LA DAME A LA LICORNE
SIX TAPISSERIES ALCHIMIQUES A L'HOTEL DE CLUNY
Musée de Cluny - Musée National du Moyen Âge
6 place Paul Painlevé
75005 - Paris
Ces tapisseries, datées du XVème siècle, probablement originaires de Bruxelles et dont les personnages et animaux rappellent très fortement le style d'un Hans Memling, symbolisent, exotériquement, les Cinq Sens.
Sur la tapisserie principale, la plus connue, une licorne contemple son image dans le miroir que lui tend une dame. A droite est un lion, qui tient entre ses pattes antérieures une hampe, dont la bannière est frappée d’un blason "de gueules à la bande d'azur chargée de trois croissants d'argent".
Premier sens observé, la vue est symbolisée par l'attitude de la licorne contemplant son image dans le miroir que lui tend la dame. L’ouïe est ensuite représentée, sur la seconde tapisserie, par une jeune femme qui tient un orgue. Au troisième tableau, le goût est évoqué par le geste de la servante qui tend une coupe à sa maîtresse; un singe l’accompagne, qui se montre friand d’un fruit ; puis un lion, qui semble fort gourmand. La quatrième tapisserie nous montre une dame qui tresse une guirlande odorante, un singe à ses côtés respirant une fleur et accentuant ainsi l’allusion à l’odorat. Au cinquième tableau, qui symbolise le toucher, la dame effleure d'une main la corne de l'animal mythique et, de l'autre, tient la hampe de l'étendard.
La sixième tapisserie, dont le nom est "A mon seul désir", semble nous faire part d’un "renoncement aux sens"… La dame ne choisirait pas l’un des bijoux présentés par sa servante, mais, peut-être, déposerait dans le coffret le collier qu’elle porte depuis la première tapisserie. Il y aurait - toujours peut-être -, l’apparition d’un sixième sens, un sens supérieur, que nous pourrions nommer "entendement", ou "spiritualité"… On passe ici de la matière à l’esprit.
La perspective exotérique qui vient d’être décrite cache, comme bien souvent en symbolique, une perspective ésotérique, et ici surtout, alchimique. La Licorne principalement, puis le Singe, le Lion, le Miroir, sont des "pièces à conviction alchimiques" connues. Il n’y suffit pas, cependant, à démontrer la volonté d’exprimer un sens alchimique à ces tapisseries, dans le chef de son ou de ses auteurs.
C’est l’étendard qui nous interpelle, et qui permet le revirement de notre appréciation, ou le passage de l’exotérique à l’ésotérique.
"De gueules à la bande d'azur chargée de trois croissants d'argent"… On pourrait y voir - pourquoi pas ? -, les armoiries de la cité de Lunéville, aux couleurs près... Il pourrait s’agir des armes de la famille Le Viste, ce qui est plus vraisemblable, mais n’empêche pas de penser que les Le Viste aient eu connaissance des secrets alchimiques, jusqu’à les manifester dans leur "logo familial", pour le dire en termes contemporains…
(Edmond du Sommerard, conservateur du musée de Cluny en 1842, établit un lien entre l’étendard de la tapisserie et les armes des Le Viste, famille de juristes établie à Lyon, dont plusieurs membres se firent remarquer à la cour des ducs de Bourgogne. Une descendante de cette famille introduisit les tapisseries au château de Boussac, avant leur rachat, en ces lieux, par le Musée de Cluny).
Bref, nous sommes en présence de trois croissants de lune. Nous sommes donc en présence, "lunairement parlant", de l’un des arcanes majeurs de l’Alchimie.
Lorsque nous constatons la présence - principale sans doute dans la tapisserie de "La Vue" - d’un miroir, sous l’étendard, où se mire notre Licorne, nous avons peine à douter de la "complicité hermétique" qui unit nos lunes et ce miroir.
La lune est un miroir. Sa présence et son action sont encore appuyées par les nombreux lapins - symbole lunaire - qui traversent ces tapisseries.
