SOLVE ET COAGULA
René Guénon
Extrait de La Grande Triade (1946), chapitre VI
Puisque nous venons de faire allusion à la « coagulation »
et à la « solution » hermétiques, et bien que nous en ayons déjà parlé quelque
peu en diverses occasions, il ne sera peut-être pas inutile de préciser encore,
à ce sujet, certaines notions qui ont un rapport assez direct avec ce que nous
avons exposé jusqu’ici. En effet, la formule solve et coagula est regardée comme contenant d’une certaine façon
tout le secret du « Grand Œuvre », en tant que celui-ci reproduit le processus
de la manifestation universelle, avec ces deux phases inverses que nous avons
indiquées tout à l’heure. Le terme solve est parfois représenté par un signe
qui montre le Ciel, et le terme coagula par un signe qui montre la Terre (1) ;
c’est dire qu’ils s’assimilent aux actions du courant ascendant et du courant
descendant de la force cosmique, ou, en d’autres termes, aux actions
respectives du yang et du yin. Toute force d’expansion est yang, et toute force
de contraction est yin ; les « condensations », qui donnent naissance aux
composés individuels, procèdent donc des influences terrestres, et les «
dissipations », qui ramènent les éléments de ces composés à leurs principes
originels, procèdent des influences célestes ; ce sont là, si l’on veut, les
effets des attractions respectives du Ciel et de la Terre ; et c’est ainsi que
« les dix mille êtres sont modifiés par yin et yang » depuis leur apparition
dans le monde manifesté jusqu’à leur retour au non-manifesté.
Il faut d’ailleurs bien prendre garde que l’ordre des deux
termes dépend du point de vue auquel on se place, car, en réalité, les deux
phases complémentaires auxquelles ils correspondent sont à la fois alternantes
et simultanées, et l’ordre dans lequel elles se présentent dépend en quelque
sorte de l’état qu’on prend pour point de départ. Si l’on part de l’état de
non-manifestation pour passer au manifesté (ce qui est le point de vue qu’on
peut dire proprement « cosmogonique ») (2), c’est la « condensation » ou la «
coagulation » qui se présentera naturellement en premier lieu ; la «
dissipation » ou la « solution » viendra ensuite, comme mouvement de retour
vers le non-manifesté, ou tout au moins vers ce qui, à un niveau quelconque, y
correspond en un sens relatif (3). Si au contraire on partait d’un état donné
de manifestation, on devrait envisager tout d’abord une tendance aboutissant à
la « solution » de ce qui se trouve dans cet état ; et alors une phase
ultérieure de « coagulation » serait le retour à un autre état de manifestation
; il faut d’ailleurs ajouter que cette « solution » et cette « coagulation »,
par rapport à l’état antécédent et à l’état conséquent respectivement, peuvent
être parfaitement simultanées en réalité (4).
D’autre part, et ceci est encore plus important, les choses
se présentent en sens inverse suivant qu’on les envisage au point de vue du
Principe ou au contraire, comme nous venons de le faire, au point de vue de la
manifestation, de telle sorte que, pourrait-on dire, ce qui est yin d’un côté
est yang de l’autre et inversement, bien que d’ailleurs ce ne soit que par une
façon de parler assez impropre qu’on peut rapporter au Principe même une
dualité comme celle du yin et du yang. En effet, comme nous l’avons déjà
indiqué ailleurs (5), c’est l’« expir » ou le mouvement d’expansion
principielle qui détermine la « coagulation » du manifesté, et l’« aspir » ou
le mouvement de contraction principielle qui détermine sa « solution » ; et il
en serait exactement de même si, au lieu d’employer le symbolisme des deux
phases de la respiration, on employait celui du double mouvement du cœur.
