples, par un travail forcené, les moyens d’atteindre la béatitude éternelle et les modes de la perfection, il n’en reste pas moins que Jésus-Christ, unique Sauveur et Médiateur, est et demeure Celui en qui et par qui nous devenons justes et bienheureux devant Dieu, purifiés à nouveau de la lèpre spirituelle du péché ; de même en tant qu’unique Sauveur terrestre et Roi Chimique, c’est à lui que tous les métaux imparfaits demandent leur perfection, c’est par lui qu’ils l’atteignent et sont guéris de toutes leurs maladies, par-dessus tout et en premier lieu, de leur lèpre corporelle incurable. Tous les autres moyens et arts inventés par les hommes eux-mêmes, apportés parmi nous par les Juifs, les Turcs, les gentils ou autres hérétiques, tous ces moyens qu’on nous représente encore comme nécessaires, sont donc, à vrai dire, dépourvus de l’Esprit, c’est une alchimie fausse et sophistique : Veillez à ce que nul ne vous séduise . Par ces moyens-là nous ne sommes pas purifiés mais entravés, nous ne sommes pas vivifiés mais affaiblis et même, mis à mort complètement. Cette fausse alchimie mieux appelée Malchimie (Malchymia) inventa toutes sortes de teintures et de couleurs, lesquelles ne contribuent pas seulement à tromper les hommes, mais aussi hélas, comme nous le montre assez une expérience quotidienne, à les précipiter dans les plus grands périls pour leurs biens et leur vie corporelle.
Mais si les hommes veulent être à nouveau purifiés de leur crasse, de leurs fèces impures, comme du péché originel adamique par lequel la nature humaine a été corrompue dès le commencement par un venin pernicieux inspiré à nos premiers parents par le Cacodémon, et dans lequel nous avons tous été conçus et sommes nés , s’ils veulent retrouver la béatitude et la perfection, cela ne se pourra faire que par une nouvelle génération de l’Esprit Saint, c’est-à-dire dans l’eau et l’esprit. Si le Roi Chimique ne peut être rendu parfait que lorsqu’il est régénéré d’eau et d’esprit, cette même béatitude et perfection ne peut être atteinte pour l’homme que par une génération nouvelle et spirituelle. Dans le saint baptême, par l’eau et l’esprit d’en haut, nous sommes lavés avec le sang du Christ et purifiés au point d’être faits un seul corps avec lui et de nous revêtir de lui comme d’une robe, selon ce que dit Paul aux Colossiens et aux Ephésiens. Comme la Pierre Philosophique s’unit par sa teinture aux autres métaux, pour devenir avec eux un seul corps parfait et indissoluble, le Christ notre tête s’unit à nous, ses membres, par sa teinture couleur de rose ; il nous rétablit et nous accomplit en un corps et édifice parfait , créé selon Dieu en vraie droiture, justice et sainteté.
Cette régénération accomplie dans le Saint Baptême par l’Esprit Saint n’est proprement rien d’autre qu’une rénovation interne spirituelle de l’homme tombé, avec Dieu et le Christ. Alors qu’auparavant, dans la génération charnelle, nous avons été faits naturellement par nos pères et mères, ennemis de Dieu et fils de colère, la génération seconde et spirituelle nous fait devenir amis, fils et même héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ dans le saint baptême, par lequel, en effet, le Christ est mort, est ressuscité, a revécu. Par ce processus qui est sa passion, sa mort, sa résurrection et son ascension, il pénètre dans le Saint des Saints qui n’est pas fait de main d’homme et nous prépare le chemin du retour à la Patrie éternelle. Et nous aussi, ses frères et ses sueurs, nous devons le suivre dans sa passion, grandir et nous développer en précieuse humilité dans les autres vertus et même, devenir entièrement conformes à son corps, afin qu’après l’avoir suivi dans cette régénération et être morts en lui, nous puissions vivre avec lui et pénétrer dans sa gloire.
Cette exhortation spirituelle, cette imitation chrétienne en vie et en acte de notre Roi céleste ne se fait ni par notre dignité personne, ni par notre mérite, ni par notre volonté propre, car l’homme naturel, avec toutes ses puissances, est aveugle, sourd et mort à l’égard des choses spirituelles. Cela ne se peut uniquement faire que parla seule efficacité et puissance en nous de l’Esprit Saint, par le bain bienheureux de la régénération baptismale. Les minéraux et les métaux eux aussi sont en eux-mêmes  rouillés et comme morts, sans pouvoir se purifier ni se corriger par leurs propres forces mais c’est par l’aide efficace de l’esprit spagyrique qu’ils sont purifiés, rénovés, dissous et rendus parfaits. Après avoir été, comme nous l’avons entendu, régénérés d’eau et d’esprit par le saint baptême, dans le flot rouge teint par le Christ Notre Seigneur et Roi Céleste, lavés par son sang et purifiés de nos péchés, héréditaires, après avoir été rendus capables et participants des prémices de l’Esprit Saint, il nous faut encore, selon saint Pierre, être nourris insensiblement depuis ce commencement et boire un lait pur et salutaire comme des nouveau-nés, comme des petits enfants dans le Christ jusqu’à ce qu’enfin, nous soyons faits comme des pierres vives et adultes, édifiés et rendus idoines au sacerdoce suprême afin d’offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu et acceptés par Jésus-Christ. Le Chrétien, l’homme régénéré d’eau et d’esprit, ne comprend pas toutes ces choses à la fois. C’est peu à peu et de jour en jour qu’il doit croître et se développer dans la connaissance de Dieu et du Christ.
Comme on peut de nouveau le voir dans l’œuvre philosophique, dès la conjonction des deux Essences c’est-à-dire, dès la conjonction de l’or terrestre et de la matière aqueuse préparée d’une manière quasi céleste, après que ces deux matières aient été réduites dans un certain vase de dissolution, en une liqueur sèche et un amalgame, tout le composé ne se fait pas en une fois, mais les parties se joignent une à une et peu à peu selon un temps marqué. Il en est de même et bien plus encore dans cette œuvre Théologique. Aussitôt que dans le Saint Baptême, s’est faite la conjonction et union spirituelle de l’homme avec le Christ, aussitôt qu’il a été réduit, comme nous l’avons dit plus haut, en un seul corps avec lui, il faut alors nécessairement que cet homme apprenne à connaître la foi chrétienne, à en assimiler chaque article l’un après l’autre, jusqu’à ce qu’il soit entièrement confirmé en eux et qu’il parvienne à une connaissance parfaite.
