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ANONYME Traité d'un Philosophe inconnu sur l'Oeuvre hermétique.




TRAITÉ D’UN PHILOSOPHE INCONNU 
SUR L’OEUVRE HERMÉTIQUE

Revu et élucidé par le Disciple Sophisée,
sous les auspices des Coherméites, Philovites et Chrisophiles



Tous les Philosophes ont écrit fort obscurément ; et quoique les Modernes doivent avoir écrit plus clairement que les Anciens, puisqu’ils n’ont fait ou que dire les mêmes choses en d’autres termes, ce qui les doit rendre plus connues, ou expliquer ce qui leur a paru plus obscur dans les Anciens, ou enfin dire ce que les autres avaient scellé ; cependant, on trouve encore tant d’obscurités dans les Livres de ces Écrivains énigmatiques, qu’il y a moins de sujet de s’étonner que personne n’en pénètre le vrai sens, que de ce que quelqu’un l’a pu faire. Néanmoins la vérité et l’erreur ont leurs caractères qui les distinguent, et quelque confondus qu’ils puissent être, un esprit attentif est capable de les débrouiller. On ne voit pas que, pour faire cela, on puisse se servir d’un moyen plus commode et plus général, que de la voie analytique, ou plutôt c’est la seule voie par laquelle nous devons espérer de résoudre une infinité de questions embrouillées, et dans lesquelles, comme dans cette Philosophie, la vérité est cachée sous mille autres choses inconnues, sous un amas de paroles inutiles, et quelquefois même sous des contradictions apparentes.

Tous ceux qui ont quelque connaissance de l’Analyse, savent le secours que l’on en peut tirer pour la découverte de ces vérités. L’usage de cette méthode est extrêmement vaste, et elle conduit à la connaissance des vérités par différentes voies ; mais quoiqu’on puisse bien assurer, sans se tromper, que les Philosophes des siècles précédant l’aient ignorée, quelques-uns d’entre eux, comme Arnaud, le Trévisan et Zachaire nous ont cependant laissé comme des essais de cette recherche, qui imitent en quelque chose une des manières de la voie analytique. Ils nous assurent qu’il faut expliquer les Philosophes par l’oeuvre ou le procédé, et le procédé par les Philosophes ; qu’il faut faire une telle conciliation de tous les Passages, que non seulement on accorde un Philosophe avec lui-même, mais encore avec tous les autres, que l’on ne voie plus rien d’obscur dans leurs Écrits ; que toutes leurs équivoques soient levées et leurs énigmes expliquées. Mais avec cette précaution, que le système qu’on se formera sur leurs Écrits s’accorde avec les opérations ordinaires de la Nature.

Lorsqu’on a découvert cela, on peut probablement assurer qu’on a découvert leur secret. Car, si on regarde tous ces Auteurs comme l’on fait une lettre chiffrée, on pourrait vraisemblablement assurer qu’un alphabet qu’on aurait trouvé serait le véritable dont on se serait servi pour chiffrer cette lettre, si avec cet alphabet, on n’omettait pas un mot de cette lettre sans le lire, et donner un sens raisonnable à toute la lettre ; de même on pourra penser qu’un système qu’on se sera formé sur quelques Passages des Philosophes, sera celui dont ils auront voulu parler, si par ce système on explique les Philosophes. Mais si avec l’alphabet de cette lettre chiffrée, l’on n’en pouvait lire que quelques mots, ou que la lettre ne fit pas un sens raisonnable, il y aurait grand sujet de penser que cet Alphabet ne serait pas le véritable, ou comme on appelle ne serait pas la clef ; de même aussi on pourrait bien se former un système, comme plusieurs font tous les jours, par lequel on expliquera quantité de Passages de quelques Philosophes, mais cela n’est pas suffisant, il les faut expliquer tous, au moins ceux qui paraissent essentiels, et qui se trouvent dans les véritables Philosophes.

Il ne faut que faire l’application de cette règle à toutes les opinions qu’on propose, pour en faire voir le peu de solidité ; mais parce que dans cette recherche par la voie analytique, il est permis de faire des suppositions comme véritables, quoique après on puisse les rejeter ou les changer, alors la suite du raisonnement en démontre ou la fausseté ou la vérité. Nous supposerons donc le procédé que vous demandez comme véritable dans l’essence, et ensuite nous essayerons d’en prouver chaque partie par l’autorité des Philosophes ; et puis, de descendre au détail du même procédé, supposé que nous n’y trouvions pas de contradiction dans l’examen que nous en ferons. Mais comme pour concilier seulement les Philosophes sur ce procédé, il faudrait plus de loisir que je n’en ai, de même que pour faire voir la manière de faire cette recherche par la voie dont je me sers, je me contenterai de vous exposer simplement comme je crois que la chose va, et de l’affermir de quelques autorités ; voici l’une des manières de faire la Pierre.

Prenez une partie d’Or vulgaire, amalgamez-le avec trois parties de Mercure philosophique ; mettez-le dans un matras dont les deux tiers soient vides, et les mettez au bain de cendres avec un feu modéré, et environ en six mois de temps le tout se coagulera en une poudre rouge-brune. Premièrement, l’Or se dissoudra et volatilisera, puis, commençant à se coaguler, toute la dissolution deviendra noire, et peu à peu elle blanchira, et enfin elle rougira ; alors, le second OEuvre est fait, mais on n’a pas encore la Pierre ; on a l’Or ou le Soufre des Philosophes.

Il faut donc prendre cet Or, le mêler avec du Mercure philosophique, selon la proportion de neuf à un, ou de dix à un, ou de sept à deux, comme on voudra, l’enfermer dans le matras, et le mettre sur les cendres à un feu très doux, et en dix mois le tout se coagulera en une poudre rouge impalpable, qui est la Pierre. Premièrement, l’Or des Philosophes se dissoudra, et toute la composition deviendra noire au bout de quarante jours ou environ, et parfaitement blanche, après cinq mois ; et cuisant toujours elle rougira comme du sang, et alors la Pierre est faite, que l’on peut fermenter et multiplier en vertu et en quantité.

Voilà tout le mystère, ou proprement, il n’y en a point, car tout le mystère est dans la composition du Mercure philosophique ; il faut donc maintenant prouver par l’autorité chaque partie de ce procédé.

Mais, auparavant, il faut remarquer que la Pierre ne se fait pas immédiatement de l’Or philosophique et du Mercure. Le premier oeuvre, ou la première opération sert à faire l’Or philosophique, que l’on appelle encore soufre philosophique ; le second oeuvre, ou la seconde opération sert à faire la Pierre avec cet Or philosophique et le vulgaire.

Ces deux opérations paraissent à peu près semblables, cependant elles sont bien différentes, car elles se font avec différents degrés de feu ; les trois couleurs essentielles de la Pierre paraissent dans ces deux OEuvres, qui sont le noir, le blanc et le rouge, néanmoins dans le second OEuvre ces couleurs sont parfaites, c’est-à-dire un noir très noir, un blanc très blanc, et un rouge très rouge ; au lieu que dans le premier OEuvre c’est seulement un noir commencé, un blanc sale, et un rouge obscur.

Voilà la manière que les Philosophes enseignent de faire leur Pierre, et quoique ce ne soit pas là un secret, ils ont pourtant embrouillé et mêlé ces deux opérations, et n’ont pas voulu distinctement marquer les régimes de l’un et de l’autre.

Mais il y a encore une autre voie, extrêmement secrète, et dont les Philosophes n’ont parlé qu’avec bien de la retenue, laquelle se peut faire avec le seul Mercure des Philosophes, sans y ajouter de l’Or vulgaire. Il y a en celle-là deux opérations comme dans l’autre ; la première est pour faire le Soufre ou l’Or des Philosophes, et la seconde pour faire leur Pierre ; car comme j’ai dit, la Pierre ne se fait immédiatement que de l’Or philosophique et du Mercure mêlés ensemble. La première opération, qui est pour faire le Soufre philosophique, se fait avec le seul Mercure philosophique, sans y ajouter aucune chose, ce qui se fait en seize mois philosophiques ; et la seconde opération, qui est avec cet Or ou Soufre, et l’Or vulgaire, d’en faire la Pierre, elle se fait en dix mois ou environ, comme nous avons dit ci-devant.