On peut du reste éviter l’impropriété de langage que nous
signalions à l’instant au moyen d’une remarque assez simple : le Ciel, en tant
que pôle « positif » de la manifestation, représente d’une façon directe le
Principe par rapport à celle-ci (6), tandis que la Terre, en tant que pôle «
négatif », ne peut en présenter qu’une image inversée. La « perspective » de la
manifestation rapportera donc assez naturellement au Principe même ce qui
appartient réellement au Ciel, et c’est ainsi que le « mouvement » du Ciel
(mouvement au sens purement symbolique, bien entendu, puisqu’il n’y a là rien
de spatial) sera attribué d’une certaine façon au Principe, bien que celui-ci
soit nécessairement immuable. Ce qui est plus exact au fond, c’est de parler,
comme nous le faisions un peu plus haut, des attractions respectives du Ciel et
de la Terre, s’exerçant en sens inverse l’une de l’autre : toute attraction
produit un mouvement centripète, donc une « condensation », à laquelle
correspondra, au pôle opposé, une « dissipation » déterminée par un mouvement
centrifuge, de façon à rétablir ou plutôt à maintenir l’équilibre total (7). Il
résulte de là que ce qui est « condensation » sous le rapport de la substance
est au contraire une « dissipation » sous le rapport de l’essence, et que,
inversement, ce qui est « dissipation » sous le rapport de la substance est une
« condensation » sous le rapport de l’essence ; par suite, toute «
transmutation », au sens hermétique de ce terme, consistera proprement à «
dissoudre » ce qui était « coagulé » et, simultanément, à « coaguler » ce qui
était « dissous », ces deux opérations apparemment inverses n’étant en réalité
que les deux aspects complémentaires d’une seule et même opération.
C’est pourquoi les alchimistes disent fréquemment que « la
dissolution du corps est la fixation de l’esprit » et inversement, esprit et
corps n’étant en somme pas autre chose que l’aspect « essentiel » et l’aspect «
substantiel » de l’être ; ceci peut s’entendre de l’alternance des « vies » et
des « morts », au sens le plus général de ces mots, puisque c’est là ce qui
correspond proprement aux « condensations » et aux « dissipations » de la
tradition taoïste (8), de sorte que, pourrait-on dire, l’état qui est vie pour
le corps est mort pour l’esprit et inversement ; et c’est pourquoi «
volatiliser (ou dissoudre) le fixe et fixer (ou coaguler) le volatil » ou «
spiritualiser le corps et corporifier l’esprit (9) », est dit encore « tirer le
vif du mort et le mort du vif », ce qui est aussi, par ailleurs, une expression
qorânique (10). La « transmutation » implique donc, à un degré ou à un autre
(11), une sorte de renversement des rapports ordinaires (nous voulons dire tels
qu’ils sont envisagés au point de vue de l’homme ordinaire), renversement qui
est d’ailleurs plutôt, en réalité, un rétablissement des rapports normaux ;
nous nous bornerons à signaler ici que la considération d’un tel « retournement
» est particulièrement importante au point de vue de la réalisation
initiatique, sans pouvoir y insister davantage, car il faudrait pour cela des
développements qui ne sauraient rentrer dans le cadre de la présente étude (12).
D’autre part, cette double opération de « coagulation » et
de « solution » correspond très exactement à ce que la tradition chrétienne
désigne comme le « pouvoir des clefs » ; en effet, ce pouvoir est double aussi,
puisqu’il comporte à la fois le pouvoir de « lier » et celui de « délier » ; or
« lier » est évidemment la même chose que « coaguler », et « délier » la même
chose que « dissoudre » (13) ; et la comparaison de différents symboles
traditionnels confirme encore cette correspondance d’une façon aussi nette que
possible. On sait que la figuration la plus habituelle du pouvoir dont il
s’agit est celle de deux clefs, l’une d’or et l’autre d’argent, qui se
rapportent respectivement à l’autorité spirituelle et au pouvoir temporel, ou à
la fonction sacerdotale et à la fonction royale, et aussi, au point de vue
initiatique, aux « grands mystères » et aux « petits mystères » (et c’est à ce
dernier égard qu’elles étaient, chez les anciens Romains, un des attributs de
Janus) (14) ; alchimiquement, elles se réfèrent à des opérations analogues
effectuées à deux degrés différents, et qui constituent respectivement l’«
œuvre au blanc », correspondant aux « petits mystères », et l’« œuvre au rouge
», correspondant aux « grands mystères » ; ces deux clefs, qui sont, suivant le
langage de Dante, celle du « Paradis céleste » et celle du « Paradis terrestre
», sont croisées de façon à rappeler la forme du swastika. En pareil cas,
chacune des deux clefs doit être considérée comme ayant, dans l’ordre auquel
elle se rapporte, le double pouvoir d’« ouvrir » et de « fermer », ou de « lier
» et de « délier » (15) ; mais il existe aussi une autre figuration plus
complète, où, pour chacun des deux ordres, les deux pouvoirs inverses sont
représentés distinctement par deux clefs opposées l’une à l’autre. Cette
figuration est celle du swastika dit « clavigère », précisément parce que
chacune de ses quatre branches est formée d’une clef (fig. 12) (16) ; on a
ainsi deux clefs opposées suivant un axe vertical et deux autres suivant un axe
horizontal (17) ; par rapport au cycle annuel, dont on connaît l’étroite
relation avec le symbolisme de Janus, le premier de ces deux axes est un axe
solsticial et le second un axe équinoxial (18) ; ici, l’axe vertical ou
solsticial se rapporte à la fonction sacerdotale, et l’axe horizontal ou
équinoxial à la fonction royale (19).
