Troisième partie de l’œuvre Minérale
ou commentaire
Sur le Livre de Paracelse, appelé le Ciel des Philosophes, ou le Livre des Vexations, dans lequel sont enseignées les transmutations de Métaux, avec un Appendix touchant la fonte, la séparation, et les autres opérations nécessaires.
Par Jean Rudolphe Glauber
Préface au Lecteur
ou commentaire
Sur le Livre de Paracelse, appelé le Ciel des Philosophes, ou le Livre des Vexations, dans lequel sont enseignées les transmutations de Métaux, avec un Appendix touchant la fonte, la séparation, et les autres opérations nécessaires.
Par Jean Rudolphe Glauber
Préface au Lecteur
Ami lecteur, j’ai voulu vous donner avis du dessein que j’ai eu d’entreprendre dans cette troisième Partie, l’explication du Livre de Paracelse, appelé le Ciel des Philosophes, afin que vous ne crûssiez pas que faute de matière d’écrire, je fusse réduit à la nécessité de grossir mon Livre des ouvrages d’autrui. Ce que j’ai envie de traiter ici, je l’aurais pu faire sans y mêler les Livres de Paracelse, mais je l’ai fait par la considération que j’ai eu des beaux Livres que Paracelse a mis en lumière le siècle précédent pour l’utilité publique : je n’ai pu supporter la médisance des ignorants qui les ont condamnés, parce qu’ils ne les ont pas entendus, quoique j’ai été assez heureux pour y découvrir la vérité, et pour connaître que fort peu de gens l’ont égalé dans la véritable Philosophie, Médecine, et Alchimie. La chose en est devenue à ce point, qu’il y a d’excellent Médecins, qui n’oseraient se déclarer en sa faveur, de peur de choquer ses ennemis. Mais je ne doute point que les gens de bien ne prennent plaisir à voir renouveler le flambeau qu’il nous avait allumé. C’est pourquoi j’ai entrepris l’explication de ce petit traité, auquel on donne le nom de Ciel des Philosophes, sans autre dessein que de montrer la vérité cachée dans son obscurité, afin que ses adversaires soient contraints d’avouer qu’il a été et sera toujours leur maître. Et par ce moyen j’espère que plusieurs chanteront la Palimodie, et feront triompher la vérité qui avait été longtemps opprimée.
Pourquoi souffrirons-nous que l’on face tort à la réputation d’un homme extrêmement louable, qui n’a écrit que pour la gloire de Dieu, et pour l’utilité de son prochain ? Ce n’était point un homme qui cherchât le gain dans le dommage des autres, et qui voulut s’enrichir par l’exercice de la Médecine, comme disent les calomniateurs. Tout ce qu’il a fait, il l’a fait à bonne intention sans recevoir de salaire, dont il n’avait pas besoin, étant satisfait de ses lumières et de ses connaissances. Il a surtout fait beaucoup de bien aux pauvres, dont nous avons beaucoup de témoignages ; entre autres son Epitaphe qui est à Salzbourg dans l’Hôpital de saint Sébastien, où il a été enterré, et auquel il lassa tous ses biens. Il est écrit en lettres capitales sur du marbre, que j’ai lu en ces termes. Ci-gît Philippes Aureole Paracelse, excellent Docteur en Médecine, lequel par un art merveilleux, a guéri ces horribles maladies, la lèpre, la goutte, l’hydropisie, et autres que l’on jugeait incurables, et a donné ses biens pour être distribués aux pauvres. Il mourut l’an de Notre Seigneur 1541 le 24 jour de Septembre.
Que peut-on dire à cela ? S’il n’eut pas eu les qualités qu’on lui donne dans son Epitaphe, les Magistrats ne l’eussent pas honoré d’un si glorieux Eloge : tous les amateurs de la vérité croient aujourd’hui que jamais personne ne l’a égalé. Le mépris et envie de certains ignorants ne lui ôte rien de son mérite, il sera toujours Paracelse, et ils ne seront que des calomniateurs ; ils ne feront que montrer leur impudence selon le vieux proverbe : L’art n’a point d’autres ennemis que les ignorants. Moi qui n’ai écrit que fort peu, je ne laisse pas d’être exposé à la médisance des envieux, comment en pouvait-il être exempt, lui qui a si courageusement combattu l’erreur et le mensonge ? C’est la coutume de ce monde corrompu, que Notre Seigneur même a éprouvé, lorsqu’il reprenait les Pharisiens, qui le poursuivirent par les mouvements, d’une haine irréconciliable jusqu’à la mort. Celui qui veut plaire au monde, doit croire que ce qui est courbé est droit, et approuver toutes choses ; autrement on le chasse et on le méprise. Comme j’ai vu donc que notre bon Paracelse était si mal traité, sans que personne osât fermer la bouche aux détracteurs, j’ai entrepris de faire voir que loin d’être imposteur, il a été fort véritable et fort éclairé dans les secrets de la nature. Je ne prétends pas prouver qu’il ait pu faire des monceaux d’or et d’argent, dont il ne parle point du tout ; il en montre seulement la possibilité, ce que je tacherai aussi de faire ; quoique je n’ai point la connaissance du grand œuvre, et que je ne m’en mette pas beaucoup en peine, me contentant de discerner le vrai d’avec le faux, et de convaincre les opiniâtres ; espérant aussi que notre Allemagne qui est misérablement ruinée, en pourra recevoir beaucoup d’utilité, par l’industrie de ceux qui chercheront dans mes écrits les moyens de parvenir à la fin qu’ils souhaitent. Je prie Dieu qu’il daigne par sa clémence, favoriser mon travail pour sa gloire, et pour le bien public.
Le Ciel des Philosophes
ou
le Livre des Vexations
De Philippes Theophraste Paracelse.
L’art et la nature de l’Alchimie, et ce qu’il en faut croire ; compris en sept règles infaillibles, qui regardent les sept Métaux.
Préface de Theophraste Paracelse, à tous les Alchimistes et lecteurs du présent Livre.
Amis qui faites profession de l’Alchimie ; et vous tous qui avez envie de vous enrichir, en faisant quantité d’or et d’argent, selon les préceptes et les promesses quelle en donne, vous qui avez envie de vous tourmenter par un travail si laborieux ; l’expérience nous enseigne qu’entre mille il n’en réussit pas un ; mais il ne dit pas que ce soit la faute de l’art ni de la nature, c’est plutôt l’ignorance de l’artisan. C’est pourquoi je ne remplirai point ce livre d’une doctrine difficile et embarrassante, comme font ordinairement les Chimistes. Prenez antimoine, et le fondez avec nitre, et tartre : demi-once de celui-ci, demi-once d’or, trois dragmes d’étain, une dragme de schlic, deux onces de soufre, deux onces de vitriol, qu’ils soient fondus avec de l’argent, et avec de l’arsenic dans un creuset.
Et d’autant que les caractères des signes des astres et des planètes, le changement et le renversement de leurs noms, avec les instruments où la matière doit être contenue, sont connus de tout le monde, il n’est pas besoin d’en parler derechef, quoique je ne m’en serve quand l’occasion s’en présente.
Ici la méthode est différente, et la chimie est enseignée par sept règles infaillibles, accommodées à la nature des métaux ; le langage en est simple, sans politesse et sans ornement, mais le sens en est profond et mystérieux ; avec beaucoup de nouvelles spéculations qui produisent des opérations admirables, lesquelles combattent l’opinion commune des Philosophes.
Or il n’y a rien de plus certain dans la chimie, que ce qu’on y découvre et que l’on y croit le moins : et c’est la seule faute de toutes les opérations chimiques, qui est la cause de la perte des ignorants qui travaillent inutilement. Soit qu’il y ait trop de matière, ou qu’il n’y en ait pas assez ; soit que le poids soit égal, dont la chose se gâte et se corrompt dans l’opération ; soit qu’ayant rencontré la chose, elle se rehausse et tende à la perfection. La voie est très facile mais peu de gens la trouvent. Il arrive aussi qu’un homme industrieux invente un art et une manière chimique, soit qu’il fasse quelque chose, ou qu’il ne fasse rien. Il n’en doit rien faire pour réduire quelque chose à rien, et qu’ensuite quelque chose soit engendrée de rien, cela est incroyable, mais toutefois c’est la vérité.
La corruption produit le bien parfait : Le bien ne peut pas paraître devant celui qui le cache : le bien qui est caché, est un bien qui est commencé. Il faut perdre et ôter celui qui le cache, et le bien étant délivré paraîtra dans son lustre, et sera mis en évidence la glose : celui qui cache, est la montagne, le sable, la terre, la pierre où le métal a pris naissance ; or chaque métal visible, cache les autres six métaux.
Comme les choses imparfaites, telles que sont les cinq métaux, Mars, Jupiter, Mercure, Vénus, et Saturne, sont corrompues, brûlées, et détruites par le feu élémentaire ; les parfaites qui sont les deux métaux les plus nobles, le Soleil et la Lune, ne peuvent pas être ; c’est pourquoi ils se conservent dans le feu, ils prennent leurs corps des autres métaux imparfaits, dans lesquels on les a détruits, se rendant visibles et manifestes. Nous enseignerons dans les sept règles comment et par quel moyens cela se peut faire, de quelle nature et de quelle propriété est chaque métal, quel est son mélange avec les autres dans l’opération, et quelle est sa puissance.
Il faut aussi remarquer qu’un étourdi ne comprendra pas d’abord les sept règles que nous proposons ; un entendement faible n’est pas capable des choses hautes et difficiles ; c’est pourquoi chaque règle a besoin de beaucoup de travail, et de recherche. Il y a certains orgueilleux qui s’imaginent savoir des choses beaucoup plus importantes, et qui méprise ma doctrine.
La troisième partie de l’oeuvre minérale.
Cette Préface est assez claire d’elle-même, et partant elle n’a besoin d’aucune explication particulière : mais la préparation dont il a parlé est obscure, c’est pourquoi elle a besoin de lumière. Prenez antimoine, qu’il soit fondu avec nitre et tartre, un loton de celui-ci, un loton d’or, trois dragmes d’étain, une dragme de schlic, deux lotons de soufre, deux lotons de vitriol, qu’ils soient fondus avec argent et arsenic. Voilà la manière de faire l’or et l’argent, que Paracelse enseigne, différente de celle des autres, qui ne se peut exécuter qu’avec beaucoup de travail ; mais il assure que par la sienne l’or et l’argent, se peuvent faire facilement à peu de frais, et sans employer beaucoup de temps. Il n’y a point de doute qu’il a trompé l’espérance d’une infinité de gens ; mais c’était avec raison, d’autant qu’ils s’imaginaient que ce fussent des chimères. D’où j’en ai oui plaindre un grand nombre, qui ne pouvaient pas comprendre que l’or et l’argent se fissent avec des choses volatiles et détruisantes, telles que sont l’antimoine, le soufre, le vitriol, et l’arsenic ; lesquels bien loin de produire de l’or et de l’argent, les corrompent, les réduisent en fumée, ou du moins en scories. Moi-même en faisant cette expérience, j’ai vu que ces espèces métalliques, comme le schlic, le vitriol, le soufre, l’arsenic, avaient dépouillés de leur forme métallique, et chargés en scories : mais c’est ce que Paracelse avait désiré, et cela ne nous doit point étonner ; vu que pour s’expliquer il ajoute un peu après. Quelque chose doit devenir rien ; et ensuite rien devenir quelque chose : ce qui est au-dessus de la capacité d’un ignorant, que les métaux étant corrompus et réduits en scorie sont perfectionnés par le travail. Quoique cela soit très véritable ; peu de gens le croient, comme il dit, en expliquant toute cette opération jusqu’au mercure, en ces termes : la corruption rend le bien parfait. Le bien ne peut pas paraître à cause de celui qui le cache : il faut ôter celui qui le cache afin que le bien soit manifesté. La montagne, le sable, la pierre, ou la terre dans lesquels les métaux ont été engendrés, sont ceux qui les cachent, et qu’il faut séparer par la fonte, afin que les métaux soient purs. Le Chimiste s’arrête ici tout court, ne comprenant pas ces paroles. Mais Paracelse continue, et ajoute que chaque métal cache les autres ; ce qui est amplement enseigné dans les sept règles. Il avertit aussi le Chimiste qu’il ne doit pas se contenter des métaux que l’on expose en vente, après qu’on les a ôtés de la mine, mais qu’il faut consulter la philosophie naturelle, et voir s’ils sont assez épurés, et s’ils ne tiennent pas encore quelque chose de celui qui les cache et les rend imparfait. Tout le monde sait quelle différence il y a entre une mine rude et grossière, contenant le métal fort dispersé, environné de pierre et d’immondice, et le métal qui est traitable et épuré. Elle est pareille, ou même plus grande entre le métal commun imparfait et l’or et l’argent, lesquels sont enfermés dans son sein.
Quoique la façon d’extraire les métaux des mines soit à présent si basse et si méprisée par le long usage, qu’elle ne passe plus pour un art, mais pour un métier qui s’exerce en tous lieux ; toutefois au commencement, avant qu’elle fut si connue, elle passait pour un art merveilleux, et même encore on en doit faire beaucoup d’état, quoiqu’elle soit devenue commune. Or il ne faut pas douter que ce qui cache les métaux, et qui leur est adhérent, ne se puisse ôter avec la même facilité, et que le centre intime pur et fixe, l’or et l’argent, n’en puissent être extraits et séparés. Mais d’autant que les hommes ne portent pas leurs soins et leurs recherches plus avant, et que l’usage des métaux communs est tout à fait nécessaire, nous nous contentons, qu’étant une fois extrait de la mine rude et grossière, ils soient malléables et propres à nos usages, et cela non sans raison, vu que la vie humaine se peut bien moins passer du fer, de l’étain, du cuivre, du plomb, de l’or et de l’argent. Toutefois es hommes sages et bien avisés trouveront à propos d’extraire et de séparer ce qui est de meilleur dans ces métaux si communs, et si méprisés. Ce qui est de plus caché c’est l’or, qu’il en faut tirer, prit le moyen de l’art et du feu, c’est à quoi Paracelse nous a mené par la main, ce qui a été méprisé jusqu’à présent, et dont les ignorant se moquent comme d’une fable. Il faut attribuer cela au temps qui change, corrompt, et perfectionne toutes choses ; et nous devons espérer que dorénavant on sera plus soigneux de l’antimoine métallique, qu’on n’a été jusqu’à présent.
C’est la doctrine de Paracelse que les métaux imparfaits sont corrompus et réduits en rien par la force du feu, laquelle ils ne peuvent supporter; et que l’or et l’argent qu’ils contiennent, ne peuvent être détruits, mais par la force du feu ils se retirent des métaux imparfaits, pour s’unir et défendre mutuellement, la portion impure étant brûlée ; ce que nous trouvons être conforme à la nature, et à la vérité ; car dans toutes les choses hétérogènes qui viennent à être mêlées et à souffrir quelque violence, le semblable s’unit à son semblable, et tache à se conserver de toute sa force, négligeant les choses qui ne sont pas de sa nature, et les laissant en proies aux ennemis. Je pourrais confirmer cette vérité par beaucoup d’exemples, non seulement des animaux, mais encore des végétaux, et des minéraux, que je passe sous silence pour être plus court. Ce qui est de plus nécessaire, c’est de savoir quel est l’ami ou l’ennemi d’un chacun : car aux uns est contraire le grand chaud, aux autres le grand froid. On le voit par expérience dans la rigueur de l’Hiver, si on expose un vaisseau plein de cervoise ou de quelque autre liqueur ignée et subtile, laquelle ne pouvant pas résister à la véhémence du froid, est nécessairement corrompue. En ce rencontre, comme la nature tâche autant qu’il lui est possible de se défendre de son ennemi, elle concentre ses parties les plus pures, et les plus puissantes, et abandonne le reste à son ennemi qui le convertit en glace. La même chose se remarque évidemment dans les autres liqueurs qui ont diverses parties, lorsqu’elles viennent à sentir le froid ; car la plus noble se sépare de la plus vile, et se sauve promptement dans le milieu du fort : par exemple si on dissout du sel ou de l’huile dans l’eau, ceux-ci comme étant les plus nobles, ils se retireront dans le milieu, et laisseront l’eau qui sera prise par le froid. Quoiqu’une Ville soit assiégée par un puissant ennemi, qu’elle ne peut pas chasser ; elle ne le reçoit pas toutefois d’abord, et ne lui ouvre pas ses portes, afin qu’il s’en rende le maître, et qu’il en dispose à sa volonté ; au contraire elle résiste autant qu’il lui est possible. Personne ne veut être tué le premier, principalement les grands qui ont le maniement des affaires, ils tâchent bien de conserver le peuple, ils ne voudraient pas en perdre un seul homme ; mais quand ils ne peuvent pas l’éviter, ils l’exposent plutôt aux coups, que leurs propres personnes, ils se retirent dans la partie de la Ville la plus forte pour y trouver leur conservation, jusqu’à tant que le peuple étant vaincu, ils sont contraints de se rendre eux-mêmes. Il en est tout ainsi des métaux imparfaits, exposés à la violence du feu, la nature ayant dessein d’en faire la séparation ; l’or et l’argent qui en sont les parties les plus se mettent à part, se retirent ensemble ; et abandonnent le reste à l’action du feu, qui le corrompt et qui le détruit. Comme les métaux sont plus puissants de leur nature que les animaux et que les plantes ; ils sont aussi séparés par un plus puissant ennemi, qui est le feu ; non toutefois seul, mais avec un adjoint, par lequel leur substance est corrompue, par la dissolution du lien qui les unissait : ce qui se fait par le moyen des sels minéraux, à raison de la grande affinité qu’ils ont avec eux. Car les métaux ou seuls, ou joints avec d’autres, ne sont jamais changés par l ’action du feu, quelque longue qu’elle puisse être, si leur construction radicale n’est plutôt dissoute pat la force des sels minéraux. Dont nous traiterons ensuite plus amplement.
Afin d’entendre les espèces et les ingrédients de cette opération, il faut parler de la recette qui est écrite en cet endroit. Prenez antimoine faites-le fondre avec nitre et tartre. Prenez un loton de celui-ci. Notez qu’il ne faut pas prendre un loton de la masse entière fondue, mets ou de la supérieure avec les scories, ou du régule inférieur qui est descendu en bas dans le mélange. Mais on ne peut savoir, laquelle c’est de ces deux, par le sens des paroles. Toutefois puisque c’est ici l’intention de Paracelse, de détruire l’or et l’argent par le mélange de ces espèces, et après les avoir réduits à rien, leur faire trouver de l’augmentation dans ce rien, par l’addition de quelque chose ; il y a plus d’apparence qu’il a parlé du régule que des scories, lequel régule s’insinuant dans l’étain, dans l’arsenic, et dans le schlic, les unit avec l’or et l’argent. Car c’est le propre du régule de l’antimoine de joindre ensemble les métaux, et les minéraux. L’étain étant mêlé avec les métaux malléables, et souffrant le feu avec eux, les réduits en scories, comme fait aussi le soufre, le vitriol, le schlic, lesquels Paracelse n’emploie que pour corrompre le Soleil et la Lune, et les réduire en scories. Or il n’est pas facile de deviner de quelle sorte de schlic il entend parler, parce qu’il n’a point ajouté le nom d’or, d’argent, de fer, de cuivre, de plomb, ou d’étain. Car les Chimistes et les Métalliques, donnent le nom de schlic, lors qu’après avoir lavé avec de l’eau une mine bien broyée, et s ’étant formé un monceau ou une pierre ; la partie la plus pesante et la plus noble demeure au fond du vaisseau, par l’examen de laquelle ils jugent de la valeur du métal ou de la mine. Ils appellent ce travail schlic, et d’autant que tous les métaux peuvent être réduits en schlic, c’est-à-dire calcinés, le nom de schlic ou chaux peut convenir à toute sorte de métaux. On appelle aussi chaux ou schlic, cette poudre déliée qui s’amasse sous les meules à polir les ferrements, les épées, les cuirasses et autres armes, dans de profondes lacunes ou réceptacles de bois destiné à cet usage, et qu’on a accoutumé de vendre pour la teinture des draps noirs. Or nous ne savons si c’est de cette sorte de chaux ou de celle des métaux qu’il veut parler, et même il n’est pas fort important, vu que le Soleil et la Lune n’ont besoin d’aucune chaux pour être réduit en rien, et pour devenir quelque chose de ce rien, comme nous verrons aux chapitres suivants de la transmutation des Métaux.