Ce procédé avec le seul Mercure est le plus rare, le plus excellent et le plus court. Celui avec l’Or vulgaire est plus long, plus pénible et moins excellent ; ces deux procédés pour le temps ne diffèrent point dans le second OEuvre, pour les signes qui s’y voient également, mais ils sont extrêmement différents dans le premier OEuvre. À l’égard de l’excellence, l’on peut, en réitérant toute son opération, rendre la Pierre produite par l’Or vulgaire, aussi excellente que celle produite du seul Mercure ; ce qui se fait en prenant la Pierre et la mêlant avec trois ou quatre parties de Mercure philosophique, et la faisant cuire à petit et lent feu, et en trois mois ou environ elle sera parfaite, passant dans l’espace de ce temps par toutes les couleurs, comme au premier et second OEuvre : et c’est là ce qu’on appelle la multiplication que l’on peut réitérer tant de fois qu’on voudra, et à chaque multiplication la Pierre s’augmente de dix, à la seconde, de cent, à la troisième, de mille etc., outre que les dernières multiplications se font toujours en moins de temps que les premières.

Il y a encore la fermentation de la Pierre, qui se fait avant que de la multiplier, et qui se réitère aussi si on veut, elle peut être faite en diverses manières, en voici une. On prend quatre parties d’Or vulgaire, une partie de la Pierre ; on fait fondre ces deux en une masse friable, dont il faut prendre une partie et trois parties de Mercure philosophique, et cuire le tout pendant le temps nécessaire, pour coaguler la Pierre en une poudre rouge, propre alors à faire projection sur tous les Métaux ; cette coction ne durera que deux mois.

Si on ne veut faire que de l’Argent, il ne faut pas faire rougir l’Élixir par la coction, mais quand on voit sa matière blanche, il la faut alors tirer du feu et la fermenter avec de l’Argent.

Tous les Philosophes ont assez clairement parlé de ces opérations, mais ils ont merveilleusement enveloppé de figures leur Mercure, qui est la clef de l’OEuvre ; et pour commencer à donner les preuves de ce petit système, et l’examiner par la règle même que je me suis prescrite, je dirai que les Philosophes nous ont décrit leur Mercure, en sorte que nous pouvons juger qu’il est à peu près pour sa forme extérieure comme le Mercure vulgaire ; ainsi, il faut rejeter d’abord toutes les eaux transparentes, les rosées de Mai, les esprits acides etc.

Notre eau ne mouille point les mains, c’est ce que dit le Cosmopolite, chap. X, Épilogue, parabole etc.

Elle ne mouille et ne s’attache qu’à ce qui est de sa nature, cela ne convient qu’au Mercure selon le même.

Dans la différence que le Cosmopolite fait du Mercure philosophique d’avec le Mercure vulgaire (au chapitre VI des Trois Principes), il ne les distingue point par des qualités sensibles et apparentes, comme de la pesanteur, de la diaphanité, de la blancheur et autres, mais il s’arrête seulement à les distinguer par certaines qualités intérieures et insensibles, ce qu’assurément il n’aurait pas fait si le Mercure philosophique, ne ressemblait au Mercure vulgaire ; quoique cette preuve soit négative, elle ne laisse pas d’être concluante ; il ne faut que lire le passage cité de Philalèthe Cosmopolite, chapitre II., le Mercure des Philosophes ressemble à du métal fondu dans le feu ; donc il est semblable au Mercure vulgaire.

Le Mercure philosophique garde et conserve toutes les proportions et les formes du Mercure (Philalèthe, chap. X.)

Le sujet matériel de la Pierre est l’Or vulgaire et le Mercure coulant (Philalèthe, chap. XIII et XVII). Dans les Chapitres XV et XVIII de Philalèthe, on peut voir que ce Mercure doit être semblable extérieurement au Mercure vulgaire, puisqu’on peut comme le Mercure vulgaire l’amalgamer avec l’Or ; qu’on peut laver cet amalgame, qu’on peut même sublimer et revivifier ce Mercure, comme le vulgaire. Je m’imagine que cela suffit, sans en chercher des preuves ailleurs, comme je le pourrais faire ; mais, si ce Mercure est semblable au vulgaire extérieurement, il est bien différent intérieurement : on en peut voir les différences dans le Cosmopolite, Chap. VI, des trois principes, et dans Artéphius, qui appelle inique le Mercure vulgaire.

Si je m’arrêtais à prouver tout, il me faudrait plus de temps que je n’ai résolu d’y en employer, il m’ennuie même déjà d’en tant écrire et peut-être me suis-je arrêté sur des choses qui ne le méritent pas. Je choisirai seulement quelques endroits que je crois qui sont les plus difficiles à entendre, et s’il me reste du loisir j’achèverai d’autoriser les autres, qui peut-être n’en ont pas besoin, comme par exemple que ce soit l’Or et le Mercure qui soient les principes de la Pierre et autres semblables.

J’ai dit que la Pierre se faisait par deux diverses voies, l’une avec le Mercure seul, qui est la voie la plus excellente et la plus courte ; et qu’elle se faisait encore avec l’Or et le Mercure philosophique et que cette voie est plus longue et moins excellente ; que la différence qui se trouve en ces deux voies est dans leur première opération, c’est-à-dire dans la production du Soufre ou de l’Or philosophique avec lequel on fait immédiatement la Pierre en le mêlant avec le Mercure : voici sur quelles autorités je me fonde, pour faire voir que la Pierre, ou le Soufre ou Or philosophique se produit du seul Mercure. Geber, livre II, Chap. 9, Philalèthe, chap. 19, disent : Si vous pouvez le faire avec du Mercure seul, vous ferez une belle découverte du très grand OEuvre, et un ouvrage plus admirable que celui que produit la Nature.

Geber, livre II, Chap. 24, de la Médecine, qui coagule le vif-Argent, dit parlant de cette Médecine (qui est ce soufre philosophique) :  on le tire tant des corps que du vif-Argent même, parce qu’on les trouve de même nature, mais on le tire plus difficilement des corps, et plus facilement du vif-Argent ; de quelque espèce que soit la Médecine, tant dans les corps que dans la substance du Mercure même, vous ferez une découverte.

Geber Livre I, Chap. 52, dit : La Médecine qui coagule le vif-Argent peut être tirée des corps métalliques, mais on la tire plus facilement et prochainement du vif-Argent seul. Le même, chap. 54, dit : L’humidité cérative se trouve plus facilement, mieux et plus prochainement dans le Mercure que dans les autres. Le même Geber, livre II, chap. XXIV, dit : La Médecine qui coagule le Mercure y est renfermée etc., c’est le régime etc.

Arisleus en la Tourbe, dit que Gabertin ou l’Or des Philosophes est de même matière substantielle que Beia ou que le Mercure.

Cosmopolite, au Dialogue du Soufre, dit : le Soufre des Philosophes est très parfait en l’Or et en l’Argent, mais il est très facile en l’Argent vif.

Cosmopolite, au Chapitre 5, des Trois Principes, dit : l’Art n’est qu’une conjonction de l’humide radical des Métaux et du feu, c’est-à-dire d’une femelle et d’un mâle, lequel cette femelle a engendré ; car le Mercure philosophique a un soufre ; c’est l’Or philosophique, qui est d’autant meilleur, parce que la Nature l’a digéré, et on peut tout faire du Mercure seul ; il a une vertu si efficace qu’il suffit et pour toi et pour lui, c’est-à-dire que tu n’as besoin que de lui seul sans addition, tu pourras parfaire toutes choses du Mercure : Hermès dit : Dans le Mercure est tout ce que cherchent les Sages.

Au Traité du Sel, chap. 2, il dit, le Mercure philosophique est un Or en puissance, et peut être digéré en Or philosophique ou en rougeur et il se coagule ainsi ; et si cet Or est de nouveau dissous par un nouveau menstrue, il s’en fera la Pierre etc. Il n’est pas de besoin, donc, de réduire le corps parfait, parce que nous ne trouverions que le même sperme que la Nature nous offre, et auquel elle a donné une forme de métal, mais elle l’a laissé cru et imparfait, mais nous le pouvons cuire et digérer et le mener à maturité.

Philalèthe, chap. 18, dit : notre Mercure donne de l’Or de lui-même, qui est le principe de nos secrets.

Philalèthe, chap. 18 et 19 dit, on trouve notre Soleil dans le Soleil et la Lune vulgaire, mais il y a plus de peine à trouver dans l’Or vulgaire la matière la plus proche de la Pierre, qu’à faire la Pierre. L’Or vulgaire est la matière prochaine de la Pierre ; l’Or philosophique en est la matière la plus prochaine.

L’Or vulgaire mêlé avec notre Mercure, et cuit, se convertira tout en notre Soleil, mais ce n’est pas encore la Pierre ; mais, si cet Or est cuit une seconde fois avec notre Mercure, il donnera la Pierre, cela est clair.

Notre Or est de notre Mercure et il est aussi dans l’Or vulgaire.