La foi chrétienne  est comme cette matière terrestre et humide toute préparée. Comme nous l’avons dit, elle doit être distinguée ou divisée en douze parties ou petits articles, comme le nombre des douze Apôtres, et ensuite, en trois articles principaux, à savoir : I - de notre création, II - de notre Rédemption, III - de notre sanctification. L’homme doit donc se proposer de les apprendre l’un après l’autre et de se les assimiler. Il ne le peut que petit à petit, en divers temps, de peur qu’il n’en soit chargé au-delà de ses forces et qu’en apprenant tout à la fois, il n’en soit comme enterré, ce qui risquerait de provoquer en lui aversion et dégoût et de le séparer tout à fait de la foi. Pour cette même raison, le troisième article, traitant de notre sanctification peut être distribué en sept membres divers ou sept parties - dans la communication de l’Épilogue infaillible, l’AMEN - et être inculqué à l’homme en sept étapes à partir de sa formation dans l’œuvre terrestre.
Après s’être complètement assimilé la foi, partie par partie, l’homme doit encore conserver très soigneusement en lui cette connaissance acquise par la grâce divine, la garder avec diligence de toute corruption et de toute perte. Dans l’œuvre Philosophique dont nous avons déjà si souvent parlé, nous avons dit que pour faire la fermentation et multiplication du seul Roi terrestre ou Teinture unique et pure, il fallait prendre et projeter sur trois parties d’or le meilleur, pur et même tout à fait purifié par le traitement de l’antimoine ; non pas à cause d’un manque quelconque de la Pierre ou d’une imperfection de la Teinture, mais à cause de l’impuissance ou de la faiblesse des métaux eux-mêmes. Pour m’expliquer plus clairement, bien que cette Teinture ou Pierre ait été parfaitement préparée en elle-même, les métaux crasses imparfaits ne peuvent cependant attirer à eux et appréhender cette subtilité, pour ainsi dire angélique, de la Pierre ou Teinture, à cause de leur infirmité ou de leur faiblesse naturelle ; il faut donc prendre un moyen qui soit à portée de la main et par lequel ils puissent être d’autant plus facilement transmués.
Il faut apporter à l’œuvre Théologique les mêmes soins assidus qu’à l’œuvre chimique dont nous venons de parler ; car il s’agit alors de la rénovation spirituelle et de la régénération céleste de l’homme . Bien que Jésus-Christ, notre Roi céleste, nous puisse libérer parfaitement de toute impureté par l’obéissance parfaite qu’il rendit à notre place à son père céleste et qu’il nous puisse rendre fils et héritiers de Dieu, tous cependant ne peuvent recevoir de Lui cette Teinture vivifiante et tout à fait divine et la contenir en eux-mêmes avec tous ses autres trésors et richesses . Notre infirmité et notre faiblesse nous empêchent de nous joindre fermement à elle. Mais si nous voulons devenir en toute justice ses participants, il nous faut encore acquérir chacune de ces trois parties salutaires que nous allons énumérer et auxquelles nous avons déjà fait allusion elles sont exigées pour cette fin par Dieu lui-même.
Ce sont : tout d’abord, son Verbe Saint, dont la pureté dépasse celle de l’or et de l’argent éprouvés sept fois dans un creuset, et lequel doit être recherché plus que des milliers de masses d’or  ; deuxièmement, la foi salvatrice qui est un don particulier de Dieu : elle naît par le verbe de Dieu, elle unit les cœurs des hommes , elle est éprouvée dans le feu de la tribulation  ; enfin, et troisièmement, l’amour vrai envers Dieu et le prochain : c’est aussi un don de Dieu et par lequel est remplie toute la loi , bien plus, c’est Dieu même car il est ainsi nommé. Par chacune de ces trois parties, le verbe, la foi et la charité, si nous les exerçons et si nous en usons habituellement, le Christ Seigneur peut alors opérer droitement en nous la projection de sa teinture et onction célestes : en nous, hommes ou métaux simples et imparfaits, il opère et parfait alors l’ingrès sauveur sans lequel il nous est tout à fait impossible de l’appréhender et de devenir en toute justice, participants de sa teinture.
Mais c’est ici que se présente ce terrible Satan, chimiste menteur. Tous les jours et secrètement, il dresse des embûches aux hommes nouveaux, à ceux qui sont régénérés et fils de Dieu, lesquels, par-dessus toutes choses, ont fait un pacte avec le Christ par le baptême. Fidèles au commandement de Saint Paul, ils mènent le bon tournoi, gardant la foi et la bonne conscience. Satan s’efforce de les attirer dans sa nasse pernicieuse, de les amener au précipice avec l’aide de ses fidèles coadjuteurs , notre chair accablée de péchés et la séduction du monde impie .
Souvent, hélas ! il entraîne beaucoup à y tomber, avec la permission de Dieu. D’ailleurs le juste lui-même tombe sept fois par jour . N’a-t-il pas entrepris en effet de tramer des embûches au Christ notre Seigneur, notre tête et notre guide, de le tenter avec violence aussitôt après son baptême, lorsqu’il fut pénétré par le saint ministère ? Il fait encore de nos jours, comme de tout temps, ses machinations clandestines, habiles et trompeuses, dans l’Église Chrétienne. Par la pauvreté, les tribulations et toutes sortes d’épreuves, il s’est efforcé d’ébranler la foi du Christ, de le faire douter de la parole de Dieu et de sa très clémente promesse, en lui représentant que Dieu ne lui était pas ami puisqu’il le laissait souffrir si longtemps de la faim dans le désert.
Si cette tentation se révèle inefficace auprès des chrétiens, l’ennemi les attaque d’un autre côté et par une autre tactique. Il souhaite alors qu’ils se confient en Dieu plus que celui-ci ne l’a commandé dans sa parole : c’est pourquoi il s’est efforcé de persuader le Christ de se précipiter du sommet le plus élevé du temple , si Dieu, toutefois, devait être pour lui d’une protection efficace. Echouant encore, il n’a pas rougi de le tenter pour la troisième fois par la promesse des richesses, espérant ainsi l’éloigner de Dieu et de son verbe divin, le rendre idolâtre par l’argent et les biens temporels et l’amener à l’invoquer, lui, Satan, à lui rendre un culte comme à Dieu. Il n’a donc pas eu honte d’extorquer au Christ son libre consentement et de le pousser dans la chute.