Ceux-là ont été trompés qui s’imaginaient que toutes ces espèces mêlées ensemble seraient entièrement changées en or et en argent, n’en ayant rien tiré qu’une jaune scorie, dont l’éclat était triste et affligeant. Au contraire l’éclat est heureux et réjouissant, lorsque le métal qui a été corrompu et réduit en rien et en scorie, devient ensuite plus noble et plus excellent. Cette destruction et réduction n’est pas uniforme, mais elle se fait en diverses manières, comme nous verrons ensuite.
Première règle.
De la nature et des propriétés du Mercure.
Toutes choses sont cachées dans toutes choses, mais entre toutes il y en a une qui cache les autres, c’est un vaisseau corporel externe, visible, mobile. Toutes les fleurs sont manifestées dans ce vaisseau, parce que c’est un esprit corporel, à raison de quoi toutes les coagulations et consistances y sont captives et renfermées, surmontées, environnées et resserrée par la fleur : on ne saurait trouver de nom propre à cette fleur, ni à sa cause ; d’autant qu’il n’y a point de chaud qui lui puisse être comparé, que celui des Enfers : cette fleur n’a aucune communication et aucune affinité avec les autres fleurs, qui sont causées par la chaleur du feu élémentaire, qui se congèlent, et se durcissent par le froid. Le mercure est au-dessus de tout cela, il a plus de puissance. Sur quoi il faut remarquer que les vertus mortelles des quatre éléments n’ont aucunes force contre les vertus céleste, que nous appelons quintessence, d’autant que les éléments ne peuvent rien donner, ni ôter à cette quintessence. La force céleste et infernale n’est pas obéissante aux quatre éléments ni aucune chose élémentaire, soit sèche ou humide, chaude ou froide, ne peut agir sur la quintessence, mais chacune a son opération et force séparée en son particulier.
Dans cette première règle de mercure, Paracelse dit en peu de paroles, mais fort clairement, que la fluidité de mercure ne provient pas des quatre éléments qui sont corruptibles, mais de la quintessence, et que par conséquent elle n’a aucune affinité avec ces fleurs élémentaires. Or il faudrait un long discours pour expliquer quelle est cette quintessence dont Paracelse fait mention en cet endroit, ce qui n’est pas à présent de mon sujet. Les autres Philosophes en ont amplement traité, et moi-même aussi ; à quoi je me rapporte, j’ajoute seulement ceci. Paracelse veut que la quintessence soit vue chose non sujette aux quatre éléments, mais permanente, et incorruptible. Par-là il nous veut donner à entendre, que la fluidité de mercure ne tirant point son origine des quatre éléments mais de la quintessence ; sa coagulation pareillement se fait par la quintessence, et non par les feux élémentaires chauds, ou froids. Or il est aisé à conjecturer qu’en cette quintessence qui coagule le mercure et le convertit en or, et argent, ne se trouve pas dans les végétaux, ni dans les animaux ; mais qu’il la faut tirer des métaux, et qu’elle doit être beaucoup plus pure, plus fixe et plus fusible, qu’iceux. Paracelse a écrit beaucoup de choses, attribuant des vertus admirables à cette quintessence ; d’autres Philosophes assurent que c’est une chose réduite par le moyen de l’art en une très pure et parfaite substance. Il y en a qui donnent un nom de quintessence à la teinture dont on a accoutumé de faire les projections.
Ce qui nous fait clairement connaître, que par le nom de quintessence est entendue la plus pure, la meilleure, et la plus puissante partie de la chose. Quoi qu’il en soi, il est certain que le mercure est un sujet admirable, et qu’il n’est pas si aisé à fixer comme beaucoup l’ont imaginé, lesquels ont éprouvé tout le contraire à leur grand dommage. On emploie inutilement beaucoup de charbon à ce dessein ; j’ai même souvent travaillé avec peu de satisfaction ; mais quoi que je ne sois pas parvenu à une fixation permanente, j’ai pourtant fait des remarques merveilleuses, dont je m’en vais vous raconter quelque chose. Il est doué d’une force extraordinaire, qui est fort amie des métaux, il s’unit aisément avec les purs, et très malaisément avec les impurs ; ce qui témoigne qu’il est d’une nature très pure. Que si on venait à le fixer, je montrerai si je voulais par des raisons indubitables, qu’il s’en ferait une chose plus excellente que l’or ; il n’est jamais sans profit, toutes les fois qu’étant ajouté aux autres métaux il est contraint de souffrir le feu. Puisqu’il les perfectionne manifestement tout volatil qu’il est, que ne ferait-il pas s’il était fixé, et s’il demeurait longtemps à se fondre avec eux dans le feu ? Pour donner plus de lumière, j’ajoute ce qui s’ensuit.
Ayant pris garde dans ma grande jeunesse que beaucoup de gens tâchaient de fixer le mercure, et de la changer en or et argent par amalgamation, sublimation, coagulation, précipitation, et autres semblables opération, j’entreprit aussi de la faire sous la conduite de Paracelse, qui assure que sa coagulation se trouve dans le Saturne. Je fondais donc dans un creuset 6. Ou 7. Partie de plomb, y ajoutant une partie de mercure, ce qu’étant fait, je le jetai dans un autre creuset où il y avait du nitre fondu, afin qu’il fut couvert par le nitre ; ensuite, je pris un creuset encore plus grand, ou je fondis du verre de saturne, fait de 4. Partie de minium, et d’une partie de cailloux, et y mis les deux autres tous chauds, afin qu’ils fussent couverts par le verre ; je mis tous les trois dans un nouveau creuset m’imaginant que cet hôte volage serait bien gardé par le verre de saturne. Ayant donc enfermé le mercure de tant de murailles, je le mis dans le feu pour le réduire à la fixation. Il le souffrit véritablement, n’étant pas capable de s’échapper, mais ayant augmenté le feu, et le verre coulant avec le nitre, il s’échappa, ayant laissé la place vide, et le poids de saturne tout entier. Dans l’examen que j’en fis par après, j’y trouvai un grain d’argent plus pesant que l’argent commun, ce que je pris pour du mercure fixé ; mais ayant réitéré mon travail, je reconnus que cela n’était pas, et que le mercure s’en était envolé, mais que par une vertu secrète il avait perfectionné le saturne, et lui avait fait donner de l’argent. Toute la masse de saturne devint noire et dure comme de l’étain. C’est de là que je connu bien que le mercure qui est un pur esprit igné, ne pouvait être fixé sans la quintessence. Tout ce qu’il fait, lorsque étant joint aux autres métaux, il est retenu assez longtemps pour souffrir le feu, encore qu’il s’évanouisse bientôt après ; c’est qu’il les change en quelque façon, non pas en les perfectionnant, mais en les excitant par sa pénétration à agir les uns contre les autres, et à recevoir la force de se perfectionner, ce qui ne se fait pas avec beaucoup de gain ; j’ai seulement voulu montrer ce qu’il pouvait faire, et combien sa puissance était merveilleuse, et difficile à découvrir. C’est avec raison qu’on l’estime un miracle de la nature, il n’est autre chose qu’un feu infusible, quoi que les ignorants croient qu’il soit froid, on le peut rendre par l’art beaucoup plus chaud, et beaucoup plus volatil, ce que j’ai expérimenté quelquefois, lorsque l’ayant souvent jeté dans un feu véhément, et l’ayant mis dans du verre, s’élevant par la force naturelle sans aucun feu, il s’en est retourné dans son chaos. En un mot plusieurs ont fait des opérations merveilleuses avec le mercure, mais tout cela sans fruit, dont nous parlerons plus amplement quand il sera à propos.
Seconde règle.
De Jupiter et de Saturne.
Il n’y a point de chose manifeste, telle qu’est par exemple le corps de Jupiter, dans laquelle les autres six métaux corporels ne soient spirituellement cachés, l’un plus autant et plus profondément que l’autre. Jupiter ne participe point à la quintessence, mais à la nature des quatre éléments, c’est pourquoi sa fluidité se fait voir avec peu de feu, et sa coagulation se fait par un froid modique, il a communication avec les autres fleurs métalliques.
C’est pourquoi chaque chose s’unit d’autant plus facilement avec une autre, qu’elle lui ressemble le plus, pourvu qu’elles se touchent réciproquement ; l’action étant beaucoup plus efficace et sensible entre les choses proches ; d’autant que ce qui est éloigné ne fait pas si forte impression. Ainsi le Ciel n’est pas désiré, parce qu’il est fort éloigné, et l’Enfer n’est pas craint, parce qu’il est aussi fort éloigné, et que personne n’en à jamais vu la forme, ni senti les tourments ; ce qui est cause qu’il passe pour une fable dans l’esprit des impies. Les choses absentes ne sont pas estimées et sont même tout à fait méprisées, surtout quand elles sont dans un lieu épais et grossier ; car il est certain que chaque chose devient meilleure ou pire par la propriété du lieu, dont on pourrait donner quantité d’exemple.
Plus donc Jupiter est éloigné de Mars et de Vénus, et proche du Soleil, et de la Lune, et plus il contient d’or et d’argent en son corps ; plus il est-il grand, puissant, reluisant, beau, agréable, palpable, véritable et certain de près que de loin.
Enfin les choses absentes et éloignée sont plus viles que les prochaine et que les présentes, et celles-ci sont toujours plus remarquables. C’est pourquoi, ô Alchimiste, tu dois prendre garde de quelle façon tu mettras Jupiter en un lieu spirituel, secret, et retiré, dans lequel le Soleil et la Lune fassent leur résidence, et aussi en quelle façon tu rendras le Soleil et la Lune de loin, et les mettras en un lieu prochain dans lequel Jupiter ait été corporellement, de sorte que le Soleil et la Lune y soient corporellement et visiblement dans l’examen. Il y a diverses façons de transmuer les métaux, et de le faire passer de l’imperfection à la perfection.
Le mélange des choses et la séparation du pur de l’impur, est justement une transmutation faite par le véritable travail de l’alchimie. Il est à remarquer que Jupiter a beaucoup d’or et d’argent pur. Ajoutez du Saturne et de la Lune, et la Lune en recevra de l’augmentation.
Quoique nous ne sachions pas bien la véritable cause qui a obligé Paracelse de commencer par le mercure, et de passer ensuite à Jupiter, il y a toutefois de l’apparence que ç’a été par mystère, et pour nous signifier quelque chose. Il répète en cet endroit la sentence précédente, en ces termes : Que chaque métal visible cache en soi les autres invisibles, et que si nous désirons en faire quelque chose de bon, il faut prendre leur or invisible et spirituel, l’approcher et le rendre visible, et au contraire éloigner le visible et le rendre invisible.
Or il n’enseigne pas en quelle façon il renvoie le lecteur au sept règles, qui sont très difficiles, je ne dis pas seulement pour les novices, mais pour ceux qui sont les plus expérimentés : et comme il n’y en a pas de mille un qui les entendent, il ne faut pas s’étonner si le peuple ne se fait point d’état de ses écrits : sans doute sa volonté était bonne, il s’est imaginé qu’il avait écrit bien clairement, et qu’il avait affaire à des gens versés dans la connaissance des métaux, sans avoir égard à la rudesse et à l’ignorance du peuple.
Que faut-il donc faire en cette rencontre quand on écrirait avec beaucoup de clarté, on aurait toujours des plaintes et des reproches des ignorants et orgueilleux : d’où vient qu’il y en a plusieurs qui aiment mieux garder le silence, laissant le bruit et le caquet aux insensés. Il ne faut pas toutefois punir l’innocent avec le criminel.
Celui donc à qui Dieu a fait la grâce de quelque talent, il ne doit pas l’enfouir à l’occasion des méchants, mais il doit communiquer les lumières aux bons et aux méchants, comme fait le Soleil, et attendre la récompense de Dieu qui rendra à chacun selon ses œuvres.
Si l’on considère la nature, et la propriété de l’étain, on trouvera qu’entre les autres métaux imparfaits, celui-ci est pur, sans maturité, plein de beaucoup de soufre combustible, duquel il tient sa fusibilité dans le feu, et sa corruptibilité, laquelle étant ôtée par un feu médiocre, il perd sa fluidité métallique, et devient très semblable à une cendre qui ne peut pas se fondre : que si vous ajoutez d’autre soufre à cette cendre, afin de la faire revenir en métal, et que derechef vous la réduisiez en cendre, en retirant ce travail, jusqu’à ce que tout le soufre combustible étant brûlé, il refuse de s’en aller en cendre ; il se fond, et dans l’examen il donne facilement son or et son argent. Le même soufre combustible est cause qu’étant mêlé avec l’or, l’argent, le cuivre, le fer, et fondu avec eux, il les rend fragiles comme du verre : mais étant dépouillé de ce soufre par la calcination ou par quelque autre manière, il ne les rend plus fragile, mais ce qui est étrange, il se fond avec eux, et très facilement avec Vénus laquelle par de douces et trompeuse paroles sait accorder les deux vieillards Saturne et Jupiter, et faire en sorte qu’ils se souffrent réciproquement dans le feu. L’or et l’argent en feraient bien autant : mais comme ce sont deux métaux précieux, qui coulent aisément hors du creuset, et que l’ouvrage se peut perdre, il est plus à propos de les conserver après qu’ils ont été nettoyés avec beaucoup de travail, que les hasarder en les mêlant avec des choses impures ; il ne faut qu’employer le cuivre, qui exhibera son or, et son argent, lesquels il tenait cachés en soi-même.
Il y a encore d’autres moyens de purger l’étain de son soufre superflu, à savoir le feu nitreux. Si vous faites brûler ensemble de l’étain limé, du nitre, du soufre et de la sciure de bois, une partie de l’étain s’élève en fleurs, et l’autre demeure, laquelle à force de feu il faut réduire en fleurs et en cendre, tant que la nature métallique soit entièrement détruite. On ramasse ces fleurs et on lessive les cendres, puis par le moyen d’une bonne et convenable fleur, on les réduit en métal, lequel il faut derechef limer, et sublimer, et brûler comme auparavant ; jusqu’à ce que tout l’étain demeure en forme de scories, non sublimables, qu’il faut fondre et séparer avec le plomb ; et tu trouveras l’or et l’argent qui était renfermer dans ses entrailles.
Autrement prenez de la limaille d’étain, avec du nitre fixe, et le digérer en son temps, réparez le défaut de l’humeur qui s’exhale, en y ajoutant une nouvelle liqueur, en telle sorte qu’il soit toujours humide, et non pas trop liquide, mais qu’il soit comme de l’eau épaisse : cette liqueur consume le soufre combustible de l’étain, fixe l’imbustible, et le rend patient du feu, tellement qu’étant fondu avec le plomb, et purgé, il donne son or et son argent.
On fait encore cette séparation d’une autre sorte. Réduisez l’étain en verre ou amause par le moyen du plomb commun, ou du régule d’antimoine, tenez-le longtemps dans un grand feu où il se fondra, servez-vous de l’incération du nitre ou du sel de tartre. Dans cette opération les plus pures parties de l’étain s’étant assemblées, il s’en fait un régule ; les impures s’en vont en scorie avec le plomb et le sel. Le régule étant repurgé vous trouverez votre or et votre argent dans la coupelle.
Or il faut savoir que ces opérations se peuvent bien faire sans cuivre, mais qu’avec le cuivre elles rendent plus d’or et d’argent : non pas à cause que le cuivre même donne son or et son argent, mais parce que l’étain ne donne pas volontiers son or et son argent sans le mélange du cuivre, chez lequel il cherche son asile, et se cache, en se dérobant aux scories, tant que le travail étant achevé, les scories ne le peuvent plus attirer : le cuivre tient donc lieu de réceptacle où l’or et l’argent se peuvent cacher, ce que les Chimistes appellent, bain. Nous parlerons plus amplement de ce travail des Amauses au quatrième Livre, où il est traité du cuivre.
On peut aussi séparer l’or et l’argent de l’étain en cette manière. Faites fondre du plomb commun sous la moufle dans la coupelle ; comme il sera bien chaud jetez-y un peu d’étain, il entrera incontinent, mais un peu après s’élevant, il s’enflammera en guise d’étincelles, il s’en va en cendres, lesquelles il faudra retirer avec un crochet de fer, mettez-y de nouvel étain, et le retirez quand il sera brûlé, et réitérez ce travail, jusqu’à ce que tout le plomb soit consumé par l’étain, faites bien chauffer durant une heure les cendres sous la moufle dans la coupelle ; afin que s’il y avait quelques grains de plomb, ils soient réduits en cendre, et que par ce moyen la cendre de Jupiter calcinée en soit mieux fixée ; si vous le réduisez, ce sera un métal, lequel vous ferez derechef chauffer sous la moufle, où il sera réduit en cendre, réitérez ce travail, tant que par la réduction il refuse de passer en métal, et qu’il demeure en scories et métal détruit. Faites-le fondre dans un bon creuset, et y ajoutant une fleur préparée de nitre et de tartre : l’étain fixé se retire au fond en régule avec une partie du plomb, lequel régule étant lavé fait paraître l’or et l’argent qui était cachés dans l’étain. Ce travail est gentil, aisé et de petite dépense, principalement où le bois et le charbon sont à bon marché. Les scories desquelles le Roy a fait retraite ne se perdent pas, mais elles sont réservées à d’autres usages, que nous allons dire bientôt.
Or celui-là se trompe qui espère du profit de ce petit travail sous la moufle, d’autant qu’en cette manière on ne peut seulement que connaître combien il y a d’or et d’argent, dans cent livres d’étain, et quelle dépense il faut faire pour l’en extraire, afin de pouvoir aspirer à quelque chose de plus utile par la supputation.
Ce travail ne se fait pas si commodément sous la tuile, que dans les grands fourneaux, où il y a plus grande force de feu, et par conséquent plus de profit. Et quoique mes occupations m’aient empêché d’en faire l’essai, je ne laisserai pas de vous dire en peu de mots, comment il y faut procéder afin d’en retirer beaucoup de profit. Selon le calcul fait d’une plus petite quantité, pour un centième d’étain, il en faut dix ou douze de plomb, tellement qu’ayant supputé la dépense en plomb, étain, charbon et travail, et la déduisant sur l’or, vous trouverez qu’il en reste fort peu : mais si vous pénétrez plus avant, vous y trouverez un gain considérable, en vous servant du plomb qui contient de l’argent ; et de l’étain qui contienne de l’or, comme il s’en rencontre souvent qui contient autant d’or qu’il égale le prix de l’étain, de même que du plomb qui contient de l’argent qui égale en valeur du plomb, lequel les Métallistes ne savent pas séparer : et afin que votre travail soit plus lucratif, ajoutez à l’étain des pierres ou des mines d’or ou d’argent, telles que sont les Marcassites, l’antimoine, l’arsenic, l’orpiment, kobolt, quantité de pyrites ou kifij qu’on n’a jamais accoutumé de fondre à cause du peu d’or qu’ils rendent ; il les faut réduire en scories, et comme il joindront leur or et leur argent, vous en retirerez plus de profit. Principalement si ces minéraux ayant été plutôt fondus avec le cuivre, sont réduit en régule par le moyen du fer : ou que leur or soit resserré, et qu’ensuite les régules soient jetés avec l’étain sur le plomb, et s’en aillent en scorie. En ce cas là, leur or se peut acquérir à peu de frais, et être épuré par l’étain.
Que si voulez que cette séparation soit utile, il ne la faut pas faire dans des creusets, mais en des foyers bien cimentés, sur lesquelles il est besoin d’une grande flamme, qui échauffe fortement les métaux. Après que la calcination, incinération ou annihilation aura été faite, il en faut faire la réduction dans une fournaise aiguë. Ce n’est pas ici le temps d’en traiter plus exactement, il suffit d’avoir découvert la vérité en une petite quantité, il est permis à chacun de tenter sa fortune dans les travaux métalliques.
Quoique liés diverses sortes de séparer l’or et l’argent de l’Etat, je crois toutefois voit en avoir assez indiqué pour une fois de. Les Chapitres suivants donnerons lumière du reste.
Troisième règle.
De Mars et de sa propriété.