Enfin, pour connaître que le Mercure seul peut donner l’Or philosophique, en peu de temps, et pour voir aussi que le Mercure et l’Or vulgaire mêlés donnent ce même Or philosophique, mais avec plus de peine ; et pour voir encore que cet Or n’est pas la Pierre, mais qu’il n’en est qu’un des principes immédiats avec le Mercure, il ne faut que lire Philalèthe, chap. X, XI, XVIII, XIX et XX ; car il faudrait tout copier, tant il y parle expressément, et lire aussi le Traité du Sel, chap. 2, etc.

Et pour connaître encore que l’Or vulgaire doit, avec le Mercure se convertir en Or ou Soufre philosophique, et que ce soufre étant dans la seconde opération mêlé avec notre Mercure, donnera la Pierre, ce qui fait les deux opérations, je vais en rapporter quelques autorités.

Premièrement, Philalèthe, chap. XIX et XX, dit que ces deux Oeuvres ont une représentation emblématique l’une de l’autre, savoir que dans la première du seul Mercure, qui est pour faire dans la seconde l’Or philosophique avec l’Or vulgaire, on voit une noirceur, une blancheur et une rougeur ; mais que dans la seconde Oeuvre on voit une noirceur parfaite, une blancheur parfaite et une rougeur parfaite.

Le Cosmopolite, chap. XI, dit que le feu du second Oeuvre n’est pas tel que celui du premier.

Pour le temps de ces deux oeuvres, Philalèthe les marque aux chapitres XVIII, XIX et XXXI, le Cosmopolite, au chap. X, en sa Parabole. le Traité du Sel, au chap. VI, que je ne rapporte point, parce qu’il me faudrait trop écrire ; D’Espagnet, Canon 137, dit que le premier OEuvre pour le rouge est fait dans la seconde maison de Mercure ; et que le second OEuvre se fait dans la seconde maison de Jupiter ; ce qui convient pour les temps avec ceux ci-dessus : et parce qu’il faut savoir quelques principes d’Astrologie pour expliquer cela, je dirai que les Astronomes commencent leur année par le signe du Bélier, c’est-à-dire quand le Soleil y entre, qui est environ le 21 Mars. La seconde maison de Mercure est la Vierge, qui comprend le mois de Septembre ou environ, quand le Soleil y est ; la seconde maison de Jupiter c’est les Poissons, qui comprend une partie de Février, lorsque le Soleil est dans ce Signe ; commençant donc par Mars, le premier OEuvre doit durer six mois, c’est-à-dire finir en Septembre.

Ces deux OEuvres se voient absolument requis dans ce dernier Auteur.

Canon 121 : La pratique de notre Pierre se parfait par deux opérations ; la première en créant le Soufre, l’autre en faisant l’Élixir.

Canon 123 : Que ceux qui s’appliquent à la Philosophie, sachent que du premier Soufre, on peut en tirer un second et le multiplier. Le Soufre se multiplie de la même matière, dont il est engendré, en ajoutant une petite portion du premier.

Canon 124 : Car l’Élixir est composé d’une eau métallique, ou du Mercure, de ce second soufre et ferment.

Mais, quand on ajoute le ferment, la Pierre est faite, si on ajoute le ferment à ce second soufre ; on ajoute le ferment à la Pierre, donc ce second soufre est la Pierre produite par le second soufre : or suivant cet Auteur, ce premier soufre a été fait du Mercure et de l’Or vulgaire ; il restait à faire voir que le ferment ne se doit ajouter que quand la Pierre est faite ; ce qu’on pourra voir au Traité du Sel, chap. VIII, Philalèthe, chap. XIX et XXXI, Cosmopolite, au Traité du Soufre, pour faire voir encore par le Cosmopolite la nécessité et ressemblance des deux opérations, en travaillant avec le mercure conjoint avec l’Or vulgaire, et passant sur ce que Morien en dit qui est assez remarquable, nous considérerons quelques passages de ce philosophe, que l’on verra être la même chose exprimée diversement.

Le chapitre 9 du Cosmopolite dit : il y a un métal qui est un Acier philosophique, qui se joint avec le vulgaire ; l’Acier conçoit et engendre un fils plus clair que son père ; puis si la semence de ce fils qui vient de naître est mise en sa matrice, elle la purge, et la rend mille fois plus propre à porter de très bons fruits. Voilà un abrégé du premier et second OEuvre, ce qui va encore mieux paraître par la conformité des autres passages suivants.

Le chap. 10, dit : il faut que les pores du corps s’ouvrent en notre eau, que sa semence soit poussée dehors cuite et digeste ; et puis qu’elle soit mise en sa matrice ; le corps c’est l’Or, notre eau ne mouille point les mains et est liquide ; la matrice c’est notre Lune et non l’Argent vulgaire, et ainsi est engendré l’Enfant de la seconde génération ; voilà encore les deux procédés ; ce qui est assez désigné par cet Enfant de la seconde génération, car il y en doit avoir un de la première, qui est l’Or des Philosophes, qui est la semence cuite de cet Enfant de la première génération, qui est plus claire que son père.

Chapitre 11 : La terre se doit résoudre en une eau qui est le Mercure des Philosophes, et cette eau résout le Soleil et la Lune, en sorte qu’il n’en demeure que la dixième partie avec une partie, et on appelle cela humide radical des métaux : puis, prends de l’eau de notre terre, qui soit claire, et dans cette eau mets-y cet humide radical métallique, et gouverne tout par un feu non tel qu’en la première opération, alors tu verras toutes les vraies couleurs etc. Je t’ai tout révélé au premier et second OEuvre.

En l’Épilogue, il dit : dissous l’Air congelé, ou cuis-le de manière qu’il devienne eau. Dans cet Air, tu dissoudras la dixième partie d’Or, scelle cela, et cuis jusqu’à ce que l’Air se change en poudre, qui est l’Or Philosophique ; puis après ayant le Sel du monde, les diverses couleurs apparaîtront.

Les diverses couleurs n’apparaissent ainsi que j’ai dit, que dans le second OEuvre. Le Sel du monde, ou le Sel simplement est le nom que donne le Cosmopolite au Mercure des Philosophes ; cela se peut prouver par les chap. 3, 10, et à la fin de l’Épilogue. Philalèthe aussi l’appelle Sel chap. I, Le Traité du Sel ne l’appelle jamais presque autrement.

La Parabole dit, L’Arbre Solaire, c’est l’Or vulgaire ; le fruit de l’Arbre Solaire, c’est l’Or Philosophique, que l’on doit mettre dans notre Mercure, d’où se doit former la Pierre. Ce qui se peut prouver par ce qui est dit à la fin de cette Parabole. Une seule chose mêlée avec une eau philosophique etc., où, par cette chose il entend l’Or philosophique, comme on peut faire voir qu’est expliqué ce passage au Traité du Sel, chap. 6.

Ce serait trop entreprendre que de vouloir prouver tout, faites-moi seulement savoir ce que vous trouverez ici à redire, et je tâcherai de vous satisfaire, de même qu’à vous expliquer tous les passages que vous désirerez dans le sens que je les entends ; mais, pour répondre en peu de mots à ce que vous dites, savoir si (comme estiment quelques-uns) le Salpêtre, l’Antimoine et le Fer peuvent être la première matière des Philosophes, je vous dirai que je ne crois pas que cette opinion puisse raisonnablement se soutenir, soit qu’on prenne séparément ces trois matières, soit conjointement. Premièrement, à l’égard du Salpêtre, il n’y a pas d’apparence en ce que ce n’est pas une chose minérale ; or tous les Philosophes tombent d’accord que la minière d’où ils tirent leur Mercure est une chose minérale. Secondement ces mêmes Auteurs disent que le sujet des Philosophes est le même que celui dont la Nature se sert pour former l’Or et l’Argent et les autres Métaux dans les mines, comme assurent le Trévisan, Zachaire, le Traité du Sel, le Cosmopolite etc. Or jamais aucun Philosophe n’a dit que les métaux fussent formés de Sel nitre, à moins que de prendre ce mot en un sens figuré. En troisième lieu l’eau que l’on peut faire du Sel nitre, est comme l’eau commune, et l’eau des Philosophes ne mouille point. En quatrième lieu, le Traité du Sel, au Dialogue qui est à la fin, traite de vision cette opinion, et traite de ridicule un Alchimiste qui se persuadait que ce Sel était le sujet des Philosophes.