Le Dieu fidèle et Père dans le ciel  a permis parfois que cela se produise dans les siens, et cela, par un conseil particulier de sa sagesse et dans un but déterminé, afin qu’ils croissent et se développent dans la foi, l’espérance, la patience par une juste et véritable invocation à Dieu. C’est par ce genre de joute ou tournoi de la croix, nécessairement imposé au vieil homme jusqu’au dernier combat de la mort, qu’ils pourront bien se préparer le chemin et obtenir la victoire éternelle contre cet ennemi. S’ils veulent obtenir le pouvoir de lui résister efficacement et courageusement par le secours de la grâce divine, ils devront d’abord bien connaître toutes ses techniques et toutes ses embûches très anciennes.
Ce n’est d’ailleurs pas avec la chair et le sang que nous devons combattre et lutter contre les princes de ce monde, dominant dans les ténèbres et contre les esprits malins qui sont sous le ciel mais, selon saint Paul, avec les Principautés et les Dominations. Nous ne pouvons, par nos propres forces, résister à ces attaques et tentations spirituelles. Nous devons, suivant l’exemple de notre chef Jésus-Christ, prendre des armes spirituelles, et avec elles le verbe de Dieu comme glaive de l’esprit . C’est ainsi que nous frapperons et vaincrons nos ennemis spirituels dans la foi. Suivant le conseil que donne aux Éphésiens , le saint apôtre Paul, ce chevalier chrétien, nous devons nous pourvoir dans l’arsenal de l’Esprit Saint. C’est là que nous devons prendre la divine cuirasse de fer et nous en revêtir. Ceignons nos reins de la ceinture de vérité ; couvrons-nous du pectoral de la justice, chaussons-nous de jambarts, comme d’un équipement pour exercer l’évangile de paix; armons-nous aussi du glaive de la paix, c’est-à-dire, comme nous l’avons dit, du verbe de Dieu. Par-dessus toutes choses, prenons le bouclier de la foi par lequel nous pourrons détruire et éteindre tous les traits enflammés du diable. La foi en Jésus est un bouclier très ferme, en effet, et ce même Caco-démon ne pourra jamais le percer pour nous blesser le cœur.
Dans l’Œuvre philosophique, il faut aussi observer très soigneusement le régime du feu. Pour cuire la matière, il faut l’administrer d’une façon continue. Nous avons déjà parlé brièvement du feu philosophique, agent principal de l’œuvre entier : nous l’appelons essentiel, préternaturel, feu divin latent dans le compost, auquel il faut ajouter l’aide et l’aiguillon du feu terrestre matériel . Ainsi en est-il, en tout premier lieu, du pur Verbe de Dieu, ou, ce qui est la même chose, de l’Esprit de Dieu.
Il est associé lui aussi avec un certain « feu », car on lui donne ce nom . Ce feu implanté par la nature est caché en nous, mais il a été ruiné et obscurci par la corruption de cette même nature . Là aussi et de la même façon, nous devons l’aider et l’alimenter par un autre feu, extérieur. Sans paresse ni relâche, nous devons l’exciter de notre souffle : par l’exercice quotidien et assidu de la piété et des vertus chrétiennes, dans la joie comme dans la tristesse, et aussi, par une contemplation attentive du pur verbe de Dieu, si, d’autre part, la lumière de la grâce qui nous a été concédée intérieurement, et l’Esprit de Dieu, doivent opérer en nous et non pas s’éteindre entièrement .
Il en est de même des choses terrestres : le fer est froid, mais l’artisan qui le lime le réchauffe par ce mouvement continu ; la lumière d’une lampe, lorsqu’elle n’est pas continuellement nourrie d’huile, finit par vaciller et s’éteindre entièrement. Ainsi en est-il du feu interne de l’homme : Si comme nous l’avons dit, celui-ci ne l’exerce pas assidûment, sans paresse et sans indolence, il décroîtra peu à peu jusqu’à la privation complète. Nous t’en avons souvent averti, et il semble que ce soit une nécessité pressante de le rappeler sans cesse, il faut écouter avec diligence le Verbe de Dieu, le bien contempler, le cultiver sans arrêt.
Il faut comprendre cette audition comme la vision qui se fait par les yeux internes de l’âme, et pas seulement par ceux de notre corps de bête. Je parle aussi, pour qu’on me comprenne bien, du Verbe de Dieu pur et véridique, et non des gloses humaines, qu’elles viennent des anciens ou des modernes, ce ferment pharisaïque des scribes préféré tous les jours, hélas, de notre temps, au pur verbe divin. Le moins qu’on puisse dire de ces gloses, c’est que, comme ces excréments de souris mêlés au poivre, elles s’efforcent d’être prises et écoutées à la place du pur verbe de Dieu. Tout cela est sans valeur. Je tiens pour rien ces sornettes qui pourtant remplissent les oreilles des hommes et je n’en veux point parler. Mais, comme nous l’avons dit en son lieu, ce dont je parle, c’est du Verbe Divin glorifié passant par la bouche de Dieu et maintenant encore proclamé et prêché par le Saint-Esprit. Ce n’est certes pas un son vide et vain comme en profèrent ceux qui en parlent ignominieusement et grossièrement, c’est esprit de vie, puissance salvatrice de Dieu pour tous ceux qui croient en lui. Le prophète royal David parle aussi, en ces termes, de l’audition du Verbe J’écouterai ce que le Seigneur fera en moi par sa parole. De cette audition interne et divine du Verbe de Dieu, la vraie foi vivifiante, rendue efficace par la charité, tire son origine comme d’une source. Comme dit Paul aux Romains: La foi vient de l’audition et l’audition, de la parole de Dieu .
Que la parole de Dieu soit donc, désormais, pure et claire pour que nous puissions l’entendre en toute pureté et clarté ; qu’ainsi aussi, la foi, qui s’écoule en quelque sorte de cette audition, soit pure et sans corruption; cette foi qui devient efficace par la charité envers Dieu, en servant humblement son saint précepte et sa volonté, en priant, en louant, en rendant grâces ; qu’elle se manifeste envers le prochain dans une bénéfique manifestation de toutes sortes de bonnes œuvres car la charité ne doit pas être la plus petite, mais, comme dit Paul, la plus grande de toutes les vertus.