Les six métaux cachés ont chassé le septième est l’on rendu corporel, lui laissant le dernier rang, le changeant d’une dureté grossière et laborieuse : C’est en lui qu’ils ont fait paraître, toute la force et toute la dureté de la coagulation, s’étant réservés les couleurs, les fleurs, et ce qu’il y a de plus noble. C’est une entreprise bien au est difficile de faire un Prince et un Roi, d’une personne basse et de la lie du peuple. Toutefois Mars s’acquiert de l’honneur par sa vertu, et monte sur le trône d’un Roi. Il faut bien prendre garde de ne rien faire à la hâte, et songer par quelle invention on mettra Mars en la place royale, et le Soleil et la Lune avec Saturne en la place de Mars.
Nous suivons l’ordre, et même la supputation des Astronomes par laquelle aussi Mars est le troisième en descendant : en cet endroit Paracelse ne donne pas le premier rang à Saturne comme font les Astronomes, mais bien à Mercure, et peut-être par quelques raisons importantes. Ensuite il dit, Mars est rude, dur et grossier, d’autant que les autres métaux se sont déchargées sur lui de tout ce qu’ils avaient de plus vil est de plus impur, comme il se voit par expérience ; il est fait d’un bois noueux et grossier : il n’a guère rien de bon : il est rude, et n’est aucunement comparable au doux, tendre et noble Jupiter. Mais étant délivré des nœuds, ce qui ne se fait qu’avec grande difficulté, il est contraint de se rendre, et de montrer par sa vertu qu’il est aussi d’un sang royal.
Paracelse ajoute que Saturne est capable de le dénouer, et l’élever à un plus haut degré, quoique le les Astronomes condamnent la conjonction de ces deux, comme cause de tous maux, et c’est pourquoi il les ont séparés par le bénin Jupiter qu’ils ont mis en entre deux. Selon Paracelse il le faut avoir beaucoup de précautions revers que Saturne dénoue Mars ; la précipitation est misérable : il résiste courageusement, et tâche de perdre les autres : on le peut toutefois ranger selon le même Paracelse dont nous parcourons les raisons en peu de mots.
Saturne à cette propriété naturelle, de nettoyer les autres métaux imparfaits, de leurs soufres superflus, si par hasard ils contiennent quelque chose de bon : mais il n’est pas capable de leur ôter impuretés radicales, qui est née avec eux, il ne le saurait faire tout seul ; comme il paraît dans l’examen des coupelles. Quoique vous ajoutiez le fer au plomb, il doit être séparé sur la coupelle, il n’entre en nulle façon dans le Saturne avec sincérité ; que si cela arrive par le grand travail, il ne demeure pas ; mais il se retire bientôt vers la superficie en guise de scories, et ne laissant rien avec le plomb, que ce qu’il avait accidentellement, il s’en va avec tout ce qu’il avait de bon naturellement. L’étain en fait autant ; mais pour le cuivre, quoi qu’ils ne nagent pas dans le plomb, et qu’il se retire à part, il ne se joint point radicalement, mais étant réduit avec le plomb en scories liquéfiable il descend dans les cendres poreuses. De quoi nous avons soigneusement traité dans la quatrième partie des Fourneaux, et dans l’Appendix.
Il est donc constant que le plomb n’est pas propre de soi à nettoyer les métaux, mais que pour cet effet il a besoin de la préparation de l’art. Car comment Saturne qui est le plus liquide de tous les métaux s’unira-t-il de lui-même avec le fer qui est le plus dur ? Il est vrai qu’ils se pénètrent l’un l’autre par une fusion mutuelle mais c’est par contraire et superficiellement, non pas radicalement. Comme si quelqu’un mêle de l’eau dans de la farine pour faire un le gâteau ; l’eau s’épaissit, et de la farine se rend liquide ; mais ils ne se reçoivent l’un ni l’autre radicalement, l’eau s’insinuant dans les pores de la farine, en fait la pâte.
Pareillement le plomb et le fer se mêlent ; mais il ne souffre point également la violence du feu. Mars ne change point de naturel dans la fusion, c’est toujours un métal dur et difficile à fondre : le plomb aussi conserve son humidité et liquidités, et quoi qu’ils se mettent en une masse, chacun néanmoins persiste dans sa propriété : Si on les met en état de pouvoir ensemble soutenir le feu, le fer vient à se rendre, et donne son or au plomb ou, et par son soufre chaud et volatil, il mûrit l’argent qui est caché dans le plomb, l’exalte, et le rend corporel, afin que l’un et l’autre se communique leur vertu, et de leur bonté, qu’ils corrigent leurs défauts, et se perfectionnent réciproquement. Quoique le fer qui est âpre et rude de sa nature, coule avec le soufre combustible, ou avec minéral soufreux, telles sont l’antimoine, l’arsenic, l’orpiment ; et il ne se fait néanmoins aucune transmutation, chacun demeurant dans sa nature sans altération. De même que le mercure étant réduit en amalgame avec l’argent ne fait moins de solution, mais s’attache à l’or, et s’en va aisément, l’or lui étant demeuré. Que si quelqu’un savait joindre radicalement l’or et l’argent avec le mercure, l’un ne quitterait point l’autre, mais ils se perfectionneraient mutuellement par la force du feu, comme font les autres métaux quand ils sont mêlés radicalement.
Quelqu’un ne demandera qu’est-ce que le radical et spirituel mélange des métaux ? Je lui réponds, que cette lorsque l’union se fait par une amitié naturelle, qu’ils supportent également la bonne et la mauvaise fortune, que l’un n’est pas plus remarquable que les autres, qu’ils se font ouverture au travers les portes et les murailles les plus épaisses, que le volatil ne s’exhale point dans le feu, que le liquéfiable ne se sépare point de l’inliquéfiable, en rampant le long du vaisseau, et laissant derrière soi en guise de scories, ce qui est de plus fixe est de plus rude. Mais vous demanderez, en quelle manière je rends les métaux spirituels, et en quelle manière je les unis radicalement ; est ce qu’il les faut premièrement dissoudre avec de l’eau forte, ou avec d’autres esprits corrosifs, et les rendre volatils par le moyen de l’alambic ? Point du tout. Cette sorte de se spiritualiser est tout à fait trompeuse et sophistique, empêchant de parvenir à la connaissance de la vérité. Tous les Philosophes conseillent le contraire, et défendre de travailler les métaux par les esprits âcres, d’autant que bien loin d’en être perfectionné, ils en sont corrompus et mortifiés dans la racine. Si un homme a été noyé, faut-il encore lui faire avaler de l’eau, pour le ressusciter ? C’est la même chose que si vous mettiez la bride à la queue. Il est évident que ce qui est de super flue dans les métaux, c’est le soufre combustible et corrosif : et qu’ils en possèdent d’autant plus, qu’ils sont vils et imparfaits : c’est de quoi Mars nous donne un témoignage manifeste, qu’il n’y a que le soufre acide ; lequel l’a privé de noblesse et de dignité : car s’il n’abondait pas tant en ce soufre grossier, acide, et vitriolique, il ne se rouillerait pas si aisément, ni ne se corromprait par l’attraction d’une humeur commune. Vous me direz, qu’il n’y a pas d’apparence qu’il ait tant de soufre corrosif, car d’où lui serait il venu ? vu que les mines et les pierres dont il se fait, ne sont pas infectées de cette sorte de soufre. Car s’il l’avait été, il n’aurait pas soutenu un si grand feu dans la fusion, mais il s’en fut envolé. Certes, mon ami, vous n’entendez pas la nature des métaux, et vous ignorez la cause pour laquelle la nature à laisser ce soufre au fer, et aux autres métaux imparfaits. Il faut que vous sachiez, que ce soufre leur sert d’aliment, et comme d’enveloppe et de matière, dans laquelle ce qu’ils ont de meilleur se mûrit comme un embryon, lequel ensuite paraît en forme de métal pur et parfait. Le dessin de la nature n’a pas été que le fer demeurât fer ; mais qu’il passât jusqu’à la perfection de l’or ; l’impatience du Mineur, ne lui donne pas le temps d’en venir là ; et le destinant à d’autres usages plus prompt, il imite ce Pêcheur lequel fut prié par un petit poisson qu’il venait de prendre, de le remettre dans l’eau, jusqu’à ce qu’étant devenu plus grand, il serait capable de remplir mieux un plan : le Pêcheur n’en voulut rien faire : en lui disant, je te tiendrais à présent telle que tu es, car je ne sais pas si lorsque tu seras grand, tu reviendras donner dans l’hameçon. Le Mineur en fait de même, il n’attend pas que le fer parvienne à la dignité de l’or, mais ils appliquent aux usages présents. Tout le monde sait qu’il contient beaucoup de sel corrosif qui n’est pas combustible dans le feu de fonte ; et je n’en veux point donner d’autres démonstrations que ce que j’en ai dit dans les annotations de l’Appendix. Et afin de vous faire voir que le métal peut conserver dans la fonte, le soufre volatil, et combustible, je vous l’expliquerai plus clairement. L’or ayant atteint sa perfection, ne cherche point ce soufre combustible, ni ce sel acide et vitriolique, et la nature l’en a chassé ; d’autant qu’il n’en a plus besoin pour se nourrir davantage, et même si vous le lui ajoutez-y, il le chasse, et ne fait point d’alliance ni d’amitié avec lui, comme font les métaux moins parfaits. Pour l’argent, quoi qu’il ne soit pas absolument parfait, il l’est toutefois plus que les autres, et ne laisse pas d’avoir commerce avec ce sel soufre, jusque-là même, que dans une grande chaleur il retient fort longtemps le soufre commun. Ce que nous montrerons ensuite dans la séparation des métaux. Que si l’argent qui est un métal presque mûr et achevé, retient ce soufre, comment les autres qui sont plus imparfaits ne le retiendront-ils pas ? Pour en être plus certain vous n’avez qu’à incorporer du sel soufreux à quelque métal que ce soit, et les retenir dans une grande chaleur ; dans quelques heures vous verrez que votre métal aura retenu ce soufre, et les aura défendu contre la force du feu. Que si le métal reçoit et conserve ce sel et ce soufre qui étaient en quelque façon séparés de lui par la fonte, ne conservera-t-il pas encore mieux le sien propre, dans lequel il a été formé et duquel il est sorti ? Le fer n’est pas seulement ami de tous les sels soufreux, et corrosifs, mais encore de ceux des urines, lesquelles il a attire et conserve dans le feu par une vertu magnétique. On en voit l’exemple dans la limaille de Mars, mêlé avec du nitre ou du sel de tartre, lorsque le sel se fixe avec Mars, et résiste au feu. Ce qui est digne de remarque.
Pour revenir à la proposition que j’ai fait de montrer que les métaux imparfaits non seulement ne sont pas perfectionnés par les esprits, et par les sels corrosifs ; mais qu’ils en sont corrompus ; il ne faut point d’autres preuves, que l’expérience, laquelle nous fait voir tous les jours, que tout ceux qui se sont servis d’esprits corrosifs pour l’amélioration des métaux, n’ont rien fait qui vaille, et ont perdu leur temps et leur bien à leur grand dommage : au contraire ceux qui ont employé d’autres menstrues, non corrosifs, ont fait de grands progrès, et on trouvés plus qu’ils n’avaient cherché. Ceux-là tâchent de dissoudre les métaux, et les spiritualiser, et unir radicalement sans aucun corrosifs, afin que dans le feu ils agissent et pâtissent mutuellement, et qu’ils coopèrent pour acquérir la perfection, la noblesse et la pureté. Nous traiterons plus amplement de cette spiritualisation au Chapitre 6 où Paracelse en parle aussi. À cette heure donc, pour ce qui est de Mars ; loin de devoir être traités par des menstrues corrosifs, il le doit être par ceux qui le répugnent, qui mortifient et séparent ceux qui avait tenu les métaux dans la fusion, afin que désormais ils n’attirent plus humidité, et qu’ils ne se rouillent, et ne se corrompent plus, mais au contraire que toutes les choses corrosives consistent et se conservent par le soufre combustible. Or il ne faut pas s’y imaginer que Mars étant délivré par cette antidote de son soufre grossier, terrestre et combustible, doivent entièrement être transmuer en or pur : car le bien qui est dans Mars est en petite quantité ; et d’autant que l’or est plus noble que le fer commun, d’autant fer qui reste, est plus vil de celui dont l’or a été séparée, n’étant rien autre chose qu’une très utile terre ou scorie exempte de toute liqueur métallique. Le lait de vache ou d’autre animal, n’étant point mêlé avec l’eau, est un bon lait, mais il cède beaucoup en bonté au beurre qui est bien travaillé : et d’autant que le lait est plus vil que le beurre, d’autant le lait acide, dépouillé de sa fleur et de sa crème, est aussi plus vil que le beurre. Si vous ôtez d’un vin excellent son esprit par la distillation, une partie de cet esprit est meilleur que douze parties de vin, dont elle a été extraite : Le résidu ne peut plus être vin, et est d’autant plus vil qu’un autre bon vin ; que le bon vin et de plus vil que l’esprit qui en a été tiré. Il en est de même des métaux, lesquelles étant privés de leurs âmes et de leur forme métallique ne sont plus fusibles. C’est pourquoi quand on sépare l’or des métaux imparfaits, il faut bien prendre garde s’il n’égale pas par sa valeur le métal, et le reste de la dépense. Que si vous savez appliquer le résidu du métal à d’autres usages, vous en serez d’autant plus hardi à travailler à cette séparation.
Pour revenir au discours de Paracelse, et pour montrer que Mars même peut être élevé à la dignité royale par le moyen de Saturne, après avoir dit auparavant qu’il n’y a nulle familiarité du plus liquide avec le plus dur des métaux, et que celui-là s’en va plutôt en fumée qu’il ne rende celui-ci fluides ; après avoir assuré que dans la séparation de Mars on ne se peut passer de Saturne, il faut déclarer en peu de mots de quelle manière on s’en doit servir.
Il est vrai que Saturne est de sa nature de liquéfiable et volatil, mais on ne le peut facilement rendre fixe, sans aucune perte de son humide radical ou de sa nature métallique, afin qu’ils puissent supporter le même feu que Mars ; après qu’il a été réduit en cet état, il est propre à la séparation de Mars : on le peut rendre fixe et non liquéfiable en plusieurs manières ; mais principalement par les sels fixes, lesquelles sont contraires aux soufres superflus de Mars, et qui sont aisément séparés des régules qui se font de Mars. Car le nitre et le sel de tartre, ne durcissent pas seulement le Saturne, mais unissent les autres métaux avec lui et les rendent spirituels, semblable au verre clair transparent et soluble. Puis lorsqu’ils ont souffert le feu d’autant qu’il est nécessaire, les agents étant consumés et le patient suffisamment purgé ; la plus pure partie de ces métaux, lesquelles ont été mêlés spirituellement, et séparé par la force de Saturne, de l’autre partie inutile et grossière : le régule est aisément purgé ; de sorte qu’il n’est pas nécessaire de séparer toute la masse par la précipitation, ni de la réduire en régules. Mais le Saturne par sa vertu naturelle achève en son temps la séparation précipitation du pur et de l’impur des métaux qui ont été unis spirituellement. Voilà donc la façon de séparer l’or d’avec Mars par le moyen de Saturne, étant impossible d’en tirer rien de bon, par la commune méthode des examinateurs, en scorifiant et séparant par le moyen dudit Saturne. Vu que Mars ne résiste pas à la force du feu avec le Saturne vulgaire, non plus que Jupiter, mais qu’au contraire, ils se séparent et s’en vont en scories, ce que nous avons indiqué la première partie de ce livre, où nous renvoyons le lecteur.
Cette séparation de l’or d’avec le Mars se peut encore mieux faire avec le régule d’antimoine, et avec le nitre que par le Saturne de commun. Que si je n’en donne pas le récipé, et tout le procédé d’un bout à l’autre, personne ne s’en doit étonner ; d’autant que mon Livre serait d’une excessive grandeur, et je n’en recevrais pas plus de satisfaction des ingrats. C’est assez que j’ai indiqué la façon et les espèces, avec lesquels il faut faire l’opération, car j’ai écrit en faveur des Chimistes qui sont déjà versées dans l’exercice métallique, et non pas des chétifs distillateurs que s’il manque quelque chose pour les éclaircissements, on le trouvera à la fin des sept règles dans quelques procédés.
Quelqu’un dira peut-être, comment est-il possible que cette opération se fasse si aisément par le moyen du Saturne et des sels, vu qu’en la première Partie de ce traité et ailleurs en plusieurs endroits il est dit, que Mars, bien loin de donner son or facilement, dénoue même et cache celui qui lui est ajoutée par hasard ou par dessein ? Que celui-là apprenne, que cette manière de séparer l’or d’avec Mars, n’est pas un examen vulgaire, mais une véritable et philosophique opération, par laquelle Mars est pleinement délivré de son corps dur et grossier. Et quoi que je sache que beaucoup de lecteurs ne pénétreront pas plus avant, je crois toutefois et je chose assurer qu’il y a encore dans ce travail quelque chose de plus excellent que l’or, et pour ne donner pas mal de tête, je te le veux communiquer de bon cœur. Le voici : du fer sans aucun corrosifs, on en fait un sel, lequel est capable d’ôter l’âme à l’or, en sorte qu’il demeure à demi mort, Mars conçoit, pour mettre au jour un fruit d’or, l’or affaibli par le cuivre, et par l’antimoine, recouvre sa force et sa couleur. D’autres Philosophes ont fait mention de ceci, disant que Mars n’épargne pas même le Roi, duquel il prend les joyaux et les ornements, et qu’il n’a pas honte de s’enrichir. Le très renommé Sendivogius en a écrit aux termes suivants. Les Chimistes savent changer le fer en cuivre sans l’entremise du Soleil : ils savent aussi de Jupiter en faire le mercure ; il y en a qui du Saturne en font la Lune, mais s’ils savaient employer la nature du Soleil dans ces transmutations, certes ils y trouveraient quelque chose au-dessus de tous les trésors. C’est pourquoi je dis qu’il est nécessaire de savoir quels métaux veulent être joints les uns avec les autres, et quels ont une conformité naturelle. C’est ainsi qu’il y a un métal lequel a la puissance de consumer les autres : comme étant presque leur eau, et presque leur mère : il n’y a qu’une seule chose qui lui résistent, et qui en est perfectionnée, savoir l’humide radical du Soleil, et de la Lune. Et pour parler clairement, on l’appelle l’acier : si l’or est joint par onze fois avec lui, il jette sa semence, il s’affaiblit presque jusqu’à la mort, l’acier conçoit, et engendre un fils plus noble que son père : par après si la semence de cet enfant est mise dans sa matrice, il la purge, et la rend mille fois plus propre à produire des fruits excellents. Il y a aussi un autre acier qui ressemble à celui dont nous venons de parler, lequel à cette propriété merveilleuse que de tirer des rayons du Soleil, ce que tant d’hommes ont cherché, et qui est le commencement de notre ouvrage.
Quoique Mars soit en si mauvaise réputation, vous voyez toutefois qu’il s’en peut tirer quelque chose de bon. Je confesse qu’il est malicieux, lorsqu’il est le maître, il n’épargne pas même le souverain, auquel il extorque les trésors par violence, mais par le commerce de Vénus, il les rend ; et avec le temps ont le peut distribuer entre les sujets. Quoique le Roi soit dépouillé de ses états, et qu’il devienne pâle comme un malade, il doit pourtant avoir toujours bon courage : pourvu qu’il subsiste les affaires ne sont pas désespérés. Car pourvu que ces richesses ne soient pas transportées hors de son Royaume, et qu’elles soient distribuées entre ces sujets, il peut par le moyen de ses revenus recouvrer l’éclat de sa majesté, et la conserver tout entière.
Je sais bien que certains petits esprits qui font les entendus, mais ce sont tout à fait aveugle pour les lumières de la nature, se moqueront de moi, comme si j’avais interprété acier de Sendivogius au pied de la lettre que je l’eusse pris pour le fer ordinaire, mais il m’importe fort peu : j’ai écrit avec raison ce que j’ai écrit. Je sais que ni lui ni moi n’entendons pas parler du fer commun, mais d’une vertu eût et d’une essence magnétique, faite sans corrosif, intime, est connue de peu de personnes, laquelle sur les choses du monde attire l’âme du Soleil avec avidité et la transmue.
Quatrième règle.
De la nature de Vénus.