Quant à ce que vous dites que l’Antimoine et le Fer sont la matière du Mercure, et du Soufre des Philosophes, j’aurais souhaité deux choses ; l’une que vous vous fussiez plus expliqué, savoir si vous entendez que l’Antimoine soit la matière d’où on doit extraire le Mercure des Philosophes et le Fer, celle où l’on doive extraire leur Soufre, pour le mêler avec ce Mercure ; ou si vous estimez que l’Antimoine avec le Fer doivent ensemble composer la minière d’où, avec artifice, on doive extraire ce Mercure philosophique. L’autre chose que j’aurais souhaitée est que vous m’eussiez voulu citer quelques principales autorités, sur lesquelles vous vous fondez ; car, en tous ces cas il me semble qu’il ne me serait pas difficile de les expliquer en leur vrai sens, et montrer ce qui peut être la cause que toutes ces suppositions ne s’accordent, ni avec la Nature, ni avec les Philosophes. Au lieu que dans l’état où je suis, il faut deviner votre supposition et la preuve que vous en avez.

Le nombre des Métaux n’est pas le même chez tous les Auteurs ; cela dépend de la définition que l’on voudra donner au métal ; ainsi ce n’est plus qu’une question de nom. Chez Geber, il n’y a que six métaux : il n’y comprend pas le Mercure ; Paracelse et Glauber en comptent neuf ou dix, ils comprennent le Mercure, l’Antimoine et le Bismuth ; mais, sans nous embarrasser dans cette chicane, nous pouvons assurer avec Richard Anglais dont il est tant fait mention dans le grand Rosaire, que les Minéraux tels que l’Antimoine, le Zinc, le Bismuth et les autres Métaux sont composés des mêmes principes, savoir de Soufre, et de Mercure ; c’est aussi ce qu’assurent le Trévisan et Zachaire.

Mais les Philosophes nous assurent encore que leur sujet est celui dont la Nature se sert pour la production des Métaux vulgaires ; et par conséquent ce ne peut être un métal, ni une chose composée de ces principes, et altérée en une forme métallique. De sorte que le sujet des Philosophes doit être la chose dont l’Antimoine même a été formé, et qui est encore plus crue que ce minéral, et plus proche du principe de la Nature.

Il n’y a pas de raison pour laquelle on voulût que le Mercure de l’Antimoine fût plutôt le Mercure philosophique que le Mercure du plomb ou de l’étain. Car, quand le Mercure pourrait être tiré de l’Antimoine, ce que je n’accorderais pas volontiers, quoiqu’on fasse bien des histoires pour le prouver, il ne différerait que très peu du Mercure du plomb ; et selon Geber et tous les Philosophes, le Mercure de l’étain serait encore plus pur. Aussi, le Traité du Sel au chap. 2, faisant une énumération des diverses teintures particulières que l’on peut faire à l’imitation de la Pierre des Philosophes, qui est la racine de ces teintures, dit, que la teinture de l’Antimoine, du Fer, du Soleil, de la Lune, du Vitriol, du Mercure, du Vénus etc. ne teignent point universellement comme fait la Pierre des Philosophes, qui est le principe par lequel on tire toutes ces autres teintures particulières ; que cette Pierre des Philosophes est la première de toutes : qu’il faut s’appliquer à ce premier sujet métallique. Ce qu’il emprunte de Basile Valentin, et ce qui est conforme à ce que dit le Cosmopolite sur la fin du sixième chap., des trois Principes, qu’après qu’on a l’arbre qui est l’OEuvre universelle, on peut faire venir les rameaux, qui sont ces teintures particulières. Philalèthe, chap. 13 et 17, désigne assez que ce n’est point un Mercure Extrait des Métaux et Minéraux, et ce qu’il dit en ces deux chapitres suffit à faire voir que le Mercure des Philosophes est le Mercure non vulgaire, qu’il faut animer, ou lui donner un certain Soufre métallique qu’il n’a pas ; et que leur Soufre, c’est l’Or sans équivoque, comme j’ai dit ci-dessus, et auquel a été marié le mercure philosophique.

Laissez tous Minéraux et laissez tous Métaux seuls, Trévisan, pag. 177 ; Zachaire confirme cette opinion en plusieurs endroits.

Suite du précédent Traité

Ce que vous demandez à présent de moi, après que vous m’avez un peu plus particulièrement exposé votre sentiment, ne m’embarrasse pas moins que quand je l’ignorais davantage. Car vous m’en dites peu ; je ne saurais encore apercevoir sur quels passages plus formels, et sur quelles autorités vous fondez vos conjectures ; il s’agit de savoir quel est le sujet, ou quels sont les sujets (si on veut) dont les Philosophes composent leur OEuvre, pour éviter les équivoques, il faut un peu s’expliquer ; l’OEuvre des Philosophes est de faire la Pierre avec le Mercure seul, ou avec le Mercure et l’Or vulgaire ; on fait par l’une ou l’autre de ces deux voies, premièrement, l’Or des Philosophes : puis de cet Or avec le Mercure, on en compose la Pierre, dont on trouve le procédé dans Raymond Lulle, Arnaud de Villeneuve etc., et il est indubitable que les principes immédiats de la Pierre sont le Mercure des Philosophes et l’Or des mêmes Philosophes ; il est encore très clair ce me semble, chez tous les Auteurs, que l’Or des Philosophes est produit de l’Or vulgaire et du Mercure mêlés ensemble. J’en ai rapporté assez d’autorités, il n’est pas besoin de les répéter ; et cet Or philosophique peut être aussi produit du Mercure philosophique tout seul, comme l’assurent Geber, le Cosmopolite, Philalèthe etc., tout cela doit passer sans contestation, et il me serait très facile de le prouver par les autorités. Mais la principale difficulté dans l’oeuvre philosophique, est d’avoir le Mercure ou cette liqueur dont parle le Cosmopolite, qui dissout l’Or comme l’eau chaude fond la glace ; et trouver cette liqueur est tout l’oeuvre, dit Philalèthe, chap. 17.

Mais, parce que ce Mercure, selon Geber, Philalèthe et le Cosmopolite, ne se trouve pas sur la terre, il faut selon eux le faire ; non pas en le créant, mais en le tirant des choses où il est enfermé : ce Mercure a donc une minière, soit que le Philosophe la doive composer, soit que la Nature lui offre toute prête, d’où l’industrie de l’Artiste doit le tirer, en l’extrayant du corps minéral.

Mais, comme tous les Livres des Philosophes sont pleins de recettes énigmatiques, et qu’ils déclarent ailleurs assez clairement tout le procédé, on a raison de croire que tous ces recettes ne regardent que la composition du Mercure des Philosophes. Ainsi, le Cosmopolite, chap. 11, l’enseigne en ces termes que j’écris, parce qu’il n’y a que deux mots : Prenez de notre terre, par onze degrés, onze grains ; de notre Or un grain ; de notre Lune deux grains, mettez tout cela dans notre feu, et il s’en fera une liqueur sèche. Premièrement, la terre se résoudra en une eau, qui est le Mercure des Philosophes, et voilà tout ce qu’il en dit, qu’il répète à la fin de ce chapitre sous une énigme, disant, cela se fera, si tu donnes à dévorer à notre vieillard l’Or et l’Argent, afin qu’il les consume etc.

Philalèthe, chap. 7, l’enseigne de même : Prenez de notre Dragon igné, qui recèle en soi l’Acier mystérieux, quatre parties : de notre Aimant neuf parties : mêlez cela par un feu brûlant etc. Geber, en cent endroits, cache sous des procédés sophistiques toute la composition du Mercure, et le procédé de l’OEuvre, comme il en avertit. On a donc quelque raison de penser qu’il faut plusieurs matières pour composer cette minière ; je ne cherche pas si ces matières entrent essentiellement dans la composition du Mercure, ou si elles ne servent qu’à sa purification, je les envisage seulement comme absolument requises pour faire ce Mercure Philosophique.

Mais je trouve dans d’Espagnet, Canon 46, que le mercure a un soufre, qui a été multiplié par artifice ; Canon 30, que le mercure doit être imprégné d’un soufre invisible, pour devenir mercure philosophique ; et au Canon 51, chap. 11, Philalèthe, que ce n’est pas assez d’ôter au mercure toutes ses impuretés, mais qu’il lui faut ajouter un soufre naturel qu’il n’a point, et dont il n’a que le ferment. Et au Canon 58, qu’il faut que la Vierge mercurielle ailée soit imprégnée de la semence invisible du premier mâle.