Le soleil s’y reflète ; ils forment, soleil et lune, un couple indissociable, le véritable couple alchimique, qui permet toutes les transmutations. Les Franc-Maçons sont supposés en savoir quelque chose… ceux tout au moins qui voient dans les symboles autre chose qu’une "auberge espagnole"… et qui connaissent, outre leur lune et leur soleil, le sens des trois larmes d’argent que l’on dispose sur le "tableau de Maître", ou plus précisément, sur le tombeau d’Hiram…
A ce propos, Mathurin Eyquem, dans son "Pilote de l'Onde Vive", confirme cette interaction entre la Lune et le Soleil :
De toutes les influences qui tombent ici bas, il n’y a que celles qui se font au temps que les Planètes ont des regards entr’eux, à chaque changement de quartier de la Lune, qui soient portées au centre, parce qu’elles tombent sur la Lune, qui a la propriété de les réfléchir, comme les rayons du Soleil sont réfléchis lorsqu’ils tombent sur un miroir, aux objets qui lui sont opposés, et leur communiquent leurs qualités...
Un Anonyme du XIXème siècle, dans ses réputées "Récréations Hermétiques", nous en redonne confirmation, y ajoutant des perspectives supplémentaires :
Tout le monde sait aujourd’hui que la lumière que la lune nous envoie, n’est qu’un emprunt de celle du Soleil, à laquelle vient se mêler la lumière des autres astres. La Lune est par conséquent le réceptacle ou foyer commun dont tous les philosophes ont entendu parler : elle est la source de leur eau vive. Si donc vous voulez réduire en eau les rayons du Soleil, choisissez le moment où la lune nous les transmet avec abondance, c’est-à-dire lorsqu’elle est pleine, ou qu’elle approche de son plein : vous aurez par ce moyen l’eau ignée des rayons du Soleil et de la Lune dans sa plus grande force.
A ce propos, Mathurin Eyquem, dans son "Pilote de l'Onde Vive", confirme cette interaction entre la Lune et le Soleil :
De toutes les influences qui tombent ici bas, il n’y a que celles qui se font au temps que les Planètes ont des regards entr’eux, à chaque changement de quartier de la Lune, qui soient portées au centre, parce qu’elles tombent sur la Lune, qui a la propriété de les réfléchir, comme les rayons du Soleil sont réfléchis lorsqu’ils tombent sur un miroir, aux objets qui lui sont opposés, et leur communiquent leurs qualités...
Un Anonyme du XIXème siècle, dans ses réputées "Récréations Hermétiques", nous en redonne confirmation, y ajoutant des perspectives supplémentaires :
Tout le monde sait aujourd’hui que la lumière que la lune nous envoie, n’est qu’un emprunt de celle du Soleil, à laquelle vient se mêler la lumière des autres astres. La Lune est par conséquent le réceptacle ou foyer commun dont tous les philosophes ont entendu parler : elle est la source de leur eau vive. Si donc vous voulez réduire en eau les rayons du Soleil, choisissez le moment où la lune nous les transmet avec abondance, c’est-à-dire lorsqu’elle est pleine, ou qu’elle approche de son plein : vous aurez par ce moyen l’eau ignée des rayons du Soleil et de la Lune dans sa plus grande force.
Ajoutons à cela que ces "Récréations Hermétiques", lues avec plus d'attention et plus dans le détail, sont susceptibles - et quasi sans voile - de nous révéler le "secret des secrets" (ou presque)... bien loin des artifices opérationnels qui nous feraient bien croire que l'Alchimie n'est qu'alignement d'expériences aux cornues et autres alambics.
Limojon de Saint-Didier ne nous l'infirmera pas. Certaine gravures qui ponctuent son oeuvre laissent croire que la Lune et le Soleil sont porteurs d'un message...
Limojon de Saint-Didier ne nous l'infirmera pas. Certaine gravures qui ponctuent son oeuvre laissent croire que la Lune et le Soleil sont porteurs d'un message...
Il ne fait donc plus de doute que "la Dame à la Licorne" est, sauf incroyable hasard des rencontres de "signes", une tapisserie alchimique.
L.A.T.
Septembre 2011