Les six autres métaux ont prêté toutes leurs couleurs, et leurs flueurs à Vénus avec inconstance et pour l’extérieur du corps. Ors et serait bien avantageux de montrer par quelques exemples, en quelle manière le visible devient invisible, et l’invisible visible et matériel, le tout par le moyen du feu. Tous les combustibles, se peuvent changer naturellement par le feu, et passer d’une forme en une autre, en charbon, en suie, en cendres, en verre, en couleurs, en pierres, en terre, et la terre en beaucoup de corps métalliques. S’il se trouve qu’un métal soit brûlé ou gâté par la vieillesse, non fusible, mais rude, fragile, et s’en allant en cendres, il le faut faire bien chauffer, et il reprendra sa fusibilité.
Quoique par-dessus tous les métaux Vénus soit toujours propre à toutes les opérations, elle n’est pas néanmoins absolument exempte de ce soufre combustible, mais elle en est infectée radicalement, de sorte que sans lui ajouter d’autres soufres elle se réduit en scories, et se corrompt facilement : ce qui arrive par la quantité de ce soufre combustible. Quant à l’or et l’argent comme ils n’ont point de ce soufre, ils ne sont point sujets à la destruction, seulement ils s’en vont point en scories comme les autres métaux imparfaits, lesquels comme ils abondent en soufre, se changent même avec peu de feu en cendres, poudre, ou scories, lesquels scories se fondent en verre opaque ou transparent selon la nature du métal : ces verres se peuvent fondre en métaux malléables, et ces métaux derechef en cendres et en verre, mais cela se fait jour avec quelques pertes, à raison de quelque partie brûlée, qui ne peuvent pas être réduite en métal, quoi que le métal demeure tel qu’ils étaient au commencement sans recevoir aucune amélioration. Or quiconque aura le secret de fondre les métaux en verre, en leur ajoutant non des choses métalliques, mais celles qui ont l’affinité avec les métaux, tels que sont les sels, les sables, les pierres, il trouvera toujours son métal meilleur dans la réduction, qu’il ne l’avait prix au commencement. Et afin que le lecteur en faveur duquel je compose ce Livre, comprenne parfaitement ma pensée, je m’expliquerai clairement.
Paracelse avait dit ci-devant, que chaque métal visible cachait en soi les autres ou ils étaient invisiblement ; et pour rendre visible et corporel, les métaux qui était invisible, il fallait ôter celui qui les cachait : je ne sais pas comment il faut donner de la lumière à ces paroles, lesquelles sont tout à fait inintelligibles dans leur brièveté, et que personne ne veut croire. À peine s’en trouvent-ils un entre cent, qui les comprennent : mais de même qu’une oie marche avec ses pieds tous sales et boueux sur les pierreries dont elle ne connaît pas le prix ; ainsi les ignorants orgueilleux ne veulent pas reconnaître la vérité nue et simple, et passent sans s’y arrêter. Si Paracelse eût proposé de longues et incertaines opérations à la façon des Sophistes, il eût trouvé plus de sectateurs ; mais parce qu’il n’a pas voulu faire égarer son prochain dans des chemins inconnus, et qu’il a manifesté la vérité en peu de paroles, il en est méprisé.
Pour moi je ne puis pas assez m’étonner de la folie des hommes, qui prennent des peines prodigieuses en cet art. Ce ne sont que des songes, et des chimères qu’ils s’écrivent et qu’ils se communiquent les uns aux autres, et se servent de gens qui n’en savent pas plus que leurs maîtres ; ils consument inutilement leur temps et leur argent. Ils disent qu’il faut prendre garde à choisir les véritables espèces, à faute desquels tout leur travail est inutile : que le tartre rouge est nécessaire pour la confection de l’or, et l’esprit du vin tirer du vin rouge, et non pas le blanc : qu’il ne faut prendre des espèces rouges pour des travaux lunaires. Que le vinaigre, l’esprit du vin, et le tartre soit de Strasbourg ou d’autres certains lieux, autrement ils ne seront pas propres à l’ouvrage.
Que si l’œuvre ne réussit pas, ils s’excusent sur le vinaigre, et font cent autres impertinences, faute de bien connaître la nature des métaux. La vérité selon le témoignage de Paracelse, doit être simple et facile, mais on ne la trouve que rarement, et peu de gens y ajoute foi. Les métaux ne se changent jamais, qu’ils n’aient été dépouillés de leur forme métallique : Car si métal, seul ou mêlé avec d’autres, est longtemps gardé dans la fluidité, comme il demeure corporel, il ne peut pas donner de secours à un autre ; mais s’il est détruit et qu’il demeure dans le feu, le temps qui lui est nécessaire, seul joint avec d’autres, il est impossible qu’il n’en devienne plus parfait : tant qu’il garde sa forme métallique il ne saurait profiter, il faut nécessairement que la dureté du corps soit froissée, et réduite au néant, avant que la séparation du pur et de l’impur se puisse faire.
La véritable Chimie enseigne la solution par son semblable sans corrosif, afin que les parties les plus pures soient unies, et les autres séparées. Lorsque le métal est contraint de soutenir la véhémence du feu, les parties y s’attachent les unes aux autres ; si elles sont fixes, elles demeurent ensemble ; si elles sont volatiles, elles s’envolent ensemble pareillement ; le lieu de la nature les siens, et les défend contre le feu ordinaire, mais quand ce lien vient à être lâché, elles sont contraintes de se soumettre à l’emprise de Vulcain, et de faire tout ce qui lui plaît. Les Chimistes devraient avoir honte de leur travail, ils devraient consulter les laboureurs qui prennent le secours de la nature en tout ce qu’ils font. Le laboureur ne répand point sa semence sur toutes sortes de terre indifféremment, mais il choisit un champ bien cultivé, et bien engraissé de fumier, il y jette sa semence, afin qu’après avoir été pourrie, et réduite au néant, elle vienne à se multiplier, et que la chaleur du Soleil, et l’humidité vivifiante de la pluie la fasse parvenir jusqu’à la maturité : car il sait bien qu’il faut nécessairement que la semence se corrompe, et qu’elle soit dépouillée de sa forme, avant qu’elles puissent être multipliées : il sait aussi que quand elle a une fois atteint la maturité, on ne la doit plus laisser dans le champ, qu’on la doit couper, qu’on la doit vanner, afin de séparer le grain qui est le plus pesant et qui va tomber plus loin, d’avec la paille qui est légère et qui tombe plus près, comme l’expérience nous l’enseigne, le Chimiste en devrait faire de même, vu qu’un métal peut être comme le champ d’un autre métal, lequel y venant à pourrir et à se corrompre, acquiert un nouveau corps ; il doit séparer par le moyen de Vulcain ce nouveau corps, des fèces desquels il est composé étant très bon, et très pesant. Sans la pourriture et sans la corruption, dont nous avons parlé, ne viendrait jamais à l’amélioration. Une Villageoise qui veut séparer la meilleure partie du lait de la plus grossière et de celle qui vaut le moins, elle a la met à part dans un lieu chaud, afin que ce qui est de plus excellent monte, et que ce qui est le plus vil, descendent : Et même elle a cette industrie qu’elle remue cette partie qui était la moins pure, afin d’exciter la crème, et qu’elle puisse derechef séparer le pur d’avec l’impur ; ce qui s’appelle du beurre, en faire du lait, qui ne se ferait jamais sans l’industrie et de la Villageoise. Qui s’imaginerait que le beurre est contenu dans le lait, s’ils ne le voyaient tous les jours ? La séparation du beurre d’avec l’aquosité du lait ne se fait que par une prompte agitation, par laquelle le lait s’échauffe ; on y verse même de l’eau chaude, tant à cause que son humidité se mêle avec celle du lait, et avance la séparation, à cause de sa chaleur aide à celle qui vient de l’agitation.
Les ignorants trouveront cet exemple grossier, mais il est néanmoins allégué fort à propos, et montre la manière en laquelle il faut extraire le lait de l’or et de l’argent, et comment la séparation s’en fait par le moyen de l’eau chaude, et de l’agitation du feu. Car tout ainsi que l’eau chaude aide à l’humidité du lait, étant cause de son hétérogène, qui est le beurre, en est plutôt séparées : ainsi les métaux après avoir été cuit longtemps dans leur eau, peuvent être séparés. La raison est, que les corps compacts ne perdent pas si tôt leur nature, quoi qu’il soit longtemps dans la fusion, et d’eux-mêmes n’ont pas la force de pousser dehors ce qu’ils ont de bons ou de mauvais, et de donner à connaître s’ils contiennent de l’or de l’argent ; c’est pourquoi il les faut longtemps cuire dans leur eau, afin qu’ils se relâchent, qu’ils passent de leur nature métallique, et que par l’agitation du feu, le pur soit séparé de l’impur. Or la partie la plus pure du métal ne s’en va pas à la superficie comme le beurre, mais selon la coutume des métaux, elle va au fond comme quelque chose de royal, laquelle étant refroidi, il faut séparer des scories et la purifier.
Est très important de savoir quelle est cette eau, propre à la séparation des métaux. Puisqu’elle a l’avait eu de les dissoudre, il faut nécessairement qu’il y ait de l’amitié et de l’alliance entre elle et eux ; le vieux Saturne apporte cette eau avait soi, et c’est de lui qu’on la peut aisément tirer. Pour le Saturne de commun, quoi que tous les philosophes aient publiés qui n’était que de l’eau, ce que l’expérience des coupelles a démenti, n’est du tout point propre à cela, tant qu’ils demeurent compacts dans sa forme métallique. Avant que de pouvoir réduire les métaux en eau, il faut plutôt qu’il devienne eau lui-même.
C’est à travail de peu de temps, et de peu de dépenses, dont nous parlerons plus amplement au chapitre suivant et ailleurs. Il faut aussi remarquer que si après avoir la solution du cuivre avec l’eau de Saturne, en fait la digestion autant de temps qu’ils nécessaire, l’humidité se dessèche, le métal s’endurcit, retourne en corps métallique ; et c’est pourquoi il faut toujours conserver la solution en son état liquide en y versant de l’eau, afin que leur action réciproque ne soit pas empêchée. Ce que les Philosophes appellent, incération. Si vous la négliger, l’œuvre ne périt pas entièrement, mais il reste de très excellent en amause ou verres teint, qui paraissent parmi le cuivre, et jettent un rouge, qui ne sert pas seulement à colorer le bois, mais encore le verre, telles que l’on voit les anciennes vitres des églises. On s’imaginait que l’art en était tout à fait perdu, mais il était caché par ceux-là même qui l’exerçait, et qui ont reconnu qu’il y avait quelque chose de meilleur : d’autant que cette amause rouge, étant brûlée dans un feu véhément, envoie en bas un régule, lequel étant lavé l’eau de plomb donne de bon argent. Toutefois si tu désires tirer de l’argent du cuivre, il vaut mieux de ne faire point de verre rouge, mais par le moyen de les incérations ont péché qui ne pas se joint à la jeune, mais la solution l’on demeure toujours vertes et transparentes, jusqu’à ce que Vénus soit bien nettoyée. Il ne faut pas mépriser ce que les autres Philosophes ont écrit touchant les amauses, la chose étant considérable selon les paroles d’Isaac. Tu sauras que le verre qui se fait en cette sorte est semblable au corps glorieux : d’autant que les fèces du métal, lesquelles étaient auparavant à un corps noir et immonde deviennent ensuite du verre. C’est sous ce corps qu’est cachée la quintessence du métal, laquelle est incombustible et reluit dans le verre par sa précieuse couleur : de même au dernier jour l’âme reluira dans le corps glorifié, à la façon d’un flambeau mis dans une lanterne de cristal. Une âme reluira mieux que l’autre selon la volonté de Dieu, de même qu’un corps est plus beau que les autres. Et un peu après il parle des amauses en ces termes : si c’est du fer du cuivre, ils sont purs et nets, délivrés de leurs fèces, tellement qu’ils ne seront plus sujets à la rouille. Si c’est Jupiter, la puanteur et le bruit lui seront ôté, et il sera fort et plus comme la Lune ; si c’est la Lune, elle est fixe : si c’est le Soleil, il est médecine ; et si c’est Saturne, c’est la Lune.
Cela se doit entendre que ces amauses qui sont transparentes selon nature du métal ; mais ceux qui sont spirituels, et qui se dissolvent dans l’eau, dont nous avons parlé ci-devant, sont beaucoup préférable aux autres. Outre cela il faut remarquer que non seulement Vénus et les autres métaux se peuvent à réduire en amause solubles, et soluble par cette eau de Saturne, mais que par l’addition des cailloux et des sels, et ils le font encore plus beau. Ils sont plus vils dans la séparation, parce que le dissolvant n’est pas tout à fait métallique, et après la purgation, ils ne rendent pas si facilement le régule que ceux qui ont été fait avec l’eau de Saturne.
Il y a encore une autre manière de nettoyer et purger les soufres superflus de Vénus sans l’eau de Saturne, et celle des cailloux, qui est par le moyen du salpêtre. Si vous le mettez avec Vénus ou autre métal imparfait, et que vous les brûliez ensemble, les plus pures parties y s’assemblent, et le soufre combustible se retire en forme de scories.
Enfin cette séparation ou ablution se fait aussi par le moyen d’autres sels fixes, mais il ne n’en y a point de plus heureuse que celle qui se fait avec l’eau de Saturne. Le lecteur saura ce que nous avons dit de Vénus, est considérable, quoique nous ayons parlé sans ornements ; comme les et chapitres suivant le montrerons.
Cinquième règle.
De la nature et des vertus de Saturne.
Saturne parle de lui-même en ces termes. Les autres six m’ont chassé de la ville spirituelle, quoique je sois leurs examinateurs, et m’ont donné habitation avec un corps corruptible. Je suis contraint d’être, ce qu’ils ne peuvent ni ne veulent être ; mes six frères sont spirituels, et c’est pour cette raison que lorsque je suis en feu, ils pénètrent mon corps. Je péris dans le feu, et eux avec moi, à la réserve des de plus nobles, le Soleil et la Lune, lesquelles sont parfaitement bien nettoyées par mon eau dont ils deviennent superbes. Mon esprit c’est mon eau, laquelle ramollit les corps dur de mes autres frères. Mon corps est abandonné à la Terre, tout ce que j’embrasse devient conforme à la terre, et se change en corps. Il n’est pas expédient que le monde sache ce qui est en moi, ni combien je vaux. Le meilleur serait de ne songer qu’à moi, et d’en tirer ce qui est en ma puissance, sans employer le travail de la chimie. Il y a en moi une pierre de froideur, c’est l’eau avec laquelle je durcis et congèle les esprits des autres six métaux, les réduisant à la corporalité du septième, ce qui est avancé le Soleil avec la Lune.
Il y a deux sortes d’antimoine, avec comme noir, par le mon duquel est purgé l’or, étant mêlé et fondus ensemble cet antimoine à une étroite alliance avec le plomb. L’autre est blanc, magnésie, de bismuth, ressemblant à l’étain, tel antimoine étant mêlé avec les autres, il augmente la Lune.
De Saturne on fait un bain dont nous avons parlé ci-dessus, pour nettoyer Vénus et les autres métaux : autant en fait-on de l’antimoine, mais l’un est plus propre que l’autre selon la diversité des métaux.
Comme Vénus entre facilement dans Saturne, elle peut être parfaitement nettoyée et séparée par l’eau de Saturne ; il n’en est pas de même de Mars, ni de Jupiter parce qu’ils ne durent pas avec le plomb vulgaire dans un feu véhément, mais ils se retirent vers la superficie en guise de scories, et on les en tire sans s’être lavé : mais l’antimoine ne les reçoit, retient et lave très avidement, ce qui est impossible au Saturne de commun. C’est une providence de Dieu, qui a voulu qu’il y eût un autre Saturne par le moyen duquel pussent être lavés et séparés les métaux qui ne s’accordaient pas avec le Saturne commun.
Il est donc très assuré, ce que Saturne dit de lui-même, savoir, que le monde ne croit pas des choses qui sont cachée en lui, et qu’il n’est pas à propos qu’il le sache ; son corps étant fort sujet à la corruption, rend semblable à la terre, tous les métaux, excepté l’or et l’argent, lesquelles résistent, et son lavés par le moyen de son eau. Le cuivre, le fer, et l’étain étant fondu avec le plomb sur une coupelle, s’en vont litharge ou scories ; et quand ils descendent dans les cendres poreuses de la coupelle, ils deviennent terre, à cause de leur soufre brûlant qui est très semblable au soufre de Saturne. Quant à l’or et à l’argent comme ils n’ont point de cette sorte de soufre, ils résistent au plomb, ne sont point transmuer en cendres ni en terre, et par conséquent se conservent sur la coupelle.
Il semble toutefois Paracelse nous veuille indiquer quelque autre chose touchant la transmutation de Saturne avec les autres métaux. Comme Saturne est l’eau et le bain des autres métaux, pareillement il ne peut être lavé lui-même par les sels, qui sont les eaux du même Saturne, comme je prouverais bientôt.
Personne ne s’étonne si je ne parle pas plus amplement de Saturne, que j’ai dit être si admirable ; car nous en avons déjà fait mention très souvent, comme feront encore, tellement que nous ne voulons pas répéter la même chose.
Ce que Paracelse ajoute de la différence de l’antimoine est si claire, qu’il n’a pas besoin de lumière : le plomb vulgaire et l’antimoine aussi, quoi qu’il soit très différent par la diversité du soufre, est appelé noir, de bismuth cendré même ; les vieux Métallistes in appellent l’étain, le plomb blanc, de quoi nous ne mettons pas fort en peine.
Sixième règle.
De la Lune, de sa nature et propriétés.
Si quelqu’un voulaient convertir la Lune en plomb ou en fer, il lui serait aussi difficile, que de Mercure, Jupiter, Mars, Vénus et Saturne, en faire la Lune : mais il ne faut pas convertir les choses nobles en chose viles, au contraire les viles et abjectes il en faut faire les nobles et les précieuses or il est impossible de faire la Lune, sans en connaître la nature. Qu’est-ce donc que la Lune ? C’est le septième métal externe, corporel et matériel, contenant les autres six qui sont cachée en elle car comme nous avons dit très souvent, le septième contient tous les autres spirituellement, ne pouvant être les uns sans les autres. On peut bien mettre en masse les sept métaux ensemble, mais après leur mélange corporel, chacun conserve sa nature et de demeure fixe ou volatile. Mais il n’en est pas de même du mélange spirituel, dans lequel les esprits ne sont point séparés ni mortifiés.
Si vous pouviez ôter cent fois en une heure le corps aux métaux par la mortification, ils en reprendraient toujours un plus noble qu’ils n’avaient auparavant. C’est la véritable promotion des métaux, qui se fait d’une mortification en une autre, c’est-à-dire, d’un degré inférieur à un supérieur qui est la Lune, et du meilleur au plus excellent qui est le Soleil.
Mais, direz-vous, s’il est ainsi que la Lune et chacun des autres métaux soient composés des autres six, quelle est donc la nature, et la propriété de la Lune ?
Réponse. De Mercure, Jupiter, Mars, etc.. Il ne se peut faire d’autre métal que la Lune. La raison est que chacun des six autres métaux à de bonnes vertus, lesquelles sont douze en tout : et ses vertus, sont l’esprit d’argent ; ce que je déclare en peu de mots. Des six métaux spirituels et de l’or douze propriétés, l’argent en est composé en métal corporel avec rapport aux planètes et aux douze signes du Zodiaque. De Mercure et b et \ la Lune tient une fleur luisante et une splendeur blanche. De HGM la couleur blanche, une grande résistance au feu, et fixité. De GOL la durée et un bon son. De EN et Y la coagulation et la ductilité. De VL et Z, un corps fixe avec la pesanteur. De Soleil P et Z une pureté sincère et une grande constance contre la violence du feu. Voilà une brève explication touchant l’exaltation et la cause de l’esprit et du corps d’argent, avec sa nature et son essence.
Il faut aussi savoir quelle matière en reçoivent les esprits métalliques en leur première origine, laquelle ils tiennent de l’influence des cieux ; cette matière n’est que la boue ou la pierre de nulle valeur, le Mineur en brisant cette pierre, détruit le corps du métal, et le brûle, dans laquelle mortification l’esprit métallique prend un autre corps, qui n’est pas friable, mais qui est pur et malléable. Ensuite vient le Chimiste, lequel détruit ce corps métallique, et le prépare selon les règles de l’art ; cet esprit métallique corporel prend derechef un autre corps beaucoup plus noble et plus parfait, qui paraît au dehors, soit Soleil ou Lune. Et ensuite l’esprit métallique et le corps étant parfaitement unis sont exempts de la corruption du feu.