Je trouve encore dans le Cosmopolite, chap. 6, des trois principes, que le mercure est une quintessence créée du soufre et du mercure, que le mercure se tire du soufre et du mercure conjoints. Enfin, je trouve en Philalèthe, chap. 21, qu’il faut introduire un soufre dans le mercure, qui le rend philosophique ; au chapitre 10, que, dans notre mercure il y a un soufre actuel et actif, qui par la préparation y a été ajouté. Au chapitre 2, qu’en notre eau il y a un feu du feu du soufre, et une autre matière. Au chapitre 14, que cette addition du véritable soufre se fait par degrés, selon le nombre des aigles ou des sublimations philosophiques ; au chapitre 17, que notre eau se compose, et que notre mercure se doit animer d’un soufre qui se trouve en une matière vile, non pas en elle-même, mais aux yeux du vulgaire, outre une infinité d’autorités que je pourrais rapporter. Je suis porté à croire qu’il faut, pour composer la minière du mercure mêler plusieurs choses, dont la principale chose qui s’y trouve est un mercure et un soufre. Tout cela étant donc entendu, je dis que le fer commun n’est point le sujet d’où on doit tirer le soufre ou l’or philosophique, qui se doit mêler avec le mercure philosophique, pour faire la Pierre immédiatement ; et qu’il n’est point non plus le sujet qui fournit au mercure le soufre invisible et intérieur, dont il a besoin pour devenir mercure philosophique ; ou ce qui est la même chose, qu’il n’entre point en la composition de la minière des Philosophes ; et j’ajoute que l’antimoine n’est pas non plus la matière d’où le mercure philosophique s’extrait ; car il se tire d’un minéral quasi métallique, impératif à tous minéraux, métaux, végétaux et animaux.

Comme il semble que l’on ne va qu’à tâtons en l’étude de cette Science, on y reçoit aussi toutes sortes de preuves ; elle n’est pas du nombre de celles qui se démontrent métaphysiquement, elle n’établit pas ses principes pour en tirer des conclusions par ordre, il faut deviner tout cela ; mais, quoiqu’il y ait à deviner, on ne doit rien supposer qu’on ne trouve chez quelque Auteur ; or je ne pense pas, qu’il y en ait un seul qui ait parlé du fer et de l’antimoine pour les principes matériels de l’OEuvre ; je sais que cette preuve est négative et qu’on n’a pas droit d’en rien conclure en rigueur, mais, si on se donne la peine de l’examiner, elle ne laissera pas d’avoir quelque poids, en considérant que les Philosophes n’ont écrit que pour enseigner leur Science. Il y aurait aussi quelque sujet de s’étonner que les Philosophes n’eussent pas écrit plus clairement de ces deux matières ; il est vrai qu’ils tiennent leur Science secrète, mais elle n’aurait pas couru de risque, parce que je ne crois pas, nonobstant tout ce qu’on dit, qu’on puisse tirer ni soufre du fer, ni mercure de l’antimoine ; et je peux assurer que la Pierre est plus aisée à faire que cela, après les Auteurs qui en ont parlé.

Ils nous disent enfin que qui connaît la matière peut aisément venir à bout de tout le reste ; et ils nous avertissent que ce premier travail, qui est de produire le mercure, est si simple, si aisé et si naturel que c’est pour cela qu’ils en parlent avec tant de retenue, parce qu’ils n’en pourraient rien dire qui ne le fit connaître : d’où vient que le Cosmopolite prend pour devise : La simplicité est le sceau de la Vérité, et qu’il dit partout que la Pierre est très facile. Les travaux d’une infinité de personnes qui se tuent dans ces extractions de soufre et de mercure, tant de l’antimoine que du fer, et des autres métaux et minéraux, et qui n’y ont jamais pu réussir, sembleraient justifier que ce n’est pas une chose si facile, si un enfant de l’Art s’arrêtait à toutes leurs opérations sophistiques.

Mais laissons ces conjectures et vraisemblances, auxquelles les pâles Chimistes, au mépris de l’art hermétique, ont donné lieu, par leur opiniâtreté à contredire la Nature, dont les opérations sont si simples ; et voyons si, dans les Auteurs approuvés et qui ont le caractère de Philosophes, nous pourrions rencontrer quelque chose qui exclue de leur OEuvre le fer et l’antimoine.

Premièrement le fer ne peut fournir l’Or philosophique, ou le soufre des Sages, qui est une des matières immédiates dont, avec le mercure philosophique, on compose la Pierre : je le prouve par la seule autorité de Philalèthe et de Flamel, en son Poème philosophique, et par la Fontaine des Amoureux de philosophie. Flamel, en son poème, et la Fontaine des Philosophes disent que plusieurs cherchent ce soufre dans les minéraux etc., dans le Saturne, Jupiter et Mars, inutilement, et il ajoute ensuite :

Mais moi, je l’ai trouvé
Au soleil et l’ai labouré.

Philalèthe, au chapitre 19, dit en termes exprès, que le Soleil philosophique se tire du Mercure seul, et plus facilement et plus promptement que de l’Or vulgaire ; ainsi, dit-il, notre Soleil est la matière très proche de notre Pierre, l’Or vulgaire en est la matière prochaine, parce qu’on en tire notre Soleil par l’aide de notre Mercure, et les autres métaux et minéraux en sont une matière étrangère, où on peut dire que les métaux contiennent notre Soleil, en tant que d’iceux on peut tirer l’Or vulgaire.

Voilà ce que dit Philalèthe ; mais on pourrait assurer qu’il y aurait plus de peine à faire, que le fer devînt Or, qu’à tirer de l’Or le soufre philosophique, parce que, selon que le disent les Philosophes, et particulièrement Geber et Zachaire, il n’y a point de métal qui ait moins de disposition pour la perfection ou la conversion en Or, qu’en a le Fer. Je m’imagine que cette preuve est positive et suffisante, mais elle se confirme encore par le sentiment universel des Philosophes, qui demandent l’Or pour leur ouvrage ; Philalèthe y est formel aux chap. 13, 10, 11, 14, 15, 16 etc., et il le répète en une infinité d’endroits ; le Cosmopolite, au chapitre 10 et à la fin du chapitre 16 du Traité du Soufre ; d’Espagnet, canon 18, 19, 20, 24, 28, 29 etc., et tous ces philosophes veulent prouver par raisons que c’est l’Or vulgaire qui donne l’Or des Philosophes ; mais cet Or vulgaire doit auparavant avoir bu l’eau de la Fontaine de Jouvence et s’y être noyé, car il se convertit en elle et elle en lui.

Geber à la fin de l’investigation, quoique ailleurs assez obscur, en parle fort nettement. Je crois que cela suffit pour faire voir que l’Or des Philosophes ne se tire point du fer ; et on en demeurera convaincu, si on prend la peine d’examiner les lieux que je cite, et si on veut faire quelque réflexion sur ce que dit Philalèthe dans le passage du Chapitre dix-neuvième, que je viens de citer ; car on en doit conclure qu’avant qu’on pût extraire ce soufre philosophique du fer, il faudrait que ce fer devînt or.

Il semble aussi que la raison s’accorde avec cela, car les Métaux sont doués d’une semence, comme votre ami l’a fort bien remarqué ; et on prétend qu’ils ont été compris dans cette générale bénédiction que le Créateur donna aux créatures (croissez et multipliez). La semence qu’ils ont, c’est une eau, selon le Cosmopolite, c’est un Mercure ; et cette semence doit être double, il faut qu’il y en ait du mâle et de la femelle ; la semence masculine est le Soufre, et la féminine c’est le Mercure ; l’une sans l’autre ne peut de rien servir, telle est donc la pureté de la semence, telle sera la pureté du métal. Mais, puisqu’il se présente occasion de parler de la génération des Métaux, pour faire comprendre le raisonnement que je prétends en tirer, je m’en vais l’expliquer, comme ont fait quelques Philosophes, et je n’établirai ce système que sur l’autorité de Geber, du Cosmopolite, Trévisan, Zachaire et Arnaud, sans rapporter leurs autorités ; comme ces Philosophes vivaient en des siècles, où l’on avait grande vénération pour Aristote, ils ont raisonné suivant les principes de sa Physique.