Le Christ aussi, d’ailleurs, nous exhorte lui-même avec le plus grand soin, à l’exercice de cette charité dans ce dernier discours qu’il nous laisse en guise d’adieu, disant : Ceci est mon commandement, que vous vous aimiez les uns les autres comme moi je vous ai aimés, ainsi, chacun reconnaîtra que vous êtes mes disciples. De même: Celui qui dit connaître Dieu et ne garde pas ses commandements, celui-là est un menteur et il n’y a point en lui de vérité ; mais celui qui garde sa parole, c’est en lui que l’amour de Dieu est parfait ; et plus loin : Dieu est charité, et qui demeure en elle est en Dieu et Dieu en lui .
Nous voyons donc comment la charité devient le véritable lien de la perfection par lequel nous nous incorporons au Christ lui-même à tel point qu’il soit en nous et nous en lui, lui en son Père et son Père en lui. C’est bien ce dont témoigne le Christ dans ce passage cité plus haut lorsqu’il dit  : Celui qui garde ma parole, c’est celui qui m’aime et que j’aime et nous viendrons à lui et nous ferons auprès de lui notre demeure. Jean dit: Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans ma charité. Et de cette charité qui concerne également notre prochain il est aussi écrit avec grâce: Si quelqu’un dit aimer Dieu et pourtant, hait son frère, c’est un menteur. Celui, en effet, qui n’aime pas son frère qu’il peut voir, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? Et nous tenons de lui ce précepte que celui qui aime Dieu, aimera son frère. Saint Paul nous explique la propriété de cette direction: La direction, dit-il, est patiente et humaine, elle n’est ni agitée d’un zèle intempestif, ni inconsidérée, ni enflée ; lorsqu’elle s exerce envers le prochain, elle ne cherche pas son propre bien.
On peut donc facilement voir par là et juger qu’il ne peut y avoir aucune dilection droite et véritable qui ne passe par le dévouement en bonnes œuvres envers le prochain . Il y en a cependant beaucoup parmi les chrétiens qui s’en glorifient témérairement. Il ressort aussi de tout cela que les bonnes œuvres agréables à Dieu ne précèdent pas la foi , mais sont comme les fruits venant après la racine et l’arbre lesquels, s’ils sont bons, donnent aussi de bons fruits. Voilà pourquoi les œuvres ne font pas la foi mais c’est la foi qui fait les œuvres bonnes, agréables et acceptables. Pour cette raison, en conséquence de tout cela, c’est par la foi seule que nous sommes justifiés et que nous pouvons atteindre la vie éternelle.
Et maintenant, l’homme régénéré de la manière susdite, s’il s’exerce à ce mode de vie chrétien et pieux, dans toutes ses actions, ne sera pas alors, privé de son fruit. Il devient semblable au compost dans l’œuvre terrestre : mis par Dieu dans le four de la tribulation pour y être, pendant ce temps, tourmenté par toutes sortes d’angoisses, par diverses calamités et anxiétés, jusqu’à ce qu’il soit devenu comme mort à l’égard du vieil Adam et de la chair, jusqu’à ce qu’il ressuscite, homme nouveau, créé par Dieu en vraie et droite justice et sainteté . C’est ce dont témoigne saint Paul aux Romains ( : Avec le Christ, nous avons été ensevelis dans la mort par le baptême, et comme le Christ est ressuscité des morts, ainsi, nous, nous marchons vers une vie nouvelle.
Dans ces conditions, et si l’homme cesse de pécher tous les jours pour que le péché ne lui commande plus, alors, chez lui, commence la solution du corps de l’or ajouté comme dans l’œuvre terrestre ; c’est la putréfaction dont nous avons déjà parlé ; il doit être complètement dissous spirituellement, broyé, détruit, putréfié. Cette solution et putréfaction se fait plus tôt chez l’un que chez l’autre, mais elle doit nécessairement se produire au cours de cette vie temporelle. En d’autres termes, un tel homme doit être si bien digéré, cuit et fondu dans le feu de la tribulation  qu’il en vienne même à désespérer complètement de toutes les forces qui sont en lui et à rechercher comme unique secours, la grâce et la miséricorde de Dieu .
Ainsi, dans le fourneau de la tribulation et par un feu continuel, l’homme, comme le corps terrestre de l’or, participe à la tête noire du corbeau, c’est-à-dire qu’il est rendu entièrement difforme et tourné en dérision devant le monde . Et ceci ne se fait pas exactement pendant quarante jours et quarante nuits ni même en quarante ans, mais souvent pendant tout le temps de sa vie, de sorte qu’au cours de celle-ci, il doit nécessairement faire plus souvent l’expérience de la douleur que de la consolation et de la joie, de l’abattement que de la réjouissance. Son âme enfin, est entièrement délivrée par cette mort spirituelle comme si elle était conduite vers les hauteurs, c’est-à-dire que, son corps étant encore dans la terre, il se tourne cependant vers le haut, vers la vie éternelle et la Patrie, avec son esprit et son cœur, lequel, désormais, ne vit plus dans le monde, mais en Dieu, ne cherchant plus de consolation suprême dans les choses terrestres mais dans les choses spirituelles .
Tous ses actes sont dirigés de telle sorte qu’ils ne soient plus terrestres, mais deviennent célestes, dans la mesure où c’est possible dès ce monde. Il doit donc vivre déjà, non plus selon la chair mais selon l’esprit, non plus dans les œuvres stériles des ténèbres, mais à la lumière du jour, dans les œuvres qui souffrent l’épreuve. Cette séparation du corps et de l’âme de l’homme doit se faire en mourant spirituellement. Une telle solution en effet, du corps et de l’âme, se fait dans l’Or régénéré de telle sorte que le corps et l’âme, étant comme séparés l’un de l’autre, n’en sont pas moins très fortement unis dans le vase et conjoints, l’âme, d’en haut recréant tous les jours le corps et le préservant de la destruction finale jusqu’au temps déterminé où ils demeureront ensemble inséparés.