Dans ce sixième chapitre Paracelse et répète les paroles qu’il avait souvent réitérées dans les précédents. Savoir que chaque métal visible cachait en soi les autres spirituellement, et assure qu’il est impossible que les métaux corporels se perfectionnent par la fonte ; s’ils ne sont spiritualisés auparavant : comme je l’ai souvent montré. Mais ils n’enseignent pas en termes exprès la manière, dont ils doivent être spiritualisés et unis ensemble. Aussi n’est-il pas raisonnable de mettre les morceaux mâchés dans la bouche des fainéants. Paracelse ne veut pas que les métaux soient spiritualisés par les esprits corrosifs, par lesquelles ils sont plutôt corrompus que perfectionnés ; il ne faut pas aussi que cela se fasse dans des verres, mais dans des creusets en peu de temps : en cette manière ils sont tellement épurés, qu’on peut voir au travers soit dedans ou hors le feu, se pouvant liquéfier en quelque eau que ce soit. Voilà la véritable spiritualisation des métaux, qui est lucrative, si elle a toutes les conditions susdites. Les Philosophes l’appellent la première matière des métaux, laquelle aujourd’hui n’est connue que de fort peu de personnes. Nos Distillateurs ne connaissent point d’autres esprits métalliques, que ce qu’ils poussent dehors par l’alambic où la retorte, lesquelles sont tout à fait inutile à l’amélioration, comme il se voit par expérience. Quoique les anciens Philosophes aient écrit, qu’il faut rendre le fixe, volatil, et le volatil, fixe : Ils n’entendent pas toutefois que les métaux fussent élevés, vu qu’ils ne pratiquaient point cette sorte de sublimation, ou distillation : mais ils faisaient toutes leurs opérations métalliques dans un même vaisseau de terre, sans employer les corrosifs, et sans se servir des verres. De quoi nous parlerons ailleurs plus amplement.
Si l’on prend bien garde aux paroles de Paracelse sur la fin du Chapitre, on verra clairement qu’il n’entend pas que ce soit par la distillation qui se fait avec les verres, mais par la fusion. Lorsqu’il dit, que l’esprit métallique descendant des cieux dans la terre, prend d’abord une forme très vile et abjecte, qui est pierre ou boue, que le Mineur lui en fait prendre une meilleure en le détruisant par la véhémence du feu, il devient métal malléable. Ensuite le Chimiste prend ce corps métallique, le détruit, le tue, et le prépare, afin qu’il lui donne un autre corps plus noble et plus excellent, qui est l’or ou l’argent. La Lune est plus pure et est plus que le cuivre, le fer, l’étain et le plomb mais n’ayant pas encore atteint sa maturité, elle est en comparaison du Soleil, comme la fleur, laquelle est bien plus noble que l’herbe, mais elle l’est moins que la semence qui est la plus parfaite partie de l’herbe. Et comme parmi les végétaux les fleurs ont la couleur plus belle que la semence et que le fruit : de même la Lune abonde plus en teinture que le Soleil, ce que j’ai expérimenté plusieurs fois. Mais quoique la fleur surpasse la semence en beauté, couleur, et odeur ; elle lui cède toutefois en bonté et en durée. La fleur se flétrit aisément, mais la semence dure, et produit une nouvelle herbe avec des fleurs et de la semence pour la conservation de son espèce. Et comme parmi les végétaux l’herbe est plus grande que la fleur, et la fleur plus grande que la semence : la nature observe le même ordre parmi les Minéraux. Si elle ne produisait que des fleurs, et de la semence sans produire aucune herbe, d’où est ce que les bœufs tireraient leur nourriture pour se remplir le ventre et donné au laboureur du fumier, qui est nécessaire pour produire de nouvelles herbes ?
Il est indubitable qu’il y a plus de teinture dans la Lune ne que dans le Soleil ; vu que le dedans intime de la Lune n’est que rougeur ; et le centre du Soleil très fixe et splendide est de couleur bleue, ce qu’il faut bien remarquer.
Il n’est pas nécessaire de rapporter ici les autres propriétés de la Lune, qui sont connues de tout le monde : elle doit être comparée à la fleur, en ce qu’après l’or elle tient le premier rang : de sa nature elle est entièrement exempte du soufre brûlant, mais n’étant pas encore cuite dans la perfection, elle n’est pas le plus propre véhicule des volatils, pour extraire l’or des Marcassites et autres mines, et pour le rendre corporel. De quoi nous avons parlé ci-devant et parlerons encore ci-après.
Septième règle.
Du Soleil, de sa nature et propriétés.
L‘or est le septième métal corporel, composé des autres six spirituels, il est de sa nature ; il paraît extérieurement beau, jaune, visible, sensible, pesant, froid, malléable : la raison est qu’il contient en soi la coagulation des six autres métaux, par le moyen de laquelle il a un corps visible ; et s’il est fondu par le feu élémentaire, c’est qu’il tient sa fluidité de Mercure, des poissons et du verseur d’eau ; ce qui paraît même au dehors.
Après qu’il ait fondu, si le feu vient à manquer, il se durcit et se coagule par le froid qui vient de dehors, et il tient cela des autres cinq métaux, de Jupiter, Saturne, et Mars, Vénus et la Lune : d’autant que le froid dominant en ces cinq métaux la. Et c’est pourquoi hors du feu, l’or ne pas être fluide à cause du froid : et Mercure par sa chaleur et par sa fluidité ne le peut pas secourir contre la froideur des cinq autres métaux, pour le maintenir dans une flueur continuel, il est donc contraint d’obéir plutôt aux autres cinq qu’au seul Mercure, lequel n’a point de part à la coagulation des métaux, sa propriété étant de rendre liquide, et non pas de durcir. C’est un effet de la chaleur, et de la vie que de rendre liquide ; et c’est en effet du froid, que de rendre dure, rigide et immobile, en quoi il ressemble à la mort.
Si vous désirez rendre fluide les métaux froid, Jupiter, Vénus, Saturne, Mars, Soleil et Lune, cela se doit exécuter par la véhémence du feu, d’autant que c’est le propre de la chaleur de dissoudre. Puis donc que Mercure est toujours fluide et vivant, il y aurait de l’ignorance de dire qu’il tient cela de la froideur et de l’humidité, vu que la chaleur est semblable à la vie, et la froideur à la mort. L’or est véritablement un feu de sa nature ; n’ont pas un feu vivant et liquide, mais dur ; sa couleur jaune mêlée de rouge est une marque de sa chaleur. Les cinq métaux froid l’étain, le fer, le plomb, le cuivre et l’argent, communiquent leurs vertus eût à l’or, par la froideur il est corps, par la chaleur il est de couleur jaune, par la sécheresse il est dur, par l’humidité il est pesant, par la splendeur il est sonnant : et s’il n’est pas détruit par le feu élémentaire, c’est à cause qu’il est extrêmement fixe. Un feu ne détruit pas l’autre, au contraire un feu étant joint à l’autre, en devient plus fort et plus agissant. Le feu céleste que le Soleil envoie dans la terre, n’est pas tel qu’il est dans le Ciel, ni tel que le feu élémentaire terrestre, mais le feu céleste étant chez nous, est froid, rigide, et congelé, c’est ce qui forme le corps de l’or : c’est pourquoi nous ne pouvons pas dompter l’or par notre feu, nous le divisons seulement et le fondons ; de même que le Soleil dissout la neige et la glace.
L’or est essentiellement de trois sortes différentes, céleste, élémentaire, et métallique. Le céleste et l’élémentaire est liquide, et le métallique corporel.
Fin des sept Règles.
Nous voilà à traiter du plus excellent de tous les métaux, qui est l’or, lequel Paracelse compare au feu, comme est effectivement on le reconnaît si l’on vient à le mettre en pièces. Mais que pouvons-nous dire touchant son amélioration dont il n’a de besoin, vu que la nature l’a mis dans le souverain degré de perfection, et qu’elle ne le saurait porter plus avant. Pour en faire donc quelque chose de meilleur, il faut que ce soit une médecine : car il n’y eut jamais de métal plus noble et plus précieux.
L’herbe dans une bonne terre étant parvenue à sa perfection par la chaleur du Soleil, perd sa forme et se flétrit, sa semence tombe ; mais si on la recueille, elle se conserve longuement, et l’on la peut remettre dans la terre pour produire de nouvelles herbes, ou bien elle sert à la santé des hommes. De même on ne peut rien faire davantage à l’or, que de le faire servir de remède, de le remettre dans la terre métallique en qualité de semence, afin que se corrompant et s’augmentant, il produise un nouveau germe métallique. Personne n’ignore que de l’or, il ne s’en puisse faire de bonne médecine en plusieurs façons, mais peu de gens en savent la méthode. Paracelse et beaucoup d’autres Philosophes assurent qu’en qualité de semence végétable, il peut faire de l’augmentation par les métaux imparfaits : Ce qui ne se doit pas seulement entendre de cette amélioration particulière, dans laquelle parmi les imparfaits, le semblable attirant son semblable reçoit de l’augmentation : mais encore parce que la force intérieure végétative, et la portion la plus pure, étant dépouillée de ceux qui la revêtait peut être séparée par l’industrie d’un bon métalliste, et peut-être exalté au-dessus de la perfection. Quoique beaucoup de gens estiment cela incroyable, toutefois nous n’en pouvons pas douter, s’ils ne voulaient accuser de mensonges toute la Philosophie.
Quelqu’un dira peut-être qu’on a bien raison de douter d’une œuvre en laquelle tant de gens ont perdu leur temps et leur bien, et que toutes les propositions des Philosophes ne sont que visions et que mensonges. Je pardonnerais volontiers à ses incrédules, s’ils n’agissaient pas par un principe d’envie, et de malice, d’autant que leur talent n’est pas de comprendre un si grands secrets de la nature ; car comment pourra un aveugle juger des couleurs, qu’il n’a jamais vu ? Si quelques-uns ont perdu leur peine à chercher vainement le secret, cela ne fait rien contre la vérité de l’art. Jamais un pauvre malheureuse Souffleurs ne parviendra à ces belles connaissances, il faut employer beaucoup de temps, industrie y, et de dépenses iléus cire. Au mois quoique je n’ai jamais travaillé à une chose si haut est si difficile, je crois pour que cela est dans la nature, et dans d’autres opérations métalliques j’ai connu que l’art le pouvait exécuter.
Dieu et la nature ne font rien en vain.
La Cité éternelle ou le lieu éternel de toutes choses sans temps , sans commencement et sans fin, est toutes partout essentiellement : elle l’opère où il n’y a nulle espérance : et ce que l’on juge tout à fait impossible, se trouve véritable miraculeusement.
Paracelse après avoir achevé ses règles touchant la propriété des métaux commence à répété et à déclaré son opinion, donne courage à l’entreprenant, et l’exhorte de ne pas se rebuter si son ouvrage ne réussit pas selon sa volonté, alléguant que la nature ne travaille point en vain, et que ce que l’on croit le moins, est ce qui arrive le plus, ces paroles sont claires d’elle-même.
Tout ce qui blanchit est nature, de la vie, propriété de la lumière, laquelle est cause de la vie. Le feu avec la chaleur, donne naissance à son mouvement. Tout ce qui noircit est nature de mort, propriété et force des ténèbres, la terre et le froid sont cause de sa dureté et de sa fixation. La maison est toujours morte, mais l’homme est un feu vivant. Si tu trouves le véritable usage des exemples, tu es victorieux.
En cet endroit Paracelse parlant de Mercure dit que la chaleur du feu est cause de la vie et de la lumière, et que le froid et ce qui noircit est cause de la mort : puis il ajoute ce peu de paroles qui sont d’importance. Brûle de grasses verveines.
Prend huit lotons de sel de nitre, quatre lotons de soufre, deux loton de tartre, font-les ensemble.
Ici commencent les plaintes des Chimistes sur ce que Paracelse écrivant d’une chose si excellente, s’arrête si brusquement et donne un récipé lequel a leur jugement ne s’accorde pas avec le Mercure. C’est, disent-ils, pour nous tromper et pour nous faire de la peine qu’il a joint à Mercure une poudre propre à rendre liquide, c’est de quoi le Mercure n’a pas besoin, vu qu’il est toujours coulant : s’il nous eut enseigné comment il le faut fixer et coaguler, nous l’aurions volontiers écouté. Mais ces gens-là devaient accuser leur stupidité, et non pas Paracelse qui étaient plein de bonne volonté : ces paroles précédentes l’excusent, quand il dit que Dieu et la Nature ne font rien en vain : par-là il donne à entendre que cette poudre n’est pas inutile à Mercure, quoiqu’il coule assez de lui-même : il est merveilleusement utile, si l’on s’en sert bien à propos, comme nous apprennent encore ses autres paroles. Il opère où il n’y a point d’espérance ; ce que l’on croit tout à fait impossible se trouvera vrai miraculeusement.
Pourquoi aurait-il ajouté ce merveilleux, s’il n’eût pas été nécessaire ? sans doute c’est qu’il savait le secret de s’en servir pour couper les ailes a Mercure, et pour l’empêcher de s’enfuir. Quoique je ne sache pas le secret de fixer le Mercure, j’ai vu par expérience des choses prodigieuses ; et si les métaux, principalement Mercure, sont joints ensemble philosophiquement, sublimés et distillés, ils donnent des menstrues dignes d’admiration. C’est ici que Paracelse dit : brûle-le de grasses verveines.
Tout le monde sait que le soufre superflu qui est dans les métaux est cause de leurs imperfections, et plus de valeur ; feu dont il est question, a le pouvoir de brûler ce soufre. Or tout le monde ne peut savoir le secret. Il faut beaucoup de temps et de diligence si tu veux qu’Icare vole avec son père Dédale, s’il approche trop du Soleil, il se brûlera les ailes, et tombera dans la mer où il sera submergé : en voilà assez pour les sages. Passons outre.
Quant à la coagulation du Mercure, il ne sert de rien de le tuer, de le fixer pour le réduire en Lune, ce n’est que perdre son temps et son argent. Il y a une autre voie plus courte, par laquelle de Mercure on en fait la Lune, avec peu de frais et sans travail de coagulation. Tout le monde désire apprendre les moyens de faire en peu de temps de l’or et de l’argent et l’on rejette les écrits qui n’en dissipent pas ouvertement la manière ; on serait bien aise de trouver le moyen de s’enrichir. Mais c’est une simplicité d’attendre qu’en peu de paroles on enseigne cela, et il est si assuré que l’or et l’argent se font par le moyen de la chimie qu’il n’est plus nécessaire dans faire des Livres que des neiges de l’an passé.
Paracelse continue, et dit n’est pas nécessaire de fixer le Mercure pour en faire de l’or et de l’argent, semblable en cela à un homme riche, lequel ayant oublié qu’il y avait beaucoup de gens qui mouraient de faim, dit avant que d’en venir à l’extrémité, il aimerait mieux se nourrir de lard et de légumes, croyant que les autres avaient en abondance de cette sorte d’aliment, qu’ils ne méprisaient par délicatesse, et que par conséquent il était juste qu’ils périssent. Ainsi le bon Paracelse s’imaginait que tous les Chimistes l’égalaient dans la connaissance des métaux, sans songer qu’il y a tant de pauvres souffleurs de charbon qui tourmentent Mercure par la solution, précipitations, sublimation, fixation, et autres travaux inutiles, sans connaissance de ce qui abonde en lui et de ce qui du manque. Le Mercure est un fruit d’admiration qui ordinairement trompent les Chimistes : mais si vous le voulez tromper à votre tour, lorsque vous le tourmenterez il lui faut donner de la respiration, il le faut le laisser un peu égayée : car il ne souffre point la contrainte. Mais aussi ne vous fiez pas trop en lui, de peur qu’il ne s’envole. Pour cette raison il sera à propos de faire le premier fourneau avec des verres de bien ajuster. Enfin sans employer un long discours c’est un sujet tout à fait admirable, et je l’ai toujours connu fort rebelle et obstiné parmi les métaux. Je crois pourtant que si quelqu’un le savait bien gouverner, qu’il en tirerait profit très considérable ; mais qui nous en montrera le chemin ? Il faut qu’il nous reste toujours des miracles connus, et quoique nous ne sachions pas toutes choses, nous devons toutefois rendre grâces à Dieu des connaissances que nous avons.
Recettes de la chimie.
Que dirons-nous de quantité de recettes et de vaisseaux ? Tels que sont les fourneaux, les verres, les pots, les eaux, les huiles, les sels, les soufres, l’antimoine, le magnifica, le sel de nitre, l’alun, le vitriol, le tartre, le borax, l’atramant, l’orpiment, le sein de verre, arsenic, la pierre calaminaire, le bol d’Arménie, la terre rouge, la chaux, la poix, la cire, le lut de sapience, le vert broyé, vert de gris, le sel armoniac, la suie de pin, la craie, la matière fécale, le poil, les coques d’œufs, le lait virginal, la céruse, le minium, le cinabre, le vinaigre, l’eau forte, le crocus de mars, l’élixir, l’azur d’outre-mer, le savon, la tutie. Qu’est-ce que c’est que préparer, putréfier, digérer, prouver, sublimer, calciner, dissoudre, cimenter, fixer, réverbérer, coaguler, graduer, rectifier, amalgamer, purger ? Les Livre des Chimistes sont remplis de telles choses ; comme aussi des arbres, racines, semence, de bois, pierres, animaux, vers, cendres d’ossements, de coquilles, de moucles, etc..
Ce sont des ambiguïtés et des travaux inutiles et les de la Chimie ; et quand même l’or et l’argent se pourraient faire par ce moyen, la multitude empêcherait plutôt l’ouvrage qu’elle ne les avancerai. C’est pourquoi il faut rejeter tous les enseignements qui ne montrent pas que l’or et l’argent se font avec les cinq autres métaux.
Mais quel est donc la véritable et courte manière de faire aisément de bon or et de bon argent ? Pourquoi tardez-vous à nous la déclarer ? Je crois que vous n’en savez rien, et que vous ne jouiez par ces ambiguïtés, je réponds que cela a déjà été dit, et qu’il est assez évident dans les sept Règles, celui qui ne le comprend pas, est tout à fait hors d’espérance. Que personne ne se persuade follement, que la chose doit être aisée et connue de tout le monde ; il n’est pas juste que cela soit ainsi. Mais on entendra encore mieux par un sens caché. Voici le secret de l’art. Si tu veux faire courir sur la terre, le Ciel de Saturne avec la vie, ajoutes-y toutes les planètes, ou ce qu’il te plaira, mais qu’il y ait moins de Lune que des autres. Fait les courir si longtemps que le Ciel de Saturne disparaissent entièrement. Les planètes restent toutes seules, étant mortes avec leur ancien corps corruptible, et elles ont pris un corps nouveau, parfait et incorruptible : ce corps, c’est l’esprit du ciel, par lequel le les planètes deviennent derechef corporelles et vivantes comme auparavant. Otes ce corps nouveau de la vie, et le garde, car c’est le Soleil et la Lune. Voilà l’art découvert, si tu ne les entends pas bien encore, il ne faut pas que la chose soit publiquement divulguée.
Dans ce chapitre, Paracelse enseigne que pour la transmutation des métaux, on n’a pas besoin de tant d’espèces ridicules, mais seulement des mêmes métaux les unis ensemble ne méthodiquement : il est vrai qu’en certaines opérations ont ne se peut pas passer de sels et de minéraux, pour ce qu’ils sont nécessaires à ramollir la dureté des métaux, et à les disposer à la perfection. Mais il faut bien prendre garde, de n’employer que les choses qui sont amis des métaux, et non pas les corrosifs. On peut aussi dans la fusion, les liquidations, séparations et autres opérations métalliques, se servir utilement d’autres minéraux et fossiles. Ce que Paracelse ne nie pas, mais seulement il condamne les ridicules compositions des Chimistes ignorants, lesquelles sont ennemies des métaux.