Le Trévisan, Zachaire et Arnaud le citent à tout moment ; pour Geber il n’en parle pas, mais l’on voit assez qu’il suit ses sentiments, et qu’il eût même cru faire une faute considérable contre la raison que de s’en éloigner : lui qui était Arabe, a suivi en cela le sentiment des plus habiles de sa Nation, qui ont pris bien de la peine à commenter ce Philosophe ; ce qui montre l’estime qu’ils faisaient de sa doctrine : il ne faut que voir les louanges exorbitantes, et contre le bon sens que lui donnent tous les Arabes, particulièrement Averroès et Avicenne ; on peut donc dire avec ces Philosophes, que les quatre Éléments produisent vers le centre de la terre une certaine liqueur, qui est le Mercure et la semence féminine ; et que ces mêmes Éléments produisent aussi une autre substance sèche, qui est le soufre ; dans la première dominent l’eau et l’air, dans la seconde dominent la terre et le feu. D’autres ont expliqué cela autrement et prétendent que le Mercure est fait seulement d’eau et de terre, et le Soufre d’air et de feu ; et d’autres ont dit que le Mercure est d’air et d’eau, et le Soufre de terre et de feu. Mais, quoi qu’il en soit, il y a toujours deux matières, deux semences, une masculine et une féminine ; et comme les Philosophes semblent se contredire sur ces principes, il est difficile, à un Inquisiteur de la Science et qui n’est pas encore bien assuré, de rien statuer de certain ; cependant il ne doit pas balancer à les suivre, parce qu’ils s’accordent tous dans les effets des principes qu’ils supposent diversement. Le sentiment plus général qu’ils ont sur la formation des Métaux, est que le Mercure contient tout ce qui est nécessaire pour produire un métal ; il est comme un oeuf d’une poule qui n’avait pas souffert le coq, ou, encore comme un oeuf parfait et qui contiendrait la semence du coq, mais qui ne donnera jamais de mouvement à la matière de l’oeuf, si cette semence intérieure n’est excitée par un Agent extérieur. De même, disent Zachaire et le Trévisan, la nature, après avoir fait le Mercure, lui joint un Soufre qui est son Agent, et qui n’entre pas essentiellement dans la composition du Métal ; mais cet Agent en est peu à peu séparé par la seule coction, et moins il reste de cet Agent, plus le Métal est parfait. Le Mercure est donc à l’égard du Métal comme la matière, et la vertu du Soufre en est comme la forme. Quand la nature a joint ces deux, elle ne fait que les cuire, et par cette cuisson le soufre se sépare, et sa vertu agit sur ce Mercure, et reste en lui ; or si ce Soufre est entièrement séparé, le Métal sera très parfait, et ce sera de l’Or qui n’est qu’un pur feu dans le Mercure ; ce qui se voit en ce que l’Or s’imbibe plus facilement de Mercure que tout autre Métal, parce que ce n’est qu’un Argent-vif cuit par son propre soufre. Les autres métaux participent donc plus de ce soufre qu’ils peuvent moins s’imbiber d’Argent vif. Il est donc évident que ce qui fait la perfection dans les Métaux est le Mercure et ce qui cause leur imperfection est le mélange de ce Soufre terrestre.

Cela est tant rebattu par Geber et Arnaud, qu’il n’en faut point douter, si on ne veut renoncer à leur doctrine. Je me suis insensiblement engagé plus avant que je ne voulais, j’abandonne donc la poursuite de cette explication, parce que cela me mènerait trop loin, et je conclurai que si le fer, comme il est véritable, abonde en un soufre impur, livide, terrestre, fixe et non fusible (qui sont les qualités que lui attribue Geber au chap. 8 du Livre second) il est absolument inutile de le prendre pour l’Or des Philosophes, puisqu’il causerait plutôt de l’imperfection que de la perfection, et l’on ne peut pas dire qu’on peut de ce soufre, en séparer l’impureté, après que Geber assure que cela est impossible, aux chap. 9, 14, livre 2, où il en donne la raison.

Mais, si la Pierre n’est autre chose que l’Or extrêmement digeste, comme nous en assurent le Cosmopolite, Chap. 10, au Traité du Sel, chap. 2, 8, le Trévisan et Zachaire, pourquoi ne pas prendre de l’Or pour tâcher de le cuire plus que la nature n’a fait, et lui rendre la vie qu’il avait perdue par l’extraction de sa mine et le martyre du feu, et, ainsi lui donner plus de perfection ? Car les autres Métaux, et le fer moins qu’aucun, n’ont pas tant de coction que l’Or. Il faudrait donc, en prenant le fer, ou si vous voulez son soufre, qu’on le fit passer par le degré de coction ou métallisation qui répond à l’Or, avant qu’il pût devenir la Pierre, qui est encore plus parfaite que l’Or, ce qui est un travail d’Hercule, et d’ailleurs superflu, dès qu’on peut avoir de l’Or vulgaire sans cela.

Puisque les Métaux ont leur semence en laquelle ils se multiplient, il semble que la semence de l’Or doit donner de l’Or, qui est l’intention des Philosophes. Mais, dira-t-on, cette semence se trouve dans les autres Métaux ; cela est vrai, mais elle n’y est pas si pure, les Métaux sont infectés de lèpre ou de mauvais soufres. Le Traité du Sel dit, il n’y a que l’Or qui soit pur. Or pour suivre notre comparaison, une semence impure provenant d’un corps impur, n’engendrera qu’un fruit impur, et si l’on dit qu’il est possible de purifier cette semence, et de la tirer (ce que, toutefois, les Philosophes nient) ne vaudrait-il pas mieux prendre cette semence dans l’Or, où il n’y a pas d’impureté, que d’avoir la peine de la purifier, après l’avoir extraite d’un corps imparfait ?

Si le Fer n’est pas l’Or des Philosophes, ni le sujet d’où ils le doivent extraire pour le conjoindre avec leur Mercure, et en faire immédiatement leur Pierre, il n’est pas aussi le sujet qui donne au Mercure le Soufre qu’il n’a point, ou qu’il paraît ne pas avoir, afin qu’il devienne le Mercure des Philosophes ; mais il me semble que je n’ai pas de besoin de prouver cela, parce que vous supposez que le Mercure extrait de l’Antimoine soit celui qui dissout radicalement tous les Métaux, ce qui ne convient qu’au Mercure des Philosophes.

Mais les Philosophes assurent qu’on peut faire l’oeuvre entier du seul Mercure, sans aucune addition, et que c’est même la voie la plus courte, la plus facile et la plus excellente, mais non pas encore la Pierre transmutatoire. Il ne faudra donc point y mêler ni le Fer, ni l’Or, quoiqu’on puisse y mêler l’Or, pour le rendre transmutatoire, quand on ne sait pas encore le mystère de tirer notre Or, et de notre Mercure, comme parle Philalèthe, chap. 19. Si on peut tout faire du Mercure, il contient donc dans ses entrailles son propre soufre ; c’est en effet ce dont universellement tous les Philosophes nous assurent, et c’est pour ce sujet qu’ils l’appellent Androgyne, comme qui dirait qu’il est la semence et masculine et féminine ; ils l’appellent aussi Hermaphrodite, ce qui a donné lieu à bien des gens qui philosophent sur les mots, de travailler sur le Mercure et sur le Vénus, que ce terme signifie.

Peut-être pourrais-je m’être trompé ci-devant dans tous ces raisonnements, et je viens de m’apercevoir que faute de faire un peu de réflexion, j’allais me tromper encore plus grossièrement. Je demeure d’accord que si non seulement de l’Antimoine, mais de quelque Métal que ce soit, on pouvait extraire un Mercure pur, ce serait un Mercure des Philosophes, supposé qu’il fût imprégné de la vertu du soufre ; parce que tous les Métaux sont fondés de ce Mercure ; les Philosophes nous avertissent bien que nous devons prendre une matière dont sont formés les Métaux, mais ils ne disent pas qu’il faut tirer cette matière des Métaux ; au contraire, ils le défendent, comme je vais le faire voir après quelques expositions.

Nous devons considérer le Mercure et le Soufre, comme la semence masculine et féminine, comme la matière et la forme. Mais par le Mercure et par le Soufre, je n’entends pas les vulgaires, mais les deux principes des Métaux ; car le Mercure vulgaire est fait de ces deux, ces principes étant séparés contiennent chacun deux Éléments, et sont la première et vraie matière métallique, dont l’un sans l’autre ne produira jamais un métal ; témoins le Cosmopolite, chap. 3, Geber, chap. 25, Livre premier, le Trévisan, Zachaire, Flamel.

Ces deux principes sont la première matière, qui est inutile à l’artiste, selon le Cosmopolite, Chap. 4, 7, 12. Et la raison pour laquelle ces deux principes nous sont inutiles, c’est que nous ignorons non seulement la proportion du mélange de ces deux principes, mais nous en ignorons aussi la manière du mélange ; et quand nous les aurions tous deux dans leur entière pureté, ils nous seraient inutiles pour cette raison. Il n’y a que la nature qui puisse faire ce mélange, et le faire dans la proportion qu’il faut pour produire un Métal ; le Cosmopolite nous en assure, chap. 4, 6, 12, etc. ; Geber, chap. 9, 10, 11, Livre premier ; et Zachaire dit que la Nature fait cette composition d’une manière indicible.