Le corps de l’homme, soumis à cette langueur et à cette école de la croix, se trouve comme mort mais son âme, pourtant, ne le déserte pas entièrement  : lorsque l’ardeur du feu de la tribulation excède la mesure, il est irrigué, consolé et conservé par l’esprit qui s’écoule de la rosée du ciel supérieur et du divin Nectar. C’est un rafraîchissement céleste et une recréation du corps terrestre mort dans les hommes. Quant à notre mort temporelle qui est le salaire du péché , ce n’est pas une mort véritable, mais une solution naturelle du corps et de l’âme, et bien plutôt une espèce de sommeil léger; elle est même une conjonction indissoluble et permanente de l’Esprit de Dieu et de l’âme : mais tu dois comprendre que je parle des saints.
On la compare en outre à cette admirable ascension et descension qui se fait d’habitude sept fois de suite dans l’œuvre terrestre.
On peut retrouver par là les six mille ans de tribulations et d’afflictions temporelles qui dureront aussi longtemps dans le monde. Dans ce nombre, nous voyons aussi des hommes de tous les temps, désolés, éprouvés dans la croix, par toutes sortes de calamités et d’anxiétés diverses, et qui furent abondamment, par l’Esprit Saint, réconfortés, consolés et confirmés. Pour cette raison, rendons à Dieu louange et gloire, maintenant et dans la suite des temps, jusqu’à ce que commence le grand Sabbat universel et le jour du repos en l’an du septième millésime. Alors, cette récréation ou rafraîchissement spirituel cessera en une seule fois, ayant atteint sa fin si longtemps espérée, et au lieu d’elle commencera la joie d’une éternelle durée, lorsque Dieu sera tout en tous .
Mais actuellement, tant que dure cette digestion et coction spirituelle du corps mort dans l’homme, on peut y observer, comme dans l’œuvre terrestre, la manifestation de diverses couleurs et de signes : ce sont tous les genres de misères, d’anxiétés et de tribulations, dont la principale est cette tentation déjà citée, causée par le Diable, le monde et notre chair. Elles sont toutes, pourtant, un bon présage, car l’homme, si bien tourmenté, parviendra un jour enfin à atteindre la bienheureuse issue si longtemps espérée. Et d’ailleurs, la Sainte Écriture rend le même témoignage. Nous y lisons que tous ceux qui désirent la vie bienheureuse dans le Christ Jésus seront forcés de souffrir persécution , ce qui nous est nécessaire à nous aussi, pour pénétrer dans le royaume des cieux par les nombreuses tribulations du chemin étroit. Et, pour finir, voilà comment parle saint Augustin : Ne t’étonne pas, mon frère, d’être partout en butte, après être devenu chrétien, à des milliers de tribulations. Si la tête de notre foi est le Christ, nous sommes ses membres. C’est pourquoi ce n’est pas seulement lui que nous devons suivre, mais c’est aussi sa vie que nous devons imiter. La vie du Christ a été entourée de toutes sortes de tribulations : elle s’est passée dans la plus grande pauvreté, elle a été tournée en dérision par les scribes et les pharisiens, et enfin, livrée à la mort la plus humiliante pour nous, pauvres pécheurs.
Tu peux donc en conclure facilement que si Dieu te juge digne d’une telle vie et s’il te châtie pareillement dans la persécution, c’est parce qu’il désire te mettre au nombre de ses élus. Il nous est en effet tout à fait impossible de parvenir jusqu’à Dieu sans ces persécutions et tribulations.
Ceux qui s’efforcent d’atteindre Dieu doivent donc nécessairement passer par le feu et par l’eau, soit pour devenir Pierre, à qui ont, été données les clefs des cieux, ou Paul, vase d’élection et armure de Dieu, ou Jean, à qui tous les secrets de Dieu ont été révélés. Tous, en effet, ont dû nécessairement l’avouer : c’est par toutes espèces de tribulations que nous devons entrer dans le royaume de Dieu.
Il nous faut aussi, pour cette raison, noter ceci : les philosophes chimiques nous ont signifié et donné à entendre, par ce même caractère l’Antimoine, par lequel (comme nous l’avons dit en traitant de la préparation chimique) il faut faire fermenter la matière avant de la conjoindre avec l’Elixir ou Roi Chimique ou avant qu’elle ne veuille venir au bain de sudation avec le vieux Saturne à cheveux blancs. Nous devons certainement considérer cela comme un miracle et le tenir pour un mystère. Cette image, d’ailleurs, cette représentation, se trouve aussi chez nous, chrétiens. Elle est employée et mise clairement sous nos yeux, bien que d’une manière également occulte, dans la cérémonie où l’on remet la pomme surmontée d’une petite croix entre les mains du chef suprême, empereur de toute la chrétienté. On lui donne à entendre par là, qu’avant de parvenir à une possession pacifique et tranquille, il devra nécessairement expérimenter parfaitement la croix de ce monde, dans les chagrins et les autres calamités, être par elles doublé, éprouvé et jugé digne.
Ce n’est peut-être pas par hasard et sans raison que ces Philosophes antiques ont voulu nous donner par là une figure et un signe pour l’œuvre chimique lui-même qui requiert lui aussi, un processus semblable. Tout cela pourra certes être rapporté à l’école de la croix déjà déclarée, car les tribulations et persécutions des chrétiens nous sont un signe qu’assurément, avant d’entrer dans le repos et la joie éternels, ils devront d’abord parcourir le chemin accablant et difficile de ce monde, se mettre à l’exercice du combat, et subir le bain de sudation  avec Saturne hostile à cheveux blancs, c’est-à-dire, le vieil Adam et Satan.
Avec toutes ces tribulations et calamités, il faudra bien observer, considérer et peser avec soin toute espèce de signes, de miracles, et aussi les grands changements qui se produiront en même temps dans ce monde. On se souviendra en effet des guerres et rumeurs belliqueuses, de la multiplication des sectes, de la peste, de la cherté des récoltes ; tous ces signes seront annonciateurs et précurseurs véritables de la proximité imminente de notre Rédemption. En somme, à la résurrection générale des morts (car la première génération nouvelle qui se fait par le saint baptême, n’est que le commencement de cette seconde, cette vraie régénération tout à fait parfaite, dans la vie éternelle), les hommes qui vont être vainqueurs par le sang de l’agneau ressusciteront et se redresseront pour une nouvelle vie, désormais permanente ; ils seront unis de nouveau en âme, en esprit et en corps, et rétablis dans une union indissoluble, durant éternellement. Nous devrons donc être de cette façon glorifiés par la pure, spirituelle et admirable vertu, par la force, la légèreté, la gloire, l’excellence, la vigueur du Christ, roi céleste tout puissant ; bien plus encore, être faits transparents, beaux et dans un état de béatitude plus que parfait .