Ensuite il enseigne, mais par un sens caché, comment on peut tirer de bonne or et de bon argent, des métaux imparfaits ; et cela a si obscurément, qu’il n’y a que les savants qui y connaissent quelque chose. Il est constant que le procédé de Paracelse a fait bien de la peine à beaucoup de gens, lesquelles n’ont pas réussi, et qu’il y en a d’autres lesquelles par hasard ont découvert la vérité. C’est ainsi qu’il arrive souvent, qu’un homme ayant perdu la chose qu’il cherchait, en rencontre fortuitement une autre qui vaut beaucoup mieux : qui est-ce qui nous eût jamais enseigné la blancheur dans le plomb noir, la verdeur dans le cuivre, la rougeur dans le fer, et dans le vif-argent, si nous ne l’eussions de remarqué par accident ? Ainsi est-il venu à ma connaissance beaucoup de choses que je n’avais point cherché, et j’ai plutôt appris par l’art de Paracelse par mes opérations, que dans ses écrits. Qui est-ce qui pourra dire certainement qu’elle a été son opinion ?
Il y a beaucoup de gens qui tirent au blanc, mais il y en a peu qui donnent dedans. Il est même nécessaire d’employer d’autres choses outre les métaux susdits. Ce que Paracelse nous indique dans le procédé qu’il a prescrit, en ces termes : lorsque tu feras courir en terre, le ciel se faire de Saturne, avec la vie, mets-y toutes les planètes ou tel qu’il te plaira, pourvu qu’il y ait moins de Lune, que des autres. De ces paroles ont peut aisément conjecturer, qu’il y doit avoir plus de saturne que de tous les autres, afin qu’ils en soient lavés et de purifiés. Mais quelqu’un demandera, pourquoi la Lune étant pure elle-même, et n’ayant nul besoin d’être lavée, doit-elle avoir part en cette séparation ? Il a déjà été répondu ailleurs en quelque lieu, que la Lune attire à soi l’or qui est déjà lavé, purifié et tendre, qu’elle le défend, et le rend corporel, sans quoi il demeurerait parmi les scories. Toutefois cette séparation se peut faire sans Lune, mais elle n’est pas si lucrative.
Il n’est pas aussi nécessaire que les métaux soient joints, pour être lavés ensemble avec Saturne ; ils peuvent être pris et nettoyer chacun à part. Si ce n’est que le Chimiste étant fort expérimenté sache si bien faire sa composition, que l’œuvre en soit facilité et qu’elle donne plus or ; ce qu’il faut bien remarquer si vous n’y mettez fort peu d’argent, ou si vous n’y en mettez point du tout : car si vous n’y mettez point d’argent y il faut mettre du cuivre lequel approche fort de l’argent, et attire les métaux imparfaits, l’or volatil, et non encore mûrs, le défends et conserve dans le feu, mais non pas si puissamment que l’argent. Il est vrai que l’étain et le fer qui sont des métaux très impurs et rudes, se pourraient laver avec le plomb, et être dépouillés de leur or spirituel et caché ; mais outre que cela est très difficile, il y faudrait encore plus de dépenses, que si l’on y avait employé l’argent ou du moins le cuivre. Si nous avons cette connaissance, pourquoi ne donnerons-nous pas à chacun l’addition qui lui est nécessaire, pour réussir plus utilement et plus promptement ? Certes il faut parfaitement savoir l’assemblage et le mélange des métaux qu’on doit laver heureusement avec Saturne, peu de gens en connaissent l’importance, et moi-même ne la croyais pas telle qu’elle est, si je ne l’eusse expérimenté à mon dommage. Car il y a quelques années cherchant dans cette opération, le et n’ayant pas assez bien observé le poids ni le degré du feu, j’ai été souvent contraint de réitérer mon travail, et me suis lourdement abusé. Toutefois je ne me repens pas du temps et de la peine, ayant découvert des biens assez considérables ; je n’ose pas me vanter, d’avoir rencontré ce qu’il y a de plus excellent ; mais il se faut contenter de ce que l’on a, ne fusse qu’un petit morceau de pain. Il ne faut pas perdre courage, les choses de prix ne vont pas si vite, les boutons sont tous entourés d’épines, avant que les roses en sorte. Si tu as bien compris les poids, l’affaire est faite, et tu pourras travailler hardiment et en grande quantité.
Paracelse poursuit, disant que les planètes ajoutées courent avec le ciel de Saturne, tant que ledit ciel de Saturne s’évanouissent. Les planètes prendront un nouveau corps, emportant de la vie et de la terre, ce qui sera Soleil et Lune. Ces paroles ont été interprétées diversement, principalement touchant le ciel de Saturne, par ceux qui s’imaginaient, qu’il ne fallait que savoir ce que c’était, pour juger de tout le reste. Plusieurs croient que c’est la vulgaire séparation fait par le Saturne, prenant le régule étoilé de l’antimoine, lequel représente une étoile, et l’on fait exhaler avec la vie, qu’il croit être le feu, dans la terre, qui est la coupelle ou vaisseau de terre, laissant les corps des métaux mortifiés, puis par le moyen de la flueur les ont réduits, et fondus avec le plomb, et s’en promettant de l’or et de l’argent ils ont trouvé qu’ils s’étaient abusés, ont déclamé contre Paracelse comme contre un Sophistes et un imposteur, d’autant que par ses écrits, ils n’ont pas eu la connaissance des poids. On peut expliquer diversement ce que c’est que le ciel de Saturne. On pourrait raisonnablement dire que c’est le plomb vulgaire, d’autant étant fondu il reluit et tourne ; ou même le verre du plomb, lequel étant fondu le reluit comme le Soleil : ou bien le régule étoilé de l’antimoine, d’autant qu’étant rompus et il représente une étoile par ses morceaux. Mais que te servirait-il de connaître le ciel de Saturne, si tu ne connais pas la véritable vie qu’il demande, ni la réduction des corps morts, et réduits ? Le feu vulgaire, n’est pas la vie dont Paracelse fait mention, mais elle peut être excitée par le moyen de ce feu vulgaire. Il dit ces paroles : pour ce mouvement le feu par sa chaleur est la naissance de la vie. Si la vie n’était autre chose que le feu élémentaire et la course, rien que la séparation Saturne ou réduction en scories du régule de l’antimoine. Il faudrait aussi ajouter nécessairement, que les corps détruits qui sont demeurés, sont devenus plus parfaits, et que l’esprit du ciel est encore en eux, lorsqu’il dit que les planètes deviennent vivantes et corporelles comme auparavant, ce qui ne se trouve pas dans leur séparation et scorification, puisque leurs corps demeurent en forme de scories, dans lesquels il n’y a ni esprit ni vie, beaucoup moins y trouve-t-on de l’or ni de l’argent, quelques diligentes recherches de qu’on en puisse faire.
Paracelse dit en termes exprès. Ce corps, à savoir des corps morts, est pris du ciel, par le moyen duquel les planètes deviennent derechef vivantes et corporelles ; ce qui nous enseigne que ses corps spirituels, ne deviennent pas seulement corporels, et ressuscités ; mais qu’ils peuvent encore ordonner la vie aux corps mortifiés, ce qui ne se peut pas dire de ceux-ci, parce qu’ils ne sont pas spirituels, vu que l’esprit doit être pénétratif et vivifique, et que ceux-ci ne sont pas de cette sorte : car s’ils doivent rappeler à la vie et à la corporalité les corps morts, il faut qu’ils aient une vertu cachée, par laquelle sans le secours des flueurs étrangères ils doivent montrer qu’ils peuvent promptement donner la vie et la corporalité, autrement il les faut rejeter.
Que si quelqu’un s’imagine que les métaux ayant été privé de vie par le feu, et qu’étant devenus derechef spirituels, corporels et vivants, ils soient incontinent transmués en or et en argent, il se trompe par une vaine espérance, se fondant sur ce que Paracelse dit, ce nouveau corps tiré de la vie et de la terre, garde-le, pour ce que c’est de l’or et de l’argent : car il est même impossible à la pierre philosophale de convertir tout le corps des métaux en or et en argent. Les Philosophes disent, que de rien, rien ne ce fait, et cela est indubitable. Il n’y a que Dieu qui de rien puisse faire quelque chose ; mais ce qui a été quelque chose, ayant été fait rien par le moyen de l’art, peut derechef être fait quelque chose. Comme donc la plus grande partie des métaux ne soit qu’un soufre inutile, brûlant et nuisible, qui jamais n’a été métal, mais qui leur est attaché par le dehors, il brûle leur humide radical, et le réduit en scories ; et c’est cet humide radical, lequel seul après la destruction, et non toute la masse du métal, ni le soufre superflu, de rien est remis en quelque chose par l’esprit de saturne, c’est à dire, est fait corporel et vivant ; le soufre qui devant la corruption n’était rien, n’étant rien aussi après la même corruption. Si nous considérons la chose avec attention nous verrons clairement que cela est véritable, Si dans cette opération on doit séparer les métaux imparfaits, assembler les parties plus pures, et disperser les impures, il faut nécessairement que les parties séparées soient tout à fait dissemblables : car d’autant que l’or et l’argent sont plus purs en comparaison du métal imparfait dont ils ont été tirés, d’autant plus est impure cette partie qui reste du métal dont ils ont été tirés. Cette sorte de séparation n’est pas de même que la division d’un tout en deux parties égales, comme si quelqu’un partageait dix ducats en deux parties, chacune en aura cinq de même poids et valeur ; si d’une partie vous en ôtez deux ou trois et que vous les ajoutiez à l’autre, ils rendront celle-ci d’autant plus grande que l’autre sera plus petite ; que si vous en ajoutez neuf à celle-ci, et que vous en laissiez seulement un à l’autre, celle-là ne se vantera pas d’être supérieure en qualité, mais seulement en quantité : mais il en arrive autrement dans notre affaire, vu que la séparation se fait aussi bien dans la qualité que dans la quantité. De même que si quelqu’un divisait en deux parties égales une mine ou il y eu du métal mêlé avec de la pierre, et qu’en fuite les mêlant ensemble les lavât avec de l’eau qu’il aurait répandue dessus, séparant les plus légères parties de la terre d’avec les plus pesantes du métal qui demeure au fond, chaque partie ainsi séparée, ne laissera pas de faire la même mesure, mais elles seront fort différentes en bonté.
Ou si quelqu’un voulait séparer deux bouteilles de vin par la chaleur du feu dans un alambic de verre, attirant l’esprit le plus excellent, laissant une bouteille dans la cucurbite, ces deux parties quoique égales en quantité, seront toutefois bien différentes en bonté, le vin de l’une étant plus noble que l’autre. Et comme le résidu étant privé d’esprit, de vie et de forces, n’est plus vin et ne se peut garantir de la mort et de la corruption, à laquelle l’esprit n’est point sujet, au contraire il en préserve les autres choses : Il en est de même de cette réparation des métaux. Le résidu dont l’or a été séparé, n’est plus étain, cuivre, ou fer, mais feulement un soufre grossier et terrestre.
Et d’autant que l’esprit est plus excellent que le vin, et l’or plus excellent que le métal imparfait ; doutant aussi seront plus excellents l’esprit de vin, et l’or, s’ils sont derechef séparés, et qu’ils quittent de nouvelles fèces. Mais il suffit en cet endroit d’avoir indiqué, quelle est la méthode de la séparation, donc nous venons de parler. Ce qui nous enseigne, que ni tout le métal entièrement, ni même la moitié, ou autre partie, n’est changée en or, et que l’autre conserve sa nature de métal ; mais que la séparation se fait du pur, qui est en très petite quantité, d’avec l’impur, qui est en très grande. Et il ne faut pas s’imaginer que ce soit la faute de l’art ni de notre connaissance, si tout n’est pas converti en or. C’est beaucoup qu’il y en ait un peu, et que le travail ne soit pas tout à fat inutile. Nous vivons de plusieurs choses, et nous subsistons de peu. Chacun se doit mesurer à son aulne. Dieu ne comble pas tous les hommes d’or et d’argent, mais quelques-uns ont en partage la boue, et les excréments, au dire de Paracelse.
Que vous dirai-je davantage de l’œuvre séparatoire, par le moyen de laquelle l’or et l’argent sont extraits des métaux imparfaits avec le Saturne, et de laquelle il ne faut point douter, vu que je l’ai si souvent expérimentée ? Voulez-vous que je vous promette de vous enrichir ? Moi qui ne m’en suis pas enrichi, je ne le puis ni ne l’ose faire, de peur que venant à manquer par votre sottise, vous ne m’accusiez de mensonge et de tromperie. Le plus sûr est donc d’indiquer que la chose est possible, et de quelle façon on y doit procéder. Je n’ai jamais fait cette opération en grande quantité avec lucre sans coupelles, et même je n’ai pas eu lieu de l’essayer, je suis toutefois très persuadé que la chose se peut faire en grande quantité.
En quelle manière doivent être conjurés les cristaux.
Conjurer n’est autre chose qu’observer exactement une chose, et connaître parfaitement ce qu’elle est. Le cristal est une figure de l’air, dans laquelle parait tout ce qui est dans l’air soit mobile ou immobile, comme dans les miroirs et dans l’eau.
Je ne comprends pas bien la pensée de Paracelse touchant la conjuration des cristaux, pour ce que cela ne regarde pas l’art métallique. Toutefois il n y a pas d’apparence qu’il en ait traité sans quelque raison. Nous lisons que les anciens Philosophes Païens ont conjuré les cristaux, et qu’ils y ont vu plusieurs chose merveilleuses. Que cela soit vrai ou non, je m’en rapporte, d’autant que ce n’est pas un art naturel, et qu’à mon advis il y a de la magie diabolique, de quoi je ne me mets point en peine. Paracelse a écrit ainsi en d’autres endroits touchant ces miroirs admirables, et en a enseigné la façon par l’assemblage des métaux à certain temps, et sous certaines constellations ; ce que plusieurs ont essayé, mais je ne sache pas qu’aucun y ait jamais réussi. On pourrait dire apparemment que par cette conjuration de cristaux Paracelse a voulu dire, que pour rendre les métaux spirituels, et pour en extraire l’or et l’argent, il les faut premièrement rendre semblables à un cristal diaphane à l’eau, ou à l’air, dans lesquels on voit reluire l’âme du métal. En ce sens il s’accordera avec ce qu’il a dit aux chapitres précédents. Il semble même qu’il a fait mention de ceci en faveur de ceux, lesquels voulant faire la séparation par le moyen de Saturne, trouvent par expérience, que les métaux doivent être réduits en cristaux, avant qu’ils rendent leur or, et leur argent. Nous n’en dirons pas davantage, en ayant parlé plus au long en parlant des amauses.
Ceux-là sont convaincus qui croient que le Mercure est d’une nature froide, et humide. Cela n’est point, au contraire il est rempli d’une grande chaleur et humidité, laquelle lui étant naturelle le rend continuellement fluide. Car s’il était de nature froide et humide, il serait toujours dur, comme de la glace, et il faudrait le fondre par la chaleur du feu, comme les autres métaux ; de quoi il n’a pas besoin ; d’autant qu’il tient sa fluidité de sa chaleur par laquelle il est contraint de vivre toujours, et par le froid de mourir, durcir, se congeler et fixer. Il faut bien remarquer que les esprits des métaux qui sont joints dans le feu principalement, sont mercures extrêmement émus et troublés, se communiquant, réciproquant leurs forces pour parvenir à la victoire et à la transmutation : ils s’ôtent l’un à l’autre la force, la vie, et la forme, pour s’en donner une nouvelle, et pour se changer dans la perfection et dans la pureté.
Mais que faut-il faire, afin que mercure étant privé de sa chaleur et de son humidité reçoive un grand froid, par le moyen duquel, il se congèle, et meure ? faites ce qui s’ensuit.
Prenez, une boite d’argent très pur, enfermez-y le mercure, remplissez un pot de plomb fondu, et mettez votre boite avec le mercure au milieu de ce pot, qu’il coule un jour tout entier, le mercure perdra sa chaleur occulte, et la chaleur externe lui fera avoir la froideur interne du plomb et de l’argent qui sont de nature froide, par le moyen de laquelle froideur le mercure se congèle, se roidit, et se durcit. Il faut remarquer, que le froid dont mercure a besoin pour durcir, n’est pas perceptible par le dehors, comme celui de la neige ou de la glace, mais qu’au contraire il est chaud. La chaleur aussi qui rend mercure fluide ne se sent point à l’attouchement, au contraire elle est plutôt froide. De là les Sophistes, c’est-à-dire des hommes qui parlent sans connaissance, publient qu’il est froid et humide, et tâchent de le fixer par des choses chaudes, lesquelles sont plus propres à le fondre qu’à le condenser, comme il se voit par expérience.
La véritable chimie laquelle par les principes d’un seul art enseigne à faire l’or, et l’argent, des autres cinq métaux imparfaits, ne se sert point d’autres recettes que des métaux mêmes dans lesquels se trouvent la Lune et le Soleil.
Ici Paracelse montre l’erreur de ceux qui disent que le mercure est froid de sa nature, quoi qu’il ne soit rien qu’un feu ; et revient aux métaux spiritualisés, lesquels étant excitez par la véhémente chaleur du feu agissent les uns contre les autres, se changent et se perfectionnent.
Il ajoute l’invention de fixer le mercure, non par en sens littéral, mais il traite d’une Lune spirituelle, et d’une voie humide par laquelle il doit être coagulé, quoi que les autres métaux soient coagulés, par une voie sèche, et je n’ai jamais essayé cette voie humide.
Il conclut par vue règle universelle de la transmutation, disant : les métaux parfaits se font des métaux, par les métaux ; et avec les métaux ; et il ne se faut pas étonner si l’argent se tire des uns, et l’or des autres ; mais il ne désire pour cette opération que des sujets métalliques, des uns on en tire seulement de l’argent, des autres seulement de l’or, et de quelques-uns de l’or et de l’argent ensemble. Ce que j’ai très souvent expérimenté. Comme le plomb ne donne de soi que de l’argent seulement ; l’étain, le cuivre, le fer, de l’argent, et de l’or pur, et quelquefois selon la proportion du mélange avec les autres métaux, il donne de l’or seulement, quelquefois ils n’en donnent qu’un peu, et quelquefois rien : cela est merveilleux, il le faut néanmoins attribuer au travail et au mélange.
Quelle est la matière necessaire, et quels sont les instruments de la Chimie.
Les choses les plus nécessaires sont le fourneau, le charbon, le soufflet, les pincettes, le marteau, le creuset, le pot de terre, la coupelle faite de bonne cendre de fourneau. Mettez ensemble le plomb, l’étain, le fer, l’or, le cuivre, mercure et la Lune, que cela soit jusqu’à la fin du plomb.
Il est très difficile de chercher les métaux, et les minéraux dans la terre et dans les pierres : mais d’autant qu’il les faut premièrement chercher et tirer hors de la terre, ce travail n’est pas à mépriser : le désir de fouiller dans les minières ne cessera non plus, que celui que les jeunes hommes ont pour les filles. Autant que les abeilles sont avides de faire du miel et de la cire, des roses et des autres fleurs ; autant l’homme doit il être porté à fouiller dans les entrailles de la terre pour y trouver les métaux, mais sans avarice : celui qui a trop de convoitise, reçoit le moins. Dieu ne remplit pas tous les hommes d’or et d’argent, mais de boue de misère, et de calamité.
Dieu a aussi donné à certains hommes un entendement particulier, et une connaissance très parfaite des mines et des métaux : de sorte que sans en venir au travail de fouiller dans les minières, ils savent tirer l’or et l’argent des autres cinq métaux imparfaits, des uns plus, et des autres moins.
Notez aussi que l’or et l’argent se font aisément du vif argent, du plomb, de Jupiter, de l’or et de l’argent : mais difficilement du fer, du cuivre : il est toutefois possible, mais il faut que ce soit par le principe et par l’addition de l’or et de l’argent.
De la magnésie, et du plomb, on en tire la Lune.
Du cuivre et du cinabre, il en sortira de pur or.
Un homme d’esprit peut si bien manier les métaux par vue préparation convenable, qu’il avancera plus leur transmutation et perfection par son industrie, que tous les signes et planètes du Ciel. Il est même superflu de calculer les mouvements des signes et des planètes, il ne sert de rien d’observer les heures de telle et telle planète droite ou gauche, toutes ces choses n’avancent ni ne reculent le travail de personne ; car si tu sais bien l’art et la possibilité, tu n’as qu’à travailler à ta commodité : que si tu manques de connaissance et d’exercice, tous les signes et toutes les planètes te manqueront aussi.
Il arrive aussi parfois que les métaux pour demeurer trop longtemps à terre, ne sont pas seulement rouillés, mais qu’ils retournent en nature de pierre, comme il s’en trouve quantité, auxquels on ne prend pas garde. Car on trouve souvent des monnaies antiques, lesquelles étaient autrefois des métaux, et sont à présent changé en pierre.