Lorsque la Nature a mêlé ces deux semences, c’est alors la seconde matière ou la matière prochaine des Métaux ; c’est la semence métallique : et comme de chacune de ces deux matières séparées, elle en a pu produire autre chose qu’un métal, quand elle les a mêlées et altérées en certaine substance terrestre, elle n’en fait jamais qu’un métal. C’est là ce que le Philosophe doit prendre, et c’est de ce sujet terrestre qu’il doit tirer son Mercure, disent le Cosmopolite, chap. 4, où il est formel, chap. 3, 6, 12, Geber, chap. 26, Livre premier, le Trévisan, partie 2, 3, Zachaire, p. 203 de l’édition de Paris, 1672, où il appelle cette matière Mercure animé, Traité du Sel, chap. 2, 8.

La Nature, agissant sur cette matière, par la seule coction en fait tous les Métaux et Métallions par ordre. Le premier degré d’altération est le Plomb, le second l’Étain etc. Mais, s’il y a une trop grande quantité de terrestréité, elle n’en produit que des Marcassites et Métallines, comme du Zinc ou du Bismuth, qui sont de l’Etain imparfait, de l’Antimoine, qui est un Plomb impur, suivant Zachaire, le Trévisan, le Cosmopolite. Si nous voulons donc faire la semence métallique, ou pour parler plus proprement, si nous voulons l’extraire, il nous faut connaître ce sujet qui la contient, et lequel si on avait laissé dans la terre, et qu’il y eût assez de chaleur en ce lieu, serait devenu un métal, selon la pureté du lieu où elle s’est trouvée. Mais pour cela il ne faut pas imiter les vulgaires Opérateurs, qui prennent les corps Métalliques, soit Or, soit Mercure, soit Plomb etc. Qui veut faire quelque chose de bon, doit prendre la semence, et non pas les corps entiers, dit le Cosmopolite, chap. 6.

1. La première matière est le Mercure et le Soufre à part, selon le même, chap. 3.
2. La seconde, c’est la semence Métallique ou le Mercure philosophique, dont s’engendrent les Métaux, chap. 4, 6, et 7.
3. La troisième matière, c’est le Métal, en l’Epilogue.

La première matière, c’est-à-dire, ces deux principes sont inutiles ; la seconde matière qui est la semence, ou les principes joints par la Nature, est la seule utile ; la troisième, qui est le corps produit par cette semence, est inutile.

Que la première matière soit inutile, cela a été prouvé ; que la seconde soit utile, cela paraît par les chapitres 4, 6, 7, 8, 10, 12, et que la troisième soit inutile, cela paraît encore par l’Epilogue : si tu travailles, dit-il, en la troisième matière tu n’en feras rien, et ceux-là y travaillent, qui laissant notre matière, s’amusent à travailler sur les herbes, pierres et minières, tous êtres déterminés et inanimés, et par conséquent, incapables de donner la vie.

Et au chap. 6 : ceux qui travaillent sur le Mercure, et sur les autres Métaux, prennent les corps au lieu de la semence, lesquels sont la troisième matière qui est inutile.

Au Traité du Sel, chap. 2 : il faut que vous ayez une semence d’un sujet de même nature que celui que vous voulez produire. Il faut donc prendre l’unique Mercure métallique en forme du Sperme cru et non mûr, qui est Hermaphrodite, qui ressemble à une pierre, à cause de sa puissance à passer en acte, et qui comme telle se peut broyer et dont la forme extérieure est un soufre puant, qui est le premier sujet métallique que la nature a laissé cru et imparfait. Et au chap. 8, il faut tirer le Mercure du même sujet dont sont produits les corps Métalliques vulgaires que nous voyons.

Zachaire dit, la matière dont nous nous servons, n’est qu’une seule, semblable à celle dont la Nature se sert sous terre en la production des Métaux ; tant s’en faut donc que toutes les matières que nous pourrions prendre et mêler, fussent métalliques ou non, soient la matière de notre science.

Les Philosophes ne disent autre chose, et ne répètent rien tant que cela ; si l’on doit donc prendre la matière d’où se forment les Métaux, il ne faut pas prendre l’Antimoine, ni le Mercure, ni le Fer ; mais il faut prendre une matière dont le Fer, le Mercure vulgaire et l’Antimoine ont été formés, aussi bien que les autres Métaux. Dès que la Nature a joint et uni les deux principes métalliques, il ne s’en fait pas un Antimoine ; l’Antimoine est une production même de ces deux principes altérés et cuits par la Nature : de même dès que la poule a fait son oeuf qui contient, comme le Mercure des Philosophes, un principe actif et passif, qui renferme en lui les deux semences, la matière et la forme ; dès qu’elle a fait, dis-je, cet oeuf, ce n’est pas un poulet en acte, mais en vertu. La comparaison du poulet au métal, et de l’oeuf à la matière des Philosophes, n’est pas nouvelle, Hermès l’a faite le premier, et assure que l’on trouve une grande analogie entre l’oeuf et l’oeuvre ; Flamel l’a faite aussi ; et il y en a des Livres entiers ; ainsi, l’Antimoine et les Métaux produits du sujet des Philosophes sont comme autant de poulets produits d’un ou de plusieurs oeufs. S’il était possible qu’un poulet pût naître d’un oeuf qui contiendrait de l’impureté, il serait impur, infirme et languissant. De même, quand le sujet philosophique contient de l’impureté, ou qu’il se rencontre dans un lieu impur, comme l’Antimoine, le Plomb, le Bismuth etc., selon la qualité ou le degré d’impureté. Mais, si un oeuf est bien conditionné, il produit un poulet parfait, de même que notre matière, étant pure, produit un métal parfait ; car dit le Cosmopolite, un méchant Corbeau pond un mauvais oeuf.

Si on voulait donc faire éclore un poulet parfait, on ne prendrait pas un peu de ces poulets impurs à demi formés dans l’oeuf ; mais on prendrait un oeuf bien conditionné, on en ôterait, s’il était possible, le superflu, et ce qui en naîtrait serait parfait. Il en va de même en l’oeuvre philosophique ; on veut faire éclore ce poulet philosophique d’Hermogène, il ne le faut pas prendre déjà formé et impur, parce que ces impuretés ne peuvent plus s’ôter, c’est-à-dire qu’il ne faut pas prendre aucun métal ni métalline, dont les impuretés ne se peuvent séparer, comme le dit Geber ; il ne faut pas prendre non plus aucun métal si pur qu’il puisse être, parce qu’il a des impuretés, selon le Cosmopolite, chap. 3. Mais il faut prendre cet oeuf philosophique, cette semence métallique qui est dans un certain sujet terrestre, et qui n’a pas encore été altéré en aucune espèce métallique ; c’est-à-dire non spécifié ni déterminé : nous en séparerons les impuretés par la préparation et nous cuirons et ferons ainsi éclore ce poulet parfait.

Je répète donc qu’il faut prendre une matière laquelle étant une fois conçue, ne peut jamais changer de forme, selon le Cosmopolite, chap. 4. De même que l’oeuf ne peut jamais devenir que poulet.

Or l’Antimoine que nous prendrions a déjà la forme métallique ; mais quoique le sujet que les Philosophes doivent prendre ne change pas de forme, c’est-à-dire, selon le Cosmopolite, qu’il soit déterminé à devenir un métal, il ne s’ensuit pas qu’il doive être métal, quand on le prend.

Je crois que l’on peut aisément penser que du premier mélange que la nature fait des principes, quoiqu’elle agisse dessus pour les mêler per minima et les déterminer à devenir un métal, il ne s’en fait pas immédiatement de l’Antimoine ; de même, comme j’ai dit, que dès que le coq et la poule s’étaient accouplés et qu’elle avait pondu son oeuf, il ne s’en faisait pas un poulet, mais seulement un oeuf, l’on peut donc inférer que le sujet philosophique est quelque chose plus cru que l’Antimoine ; que c’est le sujet d’où l’Antimoine et les Métaux sont formés.

Je pense que cela est suffisant, mais voici encore d’autres autorités ; car je n’ai cité que quelques auteurs du premier Volume de la Bibliothèque alchimique, et Geber, d’Espagnet, le Cosmopolite, Lulle et Arnaud, qui n’y sont pas ; je n’ai rien rapporté de ceux du second Volume, qui ne comprend qu’Artéphius et la Somme de Geber, parce que le traducteur a misérablement tronqué et estropié ce dernier Auteur, on le méconnaît dans cette Traduction ; de sorte que, comme il en a changé l’ordre, il ne s’y faut pas arrêter pour trouver les lieux que je cite, mais seulement sur l’édition Latine. Je reprends donc la suite de ces autorités.