C’est une admirable copulation ou union du corps, de l’âme et de l’esprit, une divine florification et exaltation des élus. Nous pouvons déjà, dès cette vie, la voir et l’observer, mais non sans crainte ni tremblement, dans l’œuvre terrestre. C’est par cela aussi que sont ravis d’admiration les anges qui prennent soin de voir toutes ces choses, et là enfin, nous dominerons et régnerons dans les siècles des siècles, avec le Christ notre prince éternel du ciel, avec tous les anges et esprits ministrants, dans une joie sans fin et la gloire de la Majesté sur toutes choses .
Pour conclure enfin, et pour découvrir tout le processus, les moyens et les successions de l’œuvre, un correctif, bref, mais nécessaire, fut ajouté dès le début, dans l’œuvre chimico-philosophique, au compost méprisable et imparfait, afin de lui venir en aide en temps voulu.
Il en est de même dans l’œuvre théologique où il faut bien considérer la correction spirituelle du pécheur et son rétablissement. Dans l’homme, en effet, l’un ou l’autre défaut peut se représenter pour le faire tomber dans les péchés, avec la permission de Dieu, et sous l’impulsion de cet horrible Satan, du monde impie et de sa chair ; il peut tomber dans la superbe et l’arrogance innées en nous, lesquelles sont représentées dans l’œuvre chimico-philosophique, par la sublimation pernicieuse et la rougeur prématurée qui sont la première et la deuxième erreur ; il peut encore désespérer de la miséricorde divine, à cause de l’énormité de ses péchés corporels, ou, dans une trop grande épreuve, s’insurger contre Dieu son créateur et porter impatiemment sa croix. Ces deux défauts peuvent être comparés à la troisième et à la quatrième erreur dans l’œuvre chimique.
L’homme si misérable et contagieux, comme le compost terrestre et souillé, doit donc premièrement retourner à la dissolution, c’est-à-dire qu’il doit être absous et purifié après la reconnaissance de ses écarts, par la clef dissolvante de la sainte solution, toutes les fois qu’il en aura besoin, à cause de ses péchés et de ses fautes quotidiennes. Il doit enfin manger et boire, pour en être recréé et réconforté, dans la sainte Cène dominicale, le pur lait du Ciel , la vraie sueur de l’Agneau céleste. C’est le sang et l’eau  et même l’eau de la source de vie, c’est le banquet onctueux de vin pur et de moelle , c’est la fontaine de vie ouverte libéralement, mais, comme l’eau Mercurielle dans l’œuvre chimique, c’est aussi le plus grand des poisons pour les indignes et les impies.
Il parviendra ainsi, enfin, comme le corps terrestre, à la
congélation finale, à la plénitude fixe, c’est-à-dire à la perfec-
tion totale et constante de la béatitude éternelle. Ces deux
moyens très salutaires de cure et de guérison pour le pécheur
misérable, nous voulons dire, la sainte absolution et la sainte
Cène, Dieu, fidèle et tout puissant, pour venir en aide à
l’homme, les confie comme un dépôt à son Église bien-
aimée, pour le temps de la nécessité, avec la charge de les
administrer. C’est par là, en effet, par cette absolution
susdite, que nous sommes déclarés libres et saufs. On
l’appelle aussi, l’office des clefs, la vraie pénitence
qui prépare la voie. Mais celui qui demeure
impénitent, qui persévère insolemment
dans le péché, y est lié par la clef chré-
tienne du ban et de l’excommunica-
tion, laquelle se rapporte à ce
même office; il est confié à
Satan pour la mort de la
chair afin que son esprit
soit sauvé au jour du
Seigneur .


ÉPILOGUE

Voici donc que tu possèdes, ami et bienveillant lecteur, une brève description, un exposé simple, un type infaillible et une comparaison allégorique de la pierre terrestre et chimique et de la vraie pierre céleste, Jésus-Christ, grâce à laquelle tu pourras parvenir à une béatitude et à une perfection assurées, non seulement ici-bas en cette voie terrestre, mais encore dans la vie éternelle. Ce double sujet aurait pu être exposé avec moins de détours et avec plus de détails dans l’œuvre théologique qui précède : tu dois cependant savoir que je n’enseigne pas les Saintes Écritures et que je ne suis pas un théologien aristotélique à la mode du jour, mais un simple citoyen sans charge publique. En effet, cette science que Dieu m’a accordée, je ne l’ai pas acquise par mes études dans une académie célèbre, mais je l’ai apprise à l’école universelle de la nature  et dans le grand livre des miracles grâce auquel tous les connaisseurs de Dieu ont reçu leur formation depuis des siècles. C’est pourquoi j’ai donné à ma description une forme simple, comme je l’ai dit, et non celle d’un écrit élégant et d’une longueur démesurée. Ce n’était d’ailleurs pas ma tâche d’entreprendre ici un traité plus complet et plus étendu sur la théologie. Voici quel était mon but ; j’ai voulu tracer comme une rapide esquisse pour ceux qui n’ont peut-être pas encore fait suffisamment de progrès, afin de leur permettre de rechercher la chose plus profondément, puisqu’il semble bon que chaque amant de la vérité n’omette en rien les miracles de Dieu, et ne les enfouisse pas dans un silence perpétuel, mais au contraire les célèbre, les magnifie et les glorifie. J’ai donc voulu, moi aussi, faire publiquement ma confession et en même temps dire ce que je pense et ce que je crois des articles de foi de la religion chrétienne, en cette époque, ô douleur, où il y a des affrontements tels qu’au cours de procès hâtifs, les plus menteurs des calomniateurs  proclament par traîtrise hérétique et tiennent pour suspects de nombreux chrétiens pieux qui ne veulent pas chanter leur chanson. Mais les blasphèmes impies du monde et les jugements inconsidérés n’offensent nullement le vrai chrétien insulté par des calomnies de cette sorte, puisque le diable et ses fils écailleux ont toujours eu cela pour habitude, de faire subir la même chose au Christ et à tous ses imitateurs et qu’ils agissent encore de nos jours de la même façon . Je n’en dirai pas plus maintenant, mais je veux soumettre la chose au Suprême Juge des juges qui est la vraie pierre lydienne de tous les cœurs.