Le rapport de ce symbole avec celui de la double spirale est établi par l’existence d’une autre forme du swastika, qui est une forme à branches courbes, ayant l’apparence de deux S croisés ; la double spirale peut naturellement s’identifier, soit à la partie verticale de ce swastika, soit à sa partie horizontale. Il est vrai que la double spirale est le plus souvent placée horizontalement afin de mettre en évidence le caractère complémentaire et en quelque sorte symétrique des deux courants de la force cosmique (20) ; mais, d’autre part, la courbe qui en est l’équivalent dans le yin-yang est au contraire, en général, placée verticalement ; on pourra donc, suivant les cas, envisager de préférence l’une ou l’autre de ces deux positions, qui se trouvent réunies dans la figure du swastika à branches courbes, et qui correspondent alors respectivement aux deux domaines dans lesquels s’exerce le « pouvoir des clefs (21) ».
À ce même « pouvoir des clefs » correspond aussi, dans les traditions hindoue et thibétaine, le double pouvoir du vajra (22) ; ce symbole est, comme on le sait, celui de la foudre (23), et ses deux extrémités, formées de pointes en forme de flamme, correspondent aux deux aspects opposés du pouvoir représenté par la foudre : génération et destruction, vie et mort (24). Si l’on rapporte le vajra à l’« Axe du Monde », ces deux extrémités correspondent aux deux pôles, ainsi qu’aux solstices (25) ; il doit donc être placé verticalement, ce qui s’accorde d’ailleurs avec son caractère de symbole masculin (26), ainsi qu’avec le fait qu’il est essentiellement un attribut sacerdotal (27). Tenu ainsi dans la position verticale, le vajra représente la « Voie du Milieu » (qui est aussi, comme on le verra plus loin, la « Voie du Ciel ») ; mais il peut être incliné d’un côté ou de l’autre, et alors ces deux positions correspondent aux deux « voies » tantriques de droite et de gauche (dakshina-mârga et vâma-mârga), cette droite et cette gauche pouvant d’ailleurs être mises en relation avec les points équinoxiaux, de même que le haut et le bas le sont avec les points solsticiaux (28). Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur tout cela, mais, pour ne pas trop nous écarter de notre sujet, nous nous contenterons ici de ces quelques indications ; et nous conclurons là-dessus en disant que le pouvoir du vajra, ou le « pouvoir des clefs » qui lui est identique au fond, impliquant le maniement et la mise en œuvre des forces cosmiques sous leur double aspect de yin et de yang, n’est en définitive rien d’autre que le pouvoir même de commander à la vie et à la mort (29).
NOTES DE BAS DE PAGE
(1) Nous faisons ici allusion notamment au symbolisme des
signes du 18ème degré de la Maçonnerie écossaise, et aussi à celui du rite du «
calumet » chez les Indiens de l’Amérique du Nord, qui comporte trois mouvements
successifs se rapportant respectivement au Ciel, à la Terre et à l’Homme, et
pouvant se traduire par « solution », « coagulation » et « assimilation ».
(2) L’ordre de succession des deux phases à ce point de vue
montre d’ailleurs encore pourquoi le yin est ici avant le yang.
(3) Ceci trouve de nombreuses applications dans le domaine
des sciences traditionnelles ; une des plus inférieures parmi ces applications
est celle qui se rapporte à l’« appel » et au « renvoi » des « influences
errantes » au début et à la fin d’une opération magique.