Ici premièrement Paracelse nous enseigne que pour faire l’or et l’argent, nous n’avons besoin ni de beaucoup d’instruments ni de beaucoup d’espèces : mais qu’il faut seulement joindre les métaux et qu’il les faut laver, non pas d’une séparation ou bain vulgaire : car quand même vous laveriez tous les métaux avec le plomb, il ne restera pourtant rien davantage que l’or et l’argent qui avaient été pris an commencement : les autres descendent partie avec le plomb dans la coupelle, partie demeurent en forme de scories. Il nous enseigne donc derechef la spirituelle mixtion, et la séparation philosophique.
Il ajoute qu’il est honnête, bon, et nécessaire de tirer les métaux hors des entrailles de la terre : mais qu’il est plus avantageux de séparer l’or et l’argent des imparfaits. Et certes il a raison. Car tous ceux qui s’adonnent aux métaux savent bien avec quels dangers, quels soins et quelles dépenses, il les faut tirer hors de la terre ; il est vrai que si le travail réussit, les pauvres peuvent devenir riches en peu de temps. La rencontre des mines est toute hasardeuse et fortuite, on y peut gagner, et on y peut perdre également la chose est de grande dépense, que toute sorte de gens ne peuvent pas soutenir, elle n’est propre qu’à ceux qui ont beaucoup à perdre, et qui ont toujours du pain à manger. Si ce n’est qu’un pauvre rencontre par hasard un sable ou une terre féconde en or, en argent ou en autres métaux, qui le puisse nourrir en faisant la séparation : ou qu’il s’associe un riche pour fournir les frais nécessaires à faire fouiller dans quelque riche veine; comme il est arrivé très souvent. De quelque façon que cela soit, il y a bien de l’incertitude : quant à la métallurgie dont Paracelse parle en cet endroit, elle est de beaucoup préférable à l’autre, si Dieu fait la grâce à un homme de tirer l’or et l’argent des métaux qu’on trouve à vendre partout, sans qu’il craigne les inondations, les spectres, et les autres incommodités des mines. Quelles richesses l’Allemagne n’aurait-elle pas gardé de vers soi durant une si longue guerre, si elle eut eu des gens versés en cet art de la séparation des métaux ? d’autant qu’ils ont été tirés des minières avec plus de peine et avec plus de dépense, d’autant ont ils été vendus et se vendent encore aux étrangers à plus vil prix, pour ce que personne n’en sait le véritable usage. Nous devrions rougir de honte d’être à présent inférieurs aux autres nations par notre fainéantise, nous qui les avons autrefois surpassées en sincérité, foi, vertu, esprit et industrie. Néanmoins il ne s’en faut pas étonner, vu que le Magistrat n’appuie pas comme il devrait les Chimistes expérimentés qui recherchent les secrets de la nature. Il faudrait faire distinction entre les honnêtes gens, et les trompeurs et vagabonds, et misérables charlatans, qui prétendent enseigner la Chrysopée, et n’ont aucune connaissance des choses métalliques. Le véritable Chimiste n’ose pas se découvrir, de peur qu’on ne le compare à ces Saltimbanques. D’où vient que la Patrie est frustrée de beaucoup de commodités. Toutefois si Dieu me donne la vie et le loisir, j’ai résolu de faire un Livre, dans lequel je montrerai combien l’Allemagne abonde en richesses cachées, en quoi elles consistent, et comment il les faut tirer du sein de la terre. L’Allemagne est pourvue de diverses mines par-dessus toutes les autres régions, elle a du bois en abondance, elle a toutes les choses nécessaires pour y travailler : il ne lui manque que les hommes affectionnés à la patrie, et qui en prennent le soin pour le bien commun. Pourquoi sommes nous venus à ce point de folie d’envoyer notre cuivre en France on en Espagne, pourquoi notre plomb en Flandre et à Venise, de qui nous achetons le vert de gris et la céruse qu’ils ont faite de ce même plomb. Notre bois, notre sable, nos cendres, ne sont-elles pas aussi propres à faite des verres de cristal, que celles de France ou de Venise ?
Il y a chez nous quantité d’autres choses qui égalent ou surpassent en valeur celles des étrangers, qui sont entièrement négligées, au lieu de vendre aux étrangers que nos biens superflus, nous leur portons notre argent, et nous devenons pauvres pour les enrichir.
O que si l’Allemagne était bien gouvernée, elle recevrait de commodités de ses voisins ! Certes lorsque Dieu a résolu de châtier une Province, il lui ôte les hommes d’esprit et de jugement, lesquels il lui donne, s’il a dessein de la faire prospérer. Quelle est la cause de l’opulence de Venise et d’Amsterdam, sinon que ces deux puissantes Villes attirent et entretiennent les hommes sages et industrieux, par l’invention desquels ils ont porté leur commerce chez les autres nations, et vendant leurs marchandises, ils ont rempli leur patrie d’or et d’argent ? Il vaut mieux avoir de quoi vendre, que de quoi accepter. Qu’est-ce qui fait besoin à l’Allemagne, qu’elle n’ait reçu de Dieu avec largesse, si elle le savait connaître. La mode est venue de boire et de manger excessivement, de sorte que ceux-là même qui à peine ont du pain à manger, dissipent le peu qu’ils ont dans une honteuse débauche : il n’y a presque personne qui cultive les arts et les sciences, tout le monde aime la fainéantise ; d’où vient que Dieu ajoute plaie sur plaie, et il est à craindre que si nous n’apaisons sa colère par une sérieuse repentance, nous ne sentions encore de plus grands maux, dont sa clémence veuille nous préserver.
Pour revenir à mon sujet, dans le dessein que j’ai eu d’éclaircir les écrits de Paracelse qui a très bien mérité de la patrie ; je vous ai dit et vous le répète encore, ce qu’il enseigne touchant les métaux, dont l’or et l’argent sont extraits, des uns facilement, et des autres avec difficulté ; mais toujours leur ajoutant de l’or et de l’argent, afin que par ce mélange, il rende corporel et fixe, l’or et l’argent qui est dispersé et volatil dans les métaux imparfaits.
Il ajoute ensuite, que si les métaux demeurent trop longtemps sur terre, ils se corrompent, et retournent: en pierre et en terre, dont ils avaient tiré leur origine. Ce qui arrive aussi à l’homme, et à toutes les créatures, n’y ayant rien au monde qui ne soit vain et périssable, à la réserve de la connaissance, de l’amour, et de la crainte de Dieu.
Ce que c’est qu’Alchimie.
L’Alchimie, est une pensée, imagination, invention, par laquelle les espèces des métaux passent d’une nature en l’autre. Chacun donc tâche d’inventer, et de parvenir à la connaissance de la vérité par la spéculation.
Il faut remarquer, que les astres et les pierres, ont un grand pouvoir : d’autant que les astres sont les esprits, et donnent la forme aux pierres. Le Soleil et la Lune à proprement parler ne sont autre chose en eux-mêmes que des pierres, dont celles de la terre tirent leur naissance, comme étant la brûlure, le charbon, la cendre et l’excrément de celles du ciel, lesquelles étant purgées et séparées sont claires et resplendissantes. Et tout le globe de la terre n’est qu’un amas de pierres tombées, brisées, recuites, mises en une masse, ayant repos et consistance au milieu du cercle du firmament.
Il faut aussi remarquer que les pierres précieuses, que je nommerai ci-dessous, sont engendrées avec les autres pierres, et données à la terre par les pierres célestes, desquelles elles approchent en netteté, beauté, éclat, vertu. constance, et incorruptibilité dans le feu, et qu’aussi par ce moyen elles sont en quelque façon semblables aux astres, dont elles sont des parcelles, que les hommes trouvent dans un vaisseau impur et grossier. Le vulgaire qui est toujours un mauvais juge, croit que le lieu où l’on les trouve, est celui de leur naissance. Après qu’on les a polies, on les porte partout le monde, et on les estime comme de grandes richesses à cause de leur forme, couleur, vertus et propriétés, que je m’en vais vous déduire.
Les Pierres précieuses.
L’Emeraude est une pierre verte et transparente, elle réjouît la vue, aide à la mémoire, garde la pudicité, laquelle étant offensée, elle se ressent de cette injure.
Le Diamant est un cristal noir, on l’appelle Euar, à cause qu’il donne de la joie. Il est obscur, et de couleur de fer, il est très dur, il se dissout avec le sang de bouc, et ne passe pas la grandeur d’une noisette.
L’Aimant est la pierre du fer, d’autant qu’elle l’attire.
La Marguerite est vue perle, et non pas une pierre, elle naît dans les écailles, sa couleur est blanche. Car tout ce qui naît dans les animaux, dans l’homme et dans le poisson n’est pas proprement pierre, quoi que le vulgaire suivant la connaissance des sens juge que c’est une pierre.
C’est à proprement parler une nature dépravée, ou changée, sur un ouvrage parfait.
La Hyacinthe est une pierre blonde, transparente ; c’est aussi une fleur que les Poètes disent fabuleusement avoir été un homme.
Le Saphir est une pierre bleue de nature céleste.
Le Rubis, est une pierre très rouge.
L’Escarboucle est une pierre solaire, dont l’éclat est semblable à celui du Soleil.
Le Corail est semblable à la pierre, il est tout rouge. Il croît dans la mer en forme d’arbrisseau par la nature de l’eau et de l’air : puis étant changé par l’air, il se putréfie, et devient rouge, et d’autant qu’il est incombustible dans le feu, il passe pour une pierre.
La Calcédoine est une pierre de beaucoup de couleurs claires, obscures, et mêlées de rouge, à la façon du foie ; c’est la plus vile de toutes les pierres.
La Topaze est une pierre, qui reluit même dans les ténèbres, on la trouve dans les autres roches.
L’Améthyste est une pierre dont l’éclat est mêlée de rouge et de blond.
Le Crysopase est une pierre de couleur de feu la nuit, et le jour elle paraît être d’or.
Le Cristal est une pierre blanche, transparente, ressemblant à de l’eau gelée, elle est sublimée, extraite, ou lavée des autres roches.
Pour conclusion et pour te dire adieu, je te donne cette vérité. Si quelqu’un veut savoir parfaitement l’origine et la nature des métaux ; qu’il sache qu’ils ne sont autre chose que la meilleure portion des pierres communes : ce sont les esprits des pierres. C’est-à-dire, la poix, le suif, la graisse et l’huile des pierres, laquelle n’est pas pure et sincère, pendant qu’elle est mêlée et cachée dans les pierres, c’est pourquoi elle doit être cherchée, trouvée et connue dans les pierres ; elle en doit être exprimée et tirée à force : pour lors ce n’est plus une pierre, mais un métal parfait et achevé, ressemblant aux astres, lesquels sont aussi des pierres en leur espèce, différentes de ces pierres dont nous parlons.
Celui donc qui se voudra étudier à la recherche des métaux, doit se persuader qu’ils ne se rencontrent pas seulement dans les entrailles de la terre ; mais bien souvent il y en a de tous découverts, meilleurs que ceux qui sont cachés : il faut prendre garde à tous les cailloux, et à toutes les pierres grandes et petites qui se présentent à nos yeux, examiner leur nature et leurs propriétés. D’autant que bien souvent un caillou dont on ne fait aucun état, rendra plus de profit qu’une vache. Il n’est pas toujours nécessaire de chercher, avec empressement la roche ou la matrice dont tel caillou aura été tiré, afin d’en tirer aussi d’autres ; parce que cette sorte de pierres n’ont point de roche, et qu’ils n’ont été engendrés que du Ciel. Il se trouve etiam parfois de la terre, de la poussière, du sable que l’on méprise, qui ne laissent pas d’avoir de l’or et de l’argent.
En cet endroit Paracelse enseigne clairement ce que c’est : qu’Alchimie. Puis il nous conduit à la génération des métaux par les influences des astres qui tombent dans le sein de la terre : donnant aux pierres précieuses un degré qui approche de la perfection, non pas pour nous inciter à leur recherche dans l’espérance d’en tirer de l’or et de l’argent ; mais afin que nous rendions les métaux semblables à ces pierres quant à l’extérieur, si nous voulons extraire l’or et l’argent desdits métaux; c’est à quoi tend la doctrine des Chapitres précédents, il n’a rien mis sans dessein. Quel rapport y a-il des pierres précieuses avec les métaux ? Nul.
Et bien qu’aucune fois il y ait de l’or et de l’argent cachez dans les pierres précieuses, dont ils en peuvent être séparés ; néanmoins il n’entend point ici que nous le fassions, mais pour confirmer sa doctrine précédente, il montre que pour tirer utilement l’or et l’argent des métaux, il les faut plutôt réduire en verres, qui ressemblent aux pierres précieuses, dont il en nomme plusieurs, et enseigne leurs usages, non pas tant pour nous faire comprendre leur nature et leurs propriétés, qu’à l’occasion des métaux qui leur doivent ressembler en couleur. Celui qui n’entend ni ne veut croire ce que je dis, qu’il s’adresse ailleurs, et cherche quelque chose de mieux.
Pour conclusion il montre ce que sont les métaux, et qu’il n’est pas toujours besoin de les tirer du profond de la terre, se rencontrant parfois en abondance, dans la poussière, dans le sable, et dans les pierres les plus viles et méprisables ; il dit aussi qu’il ne faut pas se mettre en peine de leur roche, vu que c’est le Ciel qui les engendre. Par ce discours il blâme l’aveugle convoitise des hommes, qui recherchent si avidement les mines cachées au fond de la terre, qu’on ne peut trouver sans danger, ni creuser sans beaucoup de dépense ; et qui ne connaissent pas, ou méprisent orgueilleusement ce qui est devant leurs pieds, qui affectent les ténèbres, qui dédaignent et tâchent malicieusement d’éteindre les lumières que les gens de bien leur découvrent.
Ainsi donc finit ce petit traité que Paracelse nous a laissé tout rempli d’une science cachée touchant les choses métalliques, lequel j’ai tâché d’expliquer le plus clairement qu’il m’a été possible ; et je ne doute point qu’il n’en soit plus estimé dorénavant.
Si quelqu’un trouve que j’ai écrit trop obscurément, qu’il consulte mes autres oeuvres, lesquelles s’expliquent réciproquement, et qu’il excuse l’occupation de mes affaires. Pour moi j’ai de la satisfaction d’avoir donné cette introduction au prochain, et d’être assuré que mes peines et mes soins ne mourront pas avec moi.
Si j’ai plus de vie et plus de loisir, je communiquerai d’autres secrets au public, comme je fais maintenant dans les conclusions de l’Œuvre Minérale, où j’enseigne quantité de particulières et certaines opérations, lesquelles donneront de la lumière à mes écrits précédents, et confirmeront la doctrine touchant la transmutation des métaux ; je dirai ensuite comment il faut séparer et repurger les métaux qui ont été extraits des imparfaits, ce qui couronnera mon ouvrage.
La pratique de la Théorie, ci-dessus décrite.
La précédente explication du Livre des Vexations de Paracelse, a fait voir, que la transmutation des métaux était indubitable, et même en a enseigné la méthode. Mais d’autant qu’il faut être parfaitement bien versé dans les choses métalliques pour faire cette opération, j’ai peur que mon explication toute fidèle et intelligible qu’elle est, n’apporte pas plus d’utilité que les écrits de Paracelse, et que les ignorants ne la tiennent au même rang du Livre qu’ils accusent d’impossibilité et de mensonge. J’ai donc voulu en témoignage de la vérité, ajouter quelques procédés en termes clairs et faciles, afin qu’on ne s’étonne, et qu’on ajoute autant de foi aux écrits de Paracelse qu’aux miens.
Or il est impossible d’écrire avec tant de clarté que personne ne se puisse tromper, il faudrait trop de temps, et cela serait aussi ennuyeux et aussi impertinent, que d’entretenir un enfant qui ne saurait pas encore l’Alphabet de la Physique et autres subtilités. Je n’entreprends pas d’enseigner ici les novices de l’Alchimie, mais les personnes de bon esprit et de beaucoup d’expérience dans les opérations métalliques, que celui-la donc m’excuse, qui viendra à manquer dans la pratique des choses que je lui montre, qu’il ne blâme point l’obscurité de mes préceptes, mais son ignorance et stupidité, et quand même il n’y en aurait pas un seul qui me peut imiter, la vérité me met à couvert de reproche.
Il n’y a point de doute que ceux-là en profiteront, lesquels travaillant avec soin et assiduité pour pénétrer dans les secrets de Vulcain, ont acquis assez de lumière pour me comprendre. Pourquoi écrirais-je des choses dont le n’aurais pas la connaissance ? à quoi me serviraient mes écrits, dont je n’ai reçu, ni n’espéré aucun profit, s’ils n’étaient pas utiles au prochain ? Mes écrits ne sont pas comme les écrits posthumes, dont personne ne peut assurer la vérité. L’ignorance n’est point blâmable d’interroger l’Auteur pour s’éclaircir.
Sans mentir j’eusse écrit encore plus ouvertement, si je ne craignais de profaner un si bel art et de le rendre trop commun : il y en a qui trouveront que je me suis trop expliqué, et qui gronderont que des secrets si importants, soient découverts au peuple. Mais quel moyen de contenter tout le monde ? Quoi qu’il arrive, je serai toujours bien aise d’avoir rendu un bon office à mon prochain.
Voici le secret de l’Art.
Lorsque tu auras imposé le ciel de Saturne, et que tu l’auras fait couler en terre avec la vie, ajoutes-y en poids convenable les métaux imparfaits, à savoir le plomb, l’étain, le fer, le cuivre, et un peu d’argent. Qu’ils coulent tant soit peu avec le ciel, jusqu’à ce qu’ils disparaissent avec lui, ayant perdu la nature et forme métallique, laquelle sera réduite en terre. Ressuscite par l’esprit du ciel cette terre métallique qui est encore jointe au ciel de Saturne, et qui en est environnée de toutes parts ; rend la corporelle, et elle recevra sa première forme métallique : mais encore qu’elle soit devenue meilleure, qu’elle meure et qu’elle ressuscite trois et quatre fois, afin que l’amélioration en soit plus grande, et qu’il en provienne plus d’or et d’argent dans la séparation. Pour cette opération il n’est besoin d’avoir ni pot, ni tuile, ni coupelle, creuset, têt, cucurbite, ni eau forte, autres vaisseaux ou instruments qui servent aux autres opérations métalliques, mais seulement un creuset, un fourneau, un feu depuis le commencement jusqu’à la fin, ce qui s’achève parfaitement en l’espace de fort peu de temps. Et pour parler plus ouvertement, dans ce procédé la sphère de Saturne, c’est le régule d’antimoine, la vie, le sel blanchissant, tenant son opération et son mouvement du feu ; la terre, c’est le creuset. Voila le travail tout entier, lequel j’ai expérimenté plus de cent fois en petite quantité. Que surtout on s’étudie à bien connaître le feu, son origine, sa nature, et ses forces, et le reste sera assez aisé à comprendre. Car le bois, le charbon, et les autres choses combustibles, ne sont pas proprement le feu, elles en sont comme le domicile, dans lequel il se rend visible et perceptible, étant de soi occultement dispersé parmi l’air. Pareillement l’homme n’est pas la vie ni l’âme, mais le réceptacle dans lequel habite l’âme ou la vie qui lui ont été infusés d’en haut. Et quand l’âme a quitté le corps, l’homme n’est plus homme ; mais seulement un cadavre.
Ainsi l’or étant privé d’âme, cesse d’être de l’or, il n’est pins qu’un minéral volatil et sans bonne couleur ; d’où il est manifeste que la bonté des métaux vient de leur âme, et non pas de leur corps. C’est pourquoi on ajoute de l’argent aux métaux imparfaits, afin que cet argent reçoive et ramasse l’âme des métaux, laquelle était étendue par tout leur corps, et qu’elle la rende corporelle, visible, et perceptible : Et qu’ainsi par le mélange de ces âmes, il s’en forme de bon or. Personne toutefois ne doit s’imaginer que tout le corps des métaux imparfaits se puisse convertir en or ; cela ne se fait jamais. Il est vrai que leur partie la plus pure, qui est l’âme, et la quintessence, étant séparée de la plus impure, qui est terrestre et soufreuse, s’incorpore avec la Lune, laquelle étant exaltée et animée, se convertit en or.