De plus, je veux qu’en ce qui concerne la première mise en œuvre de la pierre terrestre, l’amateur de l’art chimique soit renvoyé pour les détails à l’enseignement que j’ai donné en premier lieu, et que celui-ci lui soit à nouveau fidèlement inculqué en cet épilogue. En effet, tout comme dans une chanson se trouve répété plus d’une fois un bon refrain, ainsi ferons-nous à ce sujet selon notre habitude. Il ne faut assurément pas diriger sa volonté et ses pensées vers la pierre philosophique terrestre, ni entreprendre le début d’un tel œuvre, sans connaître et avoir exactement préparé la pierre céleste grâce à laquelle la pierre terrestre est donnée par Dieu, ou du moins sans avoir, de fait, commencé avec grand soin la préparation des deux pierres ensemble, à savoir la spirituelle et la corporelle . Quant à moi, je suis d’accord avec tous les vrais philosophes pour dire qu’assurément il est téméraire, surtout en cette phase, d’entreprendre un œuvre d’une telle élévation et d’y travailler sans la connaissance de la nature. De plus je fais remarquer ici et je déclare expressément que, selon moi, sans la vraie connaissance du Christ, pierre angulaire céleste, il est, on seulement difficile mais vraiment impossible de préparer la pierre philosophique, vu qu’en cette pierre céleste toute la nature consiste parfaitement. Si on ne veut pas subir un échec honteux, il faut donc convenablement examiner ce point et ne pas aspirer à cet art suprême avidement et inconsidérément, comme beaucoup le font, alors qu’ils ne sont la plupart du temps absolument pas prêts à entreprendre, n’en ont pas les capacités, et ne se sont pas un tant soit peu exercés à aborder cette connaissance tant de fois rappelée. En effet, la fin correspond le plus souvent au commencement, de même que la chose parle, hélas, par elle-même chez beaucoup. Il ne faut cependant imputer l’échec qu’à un projet prématuré et à l’ignorance.
Ce qu’il faut le plus admirer en vérité, c’est qu’on trouve encore des hommes non seulement qui recherchent cet art suprême , mais aussi qui s’efforcent de mettre la main à l’œuvre et de l’accomplir, et qui néanmoins se demandent si l’art est naturel, ou magique, s’il est préternaturel ou s’il s’agit de nécromancie, s’il s’acquiert grâce à un esprit et par des moyens illégitimes et défendus. Pas du tout, mon bon Monsieur ! Le diable et à plus forte raison tous les impies n’ont pas, sans la permission divine, la puissance de toucher à la moindre chose dans cet art, encore moins de l’entreprendre de leur propre initiative et de le pratiquer selon leur caprice. Pas le moins du monde ; dis-je, car cet art demeure dans la main et la seule puissance de Dieu qui l’accorde et l’ôte aussi à qui il veut. En effet, cet art qui tire son origine par Dieu et de Dieu n’admet absolument aucun esprit voluptueux et encore moins des esprits funestes et infernaux, mais au contraire cet esprit qui est simple, droit, vrai, constant et d’une essence pure et pieuse. Mais le monde d’aujourd’hui, indifférent et impie, ne connaît plus un tel esprit, et c’est pourquoi la plupart des hommes ignorent aussi son essence, et son mystère suprême. En effet, dès que quelque chose de ce mystère frappe les oreilles de ces gens mondains , aussitôt ceux-ci veulent être capables de le comprendre, sans quoi ils l’appellent sottise. Aussi cet esprit leur sera-t-il perpétuellement caché à cause de leur aveuglement, et il leur sera enfin totalement enlevé.
Cependant, afin de ne pas aller éventuellement plus loin que prévu dans ce rappel, mais d’aborder à nouveau mon sujet et de le mener dès lors à bonne fin, je veux loyalement faire savoir ce qui suit aux pieux artistes sous forme d’une amicale exhortation : c’est dans la mesure où quelqu’un orientera vers Dieu son cœur et son âme , bien plus, toute sa vie et ses actes, qu’il sentira chaque jour et même à tout instant, dans l’avancement de la pierre et de son œuvre, cette insigne utilité. Je me suis moi-même conformé à cela tous les jours de ma vie avec le maximum d’application et avec la plus grande dévotion, et c’est ainsi que je l’ai appris par l’expérience. C’est pourquoi il doit, dès le commencement, régler toutes ses actions et se préparer de telle façon qu’il ait la force de mener par la suite l’un comme l’autre œuvre à bonne fin.
Peut-être pourrait-on ici objecter qu’assurément il y eut des hommes qui possédèrent vraiment cette pierre philosophique ou la teinture, et qui changèrent par elle les métaux simples en or et en argent. Pourtant ils étaient peu capables et n’avaient pas non plus une si bonne connaissance de la pierre céleste, et de plus , ils consacrèrent leur temps aux choses vaines et frivoles de la vie. Je réponds à cela que je les laisse certes à leur état, et que je n’entamerai ici aucune discussion pour savoir où et comment ils se sont procuré leur teinture. Mais personne ne me convaincra vraiment qu’ils ont confectionné et préparé la vraie et exacte teinture dont j’ai parlé dans tout le traité que voici, et je crois encore moins qu’il soit possible de me tromper à ce sujet. La fin tragique de ces hommes à l’esprit si léger, vers laquelle ils se sont précipités eux-mêmes avec leur teinture, l’atteste à suffisance, et les exemples de cela ne font nullement défaut aujourd’hui encore, hélas ! Tairais-je maintenant que l’art chimique, avec les choses qui lui sont nécessaires, n’est pas unique mais varié ? En effet, tout comme dans les autres disciplines se rencontrent des sectateurs de différentes opinions et de couleurs variées , ainsi en va-t-il aussi dans cet art : bien qu’on les appelle tous en général des chimistes, ils ne sont cependant pas instruits de la même chose et ils n’agissent pas avec la même intention.