(4) C’est la « mort » à un état et la « naissance » à un
autre état, considérées comme les deux faces opposées et inséparables d’une
même modification de l’être (voir Le Symbolisme de la Croix, ch. XXII, et
Aperçus sur l’Initiation, ch. XXVI).
(5) Aperçus sur l’Initiation, ch. XLVII.
(6) C’est pourquoi Tai-ki, bien qu’étant supérieur au Ciel
aussi bien qu’à la Terre et antérieur à leur distinction, apparaît cependant
pour nous comme le « faîte du Ciel ».
(7) On pourra rapprocher ceci des considérations que nous
avons exposées dans Les Principes du Calcul infinitésimal, ch. XVII.
(8) Suivant les commentateurs du Tao-te-king, cette
alternance des états de vie et de mort est « le va-et-vient de la navette sur
le métier à tisser cosmique » ; cf. Le Symbolisme de la Croix, ch. XIV, où nous
avons également rapporté les autres comparaisons des mêmes commentateurs avec
la respiration et avec la révolution lunaire.
(9) On dit aussi dans le même sens « rendre le manifeste
occulte et l’occulte manifeste ».
(10) Qorân, VI, 95 ; sur l’alternance des vies et des morts
et le retour final au Principe, cf. II, 28.
(11) Pour comprendre les raisons de cette restriction, on
n’aura qu’à se reporter à ce que nous avons expliqué dans nos Aperçus sur
l’Initiation, ch. XLII.
(12) Au degré le plus élevé, ce « retournement » est en
étroit rapport avec ce que le symbolisme kabbalistique désigne comme le «
déplacement des lumières », et aussi avec cette parole que la tradition
islamique met dans la bouche des awliyâ : « Nos corps sont nos esprits, et nos
esprits sont nos corps » (ajsâmnâ arwâhnâ, wa arwâhnâ ajsâmnâ). – D’autre part,
en vertu de ce même « retournement », on peut dire que, dans l’ordre spirituel,
c’est l’« intérieur » qui enveloppe l’« extérieur », ce qui achève de justifier
ce que nous avons dit précédemment au sujet des rapports du Ciel et de la
Terre.
(13) On dit d’ailleurs en latin potestas ligandi et solvendi
; la « ligature », au sens littéral, se retrouve dans l’usage magique des
nœuds, qui a pour contrepartie celui des pointes en ce qui concerne la «
dissolution ».
(14) Voir Autorité spirituelle et pouvoir temporel, ch. V et
VIII et aussi, sur la relation des « grands mystères » et des « petits mystères
» avec l’« initiation sacerdotale » et l’« initiation royale » respectivement,
Aperçus sur l’Initiation, ch. XXXIX et XL.
(15) On peut dire cependant, en un certain sens, que le
pouvoir de « lier » prévaut dans la clef qui correspond au temporel, et celui
de « délier » dans la clef qui correspond au spirituel, car le temporel et le
spirituel sont yin et yang l’un par rapport à l’autre ; cela pourrait
d’ailleurs se justifier, même extérieurement, en parlant de « contrainte » dans
le premier domaine et de « liberté » dans le second.
(16) Il existe diverses variantes de cette figure ; la forme
que nous reproduisons ici se trouve notamment, à côté du swastika ordinaire,
sur un vase étrusque du Musée du Louvre. – Voir une figuration chrétienne
similaire au swastika clavigère dans l’introduction de Mgr Devoucoux à l’Histoire
de l’antique cité d’Autun du chanoine Edme Thomas, p. XLVI.
(17) Il faudrait, en toute rigueur, dire un axe relativement
vertical et un axe relativement horizontal l’un par rapport à l’autre, le
swastika lui-même devant être regardé comme tracé dans un plan horizontal (voir
Le Symbolisme de la Croix, ch. X). – La clef est un symbole essentiellement «
axial », de même que le bâton ou le sceptre, qui, dans certaines figurations de
Janus, remplace celle des deux clefs qui correspond au pouvoir temporel ou aux
« petits mystères ».
(18) Dans les figurations les plus habituelles de Janus
(Janus Bifrons), les deux visages, entre autres significations, correspondent
aux deux solstices ; mais il existe aussi, quoique plus rarement, des
figurations de Janus à quatre visages (Janus Quadrifrons), correspondant aux
deux solstices et aux deux équinoxes, et présentant une assez singulière
ressemblance avec le Brahmâ Chaturmukha de la tradition hindoue.