Quelqu’un me demandera de la sorte si on n’ajoute point d’argent au mélange métallique, n’en sortira-t-il point d’or ? Je réponds, qu’il en sortira de l’or, mais en plus petite quantité, que si on y avait mis de l’argent. La raison est que l’âme de l’or, qui se trouve dans les corps imparfaits est si tendre et si déliée, qu’elle ne peut pas de ses propres forces se dégager de tant d’impuretés dont elle est environnée, et se former un nouveau corps : de manière qu’il est expédient et nécessaire, de lui présenter un corps, dans lequel elle se ramasse et se retire : à quoi la Lune est très propre, laquelle est unie radicalement avec les métaux impurs, et mêlée avec eux par l’agitation d’un feu vivifique qui la fait monter et descendre, rencontrant dans cette circulation les plus pures parties des métaux imparfaits, qui lui adhèrent, se mêlent avec elle, se font corporelles, après avoir laissé leur corps corruptible, et la séparation du pur et de l’impur ayant été faite.
J’ai donc à présent enseigné clairement la manière de tirer l’or et l’argent de tous les métaux ensemble, ou de chacun d’eux, avec ou même sans addition de Lune. Si tu le comprends je t’en félicite; sinon, tu n’as pas sujet de te plaindre que je ne t’aie pas ingénument communiqué la vérité toute nue.
Autre manière de séparer l’or et l’argent des métaux imparfaits, par le moyen de Saturne.
Premièrement fais en couler le plomb dans le creuset : ajoutes-y l’étain, le fer, et le cuivre en poids convenable, qu’ils soient fondus ensemble. Soudain l’étain et le fer corrompent le plomb, lequel est réduit en scories semblables à de la terre jaune, et ces scories étant réduites rendent leur plomb et leur cuivre : quant à l’étain et au fer, ils demeurent en forme de scories noires, lesquelles il faut garder. Fais derechef fondre parfaitement ce plomb mêlé avec le cuivre, ajoutes-y encore de l’étain et du fer, pour en faire des scories, lesquelles il faut par après réduire incontinent. Réitéré ce travail de scorification et de réduction, jusqu’à ce que de 100 livres de plomb, à peine en reste-t-il une ou deux lires, lave-les, et tu trouveras l’or et l’argent en partie, lesquels les métaux auront donné dans cette opération. Quant aux scories qui ne pouvaient pas être réduites, fais-les bien cuire dans un fourneau particulier, fixe-les, et dans la réduction elles donneront l’or et l’argent. Lave le Saturne, afin que l’or et l’argent qui étaient resté dans les scories, en puisse être tiré pour nous servir.
Ce travail, que je n’ai jamais pu expérimenter dans une grande quantité, réussira selon mon opinion, même en grande quantité. Chacun peut en faire l’essai, et calculer exactement combien il en peut provenir de profit tous les ans.
Les métaux imparfaits peuvent aussi être lavés et fixés par la voie particulière des sels non corrosifs, et personne ne doit douter que par ce moyen ils ne rendent beaucoup d’or et d’argent. Et d’autant que j’en ai souvent fait mention dans mes écrits, il serait ennuyeux de le répéter ici. Par cette façon de laver qui ressemble à celle des femmes Blanchisseuses, on pourra peut-être un jour avancer les métaux jusqu’à une perfection au-dessus de l’or. Les Blanchisseuses s’y prennent de diverses manières, et les plus adroites sont celles qui rendent leur linge le plus blanc. Quelques-unes le nettoient avec de la lessive, mais ce travail est grossier, et n’ôte pas bien les saletés. D’autres le savonnent, et ayant ôté les ordures, ôtent la lessive avec de l’eau bien nette, puis exposent le linge au Soleil, lequel par sa chaleur le sèche, lui ôte toute l’odeur du savon et de la lessive, et le blanchi d’avantage. Que si la lessive ou le savon viennent à recevoir des saletés, elles le répandent, et en nettoient les restes avec de l’eau claire, et ce par tant de fois, que les immondices soient ôtées et le linge devienne parfaitement blanc.
Je n’ai pas allégué en vain cet exemple des Lavandières, pour enseigner ceux qui ne savent pas laver et nettoyer les métaux. Car il est impossible de laver vu métal impur, avec la première eau, mais il en faut verser de nouvelle jusqu’à tant que toutes les impuretés étant ôtées, l’eau paraisse claire comme quand on l’a versée. Le travail aussi de l’incération y est fort utile, si vous employez l’incération, c’est-à-dire si le métal étant bien nettoyé est souvent imbibé d’eau nouvelle ; puis étant séché il acquière une plus grande pureté qu’il n’eut fait avec la seule eau de savon. Que si quelqu’un savait encore une eau meilleure que celle-là, il n’y a point de doute que les métaux en deviendraient plus excellents que l’or. De même que l’on croit que le linge peut être tellement préparé par l’industrie, qu’il surpasse en finesse les étoffes de soie blanche : ainsi l’or par un art inconnu à beaucoup de gens pourrait être élevé à un souverain degré de pureté.
Que personne ne s’étonne de la comparaison que j’ai faite de cette séparation au lavage des Blanchisseuses ; les Philosophes même ont appelé leur ouvrage universel, l’ouvrage des femmes, et le jouet des enfants. Je suis fort assuré que si j’avais imité les Sophistes par un long discours rempli de mensonges, le monde qui aime à être trompé m’en aurait fort remercié. Mais pour moi, quoi qu’il arrive, je crois en conscience avoir satisfait à Dieu et aux hommes.
Les métaux peuvent aussi après avoir été calcinés, être purgés et lavés par le verre de plomb fait avec l’addition de cailloux, en telle sorte qu’ils donnent beaucoup d’or, de quoi j’ai écrit ci-dessus. Mais il y faut beaucoup de plomb dans lequel le métal s’étende amplement, car sans cela il ne quitte point ses fèces, et ses parties les plus pures ne le peuvent pas concentrer en un corps. J’emploie les cailloux, afin que recevant en eux les fèces des métaux immondes, ils fassent la séparation du pur et de l’impur. De la même sorte que pour épurer le miel, le sucre et autres choses avec de l’eau, nous y mêlons le blanc d’œuf, pour ce qu’il attire la viscosité du suc, et qu’il le clarifie. Pareillement ici les cailloux font le même effet. Le Saturne tient la place de l’eau, par lequel le fer, le cuivre, l’étain sont dissous. Ce travail est très agréable et fort prompt, extrêmement lucratif, si les creusets étant percés par la litharge pouvaient garder la mixtion, et ne laissaient pas si tôt échapper. Que si quelqu’un était assez, heureux pour trouver des vaisseaux qui gardassent le verre de plomb l’espace de dix ou douze heures, il ne faudrait pas qu’il se mit en peine de chercher d’autre moyen pour s’enrichir. Pour moi je n’ai jamais eu ce bonheur, quoi que je l’ai recherché durant longues années. Une seule livre de fer, de cuivre, ou d’étain, rend par fois un demi loton d’or, et même un tout entier, si l’opération est bien conduite ; que si vous y ajoutez du sel fixe de Tartre, ou même des cendres gravelées, elle en rend davantage, mais aussi les creusets en sont plutôt percés, ce qui est fâcheux. Je m’assure qu’il s’en trouvera quelqu’un qui réussira dans ce travail tant aux creusets qu’aux grands foyers, et qu’il en rendra grâces à Dieu et à moi.
Autrefois j’ai tant estimé ce travail que je ne l’eusse communiqué à personne, quelque grande récompense qu’il m’en eut offerte ; mais n’ayant pu passer plus outre, je le communique gratuitement, afin que chacun éprouve sa destinée. Dieu ne donne pas tout à un, il en use à sa volonté.
Les métaux imparfaits sont purgés de leur soufre nuisible et combustible par le feu soudain du nitre, dont nous avons parlé ci-devant en traitant du Mercure, et c’est la plus prompte amélioration des métaux, qui se fait presque en un moment. Surtout s’ils sont réduits en sel soluble sans employer le sel corrosif. A cela, sont très propres Mars et Vénus, donnant un vitriol philosophique, lequel peut très commodément être purifié en perfection. Il y a un grand secret caché sous la fable des Poètes touchant Vénus et son fils Cupidon : quel est ce Cupidon, ne serait-ce point l’or ?
Je pourrais bien encore déduire d’autre fort bon moyen d’extraire l’or et l’argent des métaux imparfaits ; mais en ayant assez dit dans l’explication des sept Règles, je me contenterai de cela ; outre que celui qui ne le comprendra pas, ne profiterait pas d’un plus long discours, il suffit à chacun de connaître les fondements de son art pour l’exécuter. J’ajouterai néanmoins en forme de supplément un ouvrage très agréable, qui est une Parabole où sont contenus tous les fondements de l’Alchimie, la radicale solution des métaux, la conjonction, distillation, sublimation, ascension, descension, cohobation, cémentation, calcination, incération, fixation, avec quoi je finirai la transmutation métallique.
Il y avait un homme, V, lequel avait deux enfants, le Bismuth et H, le plus jeune, H, disait à son père V, donne moi ma portion. Les Philosophes et les anciens Métalliques, ont toujours cru que le Bismuth, et le H, étaient le plomb, ils l’ont appelé H, le plomb blanc, et le bismuth, le plomb noir, comme il se rend rebelle et désobéissant, c’est-à-dire, lorsqu’il monte, son père lui donne sa portion, avec laquelle il s’en va en pays étranger. Remarquez bien que H et le Bismuth sentant le feu, H est séparé de V, et du Bismuth, en montant il emporte avec soi quelque chose de V, et devient en scorie rebelle, ce qui est s’en aller en pays étranger. Il entre en une hôtellerie, dans laquelle était G hôte, et E hôtesse, tenant dans un tableau pendu, Fle signe du monde, lesquels après l’avoir accueilli le dépouillaient de tous ses biens paternels, voilà la solution ; il y eut grande cherté de vivres, c’est la sécheresse ; de forte que les hommes en étaient tous défigurés par la famine, c’est la corruption : pour se défendre de cette famine, il fut contraint de garder les pourceaux, c’est-à-dire, demeurer avec le nitre fétide. Et contraint de vivre des gousses, c’est-à-dire de tartre. Voilà l’incération, l’imbibition, donc il fut humilié, voilà la digestion, la circulation, ablution, édulcoration, purification. Il revient chez son père, c’est l’incorporation. Lequel le reçoit avec joie, voilà l’entrée, comme un enfant perdu, voilà de quelque chose rien, et de rien quelque chose. Il lui donne une robe neuve, c’est l’argent, il lui met au doigt un anneau d’or, c’est l’argent doré. Ensuite il demeure constant chez son père, et devient bon économe, c’est-à-dire métal fixé.
Que personne ne me blâme d’avoir comparé la transmutation des métaux, et particulièrement l’étain à la parabole de l’Enfant prodigue, je l’ai fait pour donner plus de lumière ; au reste je n’ai jamais remarqué en aucun travail tant de changement qu’en celui-ci. Car en premier lieu dans la solution il paraît une noirceur, qui dure son temps, ensuite vient la queue du Paon, la verdeur, et enfin la blancheur : Or ne sais-je pas si la rougeur succéderait à la blancheur en cas qu’on la retint plus long-temps dans la digestion, vu que je ne suis jamais parvenu au-delà de la blancheur. Ce travail est très agréable, il réjouit l’esprit de celui qui le fait il n’est ni de grande dépense, ni de grande difficulté pourvu qu’on rencontre le poids, et de bons vaisseaux. Il ouvre le chemin a des choses plus hautes. Heureux celui qui vient à bout, il ne pourra jamais contenter sa curiosité dans les recherches des secrets naturels.
Il est à remarquer que chaque métal se peut laver séparément avec le plomb et avec les sels ; afin qu’étant exalté dans la séparation, il donne l’or et l’argent, il passe dans toutes les couleurs, mais non pas si commodément, que si tous étaient joints ensemble. Ils agissent l’un sur l’autre réciproquement et spirituellement, ils se changent, et se perfectionnent.
Après avoir suffisamment enseigné comment l’or et l’argent se peuvent extraire des métaux imparfaits, il faut aussi montrer de quelle façon on les peut séparer les uns des auprès, afin de les avoir chacun en particulier. Ce qui se fait en cette sorte : si la mixtion contient plus d’or que d’argent, elle est très commodément fondue par l’antimoine, elle est précipitée en régule avec le fer, elle est lavée et purifiée avec le nitre. Vous pourrez trouver cette opération dans les écrits précédents. Que personne ne soit fâché si le nitre dérobe et attire à soi quelque chose de l’or et de l’argent dans la séparation ou purification ; il ne faut pas croire que ce soit peine perdue ; mais il se faut ressouvenir des paroles de Paracelse. La perte, ou la corruption rend le bien parfait. Gardez bien les scories nitreuses, donc les régules ont été épurés, fixez-les, puis les réduisez par une forte fleur, et lors vous recevrez un enfant beaucoup plus beau qu’il n’était auparavant, et loin de perdre vous gagnerez beaucoup. Ce serait ici le lieu de parler d’un travail fort utile, mais c’est assez pour les sages, les stupides n’en profiteraient pas. Que si la mixtion contient plus d’argent, qu’elle soit premièrement jetée en grenaille, qu’elle soit précipitée avec ou sans l’antimoine seul, avec le plomb et avec les sels, séparant l’or de l’argent, en régules, puis qu’elle soit lavée avec du nitre ou avec du plomb, et qu’elle soit purifiée par un travail diligent. Si la précipitation se fait avec le plomb, il faut employer la tête morte, laquelle avance et perfectionne l’ouvrage évidemment.
Il faut bien observer, que si les régules sortent de couleur de cuivre ou pâles des métaux mûris ou fixés, il n’est point besoin du bain, abstreiben, il suffit qu’étant en grenaille ils soient précipités avec les sels, et la tête morte. Alors tout l’or et tout l’argent, sortiront en régules particuliers, le cuivre et le plomb s’en vont en scories, lesquelles il faut réduire dans des fourneaux aigus, sticheosen, et les appliquer à d’autres usages selon les préceptes de l’art.
Je crois qu’il serait inutile d’en dire davantage touchant l’extraction, le bain et la séparation des métaux, en ayant traité ça et là dans mes Livres.
Il ne serait pas hors de propos, de déclarer en quelle manière il faut fondre les métaux, afin qu’ils en demeurent meilleurs, et comment il faut aider avec des céments particuliers, les mines rudes, et qui ne sont pas fort fécondes, Car les mines abondent en soufre qui ruine, par lequel le métal s’en va en scories dans la fonte, et ne donne pas assez de profit pour compenser les frais qui sont nécessaires. Ce soufre, principalement dans les mines de cuivre et de plomb, peut être renversé et changé par un cément particulier, ou par un feu de degré, tellement qu’après dans la fonte, non seulement il ne consumera pas le métal, et ne le changera pas en scories ; mais encore l’exaltera, afin que dans la séparation il rende l’or, ce qui n’arriverait pas dans cette cuisson. Personne ne recherche curieusement comment il faut aider au métal devant ou même dans la fonte, un feu grossier ne le peut pas purifier, c’est pourquoi le plus souvent la meilleure partie demeure inutile dans les scories. Un Chimiste expérimenté peut utilement tirer, tant dans la fonte, qu’avec des menstrues propres, tirer l’or et l’argent que les scories avaient absorbé. Laquelle opération j’ai indiqué lorsque j’ai parlé de l’extraction des cailloux, et j’en discourerai plus amplement, lorsque je traiterai du bonheur, et des trésors cachez d’Allemagne, ce que le lecteur doit attendre patiemment.
Les Métallistes auraient un autre avantage, s’ils connaissent la manière de séparer l’argent, et d’en ôter l’or par la précipitation, afin qu’il ne soit pas indignement consumé avec l’argent par les artisans. J’espère qu’un jour il y en aura qui mettront sous l’enclume les scories qu’ils avaient rejetées, pour en extraire l’or et l’argent. Dieu a tout fait pour le mieux, et ce n’est pas sans raison, qu’il nous a si longtemps scellé ces connaissances. Et d’autant que depuis plusieurs siècles des hommes pieux ont prédit qu’avant la fin du monde tous les mystères seront découverts, ce temps s’approchant, il n’est pas de merveille que Dieu et la Nature aient commencé leurs révélations, vu que tous les arts et toutes les sciences s’accroissent tellement de jour en jour, que si nos devanciers voyaient nos opérations, ils estimeraient les leurs des jeux d’enfant. Si le monde dure encore longtemps, les métaux seront beaucoup plus utilement et promptement fondus, lavés et séparés, à quoi je tâcherai de contribuer par mes soins et par mes conseils que je suis prêt à donner à ceux qui me les demanderont. Mais comme on paie ordinairement d’ingratitude les offres de service, cela me pourrait bien arriver, car il y a des gens orgueilleux qui ne veulent pas apprendre, de honte qu’ils ont de faire voir leur ignorance. De même que si la disette était extrême en un pays, et qu’il y eut une grande abondance en un autre, qui serait séparée par une vaste solitude, dont le chemin serait difficile à trouver. Si quelqu’un en ayant une parfaite connaissance s’offrait pour de servir de guide pour quelque petite portion de blé, ne serait-ce pas vue grande stupidité de le refuser, et d’aimer mieux chercher le chemin soi-même avec beaucoup de peine et risque de la vie ? qui aurait compassion d’un homme qui se serait attiré ce malheur qu’il pouvait éviter à peu de frais ? ainsi ceux-là sont indignes de pitié, lesquels font tant de dépense pour des choses incertaines, emploient tant de temps et tant de soins pour acquérir des connaissances qui sont au-dessus de leur capacité, méprisant les maîtres, et croyant qu’il y a de la honte d’être enseigné. Sans mentir ils doivent être comparés à ce Villageois, lequel voulant prendre un Ecureuil, disait qu’il avait les jambes longues, et voulant sauter d’arbre en arbre comme cet animal, il tomba, et se rompit les jambes qui n’étaient propres à cela. Pareillement il y en a qui disent, qu’est-ce qui m’empêchera de trouver cette manière de séparer, pourquoi mendierais-je le secours des autres ? La nature et la fortune me seront aussi favorables. Ces gens-là ne pèsent pas les paroles de saint Paul : ce n’est de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu seul qui fait miséricorde. Les Philosophes Païens ont connu cette vérité quand ils ont dit, qu’il n’arrive pas a tout homme d’entrer dans Corinthe. En quoi ils nous enseignent que pour parvenir aux choses élevées, le soin et la recherche sont quelquefois inutiles. Dieu seul sait les succès heureux qui arrivent aux hommes, lesquels sont aussi différents entre eux que les brutes. Tous les animaux peuvent marcher, et nager, mais l’un court et nage mieux que l’autre. On voit le même dans les enfants, lesquels quoi qu’ils aient une même éducation, sont néanmoins fort différents en doctrine, parce que leur génie est diffèrent. Tous les dons, dit l’Apôtre, descendent d’en haut. Les Philosophes rapportent cela aux influences des astres. Le S. Esprit est le véritable Docteur qui a accoutumé de nous révéler les secrets si nous l’en prions comme il faut. D’où est-ce que Paracelse avait puisé ces grandes lumières qu’il avait dans la Philosophie, dans l’Alchimie, et dans la Médecine ? Sans doute c’était du Père des lumières et des vérités, lequel tous les jours nous fait voir sa toute puissance par de semblables largesses. Ceux-là sont donc privés de raison qui disent qu’il ne se peut rien ajouter à la perfection que nous avons, comme si Dieu avait les mains fermées pour favoriser le sentiment de ces étourdis. Si nous connaissions bien Dieu, la nature ne nous serait pas inconnue. Mais pour ce que l’homme par une infirmité naturelle aime les ténèbres, il ne faut s’étonner s’il ne marche qu’à tâtons, et s’il s’égare du bon chemin. Il y a beaucoup de secrets qui seront un jour révélé. Et il ne faut pas croire que Dieu souffre plus longtemps l’abomination qui est dans le monde. Le jour est passé, et la nuit s’approche, laquelle doit commencer le châtiment des impies. Heureux ceux-là qui se font des amis de l’injuste richesse, et qui suivent la volonté de Dieu en découvrant les merveilles de la nature, à sa gloire. Malheur à ceux qui font leur Dieu des richesses, et qui tâchent de supprimer la gloire de Dieu et les merveilles de la nature, ici je finis cet Appendix de l’œuvre Minérale que j’ai mise au jour pour le bien du prochain et pour la gloire de Dieu.
FIN.