Je parle uniquement ici de la vraie alchimie, pleine d’art et conforme à la nature, qui enseigne qu’avant tout il faut discerner et connaître parmi toutes les choses, la différence entre le bon et le mauvais, le pur et l’impur.. Par elle, peut se produire un juste progrès, après qu’il ait été remédié à la faiblesse et à la corruption de la nature . Celle-ci procède alors à l’augmentation des métaux tout comme si tu t’efforçais d’apporter de l’aide à quelque fruit qui ne pourrait pas parvenir à une juste maturité parce qu’empêché par quelque événement fortuit, ou d’obtenir à partir d’une graine ou d’une semence une augmentation en nombre, ce qui peut être entrepris et se réaliser à peu de frais. Quant à l’autre art, qui est sophistique et pseudo-alchimique, je n’y comprends rien et ne désire pas non plus de l’apprendre  parce que les maîtres de celui-ci promettent en vain de suivre des voies pas trop tordues, et de fournir des montagnes d’or pur, alors qu’ils en sont certes fort éloignés. En outre, cet art faux n’apporte absolument rien de concret, mais il entraîne seulement d’énormes dépenses, exige des travaux imprudents, et prend souvent le corps même et la vie. Par conséquent, si un ou plusieurs chimistes de cette espèce venaient à ta rencontre en se glorifiant de posséder le vrai et naturel art chimique, et qu’ils s’efforçaient de te l’enseigner pour de l’argent ou autre chose et prétendaient ne pas pouvoir subvenir à la dépense et aux frais exigés, sois alors fidèlement averti qu’il ne faut absolument pas te fier à eux. Le serpent se tient en effet, la plupart du temps, caché près d’eux dans l’herbe.
Je peux de plus véritablement affirmer que la dépense à faire pour tout l’œuvre universel ne dépasse pas le prix de trois florins au total, excepté la nourriture quotidienne et l’entretien du feu la matière est en effet partiellement vile, comme nous l’avons sous-entendu plus haut, elle est trouvée partout en quantité suffisante et bien au-delà sans grande difficulté, et le travail est, lui aussi, facile et simple. En somme, tout cet art est très simplement et très facilement compris par les hommes pieux que Dieu a choisis dans ce but , mais la chose est vraiment très difficile et quasi impossible pour les impies et les méchants . Pour terminer enfin ma conclusion, j’ai voulu ajouter pour toi ce qui suit en guise d’adieu : si Dieu tout-puissant te prodiguait sa grâce par la révélation de cet art pieux et saint, tu devrais certes en user droitement, garder le silence qui t’a été recommandé et à cette fin t’appliquer sur la bouche un solide verrou  et bien le garder fermé, de peur que l’arrogance et l’orgueil, tant vis-à-vis de Dieu que des hommes, ne soient un danger pour toi et ne t’apportent un dommage et un malheur temporel et éternel. C’est pourquoi il te faut aussi examiner avec circonspection ce qui suit.
 Qui cherche la richesse par cet art sacré doit être pieux et simple, probe et discret. Qui n’agit pas ainsi contrarie son destin. Il est forcé à la pauvreté, au dénuement, à la nudité et à la misère.
Tout cela, ami lecteur, je n’ai pas voulu te le tenir caché tant en guise d’avertissement que pour te dire adieu. J’ai en effet la ferme conviction que tu m’as suffisamment compris en tout, à moins que Dieu ne t’ait fermé les yeux et les oreilles, car je n’aurais pas pu te le montrer plus fidèlement et plus nettement ni le décrire plus manifestement, dans la mesure où le permet une bonne conscience. Par conséquent, si tu n’as pas su percevoir ou apprendre la chose par mon enseignement, je crains fort que tu ne la comprennes que très difficilement par une autre instruction.

APPENDICE

Si tu te mettais à t’enorgueillir du don que Dieu t’a accordé, ou à faire preuve d’avarice sous prétexte d’une certaine économie prudente et bien ordonnée, et ce faisant, si tu t’éloignais peu à peu de Dieu, alors à vrai dire, cet art disparaîtrait de tes mains, et tu ne pourrais plus savoir comment il a été fait pour toi, ce qui arriva à beaucoup contre tout espoir et toute attente.

RÉSUMÉ DES RÉSUMÉS

Si tu suis mon enseignement et te montres pieux, et qu’en même temps tu prennes la matière que j’ai présentée devant toi, et la prépares de façon habituelle, tu posséderas toutes les richesses de l’univers.
Que Dieu tout-puissant
t’accorde, dans sa grande clémence, sa
grâce et sa divine bénédiction pour
ton projet, si tu en fais l’objet de
tes soins. C’est la prière que
je veux adresser du plus
profond de mon
cœur pour toi
à Dieu.
  

PRIÈRE

Dieu tout-puissant et éternel, père de la lumière céleste, de qui proviennent aussi tous les biens et tous les dons parfaits, nous implorons ta miséricorde infinie afin que Tu nous permettes de connaître parfaitement ta sagesse éternelle qui demeure continuellement autour de ton trône, par laquelle toutes les choses ont été créées et faites, et sont maintenant encore régies et conservées. Envoie-la nous de ton ciel saint et du trône de ta gloire, afin qu’elle soit faite une avec nous et qu’en même temps elle œuvre puisqu’elle est la maîtresse de tous les arts célestes et occultes, qu’elle sait et qu’elle comprend aussi toute chose. Fais qu’elle nous accompagne sans précipitation dans toutes nos œuvres, afin que nous acquerrions certainement et sans aucune erreur par son esprit la vraie intelligence et l’infaillible pratique de cet art très noble, la pierre miraculeuse des sages, que Tu as cachée au monde mais que tu as du moins coutume de révéler à tes élus. Que nous commencions bien et comme il faut, dès le commencement, l’œuvre suprême qui doit être achevé ici par nous. Que nous progressions avec constance en lui par son travail, et qu’enfin nous le terminions heureusement et en jouissions avec joie pour toujours, par cette pierre céleste, angulaire et miraculeuse, fondée de toute éternité, Jésus-Christ, qui commande et règne avec Toi, ô Dieu le Père, un avec l’Esprit Saint, vrai Dieu en une essence divine une et indissoluble, Dieu Tri-Un, loué au plus haut dans les siècles des siècles. Amen.
Ainsi le Seigneur donnait à Israël
toute la terre qu’il avait promis de donner à leurs
pères, et rien ne manquait de tout le
bien dont le Seigneur avait parlé à la maison d Israël,
toutes choses étaient évidentes.
Josué XXI, 41 à 45

RENDEZ GLOIRE
A NOTRE DIEU UNIQUE
AMEN.
Deutéronome XXXII, 3


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