Le Cosmopolite, chap. 3, dit, il y en a qui prennent le corps pour leur matière, c’est-à-dire pour leur semence ; les autres n’en prennent qu’une partie ; tous ceux-là sont dans l’erreur, de même que ceux qui essayent de réduire le grain ou le corps en semence, et qui s’amusent à de vaines dissolutions de Métaux, s’efforçant de leur mélange d’en créer un nouveau.

Tenez pour assuré qu’il ne faut pas chercher ce point ou cette semence dans les Métaux vulgaires, parce qu’il n’y est pas et qu’ils sont morts.

Le Cosmopolite, chap. 6, dit, le Mercure vulgaire aussi bien que les autres Métaux ont leur semence comme les animaux ; le corps de l’animal est comparé au mercure ou à quelque autre métal. Qui voudrait donc engendrer un autre homme, il ne faudrait pas prendre un homme ; de même qui veut engendrer l’homme métallique, il ne doit pas prendre le corps du mercure ou d’autre métal ; moins encore ne pourrait-on de leur différent mélange en produire un, ni après les avoir dissous et divisés en parties ; car cette division et dissolution les tue.

Le Cosmopolite, en sa Préface, dit que toutes les extractions d’âme ou de soufre des métaux n’est qu’une vaine persuasion et une pure fantaisie. Geber dit de même, chap. 21, Livre premier.

Le Cosmopolite, chap. 11, de la Nature, et chap. 6, du Soufre dit, il faut à l’imitation de la Nature, cuire la première matière des Philosophes ou leur Mercure. Or, si ce Mercure se tirait de l’Antimoine, il faudrait donc que la nature, pour produire les métaux, prît ce mercure de l’Antimoine, parce qu’elle ne les produit qu’avec ce mercure ; je ne crois pas que personne doute que l’Antimoine soit lui-même composé de ce même mercure. Le Cosmopolite, chap. 6, du Soufre, dit, le mercure des Philosophes est en tout sujet, mais il est en l’un plus proche qu’en l’autre, et la vie de l’homme ne serait pas assez longue pour l’extraire ; il n’y a qu’un seul Être au monde où on le trouve aisément : puisque cela est, je m’étonne que vous n’ayez pas dit que ce mercure se doit extraire de l’étain ; car ce mercure y est plus pur que dans l’Antimoine, et en plus grande abondance, selon Geber, puisque, après le Soleil et la Lune, il n’y en a point de plus parfait, ni qui contienne tant de Mercure que l’Etain ; je dirais de même que je m’étonne que vous n’ayez pris le Cuivre au lieu du Fer ; car le Cuivre est plus parfait, selon Geber, et son Soufre est plus pur que celui du Fer, et il en abonde aussi bien que le Fer, et en a davantage de bon que n’en a le Fer. Pour la facilité ou difficulté de l’extraction du Mercure de l’Antimoine ou de l’Étain et du Soufre du Fer et du Cuivre, je pense que n’en ayant expérience ni de l’un ni de l’autre, il valait autant prendre Jupiter ou Vénus, qui sont plus purs, que de choisir Mars ou l’Antimoine, qui ont tant d’impureté ; mais, comme on ne trouve, selon le Cosmopolite, qu’une seule matière au monde en quoi consiste l’Art, et de laquelle on puisse avoir ce qui est nécessaire, on ne peut pas dire que la Pierre ou Mercure, qui en est le principe, se peut extraire de tous les Métaux, il en faut déterminer un ou une autre matière minérale.

Pour montrer que les Métaux imparfaits et autres Métallions, soit qu’on les prenne entièrement, soit qu’on ait l’adresse de les séparer en diverses substances, qui est d’en extraire leur Mercure et leur Soufre, ne peuvent de rien servir, il faudrait copier tout le chap. 14 du Livre 2 de la Somme de Geber. J’aime mieux que vous ayez le plaisir de le lire ; c’est le 13, de la nouvelle édition Française, lisez encore le chap. 9 du même Livre, qui est le 8 de la nouvelle ; sur la fin Philalèthe, chap. 17, plusieurs se tourmentent pour tirer le Mercure de l’Or, le Mercure de la Lune, mais c’est peine perdue.

Trévisan, dernière édition : Laissez tous Métaux.

Zachaire, parlant de ceux qui sont dans l’erreur, y compte ceux qui convertissent les Métaux ou Minéraux en Mercure coulant ou en Argent-vif ; ce serait assez pour prouver que l’on ne doit pas faire cela de l’Antimoine.

Vous ajouterez, s’il vous plaît, à cela ce que je vous en avais écrit la première fois ; mais, comme je ne me persuade pas que je vous satisfasse plutôt cette fois que l’autre ; faites-moi la grâce de me marquer ce que vous trouvez à reprendre ; bien loin de me chagriner, vous m’obligerez sensiblement et je ne crois pas qu’on me puisse plus obliger que de me désabuser et me faire voir que je me trompe. Mais je vous avoue franchement ici que je ne crois pas qu’on le puisse faire ; car j’ai fait tout ce que j’ai pu, pour me détromper moi-même : j’ai feint cent fois que tous mes principes étaient faux, je les ai examinés par ordre, plus les dernières fois que lorsque je les ai reçus. Et enfin, plus je tâchais de me désabuser, plus je voyais clair dans ce que je cherchais ; et en effet à celui qui connaît ce que le Cosmopolite en son Epilogue appelle le point de la Magnésie, toutes les difficultés sont levées, tous les nuages se dissipent, et toutes ces choses lui sont claires et manifestes. Que si vous avez quelques expériences ou quelques raisons, ou quelques autorités pour fonder votre opinion, et que vous me les vouliez dire, j’essayerai de les détruire ou d’expliquer par les Philosophes mêmes que vous me citerez, les passages que vous croirez faire parler en faveur de votre opinion.

Il faut que l’Art commence où la nature finit les corps métalliques parfaits, dit le Cosmopolite, chap. 4. C’est lorsqu’on prend l’Or ou l’Argent pour les mêler avec le Mercure philosophique, qui est la terre et le champ, dans lequel l’Or étant semé, il se multipliera, selon Philalèthe ; ce n’est pas donc le Fer. Mais, s’il fallait apporter des preuves positives que c’est l’Or qui doit donner ce Soufre philosophique, que c’est, dis-je, l’Or ou l’Argent qui se doivent mêler avec le Mercure, il faudrait copier tous ces Auteurs, et principalement Artéphius.

Richard Anglais dans son Traité, qui est dans le Théâtre Chimique et dont il y en a quelque chose d’inséré dans le Grand Rosaire, rejette absolument tous les Métaux et Minéraux Métalliques ou qui ont la forme de quelque Métal, comme l’Antimoine etc., pour la composition ou l’extraction du Mercure philosophique. Vous suivrez leur conseil, si vous m’en croyez. Leur expérience et leur sentiment univoque sur cette première matière doit vous suffire.

J’y ajouterai encore une réflexion, pour détruire votre sentiment. Les Philosophes disent sans énigmes que leur matière première est une substance mercurielle, qui renferme en elle un esprit de Feu céleste, actif, vivifiant, et non corrosif dont elle est imprégnée ; l’Art a bien peu de chose à faire pour extraire cette même substance de sa minière, elle paraît d’abord aux yeux revêtue d’un Soufre terrestre et impur, que bientôt après, sans le secours de l’Art, elle abandonne d’elle-même, pour s’offrir à l’habile Artiste, qui la reconnaissant, la recueille avec précaution, mais que le vulgaire aveugle sur lui-même, foule aux pieds. Ceci doit vous convaincre, en pesant bien tous les mots ; car je vous défie de pouvoir, ainsi que vous le croyez, tirer du Fer, de l’Antimoine ou autres Métaux vulgaires, cette Saturnie végétable, cet Esprit universel et onctueux, qui se répand dans tout, anime tout, détermine tout et informe tout, sans user d’une force étrangère à la Nature. Cette Ouvrière, cette Mère industrieuse n’a pas besoin du secours de l’Art pour nous donner son Fils premier-né. Nous la laissons agir, elle nous le donne prêt à être opéré, tous les Philosophes sont d’accord de ce que je vous dis. Au lieu que vous, vous forcez la nature. Quand vous aurez trouvé une Mine d’où sorte naturellement et sans le secours d’aucun Art, ce Mercure généralissime déterminant et non déterminé, spécifiant et non spécifié, alors vous serez dans le bon chemin, vous reconnaîtrez votre erreur. Et par les Ecrits des Philosophes vous sentirez vous-même que vous pouvez travailler avec sûreté, et que vous avez trouvé cette Eau cahodique, qui digérée par une coction bien conduite, vous donnera au temps prescrit, le Chef-d’oeuvre de la Nature et de l’Art, qui est la source de la santé des corps, et du contentement du coeur et de l’esprit.

Ainsi soit-il.