(19) Notons en passant qu’on pourrait tirer de là certaines conséquences
en ce qui concerne la signification de la prédominance attribuée aux solstices
dans certaines formes traditionnelles et aux équinoxes dans certaines autres,
notamment pour la fixation du début de l’année ; nous dirons seulement que le
point de vue solsticial a en tout cas un caractère plus « primordial » que le
point de vue équinoxial.
(20) Cette symétrie est particulièrement manifeste aussi
dans le cas des deux serpents du caducée.
(21) La médecine, relevant chez les anciens de l’« art
sacerdotal », correspond par là à une position verticale de la double spirale,
en tant qu’elle met en action, comme nous l’avons indiqué plus haut, les forces
respectives du yang et du yin. Cette double spirale verticale est représentée
par le serpent enroulé en S autour du bâton d’Esculape, et qui d’ailleurs, dans
ce cas, est figuré seul pour exprimer que la médecine ne met en œuvre que
l’aspect « bénéfique » de la force cosmique. – Il est à remarquer que le terme de
« spagyrie », qui désigne la médecine hermétique, exprime formellement, par sa
composition, la double opération de « solution » et de « coagulation » ;
l’exercice de la médecine traditionnelle est donc proprement, dans un ordre
particulier, une application du « pouvoir des clefs ».
(22) Vajra est le mot sanscrit ; la forme thibétaine est
dorje.
(23) Il est à la fois « foudre » et « diamant », par une
double acception du même mot, et, dans l’une et l’autre de ces deux
significations, il est encore un symbole « axial ».
(24) C’est ce que figurent aussi certaines armes à double
tranchant, notamment, dans le symbolisme de la Grèce archaïque, la double
hache, dont la signification peut d’ailleurs être rapprochée de celle du
caducée. D’autre part, la foudre était représentée dans la tradition
scandinave par le marteau de Thor, auquel on peut assimiler le maillet du
Maître dans le symbolisme maçonnique ; celui-ci est donc encore un équivalent
du vajra, et, comme lui, il a le double pouvoir de donner la vie et la mort,
ainsi que le montre son rôle dans la consécration initiatique d’une part et
dans la légende d’Hiram d’autre part.
(25) Ceux-ci s’assimilent en effet, dans la correspondance
spatiale du cycle annuel, au Nord (hiver) et au Sud (été), tandis que les deux
équinoxes s’assimilent à l’Est (printemps) et à l’Ouest (automne) ; ces
relations ont notamment une grande importance, au point de vue rituel, dans la
tradition extrême-orientale.
(26) Son complémentaire féminin est, dans la tradition
hindoue, la conque (shankha), et, dans la tradition thibétaine, la clochette
rituelle (dilbu), sur laquelle se voit souvent une figure féminine qui est
celle de la Prâjnâ-pâramitâ ou « Sagesse transcendante » dont elle est le
symbole, tandis que le vajra est celui de la « Méthode » ou de la « Voie ».
(27) Les Lamas tiennent le vajra de la main droite et la
clochette de la main gauche ; ces deux objets rituels ne doivent jamais être
séparés.
(28) On trouve parfois, dans le symbolisme thibétain, une
figure formée de deux vajras croisés, qui est évidemment un équivalent du
swastika ; les quatre pointes correspondent alors exactement aux quatre clefs
du swastika clavigère.
(29) Dans d’anciens manuscrits provenant de la Maçonnerie
opérative, il est question, sans autre explication, d’une certaine faculty of
abrac ; ce mot énigmatique abrac, qui a donné lieu à diverses interprétations
plus ou moins fantaisistes, et qui est en tout cas un mot manifestement
déformé, paraît bien devoir signifier en réalité la foudre ou l’éclair (en
hébreu ha-baraq, en arabe el-barq), de sorte que, là encore, il s’agirait
proprement du pouvoir du vajra. On peut facilement comprendre, par tout cela,
en vertu de quel symbolisme le pouvoir de provoquer des orages a été souvent
regardé, chez les peuples les plus divers, comme une sorte de conséquence de
l’